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LA COLOMBIE

Le tragique feuilleton de la situation de violence et de guerre des cartels de la drogue, de la guérilla et des paramilitaires a fait que le monde méconnaît

la réalité d’un pays comme la Colombie, l'un des plus étonnants cocktails culturels du continent sud-américain

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. Les habitants sont souvent considérés

comme accueillants, gais, entreprenants, travailleurs et intelligents. Les Colombiens font toujours un grand effort pour se former : il y a beaucoup

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La Colombie se situe entre deux océans et relie l'isthme de Panama à la Cordillère des Andes et à l'Amazonie. C'est le seul pays d'Amérique du Sud qui possède 1.300 km de côtes sur l'Océan

Pacifique et 1.600 km sur la Mer des Caraïbes. La chaîne montagneuse des Andes, en pénétrant sur le territoire colombien, se divise en trois cordillères, dont certains sommets atteignent plus de 5.000

m, qui délimitent des frontières naturelles : la région andine, la région des Caraïbes et la région de l'Orinoquia–amazonía. Sa superficie est de 1.141.748 Km

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. Par sa taille, la Colombie est le quatrième

pays d'Amérique Latine, après le Brésil, l'Argentine et le Mexique, avec une population d'environ 45 millions d'habitants. La Colombie est divisée politiquement en 32 départements. Outre son territoire

continental, la Colombie possède plusieurs îles parmi lesquelles l'archipel de San Andrés et Providencia dans la mer des Caraïbes, lieu touristique par excellence. Du Nord au Sud de la Colombie, les

climats sont d'une extrême variété, depuis la chaleur des forêts humides et des plaines tropicales jusqu'aux neiges éternelles des cimes. Sa variété topographique et climatique fournit à la Colombie une

énorme diversité de produits agricoles : café (2ème exportateur mondial de café doux, après le Brésil), coton, riz, maïs, sorgho, soja, céréales, manioc, palmes africaines, cacao, tabac, canne à sucre,

fruits tropicaux, fleurs, etc. La Colombie est le premier producteur d'émeraudes et de cuir en Amérique du Sud et occupe une place importante pour la production de platine, d'or, d'argent et de pétrole.

d’Universités, d’Instituts techniques, de centres de formation de toutes sortes, qui montrent leur souci de se préparer professionnellement. En plus, la

variété de son folklore, de sa musique, de ses régions, nous montre un visage toujours gai et festif malgré les graves problèmes sociaux et politiques

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.

La Colombie est la cinquième puissance économique sud-américaine, derrière le Brésil, le Mexique, l'Argentine et le Venezuela, avec un PIB de 100

milliards de dollars. Dans cette République parlementaire, le président est élu pour une période de 4 ans. Le parlement est composée de deux

chambres : la Chambre des députés (163 membres élus tous les 4 ans) et le Sénat (102 membres, également élus tous les 4 ans). Le droit colombien est

copié sur le modèle du droit espagnol et du code napoléonien introduit par Andrés Bello.

La situation politique actuelle de la Colombieest complexe et très mal comprise par le monde qui l’a réduite à un problème de narcotrafic oubliant un

parcours historique qui peut au moins nous aider à comprendre sa réalité actuelle. Les guérillas sont nées comme une réponse à la négligence de l’État

envers les plus pauvres, spécialement les paysans des zones géographiques d’accès difficile et connurent une époque d’or où elles étaient la « voix de

ceux qui n’avaient pas de voix ». Mais, en se mêlant avec le narcotrafic, elles sont devenues des bandes de terroristes perdantes toutes crédibilités au

sein de la population. Avec un gouvernement incapable, jusqu’au maintenant, de les éradiquer, les rebelles des FARC (Forces armées révolutionnaires

de Colombie) et de l'ELN (Armée de libération Nationale) se sont emparés de plusieurs régions du pays. La guerre a forcé, depuis 1985, plus de deux

millions de personnes à quitter leurs terres et leurs villes, formant une population déplacée à l'intérieur de son propre pays. Plus de 3.000 otages :

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Sur l’histoire de la Colombie on peut consulter : MINAUDIER, Jean Pierre. Histoire de la Colombie : de la conquête à nos jours. Paris : L’Harmattan, 2000; SAFFORD, Frank, PALACIOS, Marco.

Colombia : Fragmented land, divided society. New-York : Oxford University Press, 2002; ORTEGA y MEDINA, Juan A. Propósitos y fines de la expansión. Historia General de América Latina, Vol.

