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Harcèlement entre élèves dans l'enseignement obligatoire du Canton de Genève : recherche exploratoire auprès d'enseignants et d'étudiants en sciences de l'éducation

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

Harcèlement entre élèves dans l'enseignement obligatoire du Canton de Genève : recherche exploratoire auprès d'enseignants et

d'étudiants en sciences de l'éducation

GERBER, Yves

Abstract

Cette recherche explore les variables qui pourraient être liées au harcèlement entre élèves à l'aide de deux questionnaires de recherche - un s'adressant aux enseignants et un destiné aux étudiants - dans le but de mettre en évidence des pistes de prévention. Les résultats suggèrent que les cas de harcèlement sont rarement dé-couverts par les enseignants et que ceux-ci, de même que les étudiants dans une plus large mesure, manquent de formation sur la violence scolaire et le harcèlement entre élèves. Ils mettent également en avant la nécessité de renforcer et de réévaluer le dispositif de prévention existant dans les établissements scolaires genevois. De plus, ils soulignent l'importance des mesures qui touchent au climat scolaire, ainsi que celle de porter un intérêt particulier à la cour de récréation et aux écoles en REP. Finalement, ils soutiennent des interventions qui visent à modifier les pratiques des enseignants plutôt qu'à changer leurs représentations.

GERBER, Yves. Harcèlement entre élèves dans l'enseignement obligatoire du Canton de Genève : recherche exploratoire auprès d'enseignants et d'étudiants en sciences de l'éducation. Master : Univ. Genève, 2016

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88634

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Harcèlement entre élèves dans l'enseignement obligatoire du canton de Genève : recherche exploratoire auprès d'enseignants et d'étudiants en

Sciences de l'éducation

MÉMOIRE RÉALISÉ EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAÎTRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION – ÉDUCATION SPÉCIALE

PAR Yves Gerber

DIRECTEUR DU MEMOIRE

Fernando Carvajal Sánchez

JURY

Marie-Laure Canosa Samuel Charmillot

LIEU, MOIS ET ANNEE GENEVE, AOÛT 2016

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION SCIENCES DE L'EDUCATION

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Résumé

Cette recherche explore les variables qui pourraient être liées au harcèlement entre élèves à l'aide de deux questionnaires de recherche un s'adressant aux ensei- gnants et un destiné aux étudiants dans le but de mettre en évidence des pistes de prévention. Les résultats suggèrent que les cas de harcèlement sont rarement dé- couverts par les enseignants et que ceux-ci, de même que les étudiants dans une plus large mesure, manquent de formation sur la violence scolaire et le harcèlement entre élèves. Ils mettent également en avant la nécessité de renforcer et de réévaluer le dispositif de prévention existant dans les établissements scolaires genevois. De plus, ils soulignent l'importance des mesures qui touchent au climat scolaire, ainsi que celle de porter un intérêt particulier à la cour de récréation et aux écoles en REP.

Finalement, ils soutiennent des interventions qui visent à modier les pratiques des enseignants plutôt qu'à changer leurs représentations.

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Remerciements

La réalisation de ce mémoire n'aurait pas été possible sans le soutien et les conseils de plusieurs personnes. Je tiens à leur exprimer ici mes plus sincères remerciements.

M. Fernando Carvajal Sánchez, mon directeur de mémoire, pour ses remarques qui ont ouvert de nombreuses pistes de réexion et m'ont permis d'enrichir notablement ce travail, ainsi que pour sa grande disponibilité.

Mme Marie-Laure Canosa et M. Samuel Charmillot qui ont accepté de faire partie de la commission du mémoire.

M. Dominique Gros qui a fait preuve d'une innie patience pour m'expliquer les dé- marches à suivre auprès de la DGEO et sans qui je les aurais sans doute abandonnées.

Mme Marion Dutrévis qui a lu les toutes premières versions des questionnaires de recherche et m'a donné de nombreux conseils pour les améliorer.

Le Conseil Décanal qui a accepté de transmettre le lien de mon questionnaire de recherche aux étudiants.

La DGEO qui a accepté de mettre le lien de mon questionnaire de recherche sur une plateforme destinée aux enseignants.

Tous les enseignants et les étudiants qui ont pris le temps de participer à la recherche.

Les enseignants et les étudiants qui ont pré-testé les questionnaires et m'ont permis de les améliorer avant de les utiliser dans le cadre de la recherche.

Finalement, je tiens à adresser des remerciements particuliers à mes parents qui m'ont oert la possibilité de me consacrer entièrement à mes études et à la réalisation de ce travail de mémoire.

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Table des matières

1 Introduction 5

2 Cadre thérorique 7

2.1 Représentations sociales . . . 7

2.1.1 Croyance en un monde juste . . . 8

2.2 Contexte de la recherche sur le harcèlement entre élèves . . . 10

2.3 Dénition du harcèlement entre élèves . . . 10

2.3.1 Diérentes formes de harcèlement . . . 12

2.4 Prévalence du harcèlement entre élèves . . . 13

2.5 Conséquences du harcèlement entre élèves . . . 15

2.5.1 Conséquences du harcèlement pour les auteurs et les victimes . . . 15

2.6 Dynamique du harcèlement entre élèves . . . 18

2.6.1 Causes du harcèlement . . . 18

2.6.2 Intervention des pairs lors de situations de harcèlement . . . 23

2.6.3 En parler à un adulte . . . 24

2.7 Prévention et intervention lors des situations de harcèlement entre élèves . 24 2.8 Mot sur le cyberharcèlement . . . 26

2.9 Enseignants face au harcèlement entre élèves . . . 27

3 Questions de recherche et hypothèses 30 3.1 Questions de recherche . . . 30

3.2 Hypothèses . . . 30

4 Cadre méthodologique 32 4.1 Terrain et population . . . 32

4.1.1 Terrain . . . 32

4.1.2 Population . . . 32

4.2 Outils . . . 33

4.2.1 Questionnaire pour les enseignants . . . 33

4.2.2 Questionnaire pour les étudiants . . . 35

4.3 Variables . . . 36

4.4 Analyse des données . . . 38

5 Résultats 40 5.1 Exploration des variables qui inuencent le repérage des situations de har- cèlement et la manière d'y répondre . . . 40

5.1.1 Fréquence des violences entre élèves . . . 40

5.1.2 Manière de répondre aux violences entre élèves . . . 40

5.1.3 Résumé et mise en perspective . . . 41

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5.2 Comparaison entre la vision du harcèlement entre élèves des enseignants et

des étudiants et celle de la littérature scientique . . . 42

5.2.1 Dénition du harcèlement . . . 42

5.2.2 Prévalence du harcèlement . . . 42

5.2.3 Caractéristiques des agresseurs . . . 44

5.2.4 Caractéristiques des victimes et des auteurs de violences physiques et verbales . . . 45

5.2.5 Résumé et mise en perspective . . . 45

5.3 Exploration des variables à prendre en compte pour la prévention du har- cèlement et de la violence entre élèves . . . 46

5.3.1 Climat scolaire . . . 46

5.3.2 Taille des classes et des écoles . . . 47

5.3.3 Degré scolaire . . . 47

5.3.4 Situation des écoles : REP, quartiers défavorisés et milieu urbain vs rural . . . 48

5.3.5 Niveau général de la classe . . . 49

5.3.6 Lieux . . . 49

5.3.7 Formations et informations sur la violence scolaire . . . 50

5.3.8 Projets de prévention et plans d'action des établissements scolaires 50 5.3.9 Variables associées aux cas de harcèlement avérés entre élèves . . . 51

5.3.10 Cas de harcèlement entre élèves : signalement et ecacité des me- sures prises . . . 52

5.3.11 Résumé et mise en perspective . . . 53

5.4 Retour sur les hypothèses de départ . . . 54

6 Discussion 55 6.1 Interprétation des résultats . . . 55

6.1.1 Diérences de sexe dans les actes agressifs entre élèves . . . 55

6.1.2 Victimation dans les écoles en REP . . . 57

6.2 Principales limites . . . 60

6.2.1 Nombre de participants . . . 60

6.2.2 Validité et délité des mesures . . . 61

6.2.3 Analyses statistiques . . . 63

6.3 Conclusion . . . 64

7 Références 67

8 Annexes 81

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1 Introduction

Depuis quelques années, la thématique du harcèlement entre élèves prend de l'impor- tance en Suisse romande. En 2011, le Département de l'Instruction Publique (DIP) du canton de Genève lance un projet autour du harcèlement et du cyberharcèlement dans le cadre du programme de prévention "Jeunes et violence" (Jeunes et violence, 2011).

