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COHERENCE ET DYNAMIQUE INTERNE DES SYSTEMES DE RESPONSABILITE SYSTEMES DE RESPONSABILITE

26. Privilège juridique de fait. ---

Le Guérisseur est considéré depuis toujours comme un homme de confiance de la société malagasy. Il jouit encore à l’heure actuelle d’un privilège juridique de fait, dans le cadre de ses activités, du fait de la nature ésotérique et mystique de sa fonction. De plus, une éventuelle faiblesse du niveau d’éducation du patient ne lui permet guère d’atteindre le minimum de niveau de connaissance pour appréhender la relation médicale. A l’heure actuelle, dans la société malagasy, ce phénomène provoque une entorse à la mise en jeu de la responsabilité du soignant. On assiste à un taux d’alphabétisation très bas. Le niveau de transparence est faible. La sous-information, source de sous–développement, bat son plein sur les questions sanitaires. Plus précisément, le patient ne jouit pas pleinement de ses droits en matière de santé. La transparence sur la gouvernance sanitaire est quasi-inexistante. Le phénomène est plus marqué dans les zones rurales par rapport aux zones urbaines. Il existe une fracture sanitaire, dans toutes ses dimensions entre les deux. Mais au fil du temps, la situation s’est inversée, certes timidement et partiellement, mais progressivement.

27. Soumission au droit commun. ---

La conscience collective dans les autres sociétés véhicule une nécessité de mise en jeu de la responsabilité des praticiens et établissements de santé, dans le cadre des activités sanitaires. « Ignorant, mais consommateur, face au savant, lequel utilise massivement la machine, le patient n'entend plus supporter le risque médical, il envisage de contester le scientifique, le technicien de

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santé et... la machine187 » et ce pour plusieurs raisons. La machine de soins est désormais caractérisée comme étant une source de risques 188 pouvant occasionner des dommages corporels au patient. La valeur attribuée à l'intégrité corporelle, reconnue comme un droit fondamental de l'individu, a contribué à faire basculer la tendance. Dans la logique actuelle, tout fait dommageable de nature à porter à ce droit irréductible est susceptible d’être sanctionné devant le juge. Actuellement, « que le médecin puisse être, éventuellement, obligé à réparer le dommage causé à son patient, personne ne le contestera – et ne l’a jamais contesté – sérieusement189 ». On attend du médecin une vigilance et une perfection surhumaines190. Désormais, « nul ne contestera la soumission du médecin au droit commun. Bien entendu, il n'est point question d'édicter en sa faveur un privilège juridique que bon nombre d’autres professionnels réclameraient l'équivalent pour leur propre corps191 ». A l’instar de tout individu, le médecin est garant de son fait192. Les conséquences doivent être appréciées et traitées à travers les différents systèmes de responsabilité à l’intérieur du système juridique.

28. Engagement de la responsabilité. ---

Les responsabilités médicales ou incidents juridiques de la relation entre le médecin et le patient est synonyme d’échec de la relation thérapeutique193 . Il se traduit par une atteinte à l’intégrité corporelle justifiant une action en justice tendant à sanctionner pécuniairement, pénalement ou disciplinairement le responsable. Logiquement, les conséquences dommageables résultant de ces activités et décisions sont amenés à être traitées juridiquement au niveau des organes habilités à trancher les litiges y afférents. En effet, tout manquement à une règle de conduite entraîne des conséquences, une sanction qui peut être de nature répressive ou réparatrice si les agissements ont causé des dommages portant le plus souvent atteinte à l’intégrité physique en matière de santé. Il

187 F. VIALLA, Droits des malades, Revue générale de droit médical, numéro spécial, 2004, p.165.

188J. PENNEAU, La responsabilité médicale, op. cit.,p 306.

189J. PENNEAU, La responsabilité médicale, op ; cit.,p 17.

190 G. LEVASSEUR, La responsabilité pénale du médecin, dans M. Eck, Le Médecin face aux risques et à la responsabilité, Paris, Fayard, 1968, p.154.

191 G.MEMETEAU, Traité de la responsabilité médicale, Les Etudes Hospitalières, p.177.

192 Bertrand de Greuille dans son rapport au Tribunat, cité par G. VINEY dans Introduction à la responsabilité, Traité de droit civil, 3éd. JGDJ, 2006, p.21.

193Y.-H. LELEU, G. GENICOT, Le droit médical, Aspects juridiques de la relation médecin- patient, De Boeck Université, 2001, p.97.

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en découle que la violation de règles de comportement est de nature à engager la responsabilité médicale et hospitalière des auteurs dont le professionnel et l’établissement de santé.

29. La protection à travers les mécanismes de responsabilité. ---

Si la gestion du risque sanitaire peut se faire en amont à travers les stratégies juridiques et sanitaires à travers la notion de vigilance, le traitement en aval est tout aussi important. En effet, après leur réalisation, les risques sanitaires et les dommages qui en découlent peuvent être traités à travers les mécanismes de responsabilité.

D’ailleurs, «la responsabilité est le plus parfait régulateur des actions humaines194». Elle constitue un mécanisme préventif ou punitif de contrôle et de qualité des soins195 à travers une relation triangulaire de trois éléments.

« La trilogie nécessaire pour reconnaître la responsabilité d’un médecin doit réunir la faute au dommage par un lien de causalité196 ». La protection de la santé dans le cadre des activités médicales se trouve entre les mains de ce noyau « dur » ou non selon la mobilité ou la flexibilité conférée par les organes juridictionnels habilités à les manipuler.