II, Paris : UNESCO, 2000 ; A.A.V.V. Colombia hoy : perspectivas hacia el siglo XXI. Bogotá : Tercer Mundo, 1995 ; HERNÁNDEZ DE ALBA, Guillermo. Como nació la República de Colombia.

Bogotá : Banco de la República ; HENAO, Jesús Maria. Historia de Colombia. Bogotá : Plaza&Janés, 1984 ; LEMAITRE, Eduardo. Historias detrás de la historia de Colombia. Bogotá : Planeta,

1994 ; FORERO BENAVIDES, Abelardo. Momentos y perfiles de la historia de Colombia. Bogotá : Uniandes, 1993 ; GOMEZ ARISTIZABAL, Horacio. Diccionario de la Historia de Colombia.

Bogotá : Plaza&Janés, 1985 ; OCAMPO LOPEZ, Javier. Historia básica de Colombia. Bogotá : Plaza&Janés, 1984 A.A.V.V., Historia extensa de Colombia. Bogotá : Editorial Lerner, 1964 ;

ARTEAGA HERNANDEZ, Manuel. Historia política de Colombia. Bogotá : Planeta, 1999.

membres de la police et de l’armée, politiciens, commerçants

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, l’élite du pays, et gens simples, souffrent l’abominable perte forcée de leur liberté

pour des questions politiques, mais surtout pour l’argent

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. Plusieurs processus de paix ont échoué ces dernières années. Le plus récent, enclenché par

le président Pastrana fin 1998, s'est effondré en février 2002, après une série d'abus commis par les guérilleros qui ont trahi les promesses qu'ils avaient

faites à la table de négociation, mais aussi par un processus très mal conçu par le gouvernement.

Outre les guérillas, il y a aussi des paramilitaires organisés sous le nom d’AUC (Autodéfenses Unies de Colombie). Créés pour faire face à la Guérilla,

ils se sont mêlés au narcotrafic, à la corruption et aux délinquants du pays. Maintenant, ils sont en train de se démobiliser, mais il reste beaucoup de

questions sur leurs activités, sur leur pouvoir dans certains régions du pays où ils agissent comme des “pacificateurs” en l’absence des responsables de

sécurité du gouvernement, et sur leur infiltration dans la politique et les organismes de l’Etat

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. On soupçonne que des groupes paramilitaires existent,

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Moi-même, j’ai souffert le kidnapping d’un cousin et d’un oncle. Le premier, enlevé par l’ELN en 1999 pendant deux mois, et le deuxième, frère ainé de ma mère, pendant un an et 10 jours par les

FARC. Les deux ont dû payer de grosses sommes d’argent. J’ai eu l’occasion d’écouter en détail le récit de mon oncle et j’ai pu comprendre que la guérilla colombienne est dirigée par des personnes

avides d’argent et de pouvoir et qui n’ont aucun intérêt pour les plus pauvres et démunis du pays, bien que ce soit le discours qu’ils vendent au monde. Vivant encore de cette image “rose” des années

60, on ne peut pas ignorer la réalité d’un pays continuellement blessé par les actions de ces groupes. Néanmoins, nous n’ignorons pas que les problèmes ont d’autres causes comme la corruption

politique, la concentration de la richesse du pays dans un petit nombre de mains, les intérêts des États-Unis qui fournissent le pays en armes en se mêlant de notre politique, une classe politique

inefficace et une société qui se sent otage. Dans ce dernier cas il est courant que ceux qui luttent pour la paix, la justice et le bien-être des Colombiens en dénonçant les atrocités des groupes armés ou

signalant la corruption, soient persécutés soit par la gauche, soit par la droite payant parfois leur engagement avec leur vie ou leur émigration dans d’autres pays.

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Comme disait l’ambassadeur de Colombie en France dans une lettre envoyée en commémoration des deux ans d’enlèvement d’Ingrid Betancourt par la guérilla : « Le thème des enlèvements est l’un

des plus délicats dans la réalité du conflit colombien. Pendant les 10 dernières années, plus de 15.000 colombiens ont été enlevés, la plupart par la guérilla des FARC. La guérilla témoigne d’une grande

cruauté. Dans beaucoup de cas, les personnes sont détenues dans de vrais camps de concentration, maltraitées, torturées physiquement et psychologiquement. L’enlèvement est pour la guérilla une

source importante de financement pour ses activités terroristes et un mécanisme de pression pour obtenir des concessions politiques » (Miguel GOMEZ MARTINEZ, 2 février 2004).

