• Aucun résultat trouvé

Enjeux territoriaux, enjeux politiques :

La fabrique des territoires

III. Enjeux territoriaux, enjeux politiques :

Le champ de bataille de l’Assiette

Dans les Alpes piémontaises, à 2550 mètres d’altitude, sur la longue crête qui court entre la Doire ripaire au nord et le val Cluson au sud, le champ de bataille de l’Assiette peut venir éclairer cette question des rapports entre patrimoine, mémoire et territoire. Là, le 19 juillet 1747, les Franco-espagnols et les Austro-piémontais se livrèrent une féroce bataille, les derniers repoussant l’assaut des premiers et les forçant à battre en retraite à l’issue de cette journée. A priori, il ne s’agit donc là que d’un champ de bataille des guerres d’ancien régime

parmi les centaines et les centaines de lieux analogues qui couvrent l’Europe. Rien qui laisse supposer qu’une mémoire contemporaine puisse y trouver de quoi s’alimenter, d’autant moins qu’il ne reste que très peu de vestiges de cet épisode à peine quelques éléments de fortifi-cations sont-ils encore visibles autour de la Tête de l’Assiette. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un lieu patrimonial, au sens où il n’y a pas réellement d’éléments matériels dont il faudrait assurer la transmission (figure 31). Par ailleurs, l’Assiette ne peut pas être réellement considérée comme un lieu touristique : la piste qui permet d’accéder au champ de bataille est étroite, pentue, non goudronnée, fort longue et il faut bien une demi-journée pour gagner le col de Fenestre depuis Suse, parcourir la crête et redescendre jusqu’à Sauze d’Oulx. Le tracé a de quoi dissuader des conducteurs peu habitués à ce genre de parcours.

Les historiens de la chose militaire ont toujours porté un grand intérêt à cette bataille,

la plus haute qui ait été livrée en Europe avant le XXe siècle. Elle a été souvent étudiée comme un exemple d’«  attaque par les hauts  ». La bataille de l’Assiette constitue donc un jalon majeur de l’histoire de la guerre en montagne, ne serait-ce que du fait de l’altitude à laquelle fut livré le combat et des effectifs présents au feu (environ 20.000 Français contre 7.400 Austro-piémontais). Mais le souvenir en demeura longtemps confiné dans des cercles de spécialistes1. Or, ces dernières années, la bataille de l’Assiette a acquis une nouvelle notoriété, et la plaquette de Mauro Minola publiée en 1996 est aujourd’hui en vente dans les maisons de la presse et dans les aires d’autoroute du Piémont occidental. Comment expliquer ce changement de statut mémoriel ? Comment un discours sur le territoire s’est-il greffé sur le souvenir de cette lointaine bataille ? Cette mutation s’est effectuée en trois temps :

1 On peut citer, entre autres, F.-E. de VAULT, 1892, La guerre des Alpes : guerre de la Succession d’Autriche, 1742-1748, Berger-Levrault, 2 volumes.

Figure 31 : Sur la crête bordant au nord la tête de l’Assiette, on observe encore les restes de fortification qui permirent aux Austro-piémontais de repousser les Franco-espagnols. Ces ouvrages, certes limités, sont exceptionnels à cette altitude, mais ils ne font l’objet d’aucune valorisation patrimoniale : la mise en mémoire du champ de bataille de l’Assiette met davantage en avant le souvenir de l’événement que les lieux eux-mêmes dont la lecture reste difficile malgré la multiplication des monuments (août 2003).

1. Tout d’abord, comment fait-on émerger un lieu de mémoire qui n’est a priori ni un lieu touristique ni un lieu patrimonial ?

C’est là que l’on voit réapparaître les marqueurs spatiaux étudiés supra, et principa-lement les monuments qui depuis le début du XXème siècle ont fait changer le statut du lieu.

