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Partie I Fondements 29

Chapitre 2 Politique de la concurrence

A. Ancienne approche formaliste

Les premières règles de droit de la concurrence applicables aux accords de transfert de technologie remontent aux années 1970. Sur la base de la pratique décisionnelle, la division antitrust du Department of Justice américain a édité une liste de neuf clauses relatives aux accords de licences considérées comme contraires au droit de la concur-rence. Très rapidement, cette liste a été qualifiée de Nine No-No’s382. Cette approche formaliste (ou légaliste) reflète l’état du droit de la concurrence de cette période, rela-tivement peu marquée par le recours à l’analyse économique.

En Europe, les premières réglementations ont été promulguées dans les années 1980, étant précisé que des règles distinctes étaient prévues pour les licences de brevets383 et

378 En d’autres termes, la nouvelle approche économique renforce l’objectif d’efficience économique poursuivi par la politique de la concurrence communautaire. Cf. PRIETO (2007), p. 321.

379 MONTI (2007), p. 81 s., qui précise que la nomination de Mario MONTI (économiste) comme Commissaire de la concurrence en 1999 a eu un impact important sur l’économisation de la politique de la concurrence. Celle-ci est toutefois controversée. Cf. IMMENGA (2006), qui estime qu’elle est contraire aux principes fondamentaux du droit communautaire.

380 Cf. Communication sur l’application de l’art. 82 CE aux pratiques d’exclusion.

381 Cf. Lignes directrices ConcH et Lignes directrices ConcNH.

382 Les Nine No-No’s comprennaient, entre autres, les licences liées, les restrictions de vente imposées au preneur et les clauses de rétrocession des améliorations dissociables. Sur cette liste, cf.

TOM/NEWBERG (1997), p. 178 ss; PATE (2003); GILBERT/SHAPIRO (1997), p. 284 s.

383 Règl. n° 2349/84. Cf. KORAH (1985).

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pour les licences de savoir-faire384. L’adoption de ces règlements s’est inscrite dans un processus plus large de réglementation des accords de coopération385. Au regard du droit de la concurrence alors en vigueur dans la Communauté européenne, il est lo-gique que cette première génération de règles ait été purement formelle.

Relativement rapidement, un régime juridique unique s’appliquant aux licences de brevets et de savoir-faire a été jugé préférable, ce qui a donné naissance au Règl.

n° 240/96 concernant les accords de transfert de technologie386. A l’instar des Nine No-No’s et de la réglementation communautaire antérieure, le Règl. n° 240/96 était forma-liste ou, en d’autres termes, suivait une approche légaforma-liste. En substance, les clauses susceptibles d’être insérées dans les accords de transfert de technologie étaient divi-sées en trois catégories :

- La liste blanche comprennait les clauses qui ne sont pas restrictives de concur-rence. Elles étaient automatiquement autorisées387.

- La liste noire comprennait les clauses réputées restreindre la concurrence. Les accords contenant ce type de clauses étaient exclus de l’exemption par catégo-rie et, généralement, ne pouvaient pas bénéficier d’une exemption individuelle au sens de l’art. 81 para. 3 CE388.

- Les clauses grises étaient sujettes à une autorisation de la Commission CE389. L’approche formaliste s’est révélée avoir un effet dit de « camisole de force » (straightjacket). Elle mettait un frein à la créativité des entreprises, celles-ci se conten-tant de rédiger des accords compatibles avec le Règl. n° 240/96. Dans les cas ex-trêmes, les entreprises renonçaient à concéder leurs technologies sous licence de sorte que la dissémination des connaissances était limitée. Par ailleurs, la classification de certaines clauses dans l’une ou l’autre des catégories allait à l’encontre de la théorie économique qui s’était alors fortement développée. Enfin, les accords de transfert de technologie se complexifiant au fil du temps (transfert de software, design, pools de technologies), il était insuffisant de limiter l’exemption par catégorie aux brevets et au savoir-faire390.

384 Règl. n° 556/89. Cf. KORAH (1989).

385 Cf. Règl. 417/85 et Règl. 418/85 relatifs aux accords de spécialisation, respectivement aux accords de recherche et développement. Ces quatre règlements ont été partiellement modifiés par le Règl.

n° 151/93. En ce qui concerne les différentes réglementations applicables aux accords de distribu-tion, cf. WHISH (2009), p. 639.