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Parmi les nombreux articles et études à ce sujet nous recommandons : « Alerte en Colombie. Les paramilitaires infiltrent l’Etat », Information de l’ACAT, juin 2005 ; GUTIERREZ M. Carlos.

Impunité pour les paramilitaires colombiens. Le Monde diplomatique, octobre 2005. Lors de notre séjour à Medellín, nous avons pu constater cette présence qui « a apporté la paix aux quartiers les plus

créés directement par l’armée régulière du pays ou soutenus par elle. La fonction de ces groupes est l'élimination systématique de personnes, de

familles entières, de politiciens, de sympathisants de gauche, de leaders syndicalistes, de ceux qui luttent pour le respect des droits de l’homme ou de

ceux qui dénoncent leurs activités illicites. Les paramilitaires sont responsables de plusieurs massacres dans tout le pays, il y a beaucoup d’impunité

dans leurs activités en tant que délinquants. En arrivant au pouvoir en 2002, le président Álvaro Uribe Vélez a entamé des négociations avec les AUC

qui auraient débouché sur la démobilisation, en 2005, de plus de 22.000 combattants. Le processus engagé suscite toujours un certain nombre de

préoccupations sérieuses, concernant essentiellement la question de l’impunité, les violations du cessez-le-feu et les atteintes aux droits humains,

graves et nombreuses dont les paramilitaires continuaient de se rendre responsables

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. C’est dans ce pays que nous avons entrepris le travail de terrain

pour notre thèse, dans deux régions et trois lieux différents : les deux premiers à Medellín et le troisième dans la région montagneuse du département

du Cauca au sud-ouest du pays où nous avons rencontré une communauté d’Indiens, les “Paez”.

Pourtant, il est surprenant que ce pays qui passe par des difficultés très connues, soit considéré comme un des pays les plus gais du monde. Dans une

enquête faite parmi les étudiants du troisième cycle au milieu des années 90, on a comparé les différences nationales par rapport à l’attitude positive

vis-à-vis de la vie : Porto Rico, la Colombie et l'Espagne ont été classés comme les trois pays les plus gais du monde. Ces conclusions ne sont pas

étranges puisque, selon de nombreuses études, les Latino-Américains se trouvent parmi les personnes les plus heureuses du monde. Il y a ici une

transmission de ce qui est bon dans la vie. Selon cette enquête, l’esprit élevé, qui caractérise les Portoricains relativement pauvres et les Colombiens,

provient d'une « tendance vers la positivité », tendance qui « peut être enracinée dans des normes culturelles ou dans l’immense valeur que leurs

habitants donnent à vie ». Les Latino-Américains, nous dit l’étude, sont plus heureux parce qu'ils regardent le côté ensoleillé de la vie. Si les

Colombiens appartenant aux pays en voie de développement sont heureux la plupart du temps, c’est parce qu'ils aiment vraiment l’être

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. Il n’est pas

dangereux de la ville », mais on se demande quelles seront les conséquences d’une armée privée qui prend le contrôle de la sécurité de la population civile par le biais de la dissuasion et de la peur.

Récemment, on a présenté en France le film documentaire de Nicolas Joxe et Ives Junqua, intitulé « Ils ont fait taire un homme, pas un peuple » (2004), sur l’assassinat d’un leader ouvrier en Colombie.

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Sur la violence en Colombie : LAZZERI, Pietro. Le conflit armé en Colombie. Paris : L’Harmattan, 2004 ; URIBE, Maria-Victoria. Anthropologie de l'inhumanité : Essai sur la terreur en Colombie.

Calmann-Lévy, 2004 ; WOLF, Maribel. La Colombie écartelée : Le difficile chemin de la paix. Karthala, 2005 ; PECAUT, Daniel. L'ordre et la violence. Évolution sociopolitique de la Colombie entre

1930 et 1953. Paris : EHESS, 1997 ; GUEDAN, Manuel, RAMIREZ, Ruben Dario, Colombia : La guerra de nunca acabar ? Edition Trama, 2005, A.A.V.V., Pasado y presente de la violencia en

Colombia. Fondo Editorial CEREC, 1986, REVELLI, Philippe. Colombia : la paix à mains nues. Paris : Éditions de l’Atelier, 2001, ORTIZ SARMIENTO, Carlos Miguel. La violence en Colombie :

racines historiques et sociales. Paris : L’Harmattan, 1990 ; AMNISTIE INTERNATIONALE. Colombie : le vrai visage de la terreur. Amnesty International, Janvier 1999.

difficile de le constater pour l’étranger qui visite ce pays : il trouve des gens gais et accueillants qui font toujours la fête, qui ont des rapports très

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