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Les effets de la réforme annoncée sur le contrôle de légalité ou contrôle direct

Chapitre III : L’effet potentiel des réformes annoncées sur le contrôle de la Cour de cassation

Section 1 Les effets de la réforme annoncée sur le contrôle de légalité ou contrôle direct

Le contrôle de légalité ou contrôle normatif est la mission première de la Cour de cassation, qui la conduit à sanctionner ou approuver l’interprétation et l’application de la règle de droit, par le juge du fond. Au moyen des arrêts de cassation ou de rejet632. Le contrôle porte ainsi, sur l’exercice du pouvoir juridictionnel exercé par les juges du fond, qui plus est, dans son double aspect : lorsqu’il dit le droit à propos d’’une situation particulière (c’est le pouvoir de juridiction proprement dit), et dans le cadre de son obligation de se conformer à toutes les règles procédurales. En clair, le contrôle de légalité consiste pour la Cour de cassation à vérifier si, la justice a été correctement rendue, par les juridictions de fond633.

Cela n’entraîne pas ipso facto la censure de la moindre erreur commise par le juge du fond. Certaines erreurs pourront être régularisées lorsque non substantielles 634 (erreurs de fait, ou le mal jugé, erreurs in procedendo). Le contrôle normatif, peut être léger ou approfondi,

632 M.-N. Jobard, X. Bachellier et J.-B. Lament, La technique de cassation, pourvois et arrêts en matière civile,

op. cit.,p. 75.

633 F. Rigaux, Nature du contrôle de la Cour de cassation, préf. P. Dabin, Bruxelles, établissement Émile Bruylant, 1966, p.141.

148 selon la complexité de l’affaire635.

Avant même les débats sur la réforme de la Cour de cassation, le contrôle de légalité connaissait déjà une profonde évolution, sous l’influence de la jurisprudence de la CEDH (Sous-Section1). L’éventuelle mise en œuvre des réformes devrait amplifier cette évolution. En vertu d’une proposition de la commission de permettre désormais au juge de cassation d’examiner directement les faits. Cette extension du contrôle de légalité, englobant le contrôle de proportionnalité (Sous-Section 2) serait inédite, et marquerait une mutation du rôle de la Cour de cassation dont la mission essentielle est jusque-là, d’être juge du droit.

Sous-Section 1 : L’effet déjà à l’œuvre : le renforcement du contrôle de conventionalité

Le contrôle de conventionalité a fait évoluer la procédure de non admission636 . En effet, avant 2014, celle-ci aboutissait à une simple décision de non admission, qui plus est, non motivée. Depuis 2014 les décisions de non-admission font l’objet de véritables arrêts, dûment motivés, quoique succinctement. La loi les désigne sous le nom d’arrêts de rejet non spécialement motivés. Or cette évolution est issue de l’influence directe de la jurisprudence de la CourEDH qui exige la présence d’une motivation, même succincte.

Il faut cependant noter, une forme d'opposition au contrôle de conventionalité, de la part de certaines juridictions françaises, notamment administratives. Ainsi, dans une espèce récente, un conseiller de la Cour d’appel de Paris, avait affirmé que les dispositions de la Conv. EDH, ne relevaient pas de la compétence, du juge judiciaire637. Dans un autre arrêt, lui aussi récent, c’est la juridiction administrative suprême, qui selon un auteur, semble remettre en cause le contrôle de conventionalité dit in concreto638.

635 Fiche méthodologique en matière civile, « Interprétation et portée des arrêts de la Cour de cassation en matière civile », BICC, n° 661 du 15 mai 2007, p. 7-9, https://www.courdecassation.fr/IMG/pdf/Bicc_661-2.pdf , [En ligne], Disponible sur : (Consulté le 4/01/2018). ; A. Robardet, « Contrôle léger de la Cour de cassation et demande subsidiaire », Dalloz actualité, 24 septembre 2008, note sous 1re Civ., 18 septembre 2008, n° 06-17859, Bull., I, n° 204.

636 V. à propos de la procédure de non-admission, notre étude au chapitre précédent, Supra. p. 128-146.

637 Paris, 9 février 2018, n° 18/00560.

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Sous-Section 2 : L’effet attendu : l’élargissement du contrôle actuel de légalité vers un contrôle de proportionnalité renforcé

Dans le cadre du contrôle de légalité, en principe, la Cour de cassation ne contrôle jamais directement, la matérialité des faits, mais uniquement leur interprétation juridique, effectuée par le juge du fond639. Ce contrôle de la qualification juridique des faits, se déroule en deux étapes distinctes : l’identification de la catégorie juridique dont relèvent les faits, avant celle de la norme précise applicable aux faits visés. Il s’agit donc d’un contrôle indirect des faits. La Cour de cassation n’étant en principe, pas autorisée, à connaître directement des faits. Par exception cependant, comme nous le verrons infra, la Cour de cassation peut être autorisée à examiner directement les faits, pourtant souverainement constatés par les juges du fond640.