386 Pour une synthèse, cf. ANDERMAN/KALLAUGHER (2006), p. 34 ss n° 2.52 ss. Pour un commentaire complet de cette réglementation, cf. KORAH (1996).

387 Art. 2 Règl. n° 240/96.

388 Art. 3 Règl. n° 240/96.

389 Art. 4 Règl. n° 240/96.

390 COMMISSION CE (2001), p. 5 ss.

79 B. Approche économique axée sur l’impact concurrentiel

L’approche moderne du droit de la concurrence en matière d’accords de transfert de technologie débute en 1995 avec l’adoption des Antitrust GL/IP. Ces lignes directrices sont le fruit d’une profonde évolution de la théorie économique et s’intègrent dans le mouvement de modernisation du droit antitrust américain de la période post-Chicago. De manière générale, ce contexte se caractérise par un recours toujours plus important à la règle de raison au détriment d’interdictions per se. Ainsi, l’examen des pratiques perd son caractère formel au profit d’une analyse des impacts sur le mar-ché391. Désormais, les effets pro- et anticoncurrentiels des accords de transfert de tech-nologie doivent être soigneusement mis en balance afin de déterminer leur compatibi-lité avec le droit de la concurrence392.

En droit communautaire, l’approche économique axée sur l’impact concurrentiel a été introduite, en matière d’accords de transfert de technologie, par le Règl. n° 772/2004 et les Lignes directrices TT. Cette réglementation s’inscrit dans le cadre plus large de la réforme de la réglementation communautaire où l’approche économique est deve-nue prédominante.

L’approche économique suivie dans la réglementation communautaire sur les accords de transfert de technologie a deux composantes fondamentales :

- Les accords sont exemptés selon le Règl. n° 772/2004 pour autant que les parts de marchés des parties se situent au-dessous de certains seuils (sphère de sé-curité, safe harbour)393. En outre, il est nécessaire que l’accord ne contienne pas de clauses caractérisées ou exclues394.

- En dehors du Règl. n° 772/2004, une appréciation des accords basée sur leurs effets est exigée (effects-based approach). Elle implique que le pouvoir de marché

391 TOM/NEWBERG (1997), p. 188 ss.

392 Idem, p. 194 ss;PATE (2003); GILBERT/SHAPIRO (1997), p. 286. Par ailleurs, il convient de mentionner le document récemment publié par les autorités de concurrence américaines, U.S. DEPARTMENT OF

JUSTICE/FEDERAL TRADE COMMISSION (2007), qui apporte un grand nombre de précisions sur la mise en balance des effets anticoncurrentiels et des gains d’efficience relatifs à certaines pratiques liées aux accords de licences.

393 Ce système repose sur une présomption : les entreprises qui détiennent de faibles parts de marché ne disposent pas de pouvoir de marché. Leurs accords ne sont, en conséquence, pas susceptibles de poser des problèmes de concurrence. On relèvera que ce système ne prend pas en considération les barrières à l’entrée. Sa pertinence d’un point de vue économique est donc limitée. Cf. PRIETO

(2007), p. 321.

394 L’interdiction de certaines clauses alors que les parties ne détiennent pas de pouvoir de marché constitue la dernière marque de l’ancienne approche juridique. Comme le relève PRIETO (2007), p. 321, « le règlement d’exemption se révèle être le creuset d’une conciliation entre la nouvelle approche économique et le maintien d’une approche juridique ».

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des parties, leur relation concurrentielle et les différents effets que peuvent avoir les clauses soient pris en considération395.

L’approche formaliste du Règl. n° 240/96 a été abandonnée. Le nouveau système ne repose plus sur une distinction entre clauses blanches et noires que les parties peu-vent ou non insérer dans leurs accords. La nouvelle approche permet certes d’éviter les inconvénients de la camisole de force. La sécurité juridique s’en trouve néanmoins fortement réduite. Le calcul des parts de marché et l’appréciation de l’impact écono-mique de certaines clauses peuvent constituer un tel défi pour les entreprises qu’elles risquent de préférer renoncer à concéder leurs technologies sous licence396.

§ 5 Synthèse

Il convient de retenir trois éléments essentiels de ce chapitre consacré aux fondements de la politique communautaire de la concurrence et de la réglementation applicable aux accords de transfert de technologie.

