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S ELON LES ENSEIGNANTS , COMMENT DOIT - ON TRANSMETTRE LES VALEURS ?

Nous avons entendu les élèves, maintenant donnons la parole aux enseignants (ens.) et aux parents (pt.) pour qu’ils répondent à la question :

« Comment l’enseignant doit-il transmettre les valeurs ? » En comparant leurs réponses à celles des élèves nous trouvons des similitudes mais aussi

d’autres aspects qui nous signalent encore une fois l’importance de la qualité des interactions dans les processus d’identification et de transmission :

• L’importance du témoignage ou la “valeur investie” :

o « Je ne peux pas enseigner une valeur aux élèves en disant une théorie. C’est avec mes actes que je leur montre et je leur dis : je vous aime,

j’ai confiance en vous. Les jeunes sont très sensibles au témoignage des adultes. » (Margarita, ens.)

o « Tenir compte que les enfants et les jeunes tendent à imiter le comportement et les attitudes des adultes. Pour cette raison, il faut qu’ils

puissent regarder dans nos actions et dans la façon de nous mettre en relation avec eux les valeurs dont ils ont besoin. L’imitation peut être

positive, mais peut aussi devenir dangereuse, tout dépend de qui ils imitent. » (Maria Elena, ens.)

o « Les jeunes observent beaucoup, analysent, comparent. Ils ne se laissent pas convaincre par des paroles mais par les témoignages. Leur

question est toujours : pourquoi les adultes (parents, enseignants) me motivent et m’enseignent les valeurs, si eux-mêmes ne les vivent pas ? »

(Marta Lucía, ens.)

o « On ne peut pas donner une valeur si l’on n’en est pas investi. Même le conférencier qui n’a pas de force de conviction dans sa parole

échoue dans la transmission de son message. Dans ce cas, même si je ne le connais pas, je peux « voir » s’il y a chez lui de la cohérence ou

non avec son discours. Si ses paroles ont de la force, elles m’inviteront à les vivre avec ce que je suis, vis, sens ou ce dont j’ai besoin. Il est très

important qu’il y ait un lien “affectif” pour être touché par autrui. » (Amalia Cristina, ens.)

o « Les valeurs se transmettent en lien avec l’exemple. L’aspect principal est l’attitude, l’intérêt réel pour l’élève, le dialogue, le suivi de son

parcours. L’enseignant attentif doit se poser des questions : qu’est-ce qui se passe chez cet élève en particulier ? Pourquoi un changement si

soudain ? » (José Luis, ens.)

• Être un transmetteur :

o « Pour bien transmettre, les parents ainsi que les enseignants, doivent se former pour faire face aux situations nouvelles : il y a des choses du

monde des enfants et des jeunes qu’ils ne connaissent pas. » (Margarita, ens.)

o « Le plus important est qu’ils “voient” les valeurs en pratique à travers les exemples, les concepts viendront après. Il faut que les élèves voient

dans le quotidien la façon comme nous les considérons, la manière de nous mettre en relation avec eux. » (Marta Lucía, ens.)

o « Il faut transmettre les valeurs avec passion, joie et amour, “que la connaissance pénètre la peau”. L’enseignant qui veut transmettre sans

amour échoue devant ses élèves. ». (Margarita, ens.)

• Relation proche et amicale :

o « Il faut descendre au niveau des élèves pour qu’ils comprennent ce qu’on veut leur transmettre. » (Marta Lucía, ens.)

o « Savoir répondre aux inquiétudes des élèves pour qu’ils n’aient pas peur de s’adresser à nous. » (José Luis, ens.)

o « Il faut que les “figures formatives” accompagnent les jeunes, qu’elles soient proches d’eux avec un dialogue ouvert, sans tabous, mais, bien

évidement, sans perdre leur image d’adulte. » (Maria Elena, ens.)

