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1 1 Le cadre de l’aide à domicile dans le paysage associatif enquêté : le constat de la diversité

Il faut, en premier lieu, souligner la forte diversité des associations dans lesquelles nous avons enquêté. Relever d’un même réseau d’associations et fonctionner sous statut associatif ne gomme pas cette diversité qui s’observe, par exemple, au regard de l’organisation formelle des associations. Chacune présente en effet des particularités qui viennent alimenter cette hétérogénéité.

Ainsi, si toutes les associations enquêtées sont des associations employeuses et salarient leur personnel, l’une d’entre-elles comprend par exemple des bénévoles, des « correspondants locaux ». Plutôt aux marges de cette association et peu nombreux, ils sont bien présents et assurent, dans la continuité de l’histoire de l’association et de sa

stratégie d’implantation locale, un rôle de mise en lien entre l’association, les familles ou personnes aidées/à aider et les acteurs qui composent le tissu politique local.

« Nous demandons à la commune de désigner un correspondant. C’est notre interface, pour partie sur l’aide à domicile mais aussi quelqu’un qui soit un peu l’oreille de la commune par rapport à de nouveaux besoins. (…) C’est quelqu’un qui est un peu un pivot, notre interface locale, qui peut dire : chez Mme Untel, il y a eu un accident, on a besoin de quelqu’un… C’est une personne qui peut aussi réagir plus vite que par les circuits officiels. (…) Historiquement les correspondants locaux étaient les référents bénévoles des intervenantes au domicile. C’est eux qui organisaient le travail des intervenantes. Ca s’est institutionnalisé en 2005 parce que statutairement c’est inscrit. (….) L’idée, c’est aussi de penser au renouvellement. À l’origine, c’étaient surtout des retraités du milieu agricole, des militants familiaux. Certains vieillissent et se pose le problème de leur renouvellement, sachant que le correspondant local, c’est toujours la commune qui le désigne. Nous n’intervenons pas. Donc nous avons tous les cas de figure, parfois c’est le maire, parfois il désigne un fonctionnaire territorial, parfois c’est un militant associatif de la commune, un militant familial. » (responsable d’association)

Cette diversité de l’organisation formelle se donne également à voir dans les métiers « présents » dans chacune des associations21, ce trait étant directement à mettre en lien avec les services proposés (y a-t-il ou non un service de soins) et les publics visés (personnes âgées ou gravement malades, adultes handicapés, enfants, familles, etc.). On retrouve différentes configurations. Certaines associations (2) emploient aussi des TISF22 (c'est-à-dire des personnels de niveau IV) tandis qu’ailleurs seules sont présentes les aides à domicile ou que, dans d’autres associations encore, ces dernières coexistent avec les aides-soignantes et les infirmières, dans le cadre d’un service de soins à domicile (SSIAD)23. De même, la taille des associations est variable, en termes de nombre de salariées. Certaines emploient, par exemple, plus de 600 salariées alors qu’une autre salarie 80 personnes au moment de l’enquête. Pour continuer à alimenter cette énumération centrée sur l’organisation formelle, on mentionnera la présence ou non d’un service mandataire qui, notons-le, ne fait pas systématiquement l’objet d’une stratégie de diminution de l’activité sous ce cadre, même si cela tend à être la norme.

21 Sur ce point, notre échantillon est significatif de la diversité des services proposés par la fédération dans laquelle

nous avons enquêté. Pour mémoire, ces services sont : Des services d’aide à domicile auprès des personnes âgées (aide aux actes essentiels de la vie quotidienne) ; services d’aide aux familles (aide dans les activités de la vie quotidienne pour mieux concilier vie familiale et professionnelle) ; services de Technicien(nes) de l’Intervention Sociale et Familiale, T.I.S.F. (accompagnement en cas de situation grave empêchant les parents d'assurer pleinement leurs fonctions parentales) ; services d’auxiliaires de vie pour les personnes handicapés ; services de Soins Infirmiers à Domicile (S.S.I.A.D.) ; services d’Hospitalisation A Domicile (H.A.D.) ; des centres de soins.

22 Il semble que la présence encore conséquente de TISF dans le réseau d’associations où nous avons enquêté en

constitue une particularité. Cette présence est en tout cas intéressante au regard de notre objet parce que cela signifie que l’on peut raisonner, dans les associations concernées, à partir d’une palette d’emplois hors métiers du soin qui dépasse le seul champ des aides à domicile dans leurs différents niveaux de classification : agent à domicile, employé à domicile, auxiliaire de vie sociale.

23 A la diversité des profils des personnels employés peuvent se greffer des formes multiples de rattachement de

ces salariées à l’association employeuse. On relève cependant que ces configurations différentes ne concernent pas les salariées classées en A, B ou C de la branche de l’aide à domicile sur nos terrains. L’extrait ci-dessous témoigne de ces arrangements possibles :On a 600 salariés, on est une petite entreprise : on a 33 TISF, toutes titulaires du diplôme ou équivalent (travailleuses familiales). Elles font toutes les interventions de prévention et d’accompagnement des familles ou des personnes isolées en voie de réinsertion sociale et professionnelle voire des accompagnements de personnes âgées dans le cadre de contrats élaborés par des travailleurs sociaux du Conseil général. Elles interviennent sur commande du Conseil général et elles sont toutes localisées dans les unités spécialisées du Conseil général.