Le premier monument, un obélisque altier surmonté d’un aigle situé au sommet même à 2558 mètres (figure 32), fut érigé en 1900 par le Club Alpin Italien (C.A.I.) qui fut à l’origine de telles initiatives dans tous les massifs italiens ; il portait une plaque à la gloire des « héroïques grenadiers de Sardaigne » qui s’étaient illustrés au cours de la bataille. Cette mémoire de corps subsista longtemps et en 1990 une autre plaque fut rajoutée sur la face opposée «  en souvenir du pèlerinage des Grenadiers de Sardaigne » ; la signature indique que le premier régiment italien de grenadiers est encore appelé « Assietta ». Il s’agit là d’une mémoire restée dans le giron des

amicales régimentaires très actives en Italie. Si tout le corps social n’est pas concerné par ce genre de souvenirs, une minorité assume parfois ce rôle de gardien d’un souvenir qui, si les condi-tions s’y prêtent, pourra alors être rapidement réactivé.

Les monuments qui se sont rajoutés ces quarante dernières années peuvent être classés depuis les plus «  officiels  » jusqu’à ceux qui paraissent les moins « encadrés ». En 1976, une stèle fut ajoutée sur l’obélisque, juste en dessous de l’hommage aux grenadiers. Le texte en italien rappelle que :

La section de Pignerol du C.A.I., à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa fondation, se souvient avec fierté de la bataille pour l’indé-pendance du vieux Piémont et de la lutte pour la libération de l’Italie nouvelle menée sur cette montagne, et honore le sacrifice des morts qui nous ont montré la voie de l’avenir.

A 200 mètres environ au nord-est, un

Figure 32 : Au point culminant de la tête de l’Assiette, le monument érigé par le C.A.I. en 1900, surmonté d’un aigle survolant le site. En avant, à l’ouest, un petit obélisque marque le lieu où tomba le Chevalier de Belle-Isle, à la tête des troupes franco-espagnoles (août 2003).

imposant bloc de marbre gris fut installé en 1997 sur lequel est gravé le plan de la bataille dont on fêtait cette année-là le 250ème anniversaire (figure 33). D’aspect didactique, le monument décrit les principaux acteurs, les lieux-clés et les principales phases de la bataille.

Juste en face de ce bloc de marbre, six plaques hétéroclites ont été apposées contre un rocher. Deux de ces plaques sont rédigées en italien, mais les quatre autres sont en piémon-tais. Apposées par des communautés venues des différents horizons du Piémont, désignées par leurs toponymes piémontais, ces plaques en dessinent une géographie idéalisée que composent communes, vallées et diaspora. Une plaque apposée en 1971 porte ainsi le texte suivant :

La famille piémontaise de Cordoba, au

nom de tous les Piémontais d’Argentine, rend hommage à ceux qui combattirent à l’Assiette pour la Liberté du Piémont.

Enfin un monument récent, mais non daté, a été érigé juste en contrebas de la Tête de l’As-siette à la mémoire du Chevalier de Belle-Isle, à l’endroit même où le général français trouva la mort. La stèle, à base carrée, porte sur ses quatre faces une inscription rédigée en français, en allemand, en italien et en piémontais.

Un monument n’y aurait sans doute pas suffi, mais l’accumulation monumentale, que nous avions déjà rencontré sur les cols alpins, et leur mise en place séquencée de ces monuments tout au long du siècle et sur des registres différents, a nourri et installé dans la durée le changement de statut de l’Assiette.

Figure 33 : Grande stèle didactique mise en place en 1997, à l’occasion du 250e anniversaire de la bataille. Installée sur la crête, à quelques centaines de mètres à l’est du monument de 1900, elle fait face aux plaques plus informelles rédigées en piémontais (août 2003).

2. Comment réécrit-on l’histoire de telle sorte que le site épouse le discours souhaité ?

Sur le monument de 1997, certaines mentions d’apparence purement informative méritent d’être relevées et décodées : on note ainsi que dans l’armée austro-piémontaise figurent, parmi de nombreuses unités, des troupes composites de « milices vaudoises, d’habitants de Pragelat et de volontaires ». Ces détails d’histoire militaire, inscrits sur ce monument récent, ont ici pour fonction de célébrer «  l’unité nationale  » pié-montaise, étendue à des populations naguères discriminées ou fraîchement rattachées.

