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CLES DE REPARTITION DE LA COMPETENCE JURIDICTIONNELLE

SOUS-TITRE 2 : ANALYSE DE LA JURISPRUDENCE

SECTION 1 CLES DE REPARTITION DE LA COMPETENCE JURIDICTIONNELLE

152. Une répartition apparemment simple. ---

En cas de relation privée contractuelle ou délictuelle ou faute personnelle détachable du service, la compétence doit être attribuée à la juridiction civile pour statuer sur la question d’indemnisation dans le cadre d’une action civile séparée. En cas de faute pénale du professionnel de santé, dans l’établissement public ou privé, la compétence revient au juge pénal pour réprimer pénalement avec ou sans indemnisation. En somme, le juge judicaire est compétent en matière médicale en cas de faute dans un établissement privé de santé, en cas de faute personnelle de l'agent public, en cas voie de fait dans une intervention matérielle, une illégalité manifeste et une atteinte à liberté publique.

153. Complexification de la compétence. ---

Comme tel, la répartition de la compétence juridictionnelle ne devrait pas poser de problème. Mais la démarche n’est pas évidente face à la dichotomie entre secteurs public et privé de santé et la relation triangulaire entre l’Administration sanitaire, le professionnel de santé et le patient qui vient complexifier la mise en œuvre et la recherche de la responsabilité juridique en matière de dommages résultant d’une activité médicale362.

A ce titre, la frontière entre droit public/droit privé se trouve dupliquée dans l'organisation des soins dans le système de santé malagasy. L’offre des soins y est partagée entre le secteur privé et le secteur public relevant respectivement de la juridiction judiciaire et administrative. «Cette séparation engendre deux situations différentes pour le patient363 » et «entraîne une conséquence

362M. HARICHAUX, La responsabilité médicale et les établissements de santé privée, Litec, 11, 2000, p.2.

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logique des régimes applicables à l'indemnisation des malades victimes 364». Le patient et le professionnel de santé peuvent être soumis à deux situations juridiques différentes à l'égard de l'Administration sanitaire.

Avant d’appréhender la logique du juge dans la détermination de la compétence (§1), il convient de cerner le contour de la relation triangulaire qui existe entre l’Administration sanitaire, le professionnel de santé et la patient (§2).

§1. La relation triangulaire dans les activités médicales

Le triangle de relation dans les activités médicales est formé par les rapports praticien/Hôpital (I), patient/Hôpital (II) et praticien/patient (III).

I. Le rapport du praticien avec l’hôpital public

154. Dans une situation légale et règlementaire de droit public. ---

« Les médecins hospitaliers sont placés dans une situation légale et réglementaire de droit public. Ils participent directement à l’exécution d’un service public (…), leur situation juridique est incontestablement celle d’agents publics, même s’ils n’exercent pas la médecine hospitalière qu’à temps partiel. La collaboration au service public domine leur situation juridique 365». A l’égard de l’hôpital public, le médecin en tant qu’agent public, ne conclut pas de contrat mais se trouve dans une situation réglementaire qui lui confère un privilège de juridiction.

155. Protection de l’agent public. ---

Selon l’article 7 de la Loi n°2003-011 du 3 septembre 2003 Portant Statut Général des Fonctionnaires, « lorsqu’un fonctionnaire est poursuivi par un tiers pour faute de service ; et que le conflit d’attribution n’a pas été élevé, l’Administration dont il relève doit le couvrir des

364 G. MEMETEAU, Traité de la responsabilité médicale, op. cit., p.34.

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condamnations civiles prononcées contre lui, dans la mesure où une faute personnelle détachable du service ne lui est pas imputable ». Selon l’Art. 8 de la loi n°94-025 du 17 NOVEMBRE novembre 1994 relative au statut général des agents non encadrés de l’Etat366, « lorsque l'agent non encadré de l'Etat est poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, l'Etat et les collectivités décentralisées doivent, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à cet agent, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui ». Par contre, « l'existence d'infractions spécifiques aux agents publics ne doit pas faire perdre de vue que ceux-ci sont, à titre principal, soumis aux règles du droit commun pénal général et spécial. Ceci résulte de la formulation très générale des infractions 367».