Dans cette perspective, une première enquête genevoise de victimation est conduite, en 2012, par le DIP auprès d'élèves de l'enseignement secondaire (Gros, 2013). La même an- née, l'Institut Universitaire Kurt Bösch (IUKB) et la Haute Ecole pédagogique du Valais (HEP-VS) s'associent avec le Département de l'Education, de la Culture et du Sport du canton du Valais et l'Observatoire international de la violence à l'école pour mesurer la prévalence du harcèlement entre pairs à l'école primaire (Piguet & Moody, 2013). Plus récemment, la conseillère d'Etat vaudoise, Anne-Catherine Lyon, a présenté un plan d'ac- tion visant à prévenir le harcèlement entre élèves, lors d'une conférence de presse qui a eu lieu le 20 novembre 2015 (Canton de Vaud, n.d. ; RTS Info, n.d.). La conseillère d'Etat genevoise, Anne Emery-Torracinta, lui emboîte le pas en annonçant lors d'une conférence de presse, le 8 février 2016, que Genève lance son plan d'action de prévention contre le (cyber)harcèlement qui devient une "priorité du DIP" (République et Canton de Genève, n.d.).

Il pourrait être intéressant de se demander pourquoi le harcèlement a mis si longtemps pour venir sur le devant de la scène en Suisse, alors qu'il fait l'objet d'études systématiques depuis les années 1970 dans les pays scandinaves (Smith & Morita, 1999). Dans notre pays, il faut attendre 1994 avant la première enquête nationale qui mesure explicitement la victimation à l'école (Alsaker & Brunner, 1999). Aujourd'hui encore, il y a peu de données sur cette thématique qui ont été récoltées en Suisse (Lucia, 2011), même s'il commence à y en avoir quelques-unes. L'augmentation de l'intérêt pour la problématique du harcèlement semble souvent être liée à des événements tragiques, tels que des suicides d'enfants ou d'adolescents, ainsi qu'à l'intérêt des médias (Smith & Morita, 1999).

Le harcèlement est souvent associé à une violence cachée aux yeux des adultes et au silence des victimes (Alsaker, 2015 ; Bellon & Gardette, 2010). C'est certainement pour cette raison qu'une des méthodes les plus utilisées pour mesurer ce phénomène est l'enquête de victimation où les élèves sont interrogés sur les actes agressifs dont ils sont auteurs et/ou victimes (Carra & Faggianelli, 2003). Mais, ce n'est pas la seule et plusieurs auteurs notent l'importance de multiplier les points de vue pour être au plus proche de la réalité (Saarento, Kärnä, Hodges & Salmivalli, 2013 ; Smith, 2014). Ce travail cherche à apporter un éclairage diérent sur le harcèlement entre élèves en se basant sur le point de vue d'enseignants, ainsi que d'étudiants qui se destinent à l'enseignement.

L'objectif principal de cette recherche est d'explorer les variables qui pourraient être liées au harcèlement dans le but de proposer d'éventuelles pistes de prévention. A cette n, des

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variables propres aux répondants, ainsi qu'aux écoles et aux quartiers dans lesquels elles se trouvent, sont mesurées.

Ce travail est partagé en trois parties principales. Une première partie, théorique, qui fait un survol de l'état actuel des connaissances sur le harcèlement entre élèves et aborde la question des représentations sociales avant d'inscrire les objectifs de cette recherche avec les questions et les hypothèses qui en découlent. Une seconde partie, empirique, qui décrit le terrain, la population, les outils utilisés, les variables et qui donne des explications sur les analyses statistiques eectuées. Par la suite, les résultats de l'étude sont présentés par question de recherche. Finalement, une troisième partie, de discussion, apporte des éléments d'explication à certains résultats de l'étude, puis met en évidence les principales limites avant une conclusion qui reprend les éléments les plus essentiels de ce travail.

Pour conclure, il est important de noter qu'il n'existe pas de mot qui a exactement le même sens que le terme bullying, lorsque ce dernier est traduit de l'anglais vers d'autres langues (Smorti, Menesini & Smith, 2003 ; Wolke, Woods, Stanford & Schulz, 2001). En français, les auteurs le traduisent parfois par "harcèlement scolaire", "intimidation" ou

"brimades", mais aucun de ces termes ne recouvre la totalité de ce qu'est le bullying (Lucia, 2011). Tout en gardant cela à l'esprit, ce sont les termes "harcèlement entre élèves", "harcèlement scolaire", "harcèlement" et "intimidation" qui seront principalement employés pour traiter de ce phénomène.

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2 Cadre thérorique

2.1 Représentations sociales

Les prémices de la théorie des représentations sociales sont attribuées à Durkheim qui introduit le concept de représentations collectives, en 1898, et le distingue des repré- sentations individuelles (Baggio, 2011 ; Moscovici, 2012 ; Moscovici, 2014). La notion de représentation collective a fortement marqué la science sociale en France, avant de qua- siment disparaitre pendant près d'un demi-siècle (Moscovici, 2012). Il faut attendre le début des années 1960 pour que l'étude des représentations connaisse un second soue avec la naissance du concept de représentation sociale, développé par Serge Moscovici dans un texte paru en 1961, La psychanalyse, son image et son public (Baggio, 2011).

Dans cet ouvrage, Moscovici (2014) dénit la représentation sociale comme "une moda- lité de connaissance particulière ayant pour fonction l'élaboration des comportements et la communication entre individus" (p.26) et comme "un corpus organisé de connaissances et une des activités psychiques grâce auxquelles les hommes rendent la réalité physique et sociale intelligible, s'insèrent dans un groupe ou un rapport quotidien d'échanges, li- bèrent les pouvoirs de leur imagination" (pp.27-28). Une dénition similaire est donnée par Jodelet (2012) qui dénit la représentation sociale comme "une forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social" (p.53).

Plusieurs auteurs mettent en évidence la diculté à dénir le concept de représentation sociale (Deschamps & Clémence, 2000). Pour Moscovici (2014), si la réalité des repré- sentations sociales est facile à saisir, ce n'est pas le cas du concept. Et pour Grize (2012), il est même "nécessaire d'éviter les questions de dénition" (p.184), parce que "l'étude de représentations est déjà susamment complexe pour qu'il soit sage de ne pas commencer par celle des représentations de représentations" (p.185). Dès lors, ce travail se restreint aux dénitions données ci-dessus tout en sachant que d'autres auteurs peuvent donner des dénitions diérentes, d'autant plus qu'il existe diérentes approches des représentations sociales (Baggio, 2011). Par conséquent, la suite du propos vise à souligner certaines caractéristiques de la théorie des représentations sociales dans le but d'apporter quelques éléments de compréhension de cette notion et mettre en évidence son intérêt dans le cadre du harcèlement entre élèves, sans aucune prétention d'exhaustivité. Tout d'abord, les représentations sociales renvoient à des connaissances de sens commun (Aebischer &

Oberlé, 2012 ; Plivard, 2012) et s'expriment dans la vie quotidienne. Ainsi, "elles circulent, se croisent et se cristallisent sans cesse à travers une parole, un geste, une rencontre, dans notre univers quotidien. La plupart des rapports sociaux noués, des objets produits ou consommés, des communications échangées en sont imprégnés" (Moscovici, 2014, p.39).

Ces représentations sont sociales, parce qu'elles sont partagées, mais elles le sont "avant

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universelle (Deschamps & Clémence, 2000). Ainsi, Aebischer et Oberlé (2012) notent : Ces recherches montrent que le sens ainsi construit, les interprétations qu'en donnent les uns et les autres, ne sont pas nécessairement consensuels. Les représentations so- ciales ne sont pas également partagées par tous les individus d'une société. Elles sont produites, partagées et portées par des sous-groupes qui socialisent leurs membres à partir d'enjeux et d'intérêts parfois conictuels. (p.170)

Dans le cadre de cette étude, l'aspect de la théorie des représentations sociales qui semble, a priori, le plus intéressant est leur potentiel pouvoir explicatif des diérences entre enseignants dans le repérage et l'intervention en cas de harcèlement entre élèves.

En eet, "les représentations et les perceptions fonctionnent comme un système d'inter- prétation de la réalité qui régit les relations des individus avec leur environnement social.