Le choix de la Tête de l’Assiette pour asseoir un message identitaire piémontais supposait donc une certaine réécriture de l’histoire car l’enjeu de la guerre de Succession d’Autriche n’avait pas grand chose à voir avec le Piémont lui-même dont le roi Charles-Emmanuel III avait hésité jusqu’en 1744 avant de s’allier aux Autrichiens. Le dispositif mémoriel de la Tête

de l’Assiette vise à faire apparaître le Piémont de la mi-XVIIIe comme un acteur diploma-tique comparable aux grands états européens de l’époque. Alors que le premier monument, élevé sous l’égide du C.A.I., mettait en avant le rôle des grenadiers sardes, plus conforme à ce qu’était en effet l’état multinational sur lequel régnait la maison de Savoie, les monuments les plus récents ont totalement gommé cet aspect et reformulé l’épisode de l’Assiette en le présentant comme le moment décisif d’une guerre patrio-tique menée par la nation piémontaise contre un agresseur étranger. Un ouvrage récent 2 parle ainsi d’une « révélation décisive pour la naissance et le devenir du Piémont moderne » (p. 16)

Les monuments et la réécriture des faits se sont accompagnés de rassemblements festifs visant à en élargir l’audience  : à partir de 1968, l’association historique et folklorique « Compagnia dij Brandé » organise sur le champ de bataille, le dimanche le plus proche du 19 juillet, une grande «  Festa dël Piémont  » qui, en une trentaine d’années, a accompagné un profond changement de signification tant du souvenir que du lieu lui-même. La célébration du deux-cent-cinquantième anniversaire en 1997 est venue couronner ce processus de réac-tivation en donnant au site son visage actuel. C’est lors de ces fêtes que défilent rituellement des «  groupes historiques en uniformes et équipages d’époque » (idem, p. 98) brandissant le drapeau piémontais (figure 34).

2 D. GARINO (textes) et F. SACCONIER (photos), 1996, Piemonte  : le feste religiose, le manifestazioni tradizionali e le rievocazioni storiche, Torino e provincia, éd. Priuli & Verlucca, 148 p.

Parue dans un ouvrage récent sur « les fêtes religieuses, les manifestations traditionnelles et les évocations historiques en Piémont », cette photo prise à l’occasion d’une « fête du Piémont » organisée sur le champ de bataille illustre bien le processus d’ « invention de la tradition » : le souvenir réactivé et réinterprété de l’affrontement de 1747 alimente et légitime ce genre de manifestations qui servent de caisse de résonance aux revendications régionalistes (cliché Fr. Sacconier, in D. Garigo).

3. Comment affecte-t-on au lieu une signification territoriale sur le mode de la synecdoque ?

Les éléments mémoriels en revanche sont donc légion et fournissent les clés d’une lecture « idéologique » du paysage identitaire qui s’est construit en ces lieux. L’observation sur le terrain permet de reconstituer le discours qui structure cette mise en mémoire revendicative. L’Assiette est ainsi devenue sinon un haut lieu de l’identité piémontaise, tout du moins d’une revendication identitaire piémontaise.

Pour bien saisir le sens de ces multiples ins-criptions, il convient d’élargir le champ d’obser-vation à la fois en parcourant la crête sur une quinzaine de kilomètres de part et d’autre de l’Assiette et en envisageant d’autres périodes his-toriques. On peut ainsi relever, sur des murets en béton le long de la route qui monte du col de Fenestre à la Tête de l’Assiette, des graffitis à la peinture plus nettement revendicatifs. Si le premier est peu explicite :

Ni Roma, ni Padania, ni Ossitania,

une inscription plus lapidaire de la même main, quelques centaines de mètres plus loin, ne laisse aucun doute quant à la nature de la revendication :

Piémont.

Ainsi l’organisation des « Festa dël Piémont », l’utilisation du piémontais, la teneur des ins-criptions convergent pour signifier que la Tête de l’Assiette est devenue au cours des dernières décennies le lieu d’une revendication autono-miste, régionaliste ou nationale. Cette revendi-cation s’exprime ici sur un site historique censé la légitimer et lui valant une certaine audience du fait de sa fréquentation. La focalisation de cette affirmation identitaire sur ce site se renforce par l’évocation d’autres épisodes liés à la résistance antifasciste en 1944, avec plusieurs monuments en italien et en piémontais qui s’égrènent tout

au long de la crête entre les cols de Fenestre au nord-est et Basset au sud-ouest.