Il reste à résoudre la question du statut juridique des faits. Qualifier juridiquement les faits relève-t-il d’une question de fait ou de droit ? Selon les juges de cassation et la doctrine, il s’agit plus d’une question de droit que de fait. Selon Dabin : « la qualification du fait, c'est l'espèce concrète en quête de sa norme » ou, pour employer la terminologie allemande, la « subsumtion » de la situation de fait sous une règle déterminée »641. D’autres auteurs affirment qu'elle n'est « ni fait, ni droit »642, « mais plutôt un pont entre le fait et le droit »643. Mais la majorité des auteurs y voient une question de droit644. La qualification juridique des faits réalise en effet le passage du concret à l'abstrait, et l'identification du fait constaté à la notion juridique générale, qui permettra de le désigner et de lui appliquer la règle qui le régit »645.

La qualification des faits ou des actes précède la qualification du droit, qui est l’étape suivante de l’analyse juridique. « Ainsi, rechercher si tel fait est constitutif d'un vol est une opération de qualification des faits, alors que déterminer, ensuite, si le vol simple est un délit

639 M.-N. Jobard, X. Bachellier et J.-B. Lament, La technique de cassation, pourvois et arrêts en matière civile,

op. cit., p. 78.

640 J. Boré, « Pourvoi en cassation », op. cit., n° 299.

641 F. Rigaux, Nature du contrôle de la Cour de cassation, op. cit., n° 97-99 et 101, préf. P. Dabin, p. XIII. ; V. aussi J. Boré, « Pourvoi en cassation », op. cit., n° 305.

642 R. Legros, « Considérations sur le fait et le droit », Rev. dr. pén. crim., 1961-1962, p. 839. ; J. Boré, « Pourvoi en cassation », op. cit., n° 307.

643 F. Terré, L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications, Paris, L.G.D.J., 1957, n° 685. ; J. Boré, « Pourvoi en cassation », op. et loc. cit.

644 H. Motulsky, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé, la théorie des éléments générateurs des

droits subjectifs, Paris, Sirey, 1948, p. 154. ; J. Normand, Le juge et le litige, Paris, L.G.D.J., 1965, p. 134 s. ; J.

Boré, « Pourvoi en cassation », op. cit., n° 307.

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ou un crime, est un problème de qualification du droit ; cette seconde opération n'intervient qu'à un stade ultérieur du raisonnement juridique et judiciaire, lorsqu'il s'agit de déduire de la qualification juridique des faits qui a été retenue, ses conséquences légales exactes »646 .

Au total, on peut dire que la qualification juridique, des faits relève en définitive, d’une question de droit, et non plus d’une question de fait, dès lors que la qualification juridique a au moins franchi la première étape (identification de la catégorie juridique)647. C’est la position de la plupart des auteurs et de la Cour de cassation elle-même.

Les faits relevant en définitive, d’une question de droit, le juge de cassation a en tiré argument, pour justifier l’élargissement de son contrôle de légalité à celui des circonstances des faits. Élargissement conçu pour mieux apprécier la qualification juridique des faits. La Cour de cassation a ainsi, affirmé, par principe, son droit de vérifier et de redresser la qualification des faits et des actes 648. Car toute erreur dans la qualification des faits ou des actes constitue une

violation de la loi par fausse application. Il en résulte que toute qualification de fait, par le juge du fond, devrait donc, être contrôlée par la Cour de cassation. Cette analyse de bon sens doit, être approuvée de notre point de vue.

Concernant le contrôle disciplinaire, il complète le contrôle de légalité dont il se distingue cependant, du fait qu’il porte essentiellement, sur la forme des décisions, et des procédures dont elles sont l’objet. En principe, il a donc seulement pour objet, sans préjuger du fond, de sanctionner le non- respect de certaines conditions de forme ou de procédure649. Précisément, concernant en particulier les conditions de forme, elles sont susceptibles de connaître une évolution au plan du contenu rédactionnel.

Le contrôle de légalité, déjà renforcé par le contrôle de conventionalité, pourrait ainsi au surplus, s’appuyer sur l’examen des circonstances des faits. En effet, dans le cadre de la « nouvelle » qualification juridique des faits, le juge de cassation est amené à les examiner indirectement. Voire même directement, dans de très nombreuses hypothèses, comme nous le verrons infra650.

646 Ibid., n° 306.

647 Ibid.

648 Ibid., n° 308.

649 M.-N. Jobard, X. Bachellier et J.-B. Lament, La technique de cassation, pourvois et arrêts en matière civile,

op. cit., p. 75.

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Section 2 : Les effets de la réforme annoncée sur le contrôle