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Partie I Fondements 29

Chapitre 2 Politique de la concurrence

B. Efficience dynamique en particulier

L’efficience dynamique en tant qu’objectif de la politique de la concurrence n’est pas une évidence. BORK reconnaissait certes que l’efficience dynamique est une compo-sante du bien-être social. Cet auteur a néanmoins rejeté clairement le progrès techno-logique comme objectif de la politique de la concurrence :

« Progress requires the sacrifice of other resources, it costs something, and no one thinks it worth paying any price, no matter how great, for faster progress. We are, therefore, neces-sarily ignorant of the “proper“ rate of progress, and it may be wisest for that reason not give the matter any weight in antitrust analysis »327.

L’efficience dynamique comme objectif de la politique antitrust constitue l’un des apports majeurs des courants post-Chicago (années 1980), notamment au regard du fait que le progrès technologique est décisif pour le bien-être des consommateurs328. Cet objectif est actuellement largement admis aux Etats-Unis329.

Du point de vue de l’évolution de la politique de la concurrence, l’approche commu-nautaire en matière d’efficience dynamique diffère de l’approche américaine. Alors que l’innovation n’avait aucune place dans les réflexions des premiers grands

325 HOVENKAMP (1985), p. 260 ss.

326 Cf. infra Partie III, Chap. 2.

327 BORK (1978), p. 132. On trouve néanmoins les prémisses d’une politique de concurrence axée sur le progrès technologique dans les Nine No-No’s (cf. infra Partie I, Chap. 2, § 4). L’interdiction des grantbacks a été justifiée au motif que des clauses de ce type risquent de réduire l’incitation à inno-ver du preneur. Cf.TOM/NEWBERG (1997), p. 167 ss.

328 BRODLEY (1987); SCHERER (1987). Pour un aperçu de l’évolution de la politique de la concurrence américaine sur la question de l’efficience dynamique, cf. FLYNN (1998). Cet auteur etCOHEN/BURKE

(1998) se sont efforcés de déterminer et de classer les comportements qui portent atteinte à l’innovation.

329 Cf. par exemple KATZ/SHELANSKI (2005b), qui traitent l’objectif d’efficience dynamique dans le cadre du contrôle des concentrations. KOVACIC/SHAPIRO (2000), p. 57 ss, relèvent que depuis les années 1990 la mise en œuvre du droit de la concurrence s’est focalisée sur l’innovation. GILBERT/TOM

(2001) se montrent plus sceptiques sur ce dernier point.

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rants de pensée d’Outre-Atlantique, la promotion de l’efficience dynamique remonte aux origines mêmes du droit communautaire. Le Traité CE dispose depuis son adop-tion que les accords et les pratiques d’entreprises en posiadop-tion dominante qui consis-tent à limiter ou contrôler le développement technique sont illicites330.

Dans la jurisprudence de la Commission CE également, l’innovation joue un rôle de-puis plusieurs décennies. Dans l’affaire des Semences de maïs, l’autorité de concurrence communautaire précisait :

« L’interdiction de produire ou de vendre des produits concurrents, lorsqu’elle est stipulée dans des contrats de licence et suivie d’effets, est contraire au progrès technique en ce qu’elle empêche le licencié de développer d’autres produits, éventuellement meilleurs […] » 331.

Il est intéressant de constater que dans les années 1980, on considérait que le progrès technologique devait être promu par une politique de la concurrence orientée vers la réalisation du marché commun. La création d’un marché commun soutenu par des règles de droit de la concurrence était considérée comme favorisant en soi le progrès technologique, dès lors que cela soumettait les entreprises à davantage de concur-rence. Par ailleurs, un grand marché commun était réputé, d’une part, favoriser la coopération entre entreprises de cultures différentes et, d’autre part, offrir la possibili-té aux entreprises de réaliser des économies d’échelle ; ces deux éléments sont favo-rables à l’innovation332.

C’est également pendant cette décennie que plusieurs règlements d’exemption par catégorie ont été adoptés dans l’optique de favoriser l’innovation. A titre d’exemples, on peut mentionner les règlements relatifs aux licences de brevets et de savoir-faire.

