• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : La genèse de l’obligation de motivation

Section 2 La dispense de la motivation

Si en principe la motivation est obligatoire, il est des hypothèses où des décisions peuvent être dispensées de motivation. Cette dispense, peut être déterminée par la loi (sous-section1), être d’origine jurisprudentielle (sous-section2), mais aussi être consécutive à la renonciation des parties (sous-section3).

Sous-section 1 : La dispenselégale de la motivation

La dispense légale de la motivation existe en droit koweïtien (§1) et en droit français (§2).

§1 : Au Koweït

Le droit koweïtien prévoit dans certains cas, et depuis peu, la dispense de la motivation des jugements, et fixe les conditions pour y avoir recours. Le législateur koweitien a en effet, adopté un nouveau principe codifié à l’art. 115 §3 du C.P.C.K. et qui dispense le juge de l’obligation de motiver. Une telle exemption légale n’existe ni en droit égyptien ni en droit français 156.

Plusieurs conditions cumulatives, doivent être réunies pour qu’un jugement soit dispensé de motivation. Cette dispense ne s’appliquera pas dans le cas où une seule desdites conditions serait absente. Le tribunal devra alors, motiver son jugement, à peine de nullité. Ces conditions sont les suivantes :

1- Que le jugement soit rendu par une juridiction de premier degré.

2- Que le jugement ait donné une réponse à chaque requête du demandeur. 3- Que le défendeur ne soit pas représenté à l’instance.

156 Les dispenses de motivation existent en droit français, qui sont justifiées, soit par la nature de l’acte, soit par la nature du contentieux. V. L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, 2e éd., Paris, P.U.F., 2010, n° 159, p. 691. ; On trouve deux cas dans le C.P.C. G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions

de justice, t. I, op. cit., p. 229. On analyse qu’elles concernent des actes administration : mesures d'administration

judiciaire et actes gracieux. L'article 499 de la mesure d'administration judiciaire n'est pas un jugement et que dès lors elle n'a pas suivre les règles imposées au jugement. L'art. 782 du C.P.C. : l'ordonnance de clôture de l'instruction est non motivée et elle n'est susceptible d'aucun recours. G. Giudicelli-Delage, La motivation des

décisions de justice, t. I, op. cit., p. 230. ; J. Normand, Le domaine du principe de motivation, La motivation,

41

4- Que le défendeur n’ait pas fourni une note de conclusion de défense.

5- L’inexistence d’un texte spécifique dans une loi autre que le code de procédure exigeant la motivation quel que soit le cas traité157.

La question qui se pose ici, est celle de savoir quel est le moyen de recours contre cette décision, si le défendeur n’a pas comparu. Puisqu’il y’avait nullité de l’acte de notification. Au terme de l’article 135 bis158, en cas de nullité dans l’acte de notification, la cour d’appel doit renvoyer l’affaire devant le tribunal de première instance. Si le défendeur n’a pas comparu, alors l’audience lui a été bien notifiée, cette non comparution emporte implicitement renonciation à son droit à la défense. Ainsi, le jugement de première instance non motivé mais néanmoins valide est insusceptible d’être frappé d’un recours sauf devant la cour d’appel. Laquelle ne pourrait jamais renvoyer l’’affaire devant le juge de première instance159.

La doctrine koweitienne a critiqué cette règle, qui revient, selon elle, à renoncer à une garantie essentielle prévue dans l'intérêt des individus, et un élargissement du pouvoir du juge sans possibilité de le contrôler160. Par ailleurs, adopter une telle règle revient à refuser de prendre en compte les évolutions des systèmes juridiques, telles qu’elles apparaissent dans les études comparées. Ainsi, le C.P.C. français se dirige au contraire, vers l’extension du domaine de la motivation161. Il convient toutefois de préciser que dans la réalité, ce texte n’a qu’une portée limitée ; en raison du fait que, la dispense n’est qu’une faculté et non une obligation. Les juges conservent toujours la possibilité de l’ignorer, comme cela arrive le plus souvent, en pratique. Conscients sans doute, de l’importance que revêt la motivation, aussi bien dans son

157 Il y avait un projet - finalement avorté - d’abrogation des paragraphes 3 et 4 de l’article 115 du CPCK visant à supprimer les cas de dispense de la motivation. ; A. Abdulfattah, « La nouveauté de la nouveau code procédure civile koweïtien et les lois complémentaires en motivation et actes des juges », t. II, op. cit., p. 88-89.