Si le lieu revêt donc une certaine valeur sym-bolique, il n’en est par pour autant très visible, et il faut l’opposer au marquage de l’espace par la Ligue du Nord qui était omniprésent sur toutes les routes d’Italie du Nord au tournant des années 1990 et 2000 et qui depuis s’est un peu estompé. Remarquons à cet égard que les lieux d’élection de la « géographie léghiste » se situent tous hors du Piémont et centrent plutôt la fantasmatique « Padanie » sur la Lombardie et la Vénétie. C. Champeyrache rappelle que «  l’importance accordée au territoire dans la définition d’un projet politique caractérise tout parti territorialiste, mais elle est d’une portée distinctive particulière dans le cadre italien  » (2002). Et en élargissant encore le propos, Fr. Rampini remarque : « Le territoire est en Italie un facteur clef dans la formation de l’identité politique. Sur les racines régionales et muni-cipales se greffent des formes d’identité histo-rico-culturelles et une communauté d’intérêts socio-économiques »3. En réaction à la montée du discours de la Ligue, le marquage du site de l’Assiette par les régionalistes piémontais peut être interprété comme une revendication «  contre-identitaire  », mettant en avant un certain nombre de spécificités perçues comme typiquement piémontaises, parmi lesquelles la lutte antifasciste. Le slogan «  ni Rome, ni Padanie, ni Occitanie » dessine un Piémont idéal, comme une entité historique antérieure à l’Unité italienne, non réductible au modèle nordiste ni à une quelconque définition ethnique. Le site de l’Assiette et la revendication qui s’y exprime à travers les messages mémoriels sont à ranger parmi ces «  nationalismes régionaux  » étudiés par B. Giblin (1999), qui jouent sur la valeur symbolique des signes d’appartenance, des lieux et des épisodes historiques, parfois sollicités. 3 Frederico RAMPINI, « Come Berlusconi ha inventato il primato di Milano », LiMes, rivista italiana di géopolitica 4/94.

Conclusion

Dans le volume 8 de la monumentale

Histoire d’Italie dirigée par Giuseppe Galasso

(et éditée par une maison turinoise), le chapitre consacrée à la guerre de Succession d’Autriche occupe une dizaine de pages  : la bataille de l’Assiette y est évoquée dans une phrase longue d’à peine trois lignes4, ce qui laisse penser qu’ il ne s’agit pas d’un fait majeur dans l’histoire politique du Piémont, et que la mise en exergue de cet épisode participe bien d’une ré-écriture mémorielle et militante de l’histoire, qui a pu s’appuyer sur la notoriété de la bataille chez 4 « La résistance obstinée des Génois permit aux Français de leur porter secours et de lancer contre les Etats de Savoie, au milieu de 1747, une offensive qui devait se briser au col de l’Assiette (19 juillet 1747) ; une dernière volte-face, et les territoires italiens étaient libres » (p. 513). Giuseppe RICUPERATI, «  Il settecento  »  : la guerre de succession d’Autriche (p. 504-514), in G. GALASSO (dir.) Storia d’Italia, vol. 8, t. 1, Il Piemonte sabaudo, U.T.E.T. 1994.

les historiens militaires. C’est exactement ce processus que signalait B. Anderson quand il évoquait la « territorialisation de l’imaginaire » comme l’un des ressorts classiques des nationa-lismes (1983, p. 30), et cette territorialisation s’appuie sur la mise en exergue de hauts lieux.

La constitution de l’Assiette en lieu de mémoire à partir du début du XXe siècle, puis la transformation du message véhiculé à partir des années 1970 illustrent bien d’une part la dissociation temporelle qui peut exister entre l’événement et sa mise en mémoire, d’autre part la malléabilité du sens qui s’attache au lieu.

