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Du caractère libéral des réglementations TIC en Afrique de l’Ouest

DE LA REGULATION DE CE SECTEUR

V. Du caractère libéral des réglementations TIC en Afrique de l’Ouest

Les différentes réglementations ouest africaines sont d’obédience libérale et influencées par la vision de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) et de l’Union Européenne. En 2004, l'UIT a lancé un projet régional, en coopération avec l'Union européenne, pour soutenir la mise en place d'un marché intégré pour les TIC en Afrique de l'Ouest. Ce, pour harmoniser le marché des télécommunications dans les espaces UEMOA et CEDEAO.

La répétition (dans certains cas) des textes issus de ces deux instances (voir annexes), vient du fait que ces organes ne concernent pas exactement les mêmes pays. Certes les pays de l’UEMOA sont dans la CEDEAO, mais celle-ci comportent sept autres pays. Et comme l’UEMOA avance plus vite, elle émet des textes en plus de ceux de la CEDEAO. Ce travail n’analyse pas le contenu de tous ces textes, leurs intitulés sont assez évocateurs quant aux domaines dans lesquels ils s’appliquent.

1 Source : http://www.itmag.sn/index.php/Telecom/Reglementation/une-legislation-communautaire-des-tic-attendue-en-janvier-2010-dans-la-cedeao.html consultée le 17 février 2010.

Pour montrer l’impact de ces textes communautaires au Burkina, Il est question d’examiner un peu plus en détails, la directive n° 01/2006/CM/UEMOA relative à l’harmonisation des politiques de contrôle et de régulation du secteur des télécommunications.

Cette directive vise entre autres :

- la mise en place d’une concurrence effective, loyale transparente, non discriminatoire et durable ;

- l’investissement privé dans le secteur ;

- la fourniture des services de télécommunication sur l’ensemble du territoire des États membres.

L’UEMOA incite ses pays membres à faciliter la mise en place et le développement de réseaux transnationaux et l’interopérabilité des services à l’intérieur de l’Union.

L’indépendance et la transparence dans la gestion des organes nationaux de régulation des télécommunications est un point sur lequel le gouvernement burkinabé a dû se conformer à cette directive de l’UEMOA. En effet, celle-ci stipule que : « les États membres garantissent l’indépendance des autorités nationales de régulation vis-à-vis du pouvoir politique et de toutes les organisations assurant la fourniture de réseaux, d’équipements ou de services de télécommunications et de toute autre organisation intervenant dans le secteur, en faisant en sorte que ces autorités soient juridiquement distinctes et fonctionnellement indépendantes.» En juillet 2009 le gouvernement burkinabé a mis en place une nouvelle structure dénommée Autorité de Régulation des Communications Electroniques (ARCE) en lieu et place de l’Autorité de Régulation des TELécommunications (ARTEL). En effet l’ARTEL était un organe rattaché au Ministère des Postes et des TIC, il ne s’agissait pas d’une institution indépendante. Or, l’État Burkinabé est actionnaire de l’opérateur historique de télécommunication et de sa filiale mobile. Cette situation pouvait être source de conflit d’intérêt, dans la mesure où l’opérateur dont il est question (tout comme l’ARTEL à l’époque) est en partie lié au MPTIC. L’État devait par ailleurs se conformer à la directive de l’UEMOA et c’est ce qui fut fait pendant l’été 2009.

L’action des institutions d’intégration régionale en Afrique de l’Ouest dans le domaine des télécommunications a été critiquée par des acteurs associatifs Burkinabé, Maliens et