Elles déterminent leurs comportements et leurs pratiques et orientent les actions et les relations sociales" (Vultur, 2005, p.98), cela correspond aux fonctions d'orientation des représentations sociales qui guident les pratiques et les comportements (Abric, 2011).

Ce travail s'intéresse notamment à la manière dont le fait de se représenter le monde comme un endroit juste ou non inuence les attitudes et les pratiques des enseignants vis-à-vis du harcèlement entre élèves.

2.1.1 Croyance en un monde juste

Dans une revue critique de la littérature, Furnham et Procter (1989) traitent d'une théorie qui est le plus souvent appelée l'hypothèse du "monde juste". L'idée de base de cette théorie est que les personnes sont motivées à croire que le monde dans lequel elles vivent est juste : les gens étant récompensés pour leurs bonnes actions et rétribués négativement pour leurs méfaits (Furnham, 2003 ; Lerner & Miller, 1978). Formulée par Lerner en 1965, sa préoccupation centrale est la tendance des personnes à blâmer les victimes de malheurs (Furnham & Procter, 1989). Selon Lerner (1977), l'hypothèse du monde juste s'inscrit dans un dilemme : donner du sens au fait qu'une même personne peut présenter une profonde compassion face à la sourance d'une autre personne, alors qu'à d'autres moments, elle réagit avec indiérence à des cas de misère égale ou supérieure et, d'autres fois encore, elle fait volontairement sourir.

Les personnes se distinguent, entre autre, quant à leurs croyances sur la justice du monde. En eet, pour certains, "nous vivons dans un monde juste [où] il arrive aux gens ce qu'ils méritent et [où] les gens méritent ce qui leur arrive", alors que cela n'est pas vrai pour d'autres (Vallerand, 2006, pp.426-427). Dalbert (2009) arme que "des études ont montré une relation positive entre la [croyance en un monde juste] et le fait de trouver justiés des désavantages graves (par exemple, en dépréciant la victime)". Or, la tendance à croire en un monde juste est également une variable de personnalité qui peut permettre de diérencier entre les secouristes ("aiders") et les personnes qui n'aident pas (Bierho,

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Klein & Kramp, 1991). D'après ces auteurs, elle fait partie des caractéristiques de la personnalité altruiste.

Certains résultats supportent donc l'hypothèse selon laquelle le rejet et la dévaluation d'une victime de la sourance sont principalement basés sur le besoin de l'observateur de croire en un monde juste, ce qui a pour conséquence de faire que le rejet apparait principalement lorsque ce besoin n'est pas satisfait en attribuant des méfaits à la victime (Lerner & Simmons, 1966). Mais, d'autres facteurs doivent encore être présents pour que la victime soit blâmée :

One of these is that the observer believes the suering he sees will probably continue in one form or another the suering is not a single, relatively isolated event in the victim's life. The other required element is that the observer is powerless to help the victim given that he acts within the rules of the system in which the event takes place (Lerner & Simmons, 1966, p.204).

En résumé, parfois il y a une association positive entre la croyance en un monde juste et le fait d'aider les victimes (ex. Bierho et al., 1991), parfois il n'y en a pas (ex. Correia & Dalbert, 2008). En fait, les comportements, dans lesquels les personnes s'engagent, vont d'aider la victime ou la dédommager, à une rationalisation psychologique du destin de la victime, par exemple, en percevant son sort comme mérité et, donc moins injuste, à cause de son caractère indigne (Hafer & Bègue, 2005) ou de sa responsabilité perçue (Kogut, 2011). Ainsi, les victimes de viol peuvent parfois être l'objet de blâme et de mépris (Pugh, 1983) et le fait qu'elles portent des tenues provocantes ("reveling clothing") tend à faire percevoir une moindre culpabilité de leurs auteurs (Mancini &

Pickett, 2015). De même, les personnes séropositives tendent à être considérées comme des "victimes innocentes" (transfusion) pour lesquelles l'aide sociale est indispensable ou comme des "coupables blâmés" (homosexualité, toxicomanie) pour lesquels cette aide est moins justiée, en fonction du mode de contraction du sida (Apostolidis & Cordival, 1995, cités par Gosling, 1996).

Les propos de Vallerand (2006) permettent d'éclairer l'ambivalence des comportements qui découlent de la croyance en un monde juste. Selon cet auteur, il existe plusieurs normes de réciprocité, d'équité, de responsabilité et de justice qui n'ont pas toujours d'in- uence sur le comportement d'aide. Il donne plusieurs explications à cet état de fait dont deux sont particulièrement pertinentes ici. Premièrement, il peut y avoir des conits entre diérentes normes. Deuxièmement, comme les normes sont générales, elles ne peuvent pas s'appliquer à toutes les situations.

La croyance en un monde juste peut être un cadre intéressant dans le contexte du harcèlement entre élèves, puisque, selon Elias et Zinsd (2003), les victimes d'intimidation sont souvent blâmées, presque comme si elles en étaient les auteurs.

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2.2 Contexte de la recherche sur le harcèlement entre élèves

Comme le harcèlement entre élèves est un problème qui existe dans toutes les écoles du monde, il s'agit d'un sujet d'étude d'intérêt international (Burger, Strohmeier, Spröber, Bauman & Rigby, 2015). Depuis environ vingt ans, le harcèlement scolaire est considéré comme un problème social qui peut avoir un impact négatif important sur la vie de nombreux écoliers (Smith, Pepler & Rigby, 2004).

Bien que le harcèlement entre élèves ne soit pas un phénomène nouveau, puisque les enfants en sont victimes depuis d'innombrables générations (Bauman & Hurley, 2005) son histoire est probablement aussi longue que celle des écoles (Lee, 2006) cet intérêt général n'a pas toujours été présent. Ainsi, Olweus (1995) écrit que, bien qu'il s'agisse d'un phénomène certainement très ancien et très connu avec lequel de nombreuses personnes sont familières, son étude, qui a commencé dans les années 1970 (Beran, 2005), est largement restée connée aux pays scandinaves pendant plusieurs années. Ces pays sont reconnus comme les pionniers de la recherche sur ce sujet (Carra & Faggianelli, 2003). Ce n'est qu'à partir des années 1980 et au début des années 1990 que d'autres pays, tels que l'Angleterre, le Japon, les Pays-Bas, l'Australie, le Canada et les Etats- Unis commencent à s'y intéresser (Olweus, 1995). Par la suite, la littérature sur cette thématique a augmenté de manière spectaculaire au cours des ans (Stassen Berger, 2007).

Selon Bauman et Hurley (2005), comme le harcèlement est un phénomène quasiment universel qui est observable dans la plupart des cultures autour du monde, quels que soient les statuts ethniques et socioéconomiques de nombreuses personnes pensent qu'il s'agit d'une étape naturelle du développement humain qui survient au cours de l'enfance.

Même si ce point de vue est actuellement contesté (Bauman & Hurley, 2005), le fait que le harcèlement soit vu comme un comportement développemental "normal" peut conduire à ce qu'il soit négligé ou ignoré (Elias & Zinsd, 2003). Mishna, Pepler et Wiener (2006) donnent plusieurs illustrations où des adultes caractérisent un incident comme une partie normale du développement. Ils donnent l'exemple d'un enseignant qui avait remarqué que des garçons insultaient une lle ("call her names") et prenaient ses aaires de manière répétée, mais n'intervenait pas, parce qu'il attribuait ces comportements à des jeux de séduction.

2.3 Dénition du harcèlement entre élèves

Le harcèlement entre élèves peut être déni comme l'utilisation d'un comportement agressif répété et systématique contre certains élèves par d'autres dans un contexte rela- tionnel de déséquilibre de pouvoir entre les harceleurs et leurs victimes (García & Margallo, 2014), mais parvenir à trouver un consensus sur la dénition du harcèlement est probable- ment l'aspect le plus dicile des programmes de prévention du harcèlement (Espelage &

Swearer, 2003). De même, Piguet et Moody (2013) arment que la question de la déni-

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tion du harcèlement fait encore débat actuellement. Et, pour Hamburger, Basile et Vivolo (2011), la manière dont les expériences de harcèlement sont vécues et dénies varie beau- coup. Ainsi, après plus de quarante ans de recherche sur ce phénomène, il n'existe toujours pas de dénition partagée de manière universelle, même s'il y a un certain consensus dans la recherche occidentale (Farrington, 1993 ; Smith, 2014).