• Les moyens et les façons de transmettre :

o « Il faut toujours dire aux élèves : « Ce qui te fait grandir c’est l’étude, la qualité de la personne, tes valeurs et tes bons amis. ». Il faut les aider à

se valoriser et à valoriser les autres, à se percevoir plus clairement en leur montrant une autre façon de voir les choses. » (Ignacio, ens.)

o « Notre collège donne beaucoup d’importance aux“ ateliers d’orientation” pour montrer l’importance des valeurs : nous partons d’un

problème réel, nous préparons une vidéo ou l’analyse d’un cas, les élèves travaillent en groupe et après on fait le feed-back. Il est plus

efficace de les faire travailler par petits groupes si l’on veut transmettre plus efficacement. » (Marta Lucía, ens.)

o « Importants moyens de transmission : les récits, les jeux, les conversations amicales avec les élèves. » (Margarita, ens.)

o « En leur montrant les limites de la vie et qu’on ne peut faire ou avoir tout ce dont on a envie. » (Rodolfo, pt.)

o « Il faut les motiver, leur offrir ce qui est le meilleur, en leur montrant aussi clairement ce qui est le pire : les valeurs se“ construisent” ensemble. »

(Gabriel et Gloria Elena, pt.)

o « Pour eux, étudier avec des copains d’autres couches sociales est une façon d’apprendre les valeurs. » (Amalia, ens.)

o « Souvent on trouve un décalage entre la pédagogie

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utilisée par l’enseignant et l’école, et la pédagogie utilisée par les parents. » (Ignacio,

ens.)

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Jean-Pierre Pourtois et Huguette Desmet, signalent que pour les douze besoins (cf. Note 2, p. 160), il doit y avoir une pédagogie permettant de les développer. Dans la ligne d’une pédagogie qu’ils

appellent « postmoderne », ils nous parlent de neuf pédagogies avec le besoin principal qu’ils promeuvent : La pédagogie des expériences positives (attachement), la pédagogie humaniste rogérienne

o « Aujourd’hui les jeunes sont loin de choisir des modèles de vie – saints ou héros - comme ils le faisaient auparavant. Pour eux, les modèles sont

eux-mêmes ou leurs pairs. » (Margarita, ens.)

o « Pour“ intérioriser” une valeur il faut sensibiliser l’élève. » (José Luis, ens.)

o « Il est important de partager sa propre expérience, sa propre vie avec les élèves. Ils s’intéressent beaucoup à l’expérience de l’enseignant :

comment était-il avant ?, comment est-il maintenant ? Cela exige d’être cohérent vis-à-vis d’eux, faire le chemin ensemble dans la vie

quotidienne de l’école, leur parler avec le langage de la vie, un langage clair pour me faire connaître. » (José Luis, ens.)

o « L’étude de cas est importante : partir d’un cas tiré de la vie quotidienne, des expériences des jeunes, de mon expérience, et après réfléchir

et entamer une conversation autour. L’expérience doit être éclairée par la théorie et la théorie doit être soutenue par l’expérience des autres

et par ce qu’on lit. » (Ignacio, ens.)

o « Rationnaliser est important dans la mesure où cela pose des questions. Il y a des valeurs qu’on connaît par l’exemple, d’autres par

l’information. » (Ignacio, ens.) «Il faut donner beaucoup d’espace à la réflexion en utilisant les réunions et les travaux de groupe. Nous devons

être aussi créateurs de nouvelles stratégies didactiques. » (Marta Lucía, ens.)

• Partir toujours de la réalité :

o « L’école et les enseignants doivent partir de ce que les élèves ont reçu de leurs parents : valeurs, un type de formation et une ambiance

particulières, des expériences marquantes. Il faut aussi tenir compte de leur vie quotidienne, savoir si leurs amis peuvent leur transmettre des

valeurs. Tout cela, les élèves l’apportent à l’Institution. Il ne faut pas être un psychologue pour savoir qu’un jeune passe par des situations

difficiles exprimées à travers ses attitudes : réservé, silencieux, agressif, indifférent, indiscipliné, peu enthousiaste. » (Margarita, ens.)

o « Nous, les adultes, devons participer aux jeux des enfants et des jeunes, parce que c’est une façon de connaître leur monde, leurs

interactions, leur langage. C’est un espace de dialogue, d’“inculturation” qui évite le conflit générationnel, “créant” un langage commun

pour se faire entendre. » (Orfilia et Luis, pt.)

o « La réalité touche beaucoup. J’ai profité des situations du moment, parce que ce sont l’exemple et les cas concrets qui les motivent le plus en

leur permettant d’en tirer eux-mêmes les conséquences pour leur vie. » (Rodolfo et Lucelly, pt.)

o Il n’est pas possible d’être un excellent enseignant en étant un médiocre être humain. Pour les jeunes, ce sont les témoignages qui comptent

dans la transmission des valeurs. « Il faut que les enseignants aient une vision critique et réflexive face aux valeurs et à tous les mouvements

qu’elles entraînent dans les personnes, les groupes et la société. » (Rodolfo, pt.)

o « On ne peut changer personne. Le processus d’intériorisation passe par la vie, par le contact avec le quotidien des choses où chacun

intériorise à sa façon, même sans s’en rendre compte. » (Ignacio, ens.)