156. Responsabilité de l’hôpital à l’égard de son agent. ---

Dans le cas contraire, le fonctionnaire responsable est poursuivi devant les juridictions compétentes. La responsabilité de l'hôpital peut être engagée pour des agissements ou faute de service de son agent. La relation statutaire a des conséquences sur les liens qui existent entre l’Administration sanitaire, le médecin et le patient. Ainsi, l’Administration est responsable de ses agents ayant commis une faute réalisée dans le cadre du service public démission d’intérêt général. Elle se trouve entre les deux interfaces: la victime et ses agents en dépit de l’existence d’indépendance technique du médecin.

II. Le rapport du patient avec l’hôpital public

157. Lorsqu'un patient reçoit des soins d’un hôpital public, il se trouve également dans une situation statutaire. « il ne se trouve pas lié avec celui-ci par un contrat analogue au contrat médical et (...) est placé dans une situation particulière d'usager du service public qui ne laisse

366 JO n°2337 du 04.12.95 vm p.3657 et vf p. 3667, selon l’Article premier - L'agent non encadré de l'Etat est vis-à-vis de l'Administration dans une situation professionnelle de nature contractuelle.

367E. BREEN, Responsabilité pénale des agents publics : l'exemple de l'affaire du sang contaminé, AJDA1995 p.781.

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pas de part à l'échange des volontés368 . Mais en contrepartie des sujétions inhérentes à cet état, l'usager est en droit d'exiger un fonctionnement correct du service public hospitalier, et que ce droit justifie le droit pour tout usager d'engager la responsabilité du service public au cas où il ne bénéficierait pas des prestations qui lui sont dues 369.

III. Le rapport du praticien avec le patient

158. Enfin, la relation entre le praticien et son patient n’est plus une relation régie par le droit civil

entre particuliers. Ce type de rapport n’est pas régi par le droit administratif ou droit public dont la vocation est de régir les rapports entre agents de l’administration et usagers du service public370.Dans tous les cas, en principe, le juge administratif est compétent pour statuer sur la responsabilité administrative de l'hôpital public.

§2. Modalités d’examen du juge

Suivant un ordre d’examen particulier (I), le juge va définir la clé de répartition à partir de la distinction faute de service et faute personnelle de l’agent public (II).

I. L’ordre d’examen des juges

159. Le premier palier de l'ordre d'examen d'une requête par le juge commence, bien sûr, par la détermination de la compétence juridictionnelle à soulever d'office pour déterminer le régime applicable à la réparation de la victime. La première approche consiste à déterminer si le fait relève de l'action de l'administration ou des actes de l'agent. La deuxième approche porte sur la définition des critères distinguant une faute de service et une faute personnelle de l'agent. La troisième et dernière approche consiste à différencier la faute personnelle détachable du service et la faute personnelle non dépourvu de tout lien avec le service. Le juge peut se retrouver alors

368 G. MEMETEAU, Traité de la responsabilité médicale, op. cit., p.33.

369 J.-M. LEMOYNE DE FORGES, L'hospitalisé, Berger-levrault, 1975, 1ère édition, p.52 et 53? Cons. Etat 11 janvier 1991, (Dalloz 1991, soù. 147, obs), dans G. MEMETEAU, Traité de la responsabilité médicale, op. cit., p.33.

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devant quatre types de faute: la faute du service, la faute de service, la faute personnelle détachable dépourvu de tout lien avec le service et enfin la faute personnelle non dépourvu de tout lien avec celui-ci.

Ainsi, si le dommage a été causé par le dysfonctionnement du service public ou faute du service, il est plus que logique que la compétence revient au juge administratif. La tâche est plus ardue lorsque celui-ci a été provoqué par le fait de l’agent public.

II. La distinction entre faute de service et faute personnelle de l’agent public

Des critères de distinction entre faute de service et faute personnelle (A) ont été établi mais la distinction peut être aussi dépassée (B).