Premièrement, la politique de la concurrence vise essentiellement – ou, du moins, c’est l’objectif principal fixé par la Commission CE – l’augmentation de l’efficience dynamique (dans l’optique du bien-être des consommateurs), c’est-à-dire la mise au point et l’introduction sur le marché de nouvelles technologies ou de produits inno-vants. Il ne faut cependant pas négliger que l’efficience statique et le marché commun constituent également des biens protégés par le droit communautaire de la concur-rence.

Reconnaissant l’impact économique positif des divers accords de coopération entre entreprises, l’autorité de concurrence communautaire a adopté une approche favo-rable à l’égard de ces accords, en particulier des accords de transfert de technologie.

Cela vaut sous réserve des restrictions que sont susceptibles de contenir ces accords.

Deuxièmement, il n’existe plus de limite à l’application du droit de la concurrence en présence de comportements impliquant des droits de propriété intellectuelle. Il est reconnu que les propriétés matérielle et immatérielle sont comparables : toutes deux peuvent exiger des investissements importants, ce dont il faut tenir compte sous l’angle du droit de la concurrence.

Troisièmement, l’appréciation concurrentielle de pratiques doit en principe être basée sur l’effet sur la concurrence produit in concreto (more economic approach). Cette mé-thode place le concept de pouvoir de marché au centre de l’analyse, dans la mesure où il constitue la condition sine qua non à un effet anticoncurrentiel sensible.

395 HANSEN/SHAH (2004), p. 466.

396 DREXL (2004), p. 717 ss.

Deux raisons justifient que l’on consacre un chapitre à part entière à la notion de pou-voir de marché :

- Le pouvoir de marché pouvant être source d’inefficience, il est au centre de la politique communautaire de la concurrence actuelle, orientée vers l’efficience économique.

- La détermination du pouvoir de marché peut être requise lors de l’appréciation concurrentielle. En présence de restrictions par effet de la con-currence, il s’agit de la première condition d’application de l’art. 81 para. 1 CE.

Il convient d’abord de définir la notion de pouvoir de marché et d’examiner la rela-tion qu’elle entretient avec la propriété intellectuelle, supposée conférer un monopole aux détenteurs de droits exclusifs. Dans ce cadre, on s’intéressera également au lien entre le pouvoir de marché et l’innovation rapide (§ 1). Ensuite, il faut déterminer à quelles conditions le détenteur de technologie détient un pouvoir de marché397. Cela exige de définir le marché pertinent et d’analyser la structure de marché (§ 2). On avertira le lecteur qu’il est impossible d’être exhaustif à ce propos et qu’il est impor-tant, en pratique, d’avoir recours à la littérature spécialisée.

§ 1 Notion de pouvoir de marché

I. Définition

Le pouvoir (ou puissance) de marché se définit comme la capacité d’une entreprise à maintenir ses prix au-dessus du niveau concurrentiel (coût marginal) pendant une période de temps significative398, dans le but d’augmenter ses profits au détriment des consommateurs (réduction de l’efficience statique)399.

D’emblée, il convient de préciser que les marges extrêmement élevées que prélèvent les entreprises actives sur les marchés dynamiques ne signifient pas qu’elles détien-nent un pouvoir de marché. De telles marges ne sont perçues que durant une brève

397 Dans certaines circonstances, notamment lorsque les parties sont dans une relation de concurrence, il faut également déterminer si le preneur détient un pouvoir de marché. Cf. para. 134 Lignes direc-trices TT.

398 CARLTON/PERLOFF (2005), p. 93.

399 KRATTENMAKER/LANDE/SALOP (1987), p. 249.

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période, jusqu’à ce qu’une innovation réduise, voire supprime, la possibilité de conti-nuer à prélever des rentes élevées400.

En soi, la détention d’un pouvoir de marché n’est pas problématique sous l’angle du droit de la concurrence. Elle résulte du principe de liberté économique et constitue la récompense pour avoir remporté la concurrence par les mérites (innovation, produc-tion plus efficace, etc.). Ce n’est qu’en présence de l’exercice d’un pouvoir de marché que l’intervention du droit de la concurrence s’impose. Le pouvoir de marché peut être exercé de deux manières401 :

- Le pouvoir de contrôler les prix ou « classical Stiglerian market power » (école de Chicago). La formation d’un cartel constitue l’exemple classique de ce type d’exercice de pouvoir de marché.

- Le pouvoir d’exclure les concurrents ou « exclusionary Bainian market power » (école de Harvard). L’exclusion peut être le fruit de nombreuses pratiques, parmi lesquelles les prix prédateurs, les ventes liées et les clauses d’exclusivité.