158 L’art. 135 bis, ajouté par la loi n°36 de 2000, relative à la modification du C.P.C.K., prévoit que : « si le jugement attaqué est annulé, pour cause de nullité de l’acte de notification de convocation à la première audience. La cour saisie, décide de renvoyer l’affaire devant le tribunal de première instance, après notification aux parties ». L’objectif de cet article est de garantir le droit à un double degré de juridiction puisque la décision de première instance est intervenue dans un procès inexistant. V. note explicative de l’art. 135 bis du C.P.C.K. ; A. Abdulfattah, Les procédures civiles koweitiennes, t. II, 4e éd., Koweït, Dar Alkitab, 2017, p. 96.

159 La question qui se pose vise le moyen pour le défendeur d’exercer son droit à la défense devant la cour d’appel, en l’absence de motifs dans la décision en cause. Il se pose en outre la question d’une éventuelle atteinte à la constitution du Koweït, les droits de la défense y ayant valeur constitutionnelle, au terme de l’art. 34 de la constitution koweïtienne.

160 A. Abdulfattah, « La nouveauté de la nouveau code procédure civile koweïtien et les lois complémentaires en motivation et actes des juges », t. II, op. cit., p. 122.

42

principe, que dans ses aspects pratiques, déjà soulignés supra. Mais aussi, en vertu des fonctions générales qu’elle pourrait remplir162.

§2 : En France

En droit français, il arrive de manière exceptionnelle, que certaines décisions ne soient pas soumises à l'exigence de motivation, le plus souvent, en vertu d'une disposition légale expresse, mais aussi, en dehors de tout texte de loi.

Cependant, la diversité des critères rend quasiment impossible toute tentative de classement systématique163. On peut seulement relever que le lien entre les décisions motivées et celles échappant à l’obligation de motivation, ont pour dénominateur commun, de ne pas toucher au fond, en principe et de relever pour l’essentiel de mesures procédurales. Plus précisément, elles sont prises avant ou à la suite du jugement au fond. « Dans certains cas (par exemple, ordonnance de clôture, dépens, délais de grâce, modération de la clause pénale…), la motivation se justifie car elle vise des décisions dérogatoires, c'est-à-dire les décisions qui vont à l'encontre du cours normal des choses. Dans d'autres cas (par exemple, adoption), les décisions doivent être motivées, pour expliquer le refus de faire droit une demande ».164

De fait, dans les matières où la décision à prendre relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, même un défaut de contrôle de la Cour de cassation sur le fond de l'appréciation ne dispense en rien les juges du fond de motiver leur décision165.

Les dispenses de motivation peuvent être d’origine soit légale (parfois à la demande des parties), soit jurisprudentielle, soit issues de la pratique.

162Ibid., p.124-125.

163 L'obligation de motiver a un caractère très général. J. Normand, Le domaine du principe de motivation, La

motivation, op. cit., p. 29. ; Elle concerne toutes les décisions juridictionnelles quel qu'en soit l'objet. (1re Civ., 10 avril 1996, n° 95-10707, Gaz. Pal., 1996, 2e sem., p. 390, note F. Olivier. ; RTD civ., 1996, p. 712, obs. R. Perrot.) Pour les décisions rendues par le bureau de la Cour de cassation en matière d'inscription d'un expert sur la liste nationale, celles qui statuent au provisoire : ordonnances sur requête (art. 495, al. 1 du C.P.C. ; 1re Civ., 24 octobre 1978, n° 77-11513, Bull., I, n° 317.) L’ordonnance qui, visant la requête, en adopte les motifs, satisfait aux exigences de l'art. 495 du C.P.C. (2e Civ., 6 mai 1999, n° 96-12189, Non publié au Bull., JCP, 1999, IV, n° 2153 : une cour d'appel peut admettre que, en rendant l'ordonnance au pied de la requête, le juge en adopte les motifs) ou ordonnances de référé. Elle est également applicable, en principe, aux jugements avant dire droit qui prescrivent des mesures provisoires, aux jugements gracieux comme aux jugements contentieux. Certaines ordonnances rendues par le juge de la mise en état doivent être motivées (l’art. 773, al. 2 du C.P.C.).