Les critères utilisés dans la majeure partie de la littérature de recherche apparaissent dans la dénition suivante :

In my denition, a student is being bullied or victimized when he or she is exposed, repeatedly and over time, to negative actions on the part of one or more other students. Negative actions can include physical contact, words, making faces or dirty gestures, and intentional exclusion from a group. An additional criterion of bullying is an imbalance in strength (an asymmetric power relationship) : The student who is exposed to the negative actions has diculty defending himself or herself (Olweus, 1995, p.197).

Pour Bauman et Hurley (2005), également, les chercheurs ont atteint un consensus sur la dénition du harcèlement : il y a trois éléments qui le distinguent des autres formes de conits ou d'agression. Premièrement, le harceleur inige intentionnellement un préjudice physique ou verbal à la victime. Deuxièmement, les actions portées à l'encontre de la victime sont répétées. Troisièmement, il y un déséquilibre de pouvoir entre la victime et l'auteur du harcèlement. Pour résumer, le harcèlement est une sous-catégorie du compor- tement agressif (Houndoumadi & Pateraki, 2001 ; Salmivalli, 2010) qui se caractérise par une intention hostile, un déséquilibre de pouvoir et une répétition (Burger et al., 2015).

Smith et Brain (2000) décrivent le déséquilibre de pouvoir comme l'incapacité de la victime à se défendre facilement toute seule pour une ou plusieurs raisons. Selon ces chercheurs, les auteurs du harcèlement peuvent être plus nombreux, plus grands ou physi- quement plus forts ou encore psychologiquement plus résilients que la victime. De même, ils peuvent être plus vieux, mieux adaptés socialement, avoir de meilleures compétences verbales (Bauman & Hurley, 2005) ou encore être plus populaires (Arseneault, Bowes &

Shakoor, 2010).

Néanmoins, même si le déséquilibre de pouvoir et la répétition sont des critères large- ment utilisés, ils ne sont pas universellement acceptés (Smith & Brain, 2000). D'ailleurs, toutes les mesures utilisées pour évaluer les comportements de harcèlement n'incluent pas tous les critères (Hamburger et al., 2011) et ceux-ci ne sont pas toujours évidents à dénir.

Ainsi, Finkelhor, Turner et Hamby (2012), qui mettent en évidence la diculté à dénir le déséquilibre de pouvoir, soutiennent que certains appellent simplement harcèlement des épisodes d'agression répétée. La question de l'intention peut également être probléma- tique, tant sur le plan théorique que sur le plan pratique, et, comme il est souvent dicile de distinguer "entre ce qui est accidentel et ce qui est intentionnel [...] on aura tendance

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(Boivin, Ouellet-Morin & Petitclerc, 2006, p.383). Finalement, la dénition scientique du harcèlement est complexe, parce qu'elle ne fait pas référence à un acte isolé, mais à une situation relationnelle considérée dans le temps (Smorti et al., 2003).

2.3.1 Diérentes formes de harcèlement

Le harcèlement peut autant être physique que psychologique (Bosworth, Espelage

& Simon, 1999). Se produisant le plus souvent sans provocation de la part de la victime (Salmivalli, Lagerspetz, Björkqvist, Österman & Kaukiainen, 1996), il comprend plusieurs formes d'agression. Rivers et Smith (1994) distinguent les formes physiques, verbales et indirectes. Quant à Cook, Williams, Guerra, Kim et Sadek (2010), ils citent l'agression physique, l'agression verbale, l'agression relationnelle et la cyber-agression. De leur côté, Evans, Fraser et Cotter (2014) écrivent que le harcèlement entre élèves comprend à la fois des comportements agressifs directs (par exemple : l'intimidation physique, les menaces verbales) et des comportements agressifs indirects (par exemple : l'exclusion, le rejet).

Selon ces auteurs, quatre formes de harcèlement peuvent typiquement être distinguées : le harcèlement physique, le harcèlement verbal, le harcèlement relationnel et le dommage à la propriété. Dans une étude, Piguet et Moody (2013) distinguent le harcèlement physique (ex. coups, bagarres, pincements, tirer les cheveux, bousculades, jets d'objets), le harcè- lement verbal (ex. surnoms méchants, moqueries, rejets, insultes, racisme, menaces), le harcèlement sexuel (ex. voyeurisme, retirer les habits de force, baiser forcé), les violences d'appropriation (ex. vols d'objets personnels, vols de goûter, vols d'argent, vols du maté- riel scolaire, racket) et le cyberharcèlement (ex. insultes, moqueries, menaces sur internet et sur le téléphone portable, prise de photographie ou de lm). Les formes de harcèlement utilisées dépendent notamment du genre et de l'âge des élèves.

Selon Björkqvist, Lagerspetz et Kaukiainen (1992), il a souvent été suggéré que les hommes sont plus agressifs que les femmes et que les types de comportement agressif achés dièrent. Dans ce sens, Olweus (1994) écrit que le harcèlement à l'aide de moyens physiques est plus commun chez les garçons, alors que les lles utilisent plus souvent des formes subtiles et indirectes de harcèlement telles que la diamation, la propagation de rumeurs et la manipulation des relations d'amitié (par exemple : priver une lle de sa

"meilleure amie"). De même, del Barrio, Martín, Montero, Gutiérrez, Barrios et de Dios (2008) notent que les lles sont plus impliquées dans la propagation de rumeurs néga- tives. Piguet et Moody (2013) observent les mêmes tendances. Leurs résultats suggèrent notamment que les garçons sont plus souvent auteurs de harcèlement physique, alors que les lles utilisent plutôt des stratégies d'ostracisme ou d'agressions indirectes, telles que la diusion de rumeurs et l'exclusion.

Wolke et al. (2001) trouvent également que les garçons sont plus impliqués dans le harcèlement direct ou physique que les lles. Cette diérence est signicative à l'école primaire et encore plus notable à l'école secondaire (Rivers & Smith, 1994). La préférence

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pour les formes physiques de harcèlement des garçons pourraient reéter le fait qu'ils ont en moyenne une plus grande force physique (Rivers & Smith, 1994).

Il faut noter que les diérences de genre dépendent également de l'âge des enfants.

En eet, Björkqvist et al. (1992) mettent en évidence les résultats suivants lorsqu'ils comparent trois cohortes de 8, 11 et 15 ans :

The results reveal typical age trends in the development of aggressive behaviour.

Physical aggression seems to be more general among the boys during all age groups.

Indirect aggression, however, appears more frequently among the girls but is not fully developed yet at the age of 8. At ages 11 and 15, it is clearly more prevalent among girls. Direct verbal aggression (as a summed variable) appeared equally frequently among the genders at the age 15 [...] the boys of some cohorts displayed certain kinds of direct verbal aggression more frequently than did the girls. Again, withdrawal seems to be a kind of behavior more typical for girls of all age groups. (p.126)

Avec l'âge, le harcèlement entre élèves tend également à devenir plus complexe et caché (Smith, 2014). Dans le même sens, Catheline (2009) écrit que les recherches internatio- nales sur le harcèlement mettent en évidence qu'il est plutôt physique chez les plus jeunes, alors que les insultes et les humiliations sont plus fréquentes à l'adolescence. Cette trajec- toire développementale dans les formes de harcèlement utilisées peut être expliquée par l'accroissement des compétences verbales (Björkqvist et al., 1992) et sociales (Björkqvist et al., 1992 ; Smith, Madsen & Moody, 1999) des enfants qui leur permet d'ajouter, dans un premier temps, l'agression verbale, puis dans un second temps, l'agression indirecte, à leurs stratégies agressives (Björkqvist et al., 1992). En eet, l'agression indirecte dé- pend de la maturation et demande un certain niveau de compétences verbales et sociales (Björkqvist et al., 1992).

2.4 Prévalence du harcèlement entre élèves

La prévalence exacte du harcèlement entre élèves est dicile à évaluer, parce que les dénitions et les mesures utilisées dans les diérentes études présentent de grandes variations (Espelage & Swearer, 2003), ce qui empêche également la comparaison directe des taux de prévalence (Wolke et al., 2001). Solberg et Olweus (2003), mettent en évidence plusieurs facteurs qui peuvent expliquer la variabilité observée dans les taux de prévalence : (a) les sources de données qui peuvent être diérentes, (b) le fait que certains chercheurs donnent une dénition du harcèlement aux participants alors que d'autres ne le font pas, (c) les périodes de référence qui varient entre les études, (d) les catégories de réponses qui ne sont pas toujours les mêmes, (e) l'estimation de la prévalence sur la base d'un item unique versus d'un score composite et (f) l'utilisation de seuils ou de critères diérents pour diérencier les victimes des non-victimes et les auteurs des non-auteurs. Wolke et al.