Le pouvoir de marché peut exister à des degrés différents sur un continuum. A l’un des extrêmes se trouve la possibilité de fixer des prix nettement au-dessus du coût marginal pendant une longue période tandis qu’à l’autre, une entreprise ne peut fixer ses prix que légèrement au-dessus de son coût marginal pendant une brève période.

La mise en relief des différents degrés de pouvoir de marché permet d’expliquer la relation entre la notion de pouvoir de marché et celle de position dominante402. La position dominante est un pouvoir de marché qualifié, auquel l’ordre juridique con-currentiel attache certaines conséquences particulières. Les deux notions se distin-guent donc d’un point de vue non pas qualitatif mais quantitatif403.

Le pouvoir de marché peut être mesuré de manière directe, au moyen de l’indice de Lerner. Il faut pour cela connaître deux paramètres : le prix des produits et le coût marginal de l’entreprise. En raison du manque d’informations disponibles en pra-tique, il est rare que le pouvoir de marché puisse être analysé directement. Cette ap-proche est donc d’un intérêt limité en droit de la concurrence404.

Dans la plupart des cas, le pouvoir de marché est apprécié de manière indirecte. Deux étapes sont requises pour ce faire. Premièrement, le marché pertinent doit être

400 PLEATSIKAS/TEECE (2001), p. 690 s.

401 KRATTENMAKER/LANDE/SALOP (1987), p. 249 ss, qui relèvent que les deux manières peuvent être exer-cées indépendamment ou en corrélation. Un type d’exercice facilite l’autre type d’exercice.

402 Cf. art. 82 CE.

403 Sur ce dernier point, cf. KRATTENMAKER/LANDE/SALOP (1987), p. 241 ss.

404 SULLIVAN/GRIMES (2006), p. 62 s.; VAN DEN BERGH/CAMESASCA (2001), p. 94 s.

83 ni405. Deuxièmement, la structure du marché doit être analysée. En substance, on examine, d’une part, quelles sont les parts de marché détenues par les entreprises et, d’autre part, s’il y a des barrières à l’entrée, i.e. s’il existe une concurrence potentielle.

D’un point de vue pratique, on soulignera encore que la définition du marché perti-nent constitue souvent le nœud des litiges de droit de la concurrence406.

Il n’existe pas de définition généralement admise de la notion de structure de marché.

Dans une acception étroite, elle se détermine au regard du nombre de concurrents, de leurs parts de marché respectives et de la concentration du marché407. Dans un sens plus large, qu’il convient de retenir, elle englobe une pluralité d’éléments « incluant aussi bien des éléments qui tiennent au marché dans son ensemble (concentration, réglementation, évolution temporelle de la demande, etc.) que des éléments qui tien-nent avant tout à une entreprise particulière, mais influencent les comportements de ses concurrents (différenciation des produits, droits de propriété intellectuelle, etc.) »408.

II. Relation avec la propriété intellectuelle

En théorie, la détention d’un droit de propriété intellectuelle confère un pouvoir de marché voire un monopole à son détenteur. Il s’agit du fondement même du droit de la propriété intellectuelle : l’anticipation de l’acquisition d’un pouvoir de marché con-féré par un droit exclusif incite les entreprises à innover.

En pratique, les droits de propriété intellectuelle se révèlent être des moyens impar-faits d’appropriation de l’information, ce qui remet profondément en question le fait que ces droits confèrent un pouvoir de marché. Dans la majeure partie des industries, les entreprises concurrentes parviennent à contourner les droits exclusifs et à mettre au point des technologies substituables à la technologie protégée409.

405 La définition du marché est un instrument permettant d’apprécier le pouvoir de marché et non une fin en soi, comme cela pourrait se déduire de certaines discussions juridiques. Cf. VAN DEN

BERGH/CAMESASCA (2001), p. 75 ss. Pour quelques réflexions récentes sur la définition du marché, cf.

CARLTON (2007), p. 1 ss.

406 SULLIVAN/GRIMES (2006), p. 62 s.; VAN DEN BERGH/CAMESASCA (2001), p. 76.

407 XOUDIS (2002), p. 115. Cela ne signifie toutefois pas que cet auteur ne prend pas en considération un ensemble d’éléments pour déterminer si une entreprise détient un pouvoir de marché.