164 F. Eudier et N. Gerbay, « Jugement », op. cit., n° 266.

43

La dispense de motivation en vertu d'un texte de loi le prévoyant expressément dans deux hypothèses :

-hypothèse1 : lorsqu’il se pose la question de la protection de la vie privée.

Ainsi, lors d’un divorce pour faute, les articles, 245-1 du code civil et 1128 du C.P.C., autorisent les époux à demander au juge aux affaires familiales de ne pas inscrire dans le jugement de divorce les torts allégués. S’il accède à une telle requête, le juge se limitera alors à un constat des faits générateurs du divorce. Par ailleurs, l'article 232 du code civil dispense le juge aux affaires familiales de motiver son ordonnance de divorce sur requête conjointe des époux, en dehors de l’indication que la convention préserve suffisamment les intérêts des parties intéressées.166 Enfin, en vertu de l'article 1124 du C.P.C., l’ordonnance de divorce rendue par le juge aux affaires familiales pour acceptation du principe de la rupture du mariage, contiendra pour seul motif l'acceptation des époux.

Probablement pour les mêmes raisons, les jugements d’adoption sont également de droit, dispensés de motivation167. Ainsi, le jugement qui prononce l'adoption plénière n'a pas à être motivé (art. 353, al. 5 du C. civ., Loi no 96-604, 5 juillet 1996168 ; de même, le jugement qui prononce l'adoption simple échappe à la motivation (art. 361 du C. civ.169).

-hypothèse 2 : les mesures d'administration judiciaire en principe, non motivées170, car guidées par le souci d'une bonne administration de la justice171. Il s’agit typiquement, des

166 2e Civ., 4 mars 1981, n° 80-11287, Bull., II, n° 45. ; 2e Civ., 27 mai 1998, n° 96-18620, JCP, 1998, IV, n° 2604. ; RTD civ. 1998, p. 661, obs. J. Hauser. ; 2e Civ., 24 février 2000, n° 98-19177, Bull., II, n° 33. ; D. 2000, IR., p. 83. ; JCP, 2000, IV, n° 1633.

167 L’art. 353, al. 5 du C. civ., pour l'adoption plénière, et l’art. 361 renvoyant à l'art. 353, pour l'adoption simple. ; V. Paris, 22 septembre 1972, D. 1974, p. 199, note C.-I. Foulon-Piganiol. ; Bordeaux, 1er juillet 1982,

JCP, 1984, II, n° 20223, note D. Le Ninivin. ; D., 1984, IR., p. 238, obs. P. Julien : l'arrêt de la cour d'appel rendu

sur appel d'un jugement d'adoption doit toujours être motivé afin que la Cour de cassation soit en mesure d'exercer son contrôle.

168 « L'arrêt de la cour d'appel rendu sur appel d'un jugement d'adoption doit être motivé ». (Dir.) S. Guinchard,

Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et droit de l'union européenne, op. cit., n° 412.171.

169 Art. 370-1, al. 1du C. civ. En revanche, un jugement refusant l'adoption doit être motivé (même si la décision porte sur l'adoption simple). La même règle sera appliquée pour toute décision révoquant une adoption simple. (Dir.) S. Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et droit de l'union européenne, op. et

loc. cit.

170 Les articles 383 et 499 du C.P.C.

171 (Dir.) S. Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et droit de l'union européenne, op.

