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Partie I Fondements 29

Chapitre 3 Pouvoir de marché

B. Marchés de produits et de technologies

2. Détermination du marché de produits

Le marché de produits comprend, en premier lieu, les produits fabriqués à l’aide de la technologie en cause. En deuxième lieu, il englobe les produits basés sur des

427 NEWBERG (2000a), p. 104 s.

428 Art. 3 Règl. n° 772/2004.

429 La prise en compte du marché de technologies en plus du marché de produits s’est révélée pertinente dans le secteur chimique. Cf. décision de la Commission CE, Shell/Montecatini (1994);

décision de la Commission CE, Union Carbide/Enichem (1995); décison de la Commission CE, Elenac/Hoechst (1998); décision de la Commission CE, Dow Chemical/Union Carbide (2000). N EW-BERG (2000a), p. 106 ss, identifie les conditions économiques qui conduisent à des résultats diffé-rents lors de l’appréciation concurrentielle en fonction des types de marchés.

89 logies concurrentes, qu’elles soient protégées par un droit de propriété intellectuelle ou au titre de savoir-faire secret, ou alors qu’elles soient tombées dans le domaine public (générique). Il faut que les produits soient considérés comme substituables par les acheteurs en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés430.

On peut s’interroger sur le fait que les génériques soient réellement substituables aux produits initialement protégés par des droits exclusifs, en particulier en ce qui con-cerne les médicaments. Les stratégies mises en œuvre par les entreprises pharmaceu-tiques pour retarder l’entrée sur le marché de génériques431 nous amènent à conclure que ces derniers sont dans la plupart des cas substituables aux produits de base.

Géographiquement, le marché de produits est composé de la zone dans laquelle les produits sont vendus et des zones dans lesquelles se situent des sources d’approvisionnement de remplacement pour les consommateurs. Il s’agit de savoir si, en réaction à une augmentation de prix, les acheteurs transféreraient leurs com-mandes vers des sociétés implantées ailleurs, à court terme et à moindre coût432. Il arrive qu’un marché de produits n’existe pas encore au moment du transfert de technologie, mais que l’on puisse s’attendre avec suffisamment de probabilité à ce qu’un tel marché voit le jour dans un futur proche. Dans ces circonstances, il est pos-sible de considérer que ce marché futur constitue le marché pertinent pour l’analyse concurrentielle.

Cette approche a été adoptée par la Commission CE dans le cadre du contrôle des concentrations. Dans l’affaire Ciba-Geigy/Sandoz par exemple – concentration qui a donné naissance à Novartis –, la Commission CE a défini un marché de produits futur pour les produits n’étant pas encore sur le marché mais se trouvant à un stade avancé de développement (pipeline products)433. Cette solution appelle trois précisions :

- Etant donné qu’aucun marché de produits n’existait, la détermination du mar-ché de produits futur a été effectuée sur la base des caractéristiques du futur produit et de l’usage thérapeutique auquel il était destiné434.

- La prise en compte d’un marché de produits futurs ne dépend pas de la certi-tude qu’un tel marché existera à l’avenir. Il suffit que les parties aient fait

430 KËLLEZI (2005), p. 554.

431 COMBE/HAUG (2006).

432 Para. 29 Communication sur la définition du marché.

433 Décision de la Commission CE, Ciba-Geigy/Sandoz (1996), para. 42 ss. Cf. également décision de la Commission CE, Glaxo Wellcome/Smithkline Beecham (2000), para. 70 ss et 75.

434 Décision de la Commission CE, Ciba-Geigy/Sandoz (1996), para. 42.

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fisamment de progrès dans leurs activités de recherche et que la commerciali-sation des produits soit envisageable435.

- Sous l’angle géographique, les marchés de produits futurs sont mondiaux ou, du moins, à l’échelle de la Communauté européenne. Cela se justifie au regard des activités de recherche et développement qui ne sont pas limitées géogra-phiquement. La Commission CE a néanmoins relevé que le champ d’application territorial des brevets peut jouer un rôle436.

L’analyse du marché de produits requise par la réglementation présente le problème d’être statique. Or, une partie des technologies n’a pas simplement pour vocation de constituer un substitut aux technologies déjà sur le marché mais d’offrir une améliora-tion et, à terme, de remplacer les anciennes technologies. Sur le plan de la définiaméliora-tion du marché pertinent, « se pose dès lors la question de savoir si des produits dont l’un est destiné à en remplacer d’autres sont nécessairement, et à tout moment du proces-sus, sur le même marché. En particulier, comment prendre en compte le facteur temps, et les incertitudes qui s’y attachent, dans l’analyse des marchés ? Quand on analyse le marché à un moment donné d’un tel processus, faut-il ou non intégrer la potentialité du remplacement complet ou pratiquement complet ? »437.

Lors de la première analyse – au moment où une nouvelle technologie fait l’objet d’un accord de licence par exemple –, il convient de considérer de manière large les pro-duits basés sur les différentes technologies comme des propro-duits concurrents. Cela exige un assouplissement des critères d’appartenance à un même marché438 :

- Le test SSNIP d’élasticité-prix croisée de la demande est d’une utilité limitée pour deux raisons. D’abord, les marchés, en particulier dans les secteurs high-tech, sont caractérisés par une forte différenciation. Ensuite, la concurrence étant principalement basée sur la performance et moins sur les prix, le test du monopoliste hypothétique n’est que partiellement pertinent439.

- Le test de l’élasticité de la demande à la performance (élasticité-performance) constitue une alternative pertinente lorsque la concurrence ne s’exerce pas par les prix et lorsque les produits sont différenciés. Selon cette approche, deux

435 Idem, para. 46.

436 Idem, para. 51.

437 LESQUINS (1994), p. 10.

438 Idem, p. 10 ss;PLEATSIKAS/TEECE (2001), p. 687. La position adoptée au para. 33 Lignes directrices TT va dans ce sens, même en présence d’innovations drastiques. Il est reconnu qu’il est extrême-ment difficile de déterminer si une innovation est drastique et, par conséquent, va constituer un nouveau marché. Cela n’est souvent pas immédiatement révélé lors de la mise sur le marché. Les anciens produits exercent une pression concurrentielle pendant une certaine période. Dans une première phase, il convient donc généralement de conclure que les produits basés sur la nouvelle technologie font partie du même marché que les anciens produits.

439 PLEATSIKAS/TEECE (2001), p. 668 ss.

91 produits sont sur un même marché si l’amélioration de la performance de l’un d’eux entraîne une baisse de la demande de l’autre440.

Par la suite, une appréciation dynamique de la substituabilité s’impose. Concrète-ment, un accord de transfert de technologie doit faire l’objet de plusieurs apprécia-tions au cours du temps, sur la base de nouvelles définiapprécia-tions du marché pertinent441 : plus le temps passe, plus le donneur est susceptible de détenir un pouvoir de marché (sous réserve de nouvelles innovations). Cela peut exiger une modification des clauses contenues dans l’accord.

On attirera l’attention sur l’aspect stratégique pour les parties à un accord de licence que présente la définition du marché pertinent de produits en présence d’innovation.

A première vue, il peut sembler peu pertinent de faire valoir que les produits basés sur la nouvelle technologie sont innovants et se situent sur un marché distinct. Ledit marché serait ainsi étroit et on pourrait considérer que l’entreprise qui possède la nouvelle technologie détient un pouvoir de marché. Dans une optique plus straté-gique, cette approche a pour conséquence que les parties ont davantage de chances d’être considérées comme non-concurrentes. Elles bénéficieraient ainsi des règles beaucoup plus souples – notamment en ce qui concerne les restrictions – qui régissent ce type de relations442.