A. Critères de distinction

160. La faute de service. ---

La faute de service est souvent assimilé à un mauvais fonctionnement du service public hospitalier telle que la défaillance qui est liée au fonctionnement administratif de l’établissement de soins. La faute de service371est un acte dommageable commis par un agent public à l’occasion de l’exécution du service, non dépourvu de lien avec le service372. La responsabilité de l'administration sanitaire peut être engagée à l'issu de ces deux fautes. Les litiges relèvent de ceux dont il appartient aux juridictions administratives d'examiner. En général, la commission d’une faute personnelle engage la responsabilité de l’agent et la faute de service celle de l’administration. Toutefois, il est parfois malaisé de retenir avec certitude l'une ou l'autre des qualifications373.

371 Il existe un large panel de fautes de service. Elles peuvent résulter des activités de soins hospitaliers, du défaut d’information ou de surveillance ou de diligence tel que la présentation d’un malade à un médecin, du fonctionnement défectueux des appareils, lacunes dans l’exercice des services médicaux, des chutes d’une table d’examen due à l’absence d’aide. On la distingue classiquement des fautes médicales commises par les médecins hospitaliers. Dictionnaire de droit de la santé et de la biomédecine, op. cit., §68.

372Acte dommageable commis par un agent public à l’occasion de l’exécution du service, non dépourvu de lien avec le service dont la réparation incombe à l’administration. CORNU, op. cit., p.404.

373C. VALLAR, Responsabilité médicale et primauté de la faute de service Note sous Conseil d'Etat, 3 novembre 2003, requête n° 224300, RDSS 2004 p.905.

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161. La faute personnelle détachable du service. ---

La faute personnelle de l'agent public devient ainsi la clé de répartition de la compétence entre les deux ordres de juridictions. Il peut y avoir faute personnelle lorsque la faute est sans aucun rapport avec le service c’est-à-dire en dehors du service, en cas de faute d'une particulière gravité. Devant l’Ancienne Chambre administrative malagasy, une faute pénale telle que « le crime de meurtre (…) relève exclusivement d’une faute personnelle entièrement détachable du service 374».

Par contre, dans la jurisprudence française, une infraction pénale ne constitue pas nécessairement de faute personnelle375, de même qu'une voie de fait376. « La responsabilité personnelle des agents publics ne peut être engagée soit envers l'administration, soit envers les administrés que si une faute personnelle peut leur être imputée377 ». La faute est qualifiée de détachable du service lorsque l'acte a été commis par un agent public en dehors de son service, « se détachant matériellement de la fonction » comme tout agissement qui concerne la vie privée de son auteur et ne se rattache378 ». Laferrière en ses conclusions sur l'affaire Laumonnier-Carriol a posé un critère de distinction. « Si l'acte dommageable est impersonnel, s'il révèle un administrateur, un mandataire de l'Etat, plus ou moins sujet à erreur, et non l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences, l'acte reste administratif et ne peut être déféré aux tribunaux. Si, au contraire, la personnalité de l'agent se révèle par des fautes de droit commun, par une voie de fait, une imprudence, alors la faute est imputable au fonctionnaire. L’acte, dans ce cas, perd son caractère administratif et ne fait plus obstacle à la compétence judiciaire ».

374 RJCA, arrêt n°20 du 07 janvier 1978, dossier 37/77 ADM, p.27.

375Trib. conflits 14 janvier 1935, Thépaz: Rec. Cons. d'Etat, p.224.

376Trib. conflits 8 avril 1935, Action française: Rec. cons. d'Etat, p. 1226, concl. Josse.

377 C. LECLERCQ, A. CHAMINADE, Droit administratif, 3è éd. coll. Concours des fonctions publiques CFP, litec, 1992.

378 J. MOREAU, H. MUSCAT, Responsabilité des agents et responsabilité de l'administration, J.-C.L.Adm. Fasc. 806, 2008.

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162. La faute non dépourvue de tout lien avec le service. ---

La séparation est plus difficile lorsque la faute de l'agent n'est pas totalement dépourvue de tout lien avec le service. « Il s’agit là d’un comportement tellement grave que, bien que non dépourvu de tout lien avec le service dans le cadre duquel la faute est commise, cela entraînera, si l’on nous permet l’expression, une excommunication juridique du médecin coupable. Ainsi, il sera renvoyé vers le juge judiciaire pour se voir, par lui, personnellement condamné à indemniser la victime379 ».