(2001) ajoutent, notamment, (g) les variations dans les systèmes scolaires entre les pays

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et (h) la grande variabilité dans la taille des échantillons ce qui inue fortement sur le pouvoir statistique des diérentes études.

Selon Smith (2014), il est même dicile de faire une généralisation sur les taux de prévalence du harcèlement, si ce n'est pour dire qu'une importante minorité d'enfants et de jeunes y sont impliqués, que ce soit en tant que victimes ou auteurs.

Néanmoins, certains auteurs résument les chires donnés dans diérentes études. Ainsi, selon Debarbieux (2006), 4% à 10% des élèves sont auteurs de harcèlement et 4% à 15%

en sont victimes. Il précise que cette prévalence varie entre les pays et qu'elle est encore plus élevée dans certaines études. D'après Molcho, Craig, Due, Pickett, Harel-Fisch et Overpeck (2009) un tiers des enfants (env. 33%) est occasionnellement auteur ou victime de harcèlement et environ un enfant sur dix (10%) est impliqué de manière chronique en tant qu'auteur ou victime.

En plus des éléments méthodologiques mentionnés ci-dessus, un autre élément rend complexe une vision synthétique de la prévalence du harcèlement entre élèves. Plusieurs études suggèrent que ce phénomène évolue avec l'âge et le genre des personnes impliquées (voir par exemple del Barrio et al., 2008). Selon Stassen Berger (2007), une première vague de recherches a rapporté que le harcèlement diminue progressivement avec l'âge et que les garçons sont plus souvent auteurs et victimes que les lles. Rivers et Olweus (1994) notent que ce sont particulièrement les formes de harcèlement directes physiques et verbales qui diminuent à l'école secondaire. Néanmoins, il est également possible que les taux de victimation plus élevés, qui sont souvent trouvés chez les plus jeunes enfants, le soient à cause d'une compréhension plus inclusive de la part des jeunes enfants de ce qu'est le harcèlement (Smith, Cowie, Olafsson & Liefooghe, 2002). Par exemple, les enfants de 9 ans sont plus susceptibles que ceux de 7 ans d'évoquer l'idée de disproportion de forces lorsqu'ils doivent dénir le harcèlement (Naylor, Cowie, Cossin, de Bettencourt & Lemme, 2006). Dès lors, les plus jeunes pourraient aussi être plus susceptibles de ne pas utiliser ce critère lorsqu'ils sont interrogés sur leur expérience de harcèlement.

Des recherches montrent que le genre est signicativement associé avec les compor- tements de harcèlement, les garçons s'engageant plus fréquemment que les lles dans de tels comportements (Bosworth et al., 1999 ; Stassen Berger, 2007). De même, les garçons sont plus susceptibles que les lles de rapporter avoir été harcelés (Saarento et al., 2013).

Ainsi, la tendance générale est que les garçons sont plus impliqués dans le harcèlement en tant que victimes et, spécialement, en tant qu'auteurs, mais il y a deux exceptions (del Barrio et al., 2008). Del Barrio et al. (2008) citent le harcèlement indirect verbal (propa- ger des rumeurs) dans lequel, les lles sont plus souvent victimes, auteurs et témoins et l'exclusion indirecte où il n'y a pas de diérence de genre.

Néanmoins, selon Smith (2014), malgré les dicultés associées à l'estimation de la prévalence, une telle information est importante pour trois raisons principales. Premiè- rement, les rapports de prévalence peuvent être cruciaux pour augmenter la conscience,

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et la publicité qui lui est associée, quand la préoccupation à propos de la thématique du harcèlement entre élèves est manquante. Deuxièmement, au sein d'une étude, des compa- raisons signicatives peuvent être faites par âge, genre, ethnie et d'autres caractéristiques.

Troisièmement, les chires de la prévalence sont nécessaires pour surveiller et évaluer les eets des interventions en milieu scolaire.

2.5 Conséquences du harcèlement entre élèves

Depuis le début de la recherche sur le harcèlement entre élèves, de nombreuses études ont été réalisées sur ses conséquences dans plusieurs parties du monde (Rigby, 2003). Il a été clairement établi qu'il peut avoir des conséquences indésirables à court et à long terme (Stassen Berger, 2007 ; Tto & Farrington, 2008), tant pour les victimes que pour les auteurs (Swearer, Espelage, Vaillancourt & Hymel, 2010) qui tendent à avoir un grand nombre de symptômes physiques et psychologiques (Tto & Farrington, 2008), voire des troubles d'ordre psychiatrique (Kumpulainen, Räsänen & Puura, 2001). Ses conséquences seraient encore plus nuisibles que ce que l'on pensait précédemment (Arseneault et al., 2010).

Les situations de harcèlement entre élèves n'aectent pas que les victimes et les auteurs directement concernés, mais touchent également des "cercles de socialisations" plus larges, par exemple, les autres camarades de classe, les enseignants, etc. (Piguet & Moody, 2013).

Dans le même sens, selon Bosworth et al. (1999), un seul élève auteur de harcèlement peut avoir des eets considérables dans l'école et créer un climat de peur et d'intimidation non seulement pour ses victimes, mais également pour les autres élèves. Et pour García et Margallo (2014), les eets de la violence scolaire sont nombreux et sérieux et aectent en particulier les victimes, mais également les autres protagonistes.

La recherche montre que les victimes de harcèlement constituent deux groupes dis- tincts, dont les victimes pures qui sont uniquement des cibles des harceleurs et les auteurs- victimes ("bully-victims") qui sont victimes de harcèlement et qui harcèlent les autres, avec des conséquences diérentes (Arseneault et al., 2010).

Notons que la gravité des conséquences pourrait également dépendre de la forme que prend le harcèlement ; il semble que les formes indirectes de harcèlement, notamment l'exclusion sociale et le cyberharcèlement, sont les plus nuisibles (García & Margallo, 2014), ainsi que de la durée ; les conséquences du harcèlement sont spécialement sévères pour ceux qui sont victimisés sur une longue période de temps (Smith, Schneider, Smith

& Ananiadou, 2004).

2.5.1 Conséquences du harcèlement pour les auteurs et les victimes

Selon Rigby (2003), l'implication dans le harcèlement peut avoir des conséquences négatives pour la santé qui peuvent être classiées dans quatre catégories : le mal-être

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psychologique, la mauvaise adaptation sociale, la détresse psychologique et le mal-être physique. Les victimes de harcèlement comme ses auteurs ont signicativement plus de symptômes dépressifs et de pensées suicidaires (Roland, 2002). Des conséquences néga- tives peuvent être présentes lorsqu'ils sont adultes. Tto et Farrington (2008) mettent en évidence l'impact sur le futur ajustement psychosocial.

Conséquences du harcèlement pour les auteurs-victimes De manière générale, les auteurs-victimes de harcèlement reportent à la fois des niveaux plus élevés de problèmes internalisés et externalisés (Menesini, Modena & Tani, 2009). Ce sont eux qui présentent les conséquences les plus négatives en ce qui concerne la santé mentale dans l'enfance (Arseneault et al., 2010). Ils ont des scores moins favorables que les auteurs et les victimes sur toutes les variables psychosociales et comportementales mesurées (Haynie, Nansel, Eitel, Crump, Saylor, Yu & Simons-Morton, 2001). Ces auteurs écrivent :

The nding that students who reported both bullying and victimization showed the least optimal psychosocial functioning is of particular interest. Those youth appa- rently represent a particularly high-risk group, characterized by higher rates of pro- blem behavior and depressive symptoms, lower self-control and social competence, and poorer school functioning. They are involved in a more deviant peer group and might be less able to form positive friendships with peers ; if so, they might be at greater risk for antisocial behavior into adulthood as well (Haynie et al., 2001, p.44).) Les élèves qui sont à la fois auteurs et victimes de harcèlement tendent à avoir un faible ajustement psychosocial, à présenter des symptômes psychosomatiques, à avoir des problèmes de comportement et à présenter une attitude favorable à l'agression (Tto &

Farrington, 2008). Dans cette catégorie, Kumpulainen et al. (2001) relèvent le trouble des conduites/le trouble oppositionnel qui est le plus commun , la dépression et le trouble du décit de l'attention.

