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Etre en sécurité à l'école et être tenu à l'écart de l'oppression et de l'humiliation intentionnelle répétée qu'implique le harcèlement entre élèves est un droit démocratique fondamental pour chaque enfant, selon Olweus (1995).

Dans plusieurs pays, notamment en Autriche et en Allemagne, les enseignants ont l'obligation légale d'assurer la sécurité et le bien-être de leurs élèves (Burger et al., 2015).

Mais, selon Bauman, Rigby et Hoppa (2008), de nombreuses études suggèrent que les enseignants ne sont généralement pas très ecaces quand ils doivent faire face à des cas de harcèlement entre élèves. Par exemple, des enfants de trois écoles ont été interrogés sur ce qu'ils pensent que les enseignants font quand ils voient du harcèlement scolaire (Slee, 1993). Entre 11% et 29% des enfants indiquent que les enseignants ne font pratiquement jamais ou jamais rien pour le stopper. Les propos de Bauman et Hurley (2005) vont dans le même sens : ils écrivent que, de manière générale, les élèves qui sont intimidés trouvent que le personnel scolaire ne répond pas au harcèlement de manière adéquate. Des études sur l'ecacité de l'intervention des enseignants montrent que les élèves qui ont demandé de l'aide aux enseignants, pour leur harcèlement, rapportent seulement un niveau modéré de succès dans la réduction de l'intimidation, même si un niveau plus élevé d'ecacité est revendiqué par les enseignants (Rigby, 2014). De plus, du point de vue des élèves, les enseignants de l'école primaire semblent largement inconscients de l'ampleur du harcèle-ment dans leurs écoles (Houndoumadi & Pateraki, 2001). Atlas et Pepler (1998) arharcèle-ment également que les enseignants ne sont généralement pas au courant de l'intimidation. Les résultats d'une enquête menée dans le canton de Genève suggèrent que la conscience des adultes des situations de harcèlement dépend de sa forme physique, psychologique et cyber (Gros, 2013). Ils s'en rendent compte approximativement dans 20% à 30% des cas.

Ainsi, d'une part, il semble que les enseignants ne remarquent pas toujours le harcèlement et, d'autre part, qu'ils n'y répondent pas toujours de la meilleure manière du point de vue des élèves.

Selon Debarbieux (2011), seules les victimations importantes sont observées et rap-portées par les adultes, qui ne perçoivent pas ou ne prennent pas au sérieux celles de plus faible intensité. De plus, les enseignants ne sont pas toujours informés du harcèlement des élèves (Houndoumadi & Pateraki, 2001). Pourtant, ils sont un des groupes qui a le plus d'inuence dans les écoles (Lee, 2006). Ils sont à l'"épicentre" dans la gestion du harcèlement scolaire : ce sont souvent eux qui doivent gérer les incidents éventuels et les conséquences qu'ils peuvent avoir (Lee, 2006). Néanmoins, il semble qu'il y ait des dif-férences, notamment de genre, entre les enseignants. En eet, certains auteurs mettent en évidence que les enseignants de sexe masculin seraient plus susceptibles d'ignorer les incidents, alors que les enseignants de sexe féminin seraient plus enclines à attribuer de l'importance à intervenir dans des cas d'épisode de harcèlement (Burger et al., 2015).

Il ne faut pas négliger le fait que les enseignants peuvent exercer leur profession pen-dant plusieurs décennies et rencontrer des centaines, voire des milliers d'élèves (Ahtola, Haataja, Kärnä, Poskiparta & Salmivalli, 2012). Les enseignants sont, de plus, souvent au centre des programmes de prévention (ex. Olweus, 1995). Mais, selon Bauman et Hurley (2005), même si les enseignants reconnaissent l'existence du harcèlement entre élèves, ils présentent des attitudes et des croyances, au sujet de ce phénomène, qui peuvent être contre-productives pour les programmes de prévention et d'intervention.

Dans une étude menée aux Etats-Unis, Bauman et al. (2008) montrent que cer-taines variables inuencent l'utilisation des stratégies utilisées par les enseignants et les conseillers scolaires pour répondre aux situations de harcèlement (ex. le genre, la présence ou l'absence de programme anti-harcèlement), alors que d'autres n'ont aucun impact sur ces dernières (ex. l'âge, le nombre d'années d'expérience, le niveau scolaire).

