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DE LA REGULATION DE CE SECTEUR

III. Enjeux socio-politiques sur le plan national

Au Burkina Faso comme dans beaucoup d’autres pays, l’État est de plus en plus obligé de prendre en compte, dans la conduite des politiques publiques, les acteurs économiques importants qui interviennent dans le pays. La crise économique mondiale qui a éclaté l’été 2008 a permis de constater un recul du politique au profit de l’économique et du financier. Cela s’observe à travers toutes les difficultés que les plus grandes puissances politiques mondiales rencontrent dans leurs tentatives de régulation des secteurs financiers dont les pratiques, selon certains spécialistes, ont conduit à la crise. Cela permet de dire que dans le contexte actuel, les pouvoirs politiques des pays industrialisés et des pays en voie de développement, ont des marges de manœuvre limitées dans la gouvernance de leurs États. Ces pouvoirs publics doivent de plus en plus composer avec des aspects économiques et financiers sur lesquels ils semblent avoir peu de contrôle. Le Burkina Faso, n’y fait pas exception. Par ailleurs, la privatisation de l’Onatel a fait l’objet de débats et le syndicat des travailleurs de cet opérateur y a contribué. A ce propos l’un des responsables de ce syndicat

disait dans un entretien accordé au journal burkinabé l’Indépendant que leur rôle dans ce débat est d’aider les autorités en apportant leur vision sur la manière de procéder pour cette privatisation. Et dans ce sens, il affirme que leur contribution est de participer à toutes les discussions sur la privatisation. Cette participation permettrait de garantir les intérêts de tous : travailleurs, gouvernement, consommateurs, pour que la privatisation profite à la communauté nationale dans son ensemble1. Selon ce responsable syndical, d’une manière générale, les privatisations sont imposées à l’État burkinabé par les bailleurs de fonds. Ces institutions exigent des gouvernements africains l’ouverture de leurs secteurs dans tous les domaines, mais en réalité, ce sont leurs multinationales qui reprennent les sociétés et font des profits. La privatisation est une imposition, mais chaque gouvernement doit avoir une idée claire de ce qu’on lui demande de faire ; et à partir de là, il doit pouvoir proposer un schéma qui lui permet de répondre aux intérêts de son pays.

1- L’ONATEL : symbole du rejet de la privatisation de certains services publics Les syndicalistes de l’Onatel n’ont pas été les seuls à alimenter le débat avec l’État. Des acteurs de la société civile, comme de simples citoyens, y ont participé à travers la publication de tribunes dans la presse. Une tribune publiée dans le numéro 3711 du journal le Pays2, contribue à alimenter ce débat. Tout comme les travailleurs de l’Onatel, cette tribune ne rejette pas la privatisation de l’opérateur historique mais propose des pistes pour une meilleure ouverture de cette entreprise au privé. Il affirme une idée partagée par d’autres observateurs : « la problématique de la fracture ou des fractures numériques dans le contexte de libéralisme généralisé, risque de s’imposer avec acuité aux politiques publiques burkinabé dans tous les domaines d’activité (éducation, santé, aménagement des territoires, entre autres) comme conséquence d’un manque de vision stratégique de l’avenir de nos dirigeants ». Pour lui, la perception de « fracture » relève du fantasme politique dès lors qu’elle est uniquement perçue comme l’expression de l’inégalité d’accès. Il est indispensable, de la considérer aussi comme "l’expression de nouvelles formes du capitalisme par l’économie numérique."

Selon l’auteur de cette tribune, l’État burkinabé a déjà fait un certain nombre d’erreurs dans les privatisations. "Les économistes et les politiques sont peu portés à l’autocritique. La liste de leurs

1 Source : http://www.independant.bf/article.php3?id_article=184?&sq=arti consultée le 03janvier 2011

erreurs en matière économique est édifiante. Et l’impact de ces erreurs souvent considérable. Erreurs de prévision, bien sûr, mais aussi erreurs de diagnostic, erreurs de jugement, erreurs de raisonnement, voire erreurs volontaires pour tromper l’opinion...". Il soutient l’idée que les préoccupations de court terme qui consistent à ranimer les marchés financiers par la vente d’actions publiques et conforter les finances de l’État, l’ont emporté sur des considérations de plus long terme et sur un véritable projet industriel.