Conséquences du harcèlement pour les victimes De manière générale, sur le long terme, les conséquences dépendent de nombreux facteurs : le niveau de développement, la culture, le genre, la chronicité du harcèlement et la personnalité (Stassen Berger, 2007).

Être victime de harcèlement inuence la santé physique et émotionnelle des enfants de diérentes manières (Tto & Farrington, 2008). Les études suggèrent que la victimation est associée à la fois à des problèmes internalisés et à des problèmes externalisés (Evans, Fraser et al., 2014). Mais, selon Menesini et al. (2009), il y a une inconsistance dans la littérature en ce qui concerne le type de symptômes associés au statut de victime et d'auteur de harcèlement (internalisés vs externalisés) et la nature de cette association.

Pour ces auteurs, les victimes rapportent des niveaux plus élevés de problèmes internalisés.

Des recherches longitudinales font penser que les victimes de harcèlement sont plus susceptibles d'avoir une mauvaise santé mentale plus tard dans leur vie que les élèves qui

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n'en ont pas subi (Tto, Farrington & Lösel, 2011). Elles peuvent présenter des symptômes dépressifs (Kumpulainen et al., 2001 ; Tto & Farrington, 2008), des symptômes psycho- somatiques (Tto & Farrington, 2008), un trouble du décit de l'attention de l'anxiété (Kumpulainen et al., 2001) chronique et de la peur (Rigby, 2003). Elles sont aussi plus susceptibles que les autres enfants d'avoir des pensées suicidaires et de faire des tentatives de suicide et/ou de se suicider (García & Margallo, 2014). Plusieurs études conrment que des problèmes de sommeil, des maux d'estomac, du stress, de la fatigue et une perte d'appétit, une augmentation de l'anxiété, de la dépression, une faible estime de soi et un sentiment de solitude sont liés au harcèlement (García & Margallo, 2014). Selon García et Margallo (2014), les victimes ont des niveaux plus élevés d'absentéisme scolaire avec des conséquences sur la performance scolaire. Des études ont également montré que la victimation répétée à l'école conduit les enfants à développer une aversion pour l'environ- nement scolaire (Rigby, 2003). De plus, selon García et Margallo (2014), le harcèlement augmente la probabilité que les victimes deviennent elles-mêmes plus violentes.

Conséquences du harcèlement pour les auteurs De manière générale, les auteurs de harcèlement rapportent des niveaux plus élevés de problèmes externalisés, mais le ta- bleau clinique des harceleurs est complexe et ambigu (Menesini, et al., 2009). Certaines études ont montré qu'ils rapportent aussi fréquemment des symptômes internalisés, spé- cialement durant l'adolescence (ex. Kaltiala-Heino, Rimpelä, Rantanen & Rimpelä, 2000 ; Roland, 2002).

Certains troubles psychiatriques sont plus susceptibles d'être présents chez les au- teurs de harcèlement que chez les élèves tout venant. Par exemple, le trouble du décit de l'attention, la dépression et le trouble oppositionnel/des conduites sont communément diagnostiqués chez eux (Kumpulainen et al., 2001). De leur côté, García et Margallo (2014) relèvent plusieurs conséquences chez les auteurs de harcèlement : un manque d'attention dans le travail scolaire, de faibles performances scolaires, une dégradation sociale liée au développement de problèmes comportementaux et à l'implication subséquente dans des comportements délinquants. Selon ces auteurs, le fait de commettre des agressions répétées à l'école peut conduire à la délinquance, parce que le harcèlement favorise une personna- lité antisociale et d'autres problèmes psychopathologiques, incluant une fréquence élevée d'idées suicidaires, plus importante encore que chez les victimes. Dans le même sens, il arrive aussi qu'il y ait une escalade dans le comportement des auteurs d'intimidation qui peuvent s'engager dans des actes délinquants plus graves, possiblement à cause du plaisir procuré par le harcèlement qui renforce leurs tendances agressives (Farrington, 1993).

Finalement, la question du sens de la relation entre les problèmes psychopathologiques, incluant les problèmes sociaux, l'agression et les problèmes externalisés de comportement (Kim, Leventhal, Koh, Hubbard & Boyce, 2006) et le harcèlement se pose. Dans la lit- térature, ils apparaissent autant comme conséquences que comme causes (voir la partie

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sur les facteurs de risque). D'après Kim et al. (2006), leurs résultats suggèrent qu'il s'agit d'une conséquence, plutôt que d'une cause du harcèlement.

2.6 Dynamique du harcèlement entre élèves

De manière générale, le harcèlement entre élèves est un comportement complexe qui est généralement inuencé par une multitude de facteurs individuels aussi bien que sociaux (Nocentini, Menesini & Salmivalli, 2013). C'est un processus de groupe (Salmivalli et al., 1996), dans lequel les enfants peuvent activement être impliqués en tant qu'auteurs, de victimes ou d'auteurs-victimes (Evans, Fraser et al., 2014), et qui est déjà un problème sérieux au jardin d'enfants (Perren & Alsaker, 2006).

Salmivalli et al. (1996) postulent que tous les enfants de la classe sont impliqués d'une manière ou d'une autre dans le harcèlement. Pour ces auteurs, même si la majorité des enfants de la classe ne participent pas activement au harcèlement, leur comportement peut avoir pour conséquence de rendre possible le commencement et le maintien du processus d'intimidation. Les enfants qui se contentent de regarder le harcèlement font souvent valoir qu'ils "ne font rien", alors qu'ils renforcent l'intimidation en assistant passivement à l'épisode au lieu d'aider la victime, puisque le message pour le harceleur est positif : son comportement agressif attire un auditoire attentif de pairs qui constituent une majorité silencieuse (O'Connell, Pepler & Craig, 1999).

Salmivalli et al. (1996) distinguent plusieurs rôles dans le processus de harcèlement : le harceleur ("Bully"), celui qui renforce le harceleur ("Reinforcer of bully"), l'assistant du harceleur ("Assistant of the bully"), le défenseur de la victime ("Defender of the victime") et l' "Outsider".

Selon certains auteurs, lorsqu'il n'y a pas d'intervention en cas d'agression, un pro- cessus d'escalade peut se mettre en place et certains élèves décider de s'engager dans un harcèlement plus agressif (Wessler & De Andrade, 2006). Bellon et Gardette (2010) parlent de "surenchère".

2.6.1 Causes du harcèlement

Il n'existe pas qu'une seule manière d'expliquer les causes de la violence en milieu scolaire. Plusieurs modèles théoriques, qui pourraient être intéressants dans le cadre du harcèlement entre élèves, existent. Blaya (2006) met en évidence diérents modèles so- ciologiques la "théorie des inégalités", la "théorie de la désorganisation sociale", la

"théorie de l'eet établissement" et la "construction ethnique de la violence à l'école"

et traite de l'approche par facteurs de risque. C'est dans cette dernière approche que s'inscrit le présent travail.

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Approche par facteurs de risque Debarbieux (2006) met en évidence cinq catégo- ries de facteurs de risque : (a) les facteurs de risque individuels (ex. le tempérament, le TDAH, l'initiation précoce à la violence et le genre), (b) les facteurs de risque fa- miliaux (ex. la maltraitance/l'abus sexuel, la faible relation parents-enfants, le manque d'engagement parental, les pratiques punitives excessives ou uctuantes), (c) les facteurs de risque associés à l'école (ex. l'échec scolaire, les problèmes disciplinaires fréquents), (d) les facteurs de risque liés aux pairs (ex. les pairs délinquants) et (e) les facteurs de risque liés au milieu social (ex. la pauvreté, la désorganisation communautaire) (pp. 157- 161 et pp.162-163). Les exemples entre parenthèses sont issus d'un tableau récapitulatif de Debarbieux (2006, p.162-163) sur la base de trois synthèses d'autres auteurs (Haw- kins, Fortin et Vitaro-Gagnon). Il s'agit de tous les facteurs de risque qui ont un eet fort dans les trois synthèses. Il écrit encore : "il n'y a donc pas une cause à la violence.

Chaque facteur à lui seul n'est en rien une explication susante. Nous sommes dans un système hypercomplexe et à la pluralité des causes il faudra bien apporter des réponses diérenciées" (p. 161).