Certains résultats suggèrent que les élèves attendent des enseignants qu'ils soient proactifs et les aident à résoudre les situations de harcèlement (Crothers, Kolbert & Bar-ker, 2006). Une intervention immédiate du personnel scolaire en cas d'épisodes de harcèle-ment entre élèves est une nécessité, puisque des résultats ont montré que l'augharcèle-mentation des expériences de victimation sur une période de trois ans est signicativement asso-ciée avec un dysfonctionnement de la santé mentale, des relations sociales pauvres et des expériences scolaires problématiques (Evans, Smokowski et al., 2014). De plus, lorsque les enseignants ne parviennent pas à agir de manière ecace ou lorsqu'ils expriment une attitude indiérente au sort des victimes, ils pourraient contribuer à augmenter l'accep-tabilité perçue de la situation, aectant du même coup la dynamique de victimation chez les élèves (Saarento et al., 2013).

De nombreuses études montrent une diérence de genre dans les comportements de harcèlement entre élèves (voir par exemple, Stassen Berger, 2007 ; Wolke et al., 2001), or, dans une recherche de Bauman et Hurley (2005), en se basant sur les indications des enseignants, aucune diérence de genre n'est signicative. Cela signie qu'ils ne les identient pas. Une explication donnée par Saarento et al. (2013) pour un autre résultat peut être reprise ici. Dans certains contextes, certaines formes d'agression sont perçues par les membres du groupe comme plus normatives chez les garçons et pourraient ne pas être vues comme des actes sérieux de harcèlement.

Bauman et Hurley (2005) concluent que la formation des enseignants et futurs ensei-gnants est essentielle, parce que, sans cela, au mieux beaucoup seraient susceptibles d'être inecaces et, au pire, soutiendraient sans le vouloir les situations de harcèlement. Pour ces auteurs, il est impératif de les informer et de les former aux meilleures pratiques.

Selon Burger et al. (2015), la compétence des enseignants à faire face aux situations de harcèlement est un facteur crucial pour réduire le harcèlement scolaire. Pour ces auteurs, connaitre les stratégies des enseignants, notamment lesquelles ils utilisent, si l'application de ces stratégies est inuencée par leur genre ou leur expérience professionnelle et comment

ils les combinent habituellement pour traiter le harcèlement, est essentiel pour améliorer leur formation en matière de prévention de l'intimidation.

3 Questions de recherche et hypothèses

Ce travail vise à explorer la manière dont les enseignants, ainsi que les futurs ensei-gnants actuellement en formation, se représentent la violence à l'école, en particulier le harcèlement entre élèves, s'ils le repèrent et comment ils y font face le cas échéant.

Il a également pour but d'observer les liens entre ces trois éléments la représentation de la violence scolaire et du harcèlement entre élèves, le repérage des situations d'inti-midation et la suite qu'ils y donnent et les variables sociodémographiques telles que l'âge et le genre, ainsi qu'avec d'autres variables propres aux enseignants et aux étudiants comme leur formation, le nombre d'années d'enseignement, leur adhésion aux stéréotypes de sexe, leur croyance en un monde juste, le fait qu'ils aient eux-mêmes été victimes de harcèlement durant leur scolarité.

De plus, il cherche à évaluer le niveau de correspondance entre la vision du harcèlement scolaire, telle qu'elle est donnée par les réponses des enseignants actuels et en formation, et celle qui est issue de la recherche scientique, par exemple au niveau de la dénition et de la prévalence.

Finalement, le but de ce travail est de mettre en évidence des pistes de prévention, voire d'intervention, qui seraient susceptibles de réduire les situations de harcèlement dans les écoles en explorant les variables qui pourraient être en lien avec la violence entre élèves : la taille des classes et des écoles, le contexte dans lequel se trouve l'école (REP, milieu urbain versus rural, quartier défavorisé), les lieux les plus touchés, etc.

3.1 Questions de recherche

Voici les questions de recherche, qui découlent de ces objectifs, sur lesquelles porte cette étude :

1. Quelles sont les variables qui inuencent le repérage des situations de harcèlement et la manière d'y répondre ?

2. Dans quelle mesure la vision du harcèlement entre élèves des enseignants et des étudiants correspond-elle à la littérature scientique sur le sujet ?

3. Quelles sont les variables à considérer pour la prévention du harcèlement entre élèves ?