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On l’a vu, beaucoup de salariées, surtout les plus âgées, mais aussi quelques jeunes femmes s’inquiètent de leur capacité à « tenir » dans leur emploi, pour effectuer des tâches aussi éprouvantes pour leur corps. Ainsi, cette femme de 41 ans, qui n’a encore que 4 ans d’expérience, n’envisage pas de continuer encore très longtemps, éprouvant déjà une fatigue qui lui laisse prévoir des atteintes plus importantes dans l’avenir :

« Dans 10 ans, je ne sais pas du tout, 5 ans oui, mais dans 10 ans, c’est épuisant... Chacun pense que nous sommes tout le temps en forme, mais c’est très fatigant. » (41 ans, A, 4 ans d’ancienneté)

À quelques rares exceptions près, les salariées sont unanimes à dire la fatigue ressentie, rejoignant ainsi les résultats des enquêtes SUMER au niveau national47 :

«Q. Vous êtes fatiguée à la fin d’une journée ?

Quand je n’ai fait que du ménage, oui. Le plus dur, c’est quand j’ai trois heures. Là, je vais chez un couple, je dois faire toute la maison. En plus, les mamies, elles ont pas mal de bibelots. Les buffets sont remplis. Le ménage, en longue durée…. On a beau penser aux postures, c’est les gestes en eux-mêmes qui sont fatigants. » (21 ans, B, 3 ans d’ancienneté)

47 L’enquête SUMER permet des comparaisons intersectorielles, même si elle exclut de son champ les salariées

employées en en emploi direct (c’est le particulier qui est l’employeur) qui ne sont pas suivies par les médecins du travail. Elle fait apparaître les salariées des services à domicile « en première ligne » pour les contraintes articulaires et posturales puisque 60 % de salariées y travaillent en « situation fatigante » (Arnaudo, Hamon- Cholet et al., 2006).

Plusieurs remettent en cause la possibilité même d’exercer à plein temps quand on effectue ce type de tâches.

« Le ménage, c’est fatigant, c’est très dur. Quand on le fait à temps complet et même à mi- temps, c’est dur. » (60 ans, C, 26 ans d’ancienneté)

On perçoit malgré tout un certain nombre de pistes envisageables pour limiter la pénibilité. Tout d’abord dans cette perspective, la préservation d’un équilibre dans les plannings entre tâches ménagères et aide directe à la personne, sous forme de toilettes par exemple, leur semble importante :

« Quelquefois c’est lourd ! Au niveau des horaires surtout le mardi : des fois je termine à 18h30, mais je m’y habitue. C’est beaucoup de ménage et, à la fin de la journée, il n’y a pas besoin de me bercer.

Q. Ça veut dire que vous aimeriez un meilleur équilibre avec l’aide à la personne ?

Oui, là c’est surtout du ménage et c’est vrai que l’aide à la toilette, c’est moins physique. Si en début d’après-midi j’ai fait des carreaux et que la 2ème personne elle me dit : j’aimerais bien faire mes carreaux, je ne vais pas dire : non, j’ai déjà fait des carreaux aujourd’hui…Même si je suis encore jeune, je ne vais pas dire que, le soir, je ne suis pas fatiguée, ce serait mentir. J’imagine qu’au fil des années, les auxiliaires de vie ou les aides à domicile qui ont la cinquantaine, ça ne doit pas être facile. Je ne ressens pas de douleur, de mal de dos, rien du tout, mais c’est vrai que le soir en fin de journée… » (36 ans, B, 6 ans d’ancienneté)

La répartition dans le temps des interventions d’aide ménagère et leur découpage en séquences de durée plus courte pourraient aussi en limiter la pénibilité :

« Quand j’allais dans cette maison pour l’association, 4 heures, pour laver de haut en bas. Non, c’est long et dur. Mais ils nous ont écoutées. Je me trouve beaucoup moins fatiguée comme ça. Si je n’avais que des ménages, je serais plus vite souffrante et j’aurais plus vite mal au dos. C’est plus dur. Si on fait des ménages de deux heures, deux fois, ça nous coupe. Ou alors pour faire des choses différentes. Des petites choses différentes. Alors qu’avant, je devais faire le lessivage des murs, du sol, des grosses choses » (36 ans, A, 5 ans d’ancienneté) Certaines salariées envisagent la gestion de cette questionau niveau de l’association, par une répartition des interventions selon l’engagement physique plus ou moins lourd qu’elles réclament dans les plannings des salariées, en fonction de leur âge. Le ménage dans des domiciles particuliers, jugé plus éprouvant, pourrait incomber aux salariées les plus jeunes tandis que les plus âgées n’interviendraient que dans les logements plus petits et donc plus faciles à entretenir comme ceux des foyers-logements :

« Il faut penser à ceux qui arrivent en fin de carrière, ce n’est plus possible pour eux de faire des maisons. En ménage. C’est normal que les personnes de notre âge préfèrent aller en foyer-logement plutôt que dans les maisons où il y a les étages. Quand vous avez fini les carreaux, vous recommencez, vous ne faites que ça. J’ai eu une maison, je sais de quoi je parle. Vous ne faites que ça, parce que vous n’êtes là que pour le ménage. » (60 ans, C, 26 ans d’ancienneté)

Mais les salariées signalent aussi des aménagements des conditions d’effectuation des tâches qui diminueraient la fatigue :

« Lorsqu’on lave par terre ça fait mal au dos, j’ai eu mal très vite et maintenant je surélève le seau sur un tabouret. Mon médecin me conseille de faire ce métier zen, mais moi je préfère que ce soit très propre. C’est un métier où il y a des tendinites, des sciatiques. Du coup j’ai

peur de ne pouvoir faire ce métier que sur un temps court (5ans). Dans 10 ans je ne sais pas si j’aurais encore la force physique » (41 ans, A, 4 ans d’ancienneté)

Mais surtout certaines salariées déploient des stratégies d’évitement des tâches de ménage. On trouve même des cas où l’obtention du DEAVS est envisagée dans cette perspective. Ainsi, c’est la survenue d’une pathologie handicapante qui a poussé cette salariée à passer son diplôme et ainsi changer de classification pour désormais, espère-t-elle, échapper au ménage.

« (Dans l’association), la direction me disait de passer le diplôme d’auxiliaire de vie, et autour, mon mari : « Passe le », et puis c’est vrai que cette polyarthrite, pour rester un peu… parce que quand on est assistante de vie on fait aussi des ménages. » (46 ans, C, 9 ans d’ancienneté)

Pour cette autre AVS, plus jeune, de toute façon, à 50 ans, elle sera « bousillée », comme sa collègue de 53 ans :

« Elle a sa colonne vertébrale qui est comme ça (elle dessine un S avec son doigt), elle a été opérée du canal carpien. Je ne sais pas si vous connaissez. C’est la maladie professionnelle. Qui n’est pas reconnue encore. À notre époque, à tordre des wassingues ! De toute façon, j’ai dit à mon mari que je n’irai pas jusqu’à la retraite. Je mets de l’argent de côté, je me prive. Après, je travaillerai à mi-temps, certainement, ou je ferai du bénévolat avec les personnes. Je ne sais pas. Je verrais. » (40 ans, C, 20 ans d’ancienneté)

La diminution de l’activité semble alors la seule voie possible.

IV. 3. 2 Faire le ménage ou rendre salubre ? Des formes de

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