c

oncLusIons et pIstes de recherche

L’extrême polysémie du patrimoine et l’extension continue du champ patrimonial ont certainement favorisé cette ductilité des liens que le patrimoine entretient avec ses patri-moines  : distendus ou resserrés, exclusifs ou diversifiés, construits par les acteurs locaux ou imposés d’en-haut, ils se présentent selon une extrême diversité et sont susceptibles d’évolu-tions sinon rapides, du moins radicales. Et l’on a vu que la ductilité s’accompagne souvent d’une grande ambivalence dans les intentions et dans la façon dont s’établissent ces rapports : sur un seul et même objet patrimonial, les intentions peuvent être opposées, et la question n’est pas seulement de savoir s’il faut ou non le valoriser et comment, mais aussi de s’accorder sur le message que cet objet est censé transmettre. L’objet patrimonialisé vaut par lui-même mais aussi et surtout par la façon dont il peut être transmis et reçu  ; c’est pourquoi les critères émis par l’UNESCO sont souvent interpré-tés, à juste titre, comme des valeurs. Et c’est pourquoi la grille de lecture particularisme/

universalisme me paraît si importante dans la réflexion sur la question patrimoniale.

Par définition, le patrimoine se présente comme une évidence traduite en une injonc-tion. Mais cette pseudo-évidence renvoie à un déterminisme patrimonial qui ne résiste pas à l’analyse et masque la dimension construite. Les monuments, les paysages mémoriels nous ont aidés à saisir comment ces ensembles patrimoniaux étaient bel et bien les résultats de démarches conscientes. Plus difficile serait de s’attacher aux ressources patrimoniales qui ne sont pas mises en valeur sur tel ou tel territoire et d’essayer d’expliquer les raisons de ce désin-térêt ou de ce déni. Dans les années à venir, il pourrait être intéressant de prendre pour objet d’étude des programmes de patrimonialisation qui peinent à aboutir ou qui n’ont pas abouti à ce jour, comme ceux touchant au patrimoine thermal ou au patrimoine industriel dans les Pays de Savoie…

c

hapItre

8

t

ourIsme

,

terrItoIre et patrImoIne en

p

ays de

s

avoIe

Comment la patrimonialisation éclaire-t-elle à la fois l’activité touristique et à la représenta-tion du territoire ? Comment les rapports entre ces trois domaines se renégocient-ils au fil du développement touristique et patrimonial des territoires  ? Présent depuis plus de 12 ans sur les Pays de Savoie où ce problème est posé sans cesse et en tous lieux, nous avons eu à diriger de nombreux travaux d’étudiants, à conduire diverses excursions d’étudiants ou de colloques, à encadrer des stages dans presque tous les massifs (cf. dossier scientifique), et la réflexion sur cette question s’est nourrie de ces expériences et de ces rencontres.

Les temporalités jouent ici un grand rôle, car chaque registre s’inscrit dans sa propre tempo-ralité (décision, permanence, inertie…) et ces différents calendriers ménagent la possibilité de multiples convergences et divergences, même si le mouvement d’ensemble observé va plutôt dans le sens des synergies. En effet, le tourisme de montagne est entraîné dans de grands changements, les uns choisis, les uns subis, qui modifient sous nos yeux le tableau qui s’était dessiné entre les années 1960 et 1980 et qui aboutissent à recréer de nouveaux rapports au territoire  : l’interconnexion aujourd’hui systé-matique des domaines skiables entre eux remet en cause la géographie des espaces de pratique et la notion même de station touristique (III.27) ; les incertitudes liées au changement climatique font voir sous un jour nouveau les conséquences des hivers sans neige qui ont toujours existé,

comme le prouvent les annales météorologiques, mais dont la signification a sans cesse évolué au fur et à mesure que l’activité des sports d’hiver se structurait (III.30)  ; enfin, la fermeture en 2007 de la station de sports d’hiver d’Abon-dance a permis de vérifier in vivo l’attachement des acteurs du territoire aux activités touris-tiques, même quand la rationalité économique imposerait plutôt l’arrêt, et a donné l’occasion de réévaluer les dynamiques territoriales dans un canton de Haute-Savoie où cet événement a réactivé le clivage entre les communes tou-ristiques et les communes non-toutou-ristiques (III.32).

En 2009, « Le Dauphiné Libéré » lançait un grand feuilleton estival modestement intitulé «  Elisez les «7 merveilles de Savoie»  ». Sous la rubrique «  Patrimoine  », 42 sites étaient