Sénégalais rencontrés pendant les enquêtes. Sur cette question Monsieur Sagna1 a fait part pendant un entretien, de son point de vue qui devait par la suite paraître en éditorial sur le site internet d’OSIRIS. Il faisait le constat (avec d’autres acteurs) selon lequel certains pays africains dont le Sénégal, le Mali et le Burkina, ont été contraints à libéraliser leur secteur des télécommunications, favorisant ainsi l’arrivée d’opérateurs étrangers à l’Afrique. Pour lui, ces opérateurs font du lobbying auprès des instances d’union régionale (UEMOA, CEDEAO). Ce lobbying aurait pour but d’amener les pays membres de ces unions à créer un cadre législatif favorable au développement d’un marché unique des télécommunications dans la région. Pour Monsieur Sagna, les efforts que ces pays africains feront pour l’uniformisation des textes réglementant les télécommunications, seront favorables aux opérateurs étrangers parce que les États africains n’ont pas été vigilants pendant la libéralisation du secteur. Selon lui les politiques de libéralisation se sont transformées en politique de dénationalisation parce que ces sociétés nationales créées avec des capitaux publics ont été vendues (la plus grande part des actions) à des opérateurs étrangers. Ainsi les États africains auraient vendu les parts de ces opérateurs rentables et stratégiques, sans créer un contexte favorable au développement d’une offre privée locale (nationale ou sous régionale). Ce type de critiques ont été constatées au Burkina Faso et évoquées supra, mais la particularité de ce point de vue de Monsieur Sagna, est qu’il met l’accent sur le rôle que jouent les organes d’intégrations sous régionale, pour favoriser l’harmonisation des textes règlementaires pour l’établissement d’un marché unique. De plus il évoque les conséquences que cette uniformisation réglementaire aura en termes de « fuites » de capitaux en direction notamment des pays d’origine des multinationales des télécommunications présentes en Afrique de l’ Ouest.

Ce constat de l’influence d’institutions internationales sur la libéralisation du secteur des télécommunications dans des pays africain, et « l’exportation » de capitaux que cela engendre est aussi fait par certains chercheurs spécialistes de la question des TIC en Afrique. Pour Alain Kiyindou (2010) : « Sous l’impulsions de l’Union internationale des télécommunications (UIT), le marché des télécommunications s’est ouvert à la concurrence […] Suite à l’adoption de l’accord sur les télécommunications de base (ATB), de nombreux pays africains ont emboîté le

1 Enseignant chercheur à l’école de bibliothécaire archiviste et documentaliste EBAD de l’université Cheik Anta Diop de Dakar, et Secrétaire Général d’OSIRIS (Observatoire sur les Systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal)

pas en entamant un processus de libéralisation, caractérisé par la privatisation des opérateurs historiques des télécommunications locaux. En donnant ainsi la priorité à la privatisation à outrance des opérateurs de télécommunication africains, l’UIT a participé à l’effacement progressif du service public y compris dans les secteurs connexes. »1 Tout comme les acteurs associatifs rencontrés, Kiyindou affirme que ces privatisations ont été faites, dans la plupart des pays au détriment des investisseurs locaux. Puisque ce sont généralement de grandes firmes privées européennes ou américaines (notamment) qui ont repris à bas prix ces sociétés vendues dans un état financier et technique critique.

Comme cela a été dit précédemment, l’influence de l’UEMOA est loin d’être à la hauteur de celle de l’UE (même si à ce niveau aussi il arrive que des pays ne respectent pas certaines directives européennes), notamment pour ce qui concerne leurs capacités de coercition. Il a été noté à ce propos que la plupart des pays membres de cette union ne respectent pas, à la date de juillet 2010 les directives émises depuis 2006 par cette institution dans le domaine des TIC. Plus cette union sera forte, plus l’UEMOA aura des capacités de contrainte importantes. Pour le moment l’UEMOA semble être une instance qui guide les États dans le but de fédérer les politiques publiques des TIC dans son espace. Les différentes directives de l’UEMOA ne sont pas respectées de la même manière. Selon les enjeux, certaines directives trouvent plus facilement des applications que d’autres. C’est le cas de la directive relative à l’interconnexion des réseaux et services de télécommunication. Le Burkina par exemple investit de plus en plus pour s’interconnecter avec ses pays voisins, notamment les pays côtiers ce qui lui permet d’avoir accès à de la bande passante par fibre optique que ces voisins reçoivent par câbles sous-marins.

VI. Le Service Universel (SU) : une notion qui prend place dans les