44

décisions de jonction ou de disjonction d'instance 172; de celles accordant ou refusant un renvoi173, ou des décisions de clôture174. Les décisions de radiation et de retrait du rôle qui sont des mesures d'administration judiciaire175 n'ont, en principe, pas à être motivées, sauf disposition spéciale contraire (par exemple : l’art. 90, al. 2 du C.P.C., en matière de contredit, pour la radiation de l'affaire par la cour si aucune des parties n'a constitué avoué ; l’art. 781, al. 1 du C.P.C., pour la radiation à titre de sanction lorsqu'un avocat omet d'accomplir les actes de procédure dans les délais impartis).

Par ailleurs, les mesures prises par le juge de la mise en état l’art. 773, al. 1C.P.C., ainsi que l'ordonnance de clôture de l'instruction (l’art. 782 du C.P.C.) ne sont en principe, pas motivées.

-Il peut s’agir aussi de décisions de condamnation de la partie perdante aux dépens n'a, en principe, pas à être motivée,176 sauf si elle émane du juge de la mise en état 177 ou du juge chargé d'instruire l'affaire devant le tribunal de commerce (art. 865, al. 3). De la même manière, il n'est pas nécessaire de motiver la décision qui définit la quote-part de chaque partie perdante aux dépens178. De même, la décision qui ordonne une expertise doit être motivée ; et doit démontrer que la mesure adoptée était nécessaire (C.P.C., art. 265). En revanche, la décision rejetant une demande d’expertise, n’est pas soumise à l’obligation de motivation179. Ainsi que celle qui refuse d’ordonner un délai de grâce180.

172 1re Civ., 16 juin 1981, n° 80-13201, Bull., I, n° 219. ; - 2e Civ., 16 février 1984, n° 82-13572, Bull., II, n° 31.

173 L’art. 782 du C.PC. ; Ass. plén., 24 novembre 1989, n° 88-18188, Bull., Ass. plén., n° 3, D., 1990, p. 25, concl. J. Cabannes. ; D., 1990, p. 429, note P. Julien. ; JCP, 1990, II, n° 21407, note L. Cadiet. ; RTD civ., 1990, p. 145, obs. R. Perrot. ; Gaz. Pal., 1989, 2e sem., p. 970, note J. G.-M. ; Gaz. Pal., 1990, 1er sem., Somm., p. 358, obs. S. Guinchard et T. Moussa.

174 « À l’inverse, la décision de révocation de l'ordonnance de clôture doit être motivée et relever une cause grave de révocation ». L’art. 784 du C.P.C. ; 3e Civ., 21 mars 1984, n° 82-16916, Bull., III, n° 77, RTD civ., 1984, p. 562, obs. R. Perrot. ; 2e Civ., 4 octobre 1989, n° 88-13661, Bull., II, n°154, Gaz. Pal., 1990, 2e sem., Somm., p. 359, obs. S. Guinchard et T. Moussa. ; 3e Civ., 8 janvier 1992, n° 89-20346, Bull., III, n° 4. ; F. Eudier et N. Gerbay, « Jugement », op. cit., n° 261.

175 L’art. 368 et 383, al. 1 du C.P.C.

176 2e Civ., 20 juin 1996, n° 94-12370, Bull., II, n° 172.

177 L’art. 773, al. 2 du C.P.C.

178 1re Civ., 17 janvier 1984, n° 82-16871, Bull., I, n° 25. ; « À contrario, la décision condamnant la partie gagnante au paiement de tout ou partie des dépens devra être motivée ». 2e Civ., 10 février 1993, n° 91-13778, Bull., II, n° 55. Car « le juge use alors d'une faculté exceptionnelle », L’art. 696 du C.P.C. ; Soc. 22 mars 1983, n° 81-40513, Bull., V, n° 180. ; 2e Civ., 15 février 1984, n° 82-16500, Bull., II, n° 28. ; F. Eudier et N. Gerbay, « Jugement », op. cit., n° 263.

179 1re Civ., 14 mai 1985, n° 84-11357, Bull., I, n° 153.