Certes, ici, l'approche par facteurs de risque est utilisée dans le cadre de la violence scolaire de manière générale et non du harcèlement entre élèves, mais elle peut également être utilisée dans le second cas. D'ailleurs, de nombreux auteurs étudient les facteurs de risque dans le cadre de l'intimidation entre élèves (voir par exemple, Bosworth et al., 1999 ; Pepler, Jiang, Craig & Connolly, 2008 ; Saarento et al., 2013 ; Smith & Ananiadou, 2003 ; Tto, Farrington & Lösel, 2012). De plus, même si certains facteurs de risque sont spéciques à une forme particulière de violence, le plus souvent les facteurs de risque sont communs à toutes les formes de violences (Organisation Mondiale de la Santé [OMS], 2002, p.13).

L'approche par facteurs de risque et de protection est intéressante pour les phénomènes complexes dont l'explication n'est pas simple et encore moins unique (Dumas, 2013), ce qui est le cas du harcèlement scolaire (Nocentini et al., 2013). Selon Debarbieux (2006), "tout est question de combinaison de facteurs de risque dans l'augmentation de la probabilité de risque et dans la capacité de chaque individu à faire face à un événement précis" (p.154).

Selon Farrington et Baldry (2010), par dénition, des facteurs de risque prédisent une probabilité élevée pour un certain résultat tel que le harcèlement entre élèves. Pour Dumas (2013), deux concepts sont importants dans cette approche. Premièrement, l'"équinalité"

qui illustre le fait que plusieurs facteurs de risque peuvent avoir la même conséquence.

Deuxièmement, la "multinalité" qui met en lumière qu'un même et unique facteur de risque peut avoir plusieurs conséquences diérentes.

Plusieurs manières de catégoriser les facteurs de risque peuvent être utilisées, par exemple, les cinq catégories de Debarbieux (2006) citées précédemment. De leur côté, Hong et Espelage (2012) font une revue de littérature des facteurs de risque associés au harcèlement entre élèves en utilisant le modèle écologique de Bronfenbrenner. Ce travail

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reprend les catégories utilisées par Cook et al. (2010) qui font la distinction entre les pré- dicteurs individuels ("Individual predictors") et les prédicteurs contextuels ("Contextual predictors") pour mettre en évidence un certain nombre de facteurs de risque sans aucune prétention d'exhaustivité.

En eet, la recherche montre que le risque que des enfants deviennent les cibles d'au- teurs de harcèlement peut être prédit à partir de caractéristiques individuelles et de fac- teurs dans l'environnement immédiat des enfants (Arseneault et al., 2010). De plus, il est utile de connaitre les caractéristiques des enfants victimes de harcèlement, puisque cela augmente la capacité à identier les enfants qui sont les plus susceptibles de nécessiter l'intervention d'un adulte, parce qu'ils sont auteurs de harcèlement et/ou se font harceler par leurs camarades (Beran, 2005).

Bien que la possibilité d'identier les victimes et les auteurs de harcèlement à partir des facteurs de risque présente une certaine utilité (Beran, 2005), certaines recherches sug- gèrent que cela pourrait également avoir des eets pervers. En eet, des études montrent que les attentes à l'égard d'autrui sont susceptibles de le pousser à adopter des compor- tements qui sont en conformité avec elles (Pelletier, 2006). Ce phénomène est appelé de diérentes manières (Trouilloud & Sarrazin, 2003) : eet des attentes, eet Pygmalion (Rosenthal & Jacobson, 1968) ou encore prophétie qui s'autoréalise (Merton, 1948). Il peut s'appuyer sur des croyances erronées comme sur des faits réels (Pelletier, 2006). Par conséquent, un eet pervers possible serait que des élèves que les enseignants identient comme auteurs ou victimes potentiels de harcèlement soient renforcés dans leur position ou en deviennent réellement. De plus, certains auteurs suggèrent que le fait d'attribuer une étiquette à une personne entraine un risque de stigmatisation (Lacaze, 2008 ; Link

& Phelan, 2001 ; Vienne, 2004). Par conséquent, un second eet pervers de cette iden- tication des élèves serait que certains d'entre eux soient catalogués comme harceleurs, par exemple, avec le risque qu'ils soient discriminés par leurs enseignants, voire par leurs camarades. Dans le cadre du harcèlement, Iudici et Faccio (2014) mettent certains de ces risques en évidence :

In addition, the theoretical matrix of interactionism suggests that the attribution of the role of bully may activate processes labeling and oversimplication of reality (Lemert, 1981, Becker, 1973), radicalize the stigma, and freeze the possibilities of change as well as repositioning of the boy and his actions. (p.4427)

Facteurs de risque individuels Plusieurs facteurs de risque individuels d'être au- teurs de harcèlement sont présents dans la littérature. Certains chercheurs mettent en évidence le genre (Wolke et al., 2001), la mauvaise conduite, la colère, les croyances favo- rables à l'usage de la violence (Bosworth et al., 1999), l'agressivité (Nocentini et al., 2013 ; Olweus, 1995), une faible empathie (Farrington & Baldry, 2010 ; Gini, Albiero, Benelli &

Altoè, 2007 ; Rigby & Cox, 1996 ), un faible autocontrôle (Unnever & Corneel, 2003),

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le désengagement moral (Pepler et al., 2008), la consommation d'alcool et de tabac, une mauvaise perception du climat scolaire, la capacité à se faire des amis (Nansel, Overpeck, Pilla, Ruan, Simons-Morton & Scheidt, 2001), l'hyperactivité-impulsivité, une faible réus- site à l'école (Farrington & Baldry, 2010 ; Nansel et al., 2001), un statut socioéconomique bas (Pereira, Mendonça, Neto, Valente & Smith, 2004 ; Wolke et al., 2001), de faibles compétences sociales, des croyances et attitudes négatives par rapport aux autres et des dicultés à résoudre les problèmes avec les autres (Cook et al., 2010).

Dans les facteurs de risque individuels d'être victimes de harcèlement, certains auteurs mettent en évidence l'âge (García & Margallo, 2014 ; Smith et al., 1999 ; Sumter, Baum- gartner, Valkenburg & Peter, 2012), le genre (Nansel et al., 2001 ; Wolke et al., 2001), l'anxiété sociale (Saarento et al., 2013), une faible estime de soi, la solitude, la dépression (Graham & Bellmore, 2007), un moins bon fonctionnement social, de faibles compétences sociales (Haynie et al., 2001), être issu d'une minorité ethnique ou sexuelle (LGBT), les problèmes de santé, les troubles du développement ou de l'apprentissage (Hong & Espe- lage, 2012) et un statut socioéconomique bas (Pereira et al., 2004 ; Wolke et al., 2001).

Olweus (1995) décrit les caractéristiques typiques des victimes de la manière suivante : Briey, the typical victims are more anxious and insecure than students in general.

They are often cautious, sensitive, and quiet. Victims suer from low self-esteem ; they have a negative view of themselves and their situation. If they are boys, they are likely to be physically weaker than boys in general (p.197).

Facteurs de risques contextuels Une grande partie de la recherche sur les facteurs de risque associés au harcèlement entre élèves porte sur les facteurs individuels (Bradshaw, Sawyer & O'Brennan, 2009), plutôt que sur les facteurs contextuels (Cook et al., 2010).

Néanmoins, certains facteurs contextuels apparaissent également. Dans une méta-analyse, Cook et al. (2010), relèvent cinq catégories de facteurs contextuels, soit l'environnement familial et de la maison, le climat scolaire, les facteurs communautaires, le statut des pairs ainsi que leur inuence.

Dans les facteurs de risque contextuels d'être auteurs de harcèlement, certaines études mettent en évidence le manque de désapprobation perçue par les élèves des en- seignants vis-à-vis de l'intimidation (Saarento et al., 2013), un environnement familial caractérisé par le conit et une faible supervision parentale, une perception négative de l'atmosphère de l'école et une inuence négative des facteurs communautaires et des pairs (Cook et al., 2010).

La taille de l'établissement scolaire, la maltraitance à la maison (Bowes, Arseneault, Maughan, Taylor, Caspi & Mott, 2009), la taille de la classe (les élèves qui sont anxieux sont plus susceptibles d'être victimes de harcèlement dans de petites classes, alors que les élèves qui sont rejetés par plusieurs de leurs camarades sont plus susceptibles d'être victimes de harcèlement dans de grandes classes) (Saarento et al., 2013), la surprotection

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parentale dans certains cas (Smith, 2014), le rejet (Saarento et al., 2013) et l'isolation par les pairs, ainsi que le fait de venir d'environnements communautaires, familiaux et scolaires négatifs (Cook et al., 2010) sont des exemples de facteurs de risque contextuels associés à l'implication des élèves dans le harcèlement en tant que victimes.