KORAH soulignait que la Commission CE avait conscience du fait, d’une part, que la concurrence était bénéfique pour l’innovation et, d’autre part, que la nouvelle régle-mentation offrait un cadre clair favorisant les investissements en recherche et déve-loppement ainsi que la diffusion de l’innovation333.

Actuellement, il est définitivement établi que la politique de la concurrence commu-nautaire est orientée vers l’efficience dynamique (dans l’optique du bien-être des con-sommateurs)334. Un nombre toujours croissant d’affaires témoignent de l’intérêt que portent la Commission CE et les instances judiciaires communautaires à l’innovation :

- Durant les dernières années, une attention particulière a été accordée aux comportements unilatéraux d’entreprises en position dominante, en

330 Cf. art. 81 para. 1 let. b et 82 CE.

331 Décision de la Commission CE, Semences de maïs (1978), para. III/2.

332 PAPPALARDO (1986).

333 KORAH (1989), p. 7.

67 lier sur la question du refus de concéder des droits de propriété intellec-tuelle335. Dans l’affaire Microsoft, le Tribunal de première instance CE a disposé qu’une entreprise en position dominante peut être contrainte de concéder des licences si le refus empêche l’apparition de produits nouveaux336.

- Une analyse des décisions de la Commission CE en matière de contrôle des concentrations fait clairement apparaître la mise en balance entre la conserva-tion d’une structure de marché dynamique dans laquelle les entreprises sont incitées à fournir des efforts de recherche et développement et la mise en commun de ressources permettant de réduire les coûts de recherche et déve-loppement. On relèvera à cet égard les décisions qui ont trait à l’industrie pharmaceutique337.

L’évolution de la réglementation sur le transfert de technologie montre que l’autorité de concurrence communautaire s’efforce d’affiner les règles afin de favoriser l’innovation dans ses deux composantes. Le Règl. n° 240/96 accordait une importance particulière à la diffusion de l’innovation338. En revanche, l’impact des accords de transfert de technologie sur la recherche et développement ne semblait pas particuliè-rement pris en considération339. Le Règl. n° 772/2004 ainsi que les Lignes directrices TT font, pour leur part, une large place aux aspects liés à la recherche et développe-ment.

Au vu des déclarations faites par la Commission CE à la suite de l’arrêt du TPICE dans l’affaire Microsoft, la politique communautaire de la concurrence se poursuivra dans cette voie340. Dans cette optique, cette politique s’intègre dans le mouvement

334 PEEPERKORN/PAULIS (2005). Pour une contribution générale, malheureusement légèrement dépassée mais qui reste bien structurée, sur cette question, cf. DOLMANS (1998).BRODLEY (1987) et SCHERER

(1987) ont été les premiers à affirmer clairement que l’efficience dynamique doit constituer l’objectif principal de la politique de la concurrence. Tous deux précisent, en outre, que l’efficience de pro-duction est plus importante que l’efficience d’allocation.

335 Arrêt de la CJCE, Magill (1995); arrêt de la CJCE, IMS Health (2004); arrêt du TPICE, Microsoft (2007).

336 Arrêt du TPICE, Microsoft (2007), para. 621 ss.

337 Par exemple décision de la Commission CE, Upjohn/Pharmacia (1995); décision de la Commision CE, Ciba-Geigy/Sandoz (1996); décision de la Commission CE, Glaxo Wellcome/Smithkline Beecham (2000).

338 Cf. chiffres 8, 10 et 12 du préambule du Règl. n° 240/96.

339 Le chiffre 20 du préambule du Règl. n° 240/96, relatif aux clauses de rétrocession des améliorations dissociables, se concentre exclusivement sur les risques pour la diffusion de la technologie. On peut trouver une trace du risque pour la recherche et développement à l’art. 3 ch. 2 Règl. n° 240/96.

340 Le discours de la Commissaire KROES à la suite de l’arrêt du TPI dans l’affaire Microsoft est particu-lièrement significatif à cet égard (http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=

SPEECH/07/539&format=HTML&aged=0&language=EN&guiLanguage=en).

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plus général, formulé dans la stratégie de Lisbonne, de faire de l’Union européenne l’économie basée sur la connaissance la plus dynamique du monde341.

III. Conséquences pour la coopération entre entreprises