• La transmission, une affaire corporelle et non seulement de la raison :

o « Nous apprenons avec tout, non pas uniquement avec la tête, la raison. Dans la rue, le texte et l’expérience ; la connaissance se trouve dans

la vie quotidienne. Pour cela le témoignage est important. » (Marta Lucía, ens.)

(acceptation), la pédagogie du projet (investissement), la pédagogie différenciée (stimulation), la pédagogie active (expérimentation), la pédagogie behavioriste (renforcement), la pédagogie interactive

(communication), la pédagogie du chef-d’œuvre (considération), la pédagogie institutionnelle (structures). Cf. POURTOIS, Jean-Pierre, DESMET, Huguette. Op. cit., pp. 199-203.

Ces réponses nous signalent clairement quels sont les éléments les plus importants pour qu’une transmission de valeurs arrive à son but de toucher la

personne, en l’invitant peut être à “user” de cette valeur-là, ou plus important encore, à l’incorporer comme une façon d’être, comme une expression de

son être. Les valeurs passent par le corps et sont perçues par le corps, c’est-à-dire que la transmission de valeurs est corporelle, exige des relations

crédibles, le lien affectif, le témoignage, la socialisation. Les valeurs, nous l’avons déjà souligné, sans se réduire au corporel sont corporelles et pour

cette raison nous nous permettons de parler d’“incorporation des valeurs”

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et qu’en même temps, elles sont transcendantes parce que la valeur

n’existe que si elle est partagée. Rappelons ces deux aspects, décrits par Jean Nabert, que nous avons déjà cités : « Que nous soyons témoins ou

acteurs, nulle valeur ne peut être dissociée de l’émotion que nous éprouvons en présence d’êtres, d’actions, d’œuvres, véhiculant une intention qui n’est

pas de ce monde, bien qu’elle doive s’y investir pour le progrès de l’existence. Le prédicat, la qualité, qui est valeur, au lieu de participer d’une

essence, traduit un acte, une intention, qui ne pourrait même pas s’assurer intérieurement de soi, sans une ébauche d’action, sans la médiation de

l’histoire et des œuvres »

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. En écoutant les jeunes, les parents et les enseignants, on peut percevoir clairement que les valeurs ne se réduisent pas à

une théorie plus au moins élaborée. C’est pour nous un des échecs de la transmission quand elle est réduite à un aspect intellectuel, tout à fait

intéressant pour un penseur ou un adulte formé, mais qui n’a pas la même importance pour les enfants et les jeunes.

Mais attention, nous n’affirmons pas que la valeur se réduise à une perception ou à un sentiment, fruit d’une émotion, ou à un désir, ou à ce qui m’est

agréable, que j’aime, comme nous le verrons dans le chapitre 8. Dans le processus de transmission, il faut tenir compte de la variabilité des jeunes

comme nous l’avons expliqué dans la première partie de notre travail : aujourd’hui « le prof est chouette », demain, à la suite d’un reproche ou d’une

mauvaise note, « je ne l’aime pas, je le déteste ». En plus, comme nous l’avons signalé dans la problématique des valeurs : « pour qu’il y ait dans toute

valeur et en tout ordre de valeurs un élément de permanence qui s’oppose à ce qu’il y a dans le désir de changeant ou de capricieux, il faut que la

valeur comporte l’équivalent d’une règle, d’une forme, capable de diriger le désir et de lui imposer l’unité d’une direction »

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. Et, c’est précisément

cette permanence chez l’individu que nous allons appeler “incorporation des valeurs” comme le processus le plus abouti de transmission.

Il ne faut pas s’étonner si les gestes significatifs et les “autrui significatifs” sont essentiels dans la transmission des valeurs et dans les processus

d’identification ; que l’aspect de “sentir” et de “percevoir” la valeur “incorporée” en autrui, la rend crédible aux yeux de celui qui le “reçoit”. Du côté

des transmetteurs, tant les jeunes que les adultes interviewés, tous, sont d’accord sur le caractère essentiel du témoignage, de l’exemple, des valeurs

devenues pratiques concrètes dans la vie quotidienne des personnes. En plus de l’exemple, le bon transmetteur possède une force qui “touche” autrui,

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