Il y a au Burkina, une remise en cause des politiques publiques traitant des privatisations dans ce pays. Cela ne concerne pas seulement la privatisation de l’Onatel, mais les privatisations dans leur ensemble, même si c’est le cas du secteur des télécommunications qui sert de focale d’entrée pour cette présente recherche. Un des enjeux pour l’État burkinabé dans sa politique des TIC est de montrer qu’il n’a pas été contraint (par des bailleurs de fonds) à libérer ce secteur. L’État veut montrer que cette libéralisation entre dans le cadre de la recherche de meilleures voies pour améliorer les services de télécommunications au Burkina Faso. Il y a donc un enjeu politique visant à montrer, contrairement aux points de vue de certains Burkinabé, que les autorités politiques gouvernent dans le sens de la défense de l’intérêt général et de l’amélioration des conditions de vie des populations dans la durée. Pour répondre aux critiques sur la libéralisation du secteur des télécommunications, le SG du MPTIC (pendant les enquêtes) a affirmé que les autorités politiques ont une bonne vision qui se matérialise par la cyberstratégie. Selon lui, il est entre autres question de créer les conditions pour que les Burkinabé dans toutes les localités du pays aient accès aux infrastructures TIC. A l’opposé des discours selon lesquels les autorités libéralisent le secteur des TIC pour engranger des retombées financières immédiates, le SG affirme que l’État n’a pas les moyens pour mettre en place les infrastructures nécessaires à la fourniture des services. Ce serait pour cette raison que les autorités ont choisi de créer un contexte favorable à l’intervention du privé lequel aurait plus de moyens pour ces investissements.

Cet enjeu politique est important pour les pouvoirs publics. Parce que de grandes sociétés d’État et pas des moindres, sont sur la liste des entreprises publiques dont l’État a annoncé (il y a déjà plusieurs années) la volonté de les privatiser. C’est le cas notamment de la société nationale d’électricité (SONABEL), la société nationale de distribution d’eau (ONEA) et de la société nationale des hydrocarbures (SONABHY) pour ne citer que celles-là. Il s’agit d’entreprises publiques ayant une forte incidence sur la vie quotidienne

des Burkinabé. Leur privatisation est au cœur d’enjeux sociopolitiques et économiques qui donnent lieu depuis l’annonce de leurs futures privatisations, à des divergences de points de vue sur la nécessité de ces opérations et sur la manière de les conduire (éventuellement). Les difficultés rencontrées avant et après la privatisation partielle de l’ONATEL donnent donc la possibilité à l’État d’en tirer des leçons pour les opérations futures. C’est pour cela qu’il est intéressant, dans le cadre des analyses actuelles, d’attirer l’attention sur ces enjeux politiques des libéralisations, privatisations dans le secteur des télécommunications. À propos de la privatisation de la SONABEL et de l’ONEA, le 11 mai 20101, l’Assemblée Nationale a rayé ces deux entreprises de la liste2 des 9 entreprises à participation de fonds publics à privatiser. La SONABHY par contre reste une entreprise à privatiser avec une participation majoritaire de l’État, malgré les réticences exprimées par certains députés. Face aux multiples critiques qui lui sont faites l’État a envie de montrer qu’il a en vue le développement des TIC dans l’intérêt de tous les Burkinabé.