Il existe trois catégories de fautes détachables non dépourvus de tout lien avec le service380 : celles révélant, suivant la formule de Laferrière, « l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences », les « actes détachant psychologiquement de la fonction »qui manifestent une intention malveillante ou une violence ou une brutalité, dans la recherche d’un intérêt personnel (...) » et la « carence particulièrement lourde » assimilée à une « faute professionnelle caractérisée » tel un agissement d'une telle gravité qu'il révèle l'inaptitude de l'agent à exercer correctement sa mission.

Ainsi, l'hôpital est libéré de l'obligation de protection juridique à l'égard de son agent qui voit sa responsabilité engagée en cas de faute personnelle détachable du service dépourvu de tout lien avec le service et même dans les cas où ladite faute est non dépourvue de tout lien avec celui-ci. Sa responsabilité personnelle et pécuniaire peut se trouver engagée381. Dans ces cas, la compétence relève des juridictions judiciaires382.

379 G MEMETEAU, Le droit médical, Les cours de droit, 1996, p.212 s.

380 G MEMETEAU, Le droit médical, op. cit., p.212.

381 La responsabilité du médecin hospitalier à l’origine des faits dommageables n’engage pas sa responsabilité personnelle sauf si ls faits dommageables trouvent leur origine dans une faute détachable, révélant un manquement volontaire et inexcusable à ses obligations d’ordre professionnel et déontologique. Cass. Crim. 14 mai 2008, pourvoi n°07-84696.

382Dans ce magma de confusion sur la compétence juridictionnelle malagasy, le Code de la Santé a entendu donner un schéma ou des faisceaux d’indices sur les modalités de distinction de la faute de service et faute personnelle d’un agent public. L’article 326 du Code de Santé , les responsabilités d’ordre personnel concernent tout le personnel sans distinction du Ministère chargé de la Santé, exception faite des supérieurs hiérarchiques énumérés à l’article 318, en cas de faute personnelle grave commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, entre autres pour détournement de fonds ou de deniers publics convaincu. Ou quand il y a faute intentionnelle caractérisée ou faute de service d’ordre technique à l’instar de la détérioration ou de la perte de matériels en service, de consommables ou de produits médicaux. Et surtout lorsqu’il est prouvé que la faute commise est une faute détachable du service.

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B. Le dépassement de la distinction

163. La frontière entre les juridictions peut s'effacer dans deux situations. « Le juge définit l’existence d’un cumul de faute justifiant un cumul possible de compétences lorsqu’il y a possibilité de retenir un cumul de responsabilité. Il peut parfois être envisagé un cumul de fautes : d’une part, la faute personnelle du médecin et, d’autre part, la faute de service383 ».«Le statut d'hospitalisé ne se réduit pas à la distinction de l'usager du service public d'un côté, du cocontractant de l'établissement privé de l’autre côté. Il possède une unité qui surmonte cette « conception dualiste assez simple384 ». Même si, ces dernières années, la dualité de juridiction en matière de couverture du risque médical a eu bien plus d’avantages que d’inconvénients385. Pour l’Ancienne Chambre administrative malagasy, « la responsabilité solidaire de l’Administration, du fait de son agent, ne peut être engagée que par les effets conjugués de la faute du service public et de celle de l’agent qui permettent à la victime d’être indemnisée de la totalité du préjudice soit par l’Administration devant le Juridiction Administrative, soit par l’agent devant les tribunaux judiciaires 386». Ainsi, il devrait « être établi que le fait générateur du préjudice ait un lien avec l’organisation, l’emploi ou l’exécution du service 387».

SECTION 2 : AGGLOMERATION DE LA COMPETENCE