180 V. TGI de Dieppe, 7 janvier 1976, D., 1976, p. 490, note Y. Lobin. (Estimant que si le délai a été sollicité par voie principale, la décision doit être motivée). « La décision qui accorde un délai de grâce doit, être motivée ». L’art. 510, al. 4 du C.P.C. ; 2e Civ., 11 octobre 1978, n° 77-12629, Bull., II, n° 206. ; 2e Civ., 3 juin 1999, n°

97-45

Sous-section 2 : Dispenses de motivation d’origine jurisprudentielle

Les dispenses de motivation en dehors de toute disposition légale expresse, d’origine jurisprudentielle et issues de la pratique.

La dispense de motivation en matière de clause pénale est une construction jurisprudentielle : en effet, pour la Cour de cassation le juge qui refuse de modifier la clause pénale n'est pas tenu de motiver spécialement sa décision181. Il en irait autrement en cas de décision de modération ou d’augmentation ; la motivation serait ici requise et devra préciser dans quelle mesure le montant de la clause pénale est excessif ou dérisoire.182

La pratique a quant à elle créé la notion de pouvoir discrétionnaire du juge183. Plusieurs illustrations peuvent être citées à ce propos : « la répartition des dépens entre parties perdantes. L’injonction faite à une partie ou à un tiers de produire une pièce qu'il détient184; le refus ou l'acceptation du renvoi d'une affaire185; le refus ou l'acceptation d'un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice186 ; le prononcé ou le refus de prononcer une astreinte187 ; la fixation du point de départ des intérêts moratoires à une date antérieure au jugement188. Les motifs de la décision peuvent alors être tenus pour surabondants (pour la condamnation aux dépens de la partie perdante189) »190.

14889, Bull., II, n° 110. ; V. également : (Dir.) S. Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne

et droit de l'union européenne, op. cit., n° 412.171 s. ; F. Eudier et N. Gerbay, « Jugement », op. cit., n° 261-263.

181 1re Civ., 23 février 1982, n° 81-10376, Bull., I, n° 85, RTD civ., 1982, p. 603, obs. F. Chabas. ; 1re Civ., 26 juin 2001, n° 99-21479, Bull., I, n° 191. ; 1re Civ., 12 juillet 2001, n° 99-13555, Bull., I, n° 218. ; Defrénois, 2001, p. 1417, note Y. Dagorne-Labbe. ; Com., 26 février 1991, n° 89-12081, Bull., IV, n° 91. ; 3e Civ., 12 janvier 1994, n° 91-19540, Bull., III, n° 5. ; Defrénois, 1994, p. 804, obs. D. Mazeaud.

182 Ch. mixte, 20 janvier 1978, n° 76-11611, Bull., Ch. mixte, n° 1. ; 3e Civ., 14 novembre 1991, n° 90-14025, Bull., III, n° 274. ; 1re Civ., 14 novembre 1995, n° 94-04008, Bull., I, n° 412.

183 A. Perdriau, « Le pouvoir discrétionnaire des juges du fond », LPA 15 novembre 2001, n° 288, p. 8.

184 2e Civ., 29 mars 1984, n° 82-15277, Bull., II, n° 59.

185 Ass. plén., 24 novembre 1989, n° 88-18188, Bull., Ass. plén., n° 3, D., 1990, p. 25, concl. J. Cabannes. ;

D., 1990, p. 429, note P. Julien. ; JCP, 1990, II, n° 21407, note L. Cadiet. ; RTD civ., 1990, p. 145, obs. R. Perrot. ; Gaz. Pal., 1989, 2e sem., p. 970, note J. G.-M. ; Gaz. Pal., 1990, 1er sem., Somm., p. 358, obs. S. Guinchard et T. Moussa.

186 Com., 11 juillet 1988, Gaz. Pal., 1989, 1er sem., Somm., p. 160, obs. H. Croze et C. Morel.

187 3e Civ., 9 novembre 1983, n° 82-14775, Bull., III, n° 219.

188 Ass. plén., 3 juillet 1992, n° 90-83430, Bull., Ass. plén., n°7, JCP, 1992, II, n° 21898, concl. H. Dontenwille, note A. Perdriau. ; 3e Civ., 15 juin 1994, n° 92-12091 et n° 92-14942, Bull., III, n° 123.

189 2e Civ., 18 mai 1989, n° 88-11608 et n° 88-11945, Bull., II, n° 108.