2- Vision de l’État burkinabé pour l’intégration des TIC dans le tissu socioéconomique

Les discours d’accompagnement des TIC sont aussi un moyen pour l’État burkinabé de réaffirmer qu’il a des projets pour les Burkinabé et qu’il met les TIC à contributions, du moins dans ses projets. Dans ce sens, la promotion des TIC peut être analysée comme un tremplin permettant d’alimenter des discours socio-politiques. Il ne s’agit pas d’une nouveauté dans la mesure où ce type de discours a accompagné et accompagne encore dans divers endroits du monde le développement des TIC. Les discours de l’administration Clinton pendant les années 1990, sont là pour rappeler qu’il s’agit de phénomènes connus. Yves Jeanneret en 2001 affirme : « il existe bien, parmi les politiques actuellement en circulation dans la société, une entreprise de discours cohérente et puissamment relayée, pour doter les médias informatisés de vertus extraordinaires et faire avancer, sous couvert de cette révolution annoncée, divers projets de marchandisation de la culture, de la libéralisation des échanges et des statuts, de mise en concurrence et en instabilité des salariés, et de légitimation providentielle d’un modèle social et économique. »

Pour ce qui est du cas burkinabé, le gouvernement a adopté ce qu’il appelle la cyberstratégie nationale. Le SG du MPTIC affirme que : « Le gouvernement a une politique nationale. Cette politique est née de l’adoption en octobre 2004, de la cyberstratégie nationale, qui a pour

1 Source : le journal le Pays du 12 mai 2010, extrait de Fasonet : http://www.lefaso.net/spip.php?article36687

ambition de promouvoir les TIC et de mobiliser leurs potentiels au bénéfice des politiques nationales de développement ». Le principe qui guide la conduite de cette politique de l’État burkinabé se trouve dans le document officiel qui met en place cette stratégie : « le gouvernement du Burkina Faso est convaincu qu’une bonne mobilisation du potentiel des nouvelles technologies de l’information et de la communication combinée à celle des technologies plus anciennes comme la radio et la télévision peut constituer un puissant levier pour l’enracinement de la bonne gouvernance, le renforcement des capacités, une meilleure appropriation des programmes de développement par les populations.1 »

A ce propos un plan opérationnel2 sur quatre ans couvrant la période 2006-2010 a été conçu. Ce plan a plusieurs objectifs parmi lesquels la mise en place d’une cyberlégislation. Celle-ci, selon le gouvernement, devrait créer d’une part un environnement concurrentiel, transparent, attractif et sécurisant pour les investisseurs privés dans le domaine des TIC. D’autre part elle doit permettre une plus grande lisibilité de l’action gouvernementale dans le secteur des TIC. L’État éprouve le besoin de montrer ainsi aux Burkinabé qu’il travaille pour l’intérêt de tous les citoyens, et qu’il a une vision claire des moyens à mobiliser pour permettre un développement des TIC. L’État répond ainsi aux critiques qui lui sont faites sur la manière dont il mène les politiques publiques dans le domaine des TIC.

Parmi les autres objectifs de ce plan opérationnel, il y a aussi le fait de construire à l’échelle nationale une infrastructure mutualisée pour le transport de la voix, de la vidéo et d’autres données. L’État burkinabé s’était fixé en 2006, l’objectif de mettre en place à « l’horizon 2010 » une infrastructure mutualisée en fibre optique qui relierait le Burkina Faso à ses pays voisins, pour le transport de données multimédias dans chaque chef lieu de province. Cette infrastructure devrait selon les autorités, permettre à 70 % des localités rurales de disposer d’un point d’accès public au téléphone, avec 15 téléphones (fixe et mobile) pour 100 habitants en 2010. Cette infrastructure devait aussi permettre le développement de 50 000 connexions haut débit offrant un accès au téléphone, à internet et à la télévision numérique. Concernant cet aspect, le ministre des Postes et des TIC annonçait dans un entretien publié le 03 février 2010 dans le quotidien burkinabé Sidwaya que l’État pilote actuellement le projet qui permettra de relier les 45 provinces en fibres optiques. Selon lui les autorités sont en train de finaliser la dernière phase de l’étude technique de ce projet qui est estimé à 150 millions de dollars américains. Il reconnaît que ce projet n’est pas bien avancé, mais que les

1 Stratégie d’opérationnalisation du plan de développement de l’infrastructure nationale d’information et de communication, 13 octobre 2004, page 18.