Pour cela, certains auteurs affirment que « le dommage et la causalité sont les constantes de la responsabilité et qu’un élément variable est plus malaisé à saisir (...). On peut l’appeler génériquement le fait dommageable et c'est par lui que les différents régimes de responsabilité civile se séparent les uns des autres197 ».

En somme, la protection de l'intégrité physique dépendra de l'efficacité de leur combinaison, de la valeur attribuée à chacun d'eux, de la difficulté ou non de les saisir, de la relation qu'ils entretiennent, de la configuration qui leur est donnée et de leur résultante. L’objectif est de les adapter à une « réalité plurielle et évolutive198 ».

194Selon Jean-Etienne LABBE, cité par F. EWALD, Le retour du malin génie, in O. GODARD, Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, sous la direction de O. Godard, éd. Maison des sciences de l’homme, Paris, INRA, p.102.

195M. BARATAS, Principe de précaution, innovation médicale et responsabilité: critique économique de l'évolution du droit de la responsabilité médicale, p.9.

196 PALEY-VINCENT, Responsabilité du médecin, mode d’emploi, MMI, MASSON, 2002, p.95.

197 J. CARBONNIER, Droit civil, Les biens Les obligations, puf, 1956., p.2259, §1116.

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Lesdits éléments de responsabilité se voient attribués une importance particulière, en agissant comme étant le « pivot » entre deux interfaces. Le droit requiert une cohérence et une stabilité face à un environnement contraignant. Il éprouve une certaine difficulté à se frayer un chemin dans la pratique de la médecine, encore épargnée avec une faible judiciarisation même s’il existe une émergence d’un risque juridique.

30. Les canaux de responsabilité. ---

Pour mettre en œuvre la responsabilité des auteurs en la matière, quatre procédures sont disponibles. La victime dispose de trois types de recours pour obtenir une réparation. Il s’agit du recours de pleine juridiction devant le juge administratif et de l’engagement soit d’une action civile ou d’une action publique devant le juge judiciaire. Soulignons que, devant le juge judiciaire, l'action publique199a une fin répressive tandis que l’action civile200a une visée réparatrice.

Le système juridique met à disposition des victimes et des responsables concernés plusieurs voies de traitement des manquements et des dommages corporels occasionnés par les activités sanitaires201.L’intégrité corporelle fait partie des intérêts de la personne que le droit de la responsabilité civile se charge de protéger et qui constitue sa principale vocation. Par contre, les intérêts collectifs sont défendus à travers la responsabilité pénale et la responsabilité administrative. La protection de l’intégrité corporelle a deux facettes. Son atteinte conduit à la punition du fautif et à l’indemnisation de la victime. Les deux canaux de responsabilité susceptibles d’être joués en la matière sont la responsabilité répressive et la responsabilité réparatrice.

199 Selon l'article premier du Code de procédure pénale (CPP), L'action publique pour l'application des peines est mise en mouvement et exercée par les magistrats ou par les fonctionnaires auxquels elle est confiée par la loi. Cette action peut aussi être mise en mouvement par la partie lésée dans les conditions déterminées par le présent Code."

200 Selon l'article 6 du CPP, "L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction.

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31. Damier de responsabilités. ---

Les contours de la responsabilité médicale des professionnels et des établissements privés de santé à Madagascar sont encore à délimiter, à préciser et à confirmer. A l’heure actuelle, la responsabilité médicale est implantée naturellement dans le cadre du droit commun de la responsabilité.

D’une part, la prise en charge juridique des faits en question se trouve partagée entre quatre juges selon une clé de répartition propre. Au même titre que les autres contentieux, celui de la santé est défini par « un simple découpage artificiel des compétences202 juridictionnelles entre le juge administratif et le juge judiciaire, puis para-juridictionnelle devant le juge disciplinaire qui dispose chacune de mécanisme de résolution des litiges.

D’autre part, il est à rappeler que les risques sanitaires, dans le cadre des soins, sont susceptibles d’être provoqués par les activités médicales d’un côté, puis par les décisions et agissements de l’administration sanitaire publique ou privée de l’autre côté. En effet, le manquement répréhensible en matière d'activités de santé est partagé entre plusieurs acteurs de santé: l'administration sanitaire, l'hôpital public, l'hôpital privé, le médecin, le Tradipraticien203 et le sorcier. Ces acteurs de santé sont tous susceptibles de provoquer un dommage de santé portant atteinte à l'intégrité corporelle. Cela a pour effet de créer des "clusters" de régimes de responsabilité évoluant à plusieurs vitesses.

Ainsi, l’échiquier de responsabilité se trouve est formé de plusieurs pions de nature à disperser le régime de responsabilité en matière de santé.

Pour ce faire, il est important d’effectuer au préalable une revue du traitement de la responsabilité du praticien et des établissements de santé par le Législateur et l’Administration (Titre 1) pour aboutir à celui du juge afin de déterminer leur cohérence et dynamique commune et individuelle (Titre 2).

202J.-C. DUCHON-DORIS, La dualité de juridictions et le risque médical, dans J.-F. ABEILLE(dir), Le risque médical, op. cit., P 67.

203 Selon l’alinéa 2 de l’article 96 du Code de Santé, le Tradipraticien peut être une accoucheuse traditionnelle, un ou une Tradithérapeute, un ou une Herboriste, un ou une Médico-droguiste.

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