46

La portée discrétionnaire d’une décision peut aussi avoir été prévue par la jurisprudence : la Cour de cassation admet ainsi, que le juge du fond, n’est pas tenu de motiver les condamnations accessoires. Celles-ci n’étant que la conséquence de la condamnation principale. Ex : la condamnation aux intérêts à compter du jour de la demande il en serait autrement si la motivation si le point de départ des intérêts avait été anticipé191.

Sous-section 3 : La renonciation à la motivation par des personnes privées

Afin de mieux cerner la portée de la notion de renonciation à la motivation, il convient de définir à nouveau la notion de motivation. Celle-ci s’entend comme, « une raison de fait ou de droit qui commande le jugement et que le jugement doit exposer, avant le dispositif dans son ensemble. Ce sont l’ensemble des raisons que le juge indique comme l'ayant conduit au prononcé du jugement »192.

La renonciation quant à elle, se définit comme un abandon unilatéral, sans contrepartie attendue, et irrévocable. Ainsi définie, elle ne peut viser que des droits subjectifs, dont on a la libre disposition. En tant que telle, la renonciation se heurte aux grands principes du droit public, précisément elle ne peut s’appliquer à des matières relevant des prérogatives de la puissance publique.193

Sous réserve des hypothèses de renonciation prévues en droit administratif194, il paraît peu probable, qu’un justiciable soit habilité à solliciter du juge qu’il renonce à motiver sa décision. Les demandes de dispense de motivation, adressées par les parties au JAF, sur le fondement des articles 245-1 du C. civ. et 1128 du C.P.C, sont mal nommées. Elles relèvent en effet uniquement et clairement d’une volonté de protéger leur vie privée et leur réputation. Et non d’obtenir du juge qu’il renonce à son office qui est par principe de motiver ses décisions sauf exception.

Renoncer à la motivation, consisterait, à renoncer à ses droits fondamentaux, dont on a la libre disposition. À titre d’illustration, il est utile d’étudier l’article 6 de la Conv. EDH, qui protège à la fois des droits procéduraux, (comme le droit à un délai raisonnable), mais aussi des

191 J. Boré et L. Boré, « Pourvoi en cassation », op. cit., n° n° 435.

192(Dir.) G. Cornu, Vocabulaire juridique, 10e éd., Paris, P.U.F., 2014, p. 668.

193 J. Arroyo, La renonciation aux droits fondamentaux étude de droit français, Paris, Pedone, 2016, p. 22.

47

droits fondamentaux, dont le plus important est sans aucun doute le droit à un tribunal impartial. Si la possibilité de renoncer à ses droits procéduraux, sous réserve du respect des conditions définies par la CourEDH, elle-même, ne pose aucune difficulté. Il paraît plus douteux que le droit fondamental à un tribunal impartial qui est aussi prévu dans le même article 6, puisse faire l’objet d’une renonciation. Ainsi que la formule de manière pertinente un auteur, la question est de savoir si la renonciation (à ses droits fondamentaux) est compatible avec la protection desdits droits fondamentaux. Car, poursuit l’auteur : « La renonciation pose par ailleurs des problèmes essentiels pour les droits fondamentaux, notamment au regard de leur inaliénabilité et de leur hiérarchie. En effet, proclamer que les droits sont inaliénables exclut en principe que leur titulaire y renonce ». L’on ajoutera que par ailleurs, les droits fondamentaux (droit à un tribunal impartial) et procéduraux (présence du commissaire du gouvernement au délibéré) se confondent ici195. En effet la présence du commissaire du gouvernement pose à la fois un problème procédural (délibéré des juges) et une atteinte potentielle à l’exigence d’impartialité. Pour autant, peut-on dire qu’en en renonçant à son droit procédural, le justiciable a renoncé à son droit fondamental, lequel est en principe inaliénable ? L’on est tenté de répondre par la négative tant l’impartialité n’est pas susceptible de renonciation. Car consubstantielle à la notion de procès équitable, qui se dissoudrait en son absence196 la question reste posée.

En attendant de pouvoir répondre à cette question de manière satisfaisante, force est de