« On avait arrêté (le mandataire). Une stagiaire est venue et a essayé de relancer un peu, mais aujourd’hui on n’a que deux dossiers en personnes âgées. Un en temps plein, y compris WE et jours fériés. Un de 26 heures par mois, en APA en plus, ce qui n’est pas très simple. C’est la famille du bénéficiaire qui intervient. Ça a du mal à relancer. »

Pour achever cette liste d’exemples qui ne résume pas la diversité observée, on notera que deux associations sont ou ont été en lien avec une association intermédiaire, parce qu’elles en ont été à l’origine et que, dans ce cadre, des circulations de salariées entre l’association intermédiaire et l’association enquêtée ont pu exister et/ou en raison d’échanges de pratiques entre personnels encadrants.

« En premier il y avait « X » qui a été créée. En fait, c’est une association intermédiaire parce que l’on ne pouvait pas faire travailler plus de 750 H à l’année. (…) C’était reprendre les aides à domicile pour donner une pérennité aux emplois. Au départ, nous avons récupéré le personnel de X. »

À l’inverse, d’autres tiennent à maintenir des frontières hermétiques entre ces deux espaces :

« Q. Vous avez des liens avec des associations intermédiaires ?

Non, parce qu’elles font des services intermédiaires. Par définition, elles ont leurs propres salariées avec qui elles vont travailler. Donc, on n’a pas vocation à les avoir chez nous. Q. Donc ce sont des filières qui ne sont pas reliées entre elles ?

C’est ça.

Q. Mais on pourrait imaginer de telles filières ?

Oui, mais j’essaie aussi de faire attention au type de public que l’on recrute. (…) Il faut que je fasse attention, sinon le travail ne sera pas bien fait et c’est notre image qui est en jeu aussi à travers ça. »

Ce constat de l’hétérogénéité24 au sein d’une fédération d’associations n’est pas une exception, il recouvre celui du statut associatif (Tchernonog, Hély, 2003).

Parmi les éléments qui participent à construire cette hétérogénéité, on peut mentionner l’histoire de chaque association, ainsi que les stratégies associatives d’inscription sur des espaces locaux. Nous mêlons ces deux dimensions puisque la prise en compte du projet fondateur et de son remodelage au fil du temps, en lien avec le contexte local, mais aussi national, permet de trouver des dénominateurs communs là ou un sentiment d’éclatement pouvait d’abord s’imposer aux observateurs. Cette grille de lecture éclaire, par exemple, les différences constatées en termes de publics cibles (intervenir prioritairement auprès de personnes âgées fragilisées ou conserver un volume important d’intervention auprès des familles etc.), de formes d’organisation des services (disposer ou non d’un service de soins, salarier des TISF ou non)25 ou encore de l’importante variabilité des rapports établis avec les organismes financeurs.

24 Il amène également de penser les singularités de chaque structure. En effet, la mise en œuvre de

procédures standardisées de « professionnalisation des structures » (si l’on reprend le terme utilisé par les acteurs publics), d’accompagnement de gestion ne pourront, nous semble-t-il, se faire qu’en lien avec la construction d’outils ad hoc, au risque sinon, de représenter « des stratégies à côté ».

25 Nous soulignons d’ores et déjà que s’inscrire dans une histoire associative longue ne renvoie pas à une réalité

Le contexte local peut également contribuer à façonner les problématiques auxquelles sont confrontées les associations. Il est ainsi intéressant de relever que le turn-over et la problématique de la fidélisation des salariées, qui traverse l’ensemble de l’aide à domicile, ne se posaient pas, jusque dans une période très récente, à l’une des associations où nous nous sommes rendues. C’est dans la structure du bassin d’emploi que l’on trouve des pistes de compréhension de cette exception avec, en toile de fond, une approche du salaire des femmes selon le modèle de l’homme comme « breadwinner ». À l’inverse, la gestion du vieillissement au travail est au cœur des problématiques de l’association :

« Ici, c’était mono industriel. Donc, vous savez, quand il n’y a qu’une seule entreprise qui embauche… Quand les cadres ne sont pas assez payés, ils vont ailleurs. Ici, ce n’était pas possible. Donc, ici, on a des conjointes de la verrerie. C’est aussi pour ça que nous avons une stabilité de notre personnel.

Q. Donc, vous n’avez pas de problème de turn-over ?

Non. Dans ces usines, vous rentriez à 14 ans et vous travailliez là jusqu’à 65 ans, ou 60. (…) Les filles cherchaient un travail, au départ 20/25 heures, mais elles ne bougeaient pas. Elles ne démissionnaient pas pour aller ailleurs, donc on a une fidélisation de notre personnel. C’est très bien parce que ça veut dire qu’elles se plaisent chez nous mais l’ancienneté… On n’a pas eu besoin de mettre en place une mutuelle parce qu’on n’avait quasi pas de femmes qui étaient seules et elles avaient une mutuelle par leur conjoint. Il y avait la mutuelle du groupe. (…) Il y a un camping, les colonies de vacances de la verrerie. Donc, nous, ça nous a aidé à avoir une fidélisation de nos salariées. Et ce n’était pas des gens qui avaient des soucis financiers aussi, parce que les conjoints avaient un travail à temps plein. (…) Nous, on n’avait pas ce souci. Maintenant, ça a changé. »

La prise en compte des parcours professionnels des acteurs occupant des positions de pouvoir dans les associations permet également de rendre compte, pour partie, de cette hétérogénéité26. Dans ce cadre, il est intéressant de se pencher particulièrement sur les directeurs ou directrices27. L’analyse de leur parcours éclaire en effet les orientations en matière d’offre de nouveaux services ou, dans un autre registre, sur les formes d’encadrement et de gestion du personnel. Cette hypothèse rejoint en partie les travaux de B. Balzani (2003) pour qui la trajectoire professionnelle et les représentations du chef d’entreprise d’insertion ou du dirigeant de l’association d’insertion conditionnent en partie les formes et modes de gestion de la main d’œuvre ou encore les choix en termes de développement de nouveaux services et structures.

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