2 Plan opérationnel annexé à la lettre de politique sectorielle du Ministère des Postes et des Technologies de l’Information et de la Communication du Burkina Faso, juillet 2006

études techniques pour sa réalisation, devraient être terminées avant juin 2010. Si par rapport à la couverture nationale en infrastructure le ministre admet un retard dans l’avancement du projet, il évoque par ailleurs la réalisation de certains volets du plan sur les cyberstratégies sectorielles.

Ainsi, parmi les réalisations de l’année 2009, il y a l’adoption par le conseil des ministres du projet de loi sur le nom de domaine étatique de premier niveau en : .bf. A cela s’ajoutent l’adoption et la promulgation de la loi sur les services et transactions électroniques au Burkina Faso, l’extension du réseau de l’Administration qu’est le RESINA dans cinq autres villes : Fada N’Gourma, Ouahigouya, Koudougou, Kaya et Kongoussi. Outre les résultats de l’année 2009 il y a aussi le fait que le 27 novembre 2008 l’Assemblée Nationale du Burkina a adopté la loi portant réglementation générale des réseaux et services de communication électronique au Burkina Faso.

Ces lignes sont écrites en 2010, l’heure n’est peut être pas encore au bilan, mais on peut néanmoins dire qu’un certain nombre d’actions du plan quatriennal de cyberstratégie sectorielle ont été réalisées et d’autres ne le seront probablement pas dans la limite du temps prévu (2010). La politique de l’État est menée en fonction des enjeux qui sont traité dans ce travail. Il apparait que l’État a une politique parce qu’il y a une suite dans la conduite de ce projet de cyberstratégie, même s’il met du temps à produire des résultats concrets.

L’État a d’abord adopté en 2000 un plan de développement de l’infrastructure nationale de TIC qui n’a pas connu de mise en œuvre. Puis en 2004, il y a eu l’adoption du document sur la Stratégie d’opérationnalisation du plan de développement de l’infrastructure nationale d’information et de communication. Enfin, en 2006, le gouvernement a approuvé le Plan opérationnel annexé à la lettre de politique sectorielle du Ministère des Postes et des Technologies de l’Information et de la Communication du Burkina Faso.

Les responsables du MPTIC, ont été unanimes pour dire que les différents plans et projets de l’État aboutissent à une réalisation. Selon ces responsables, de 2000 à 2004, l’État dans cette politique TIC est passé du plan à la stratégie, et le lien entre les deux est que le plan a été décliné en stratégie. Selon eux, il y a une cohérence dans cette démarche dans la mesure où ce passage a permis d’identifier les principaux axes au niveau desquels il faut agir et les moyens à mobiliser pour que ce plan ait des applications sur le terrain. Pour les autorités rencontrées, ce sont entre autres des problèmes financiers qui n’ont pas permis la mise en

œuvre du plan de 2000. Avec le temps ils ont estimé que ce plan avait besoin d’être affiné et décliné en politiques sectorielles pour une mise en œuvre.

Pour terminer ce tour d’horizon de la perception que les autorités burkinabé ont des politiques TIC qu’elles conduisent, il convient de noter que cette vision est « teintée » de déterminisme technique, ce qui semble dû en partie au fait que ces autorités répercutent l’idéologie propre à certains de leurs bailleurs de fonds à propos de dispositifs techniques. Par ailleurs, il y a au Burkina, un écart entre les discours officiels, les textes politiques et la réalité sur le terrain. Ce qui fait qu’un certain nombre de ces textes restent encore, plusieurs années après leur adoption, à l’étape de projets non réalisés ou partiellement réalisés. Les politiques publiques des TIC au Burkina s’inscrivent d’une manière plus large dans des politiques sous-régionales de promotion de ces techniques. Celles-ci sont initiées par L’UEMOA et la CEDEAO des organes1 pour l’union des États de l’Afrique de l’Ouest.

IV. Respect des directives communautaires en matière de