408 CHERPILLOD (2006), p. 11 n° 51.

409 Cf. supra Partie I, Chap. 2, § 1, II.

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Cette dichotomie est correctement appréhendée en droit communautaire de la currence, dans la mesure où la présence de droits de propriété intellectuelle ne con-duit pas automatiquement à la conclusion que le détenteur desdits droits détient un monopole voire, dans une moindre mesure, un pouvoir de marché. Les deux exemples suivants le confirment :

- Afin de définir le marché pertinent, le Règl. n° 772/2004 exige la prise en compte de la technologie en cause et de ses substituts410.

- Le système des parts de marché adopté dans ce même règlement reflète le fait que le détenteur d’un droit exclusif peut ne posséder aucun pouvoir de mar-ché.

En droit américain, cette problématique a fait l’objet de nombreux débats ainsi que de renversements de jurisprudence411. Traditionnellement, la propriété intellectuelle était présumée conférer un pouvoir de marché à son détenteur. Cette approche a été ren-versée dans les Antitrust GL/IP412, puis par la Cour Suprême des Etats-Unis dans l’affaire Illinois Tool413.

III. Pouvoir de marché en présence d’innovation rapide ?

Durant la seconde partie des années 1990, certains auteurs américains – regroupés sous la dénomination de « Schumpeterians » – ont soutenu qu’il est impossible de dé-tenir un pouvoir de marché en présence d’innovation rapide. En effet, les marchés high-tech sont suffisamment « fluides », de sorte qu’ils parviennent à corriger leurs propres imperfections. La conséquence est qu’il ne devrait pas y avoir d’intervention concurrentielle dans les industries dynamiques. A cela s’ajoute le manque de connais-sances scientifiques relatives au fonctionnement de la concurrence dans ces industries, qui risquerait de conduire à une intervention du droit de la concurrence nuisible à la concurrence414.

Le rejet de l’application du droit de la concurrence aux marchés dynamiques a été vivement contesté, en particulier par les membres des autorités de concurrence

410 Para. 22 Lignes directrices TT.

411 Pour deux contributions sur la relation entre la propriété intellectuelle et le pouvoir de marché aux Etats-Unis, cf. KATZ (2005) et MCDONALD (2006).

412 Para. 2.2 Antitrust GL/IP.

413 U.S. Supreme Court, Illinois Tool (2006). Pour un résumé de l’arrêt, cf. DAUDRET-JOHN/SOUTY (2006) et KËLLEZI (2006).

414 Cf. notamment TEECE/COLEMAN (1998); BARRO (1998); LEVY (1999), dont on appréciera la remarque ironique concernant l’intervention des autorités antitrust de cette période : « Welcome to the post-modern world of high-tech antitrust, where big is once again bad, lofty profit margins are a wake-up call to government regulators, executives are brought to heel for aggressively worded e-mails, pric-ing too high is monopolistic, pricpric-ing too low is predatory […] and successful companies are re-warded by dismemberment ».

85 caines. Ces derniers reconnaissent que les marchés dynamiques ont une certaine ca-pacité autorégulatrice. Cependant, ils ne fonctionnent pas suffisamment bien pour empêcher la détention de pouvoir de marché et discipliner les entreprises. Les argu-ments suivants ont été formulés à l’appui de cette position415 :

- Le pouvoir de marché acquis durant une génération de produits peut servir à maîtriser certains inputs et ainsi être prolongé dans la génération de produits suivante.

- Les marchés d’innovation sont caractérisés par de substantielles barrières à l’entrée. On mentionnera notamment les sunk costs importants, le fort risque d’échec, la réglementation (en matière pharmaceutique surtout) ainsi que les droits de propriété intellectuelle.

- Les effets de réseau conduisent à un winner-take-all market. Il en résulte peu de possibilités de faire concurrence au réseau dominant.

Les défenseurs de l’application des règles antitrust préconisent une intervention selon une méthode classique, qui tienne néanmoins compte des subtilités des marchés dy-namiques, tels que la capacité autorégulatrice des marchés et les barrières à l’entrée spécifiques (sunk costs, effets de réseau, etc.). Par ailleurs, certains instruments de l’analyse concurrentielle – la définition du marché pertinent par exemple – doivent être adaptés pour apprécier les comportements des entreprises sur les marchés dy-namiques.

La Commission CE ne considère pas que la présence d’innovation rapide empêche

La Commission CE ne considère pas que la présence d’innovation rapide empêche