De plus, les enfants qui ont des problèmes avec leurs voisins sont plus susceptibles que les autres d'être impliqués dans du harcèlement, mais uniquement en tant qu'auteurs- victimes (Bowes et al., 2009).

Même s'il est vrai que l'approche par facteurs de risque est intéressante pour approcher la complexité associée à l'origine des situations de harcèlement entre élèves, elle présente néanmoins certaines limites (voir par exemple, Blaya, 2006, pp. 75-76) et il n'y a pas d'unanimité entre tous les chercheurs pour tous les facteurs de risque. Farrington & Baldry (2010) concluent d'ailleurs une revue des facteurs de risque individuels pour le harcèlement entre élèves de la manière suivante :

Unfortunately, there are few consistently demonstrated individual risk factors for school bullying. Children who are aggressive, disruptive or antisocial tend also to be bullies, but all of these types of behavior probably reect the versatility and per- sistence of antisocial behavior. The most important individual risk factor (or group of risk factors) is clearly hyperactivity-impulsiveness. Also, low empathy (especially low aective empathy) is clearly related to bullying. Other ndings are more contro- versial. Low intelligence and low school achievement are probably related to bullying but this is not certain. Depression and low self-esteem may be related for girls but not for boys. It is unclear whether bullies are unpopular and rejected, and whether they tend to be relatively tall and strong. (p.11)

Finalement, dans certains cas tels qu'une faible estime de soi ou une dépression, il n'est pas évident de savoir si le facteur de risque est à l'origine du harcèlement entre élèves ou s'il en est une conséquence (Farrington & Baldry, 2010), puisque la majorité des études sont de nature corrélationnelle (Smith, 2014, p.104). Pour Blaya (2006), d'ailleurs, "une des faiblesses majeures de l'approche par facteur de risque est qu'elle ne permet pas de déterminer quels sont les facteurs qui sont la cause et ceux qui sont la conséquence du comportement observé" (p.75). De plus, le harcèlement est lui-même un facteur de risque pour la violence ultérieure dans la vie (Tto et al., 2012).

Autres explications Certains auteurs ont souligné le rôle de la motivation adaptative pour expliquer le harcèlement, en faisant valoir que l'intimidation peut être considérée comme un moyen inapproprié d'atteindre un but socialement valorisé, tel que le leadership au sein d'un groupe (Gini, 2006). C'est, par exemple, le cas de Pellegrini (2002) qui arme que l'eort des adolescents pour le leadership et le statut auprès de leurs pairs est un facteur de motivation important pour l'agression. La composante instrumentale ("instrumental component") du harcèlement est aussi mise en évidence par Olweus (1994).

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De leur côté, Pepler et al. (2008) comprennent le harcèlement comme un problème de relation où les enfants qui intimident apprennent à utiliser le pouvoir et l'agression pour causer de la détresse et contrôler les autres. Ces résultats rejoignent ceux de Nocentini et al. (2013) qui soulignent que la compétition pour la domination sociale contribue à l'escalade du harcèlement. Olweus (1994) relève également le fort besoin de pouvoir et de domination des harceleurs. Finalement, de même que le traitement de l'information sociale pourrait également être lié à l'implication dans le harcèlement (Huré, Fontaine &

Kubiszewski, 2015), de même il existe encore très probablement d'autres explications qui n'ont pas été abordées dans le cadre de ce travail.

2.6.2 Intervention des pairs lors de situations de harcèlement

De nombreux pairs ont une orientation positive vers l'intervention en cas de harcè- lement, mais ils hésitent souvent à passer à l'acte (O'Connell, et al., 1999). Les résultats d'une étude réalisée auprès d'anciennes victimes de harcèlement soutiennent cela. Ils sug- gèrent que les situations de harcèlement sont rarement stoppées grâce au support des pairs (Frisén, Hasselblad & Holmqvist, 2012). Dans une étude d'Atlas et Pepler (1998), lorsque les pairs sont considérés comme conscients de l'incident de harcèlement, ils interviennent dans 14% des cas. Les résultats de Hawkins, Pepler et Craig (2001) sont très proches. Des pairs sont présents dans environ 90% des épisodes de harcèlement et interviennent dans presque 20%. Le groupe de pairs est donc réticent à intervenir pour arrêter le harcèlement (Atlas & Pepler, 1998). Dans le même sens, Evans, Smokowski et Cotter (2014) écrivent que peu de pairs interviennent pour aider les victimes.

Des propos de García et Margallo (2014) peuvent être une explication. Selon ces au- teurs, fréquemment, les harceleurs ne sont pas rejetés par leurs pairs et jouissent même d'un succès remarquable auprès d'eux, alors que les victimes sont exclues et mêmes blâ- mées. Néanmoins, cette explication n'est pas valable dans tous les cas, puisqu'il existe plusieurs sous-types d'harceleurs qui peuvent être distingués en termes de pouvoir so- cial et de statut (Vaillancourt, Hymel & McDougall, 2003). Une autre explication est que le comportement de défense dépend du contexte social et peut être associé à des conséquences négatives pour celui qui le produit, par exemple être la prochaine victime (Ruggieri, Friemel, Sticca, Perren & Alsaker, 2013).

L'empathie émotionnelle est positivement corrélée avec un comportement de défense de la victime et négativement avec celui d'auteur du harcèlement, or les garçons sont plus susceptibles que les lles d'être auteurs d'intimidation, alors que les lles sont plus empa- thiques et plus susceptibles que les garçons de défendre la victime du harcèlement (Correia

& Dalbert, 2008). Dans une autre étude, les auteurs n'observent pas de diérence dans la probabilité qu'une lle ou un garçon interviennent durant un épisode de harcèlement (les garçons interviennent plus souvent que les lles, mais ils sont également plus nombreux

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les garçons sont plus susceptibles d'intervenir quand la victime est un garçon, alors que les lles sont plus susceptibles de le faire quand la victime est une lle. Hawkins et al.

(2001) montrent également qu'il n'y a que 10% des victimes qui demandent de l'aide à leurs pairs.

2.6.3 En parler à un adulte

Les garçons et les lles sont beaucoup plus susceptibles de rapporter à un adulte les formes directes de harcèlement, qu'elles soient physiques ou verbales, plutôt que ses formes indirectes (Rivers & Smith, 1994). Dans une étude où trois prols de victimes sont comparés, soit les anciennes victimes ("escaped victims"), les victimes ("continuing victims") et les nouvelles victimes ("new victims"), Smith, Talamelli, Cowie, Naylor et Chauhan (2004) mettent en évidence que moins de la moitié des victimes et nouvelles victimes rapportent parler à quelqu'un des incidents actuels, alors que deux tiers des anciennes victimes le font. Selon Debarbieux (2011), "[...] les victimes ne témoignent pas par peur, la loi du silence accompagnant la loi du plus fort qu'est la violence, ou parce qu'elles ne bénécient pas d'une écoute susante" (p.10). Dans le même sens, Gros (2013) soutient que le harcèlement est une forme de violence dicile à déceler, parce que les victimes ne parlent pas de ce qu'elles subissent, bien qu'elles connaissent souvent leur(s) harceleur(s), puisqu'il s'agit d'élèves de la même classe dans deux tiers des cas.

2.7 Prévention et intervention lors des situations de harcèlement entre élèves

Les conséquences négatives du harcèlement (par exemple : dépression, anxiété, dif- cultés dans les relations sociales, comportement délinquant) étant devenues largement reconnues par les décideurs politiques, les éducateurs et les chercheurs, une variété de pro- grammes d'intervention en milieu scolaire ont été développés (Evans, Fraser et al., 2014) et de nombreuses écoles ont mis en place des programmes ou des politiques de prévention (Hong, 2009).

Hong et Espelage (2012) notent que la plupart des programmes de prévention du har- cèlement en milieu scolaire se focalisent sur le changement du climat scolaire en mettant en évidence que l'intimidation n'est pas tolérée et en fournissant aux élèves des connais- sances sur le harcèlement, sur les conséquences d'un tel comportement pour toutes les personnes impliquées et l'importance d'être un défenseur ou un témoin ecace pour les pairs qui en sont victimes.

Selon Evans, Smokowski et al. (2014), les conséquences développementales sévères, as- sociées à un harcèlement chronique, peuvent être évitées si des programmes de prévention appropriés sont mis en place et/ou si un adulte intervient immédiatement après le début de la situation de harcèlement. De plus, des chercheurs ont montré que des eorts de pré-

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