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La motivation comme moyen de contrôle par la Cour de cassation

Chapitre II : Les fonctions de la motivation

Section 1 La motivation comme moyen de contrôle par la Cour de cassation

« La motivation permet non seulement une meilleure compréhension et acceptation de la décision par le justiciable mais est surtout une garantie contre l'arbitraire. D'une part, elle oblige le juge à confronter les moyens défense des parties et à préciser les éléments qui justifient sa décision et rendent celle-ci conforme à la loi et d'autre part, elle permet une compréhension du fonctionnement de la justice par la société »280.

La bonne motivation ainsi définie, doit être comprise et envisagée sous un triple aspect : elle respecte les droits de la défense, d’une part. Et d’autre part, elle se conforme au principe du jugement impartial. Enfin, elle doit être conforme à la loi.

Ainsi, sous son premier aspect, la motivation du juge, constitue tout à la fois, la matière d’un éventuel recours du justiciable, et un indicateur des chances de succès dudit recours281. De manière générale, la bonne motivation est celle qui in fine, permet par sa précision, de faire respecter plus facilement la règle retenue par le juge du fond282. Sous réserve de l’exercice par le justiciable, des voies de recours, ce qui déclencherait le contrôle de la cour de cassation, aux fins, d’examiner, comme nous l’avons vu, la consistance de la motivation.

La deuxième vertu de l’obligation de motiver, s’imposant au juge du fond, est de le

280 Avis n° 11, 2008, Comité consultatif de juges européens (instance consultative du Conseil de l’Europe) à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la qualité des décisions de justice, 4e point, § 35, [En ligne], Disponible sur : https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMConte nt?documentId=09000016805d1d76#_ftn12 (Consulté le 29/01/2016).

281 J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6e éd., Paris, Montchrestien, 2015, n°502, p. 400-401.

282 S. Castillo-Wyszogrodzka, « La motivation des décisions de justice : perspective comparatiste ? », D., 2014, p. 1838.

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conduire à statuer de manière objective. Il doit pour cela, fonder sa décision, sur un raisonnement rigoureux. Évitant, ou au moins, limitant par là même, tout soupçon de décision arbitraire et/ou partiale, dont sa décision pourrait être entachée, du point de vue des justiciables. En dernier lieu, la motivation du juge du fond, doit être conforme au principe de légalité des jugements. A peine de voir sa décision, censurée par la Haute cour. Ainsi, au Koweït et en Égypte, la Cour de cassation s’assure de la présence des conditions, de la légalité des jugements, ainsi que et de la régularité des procédures judiciaires. (les articles 248 du C.P.C.É. et 152 du C.P.C.K.)283. En France, le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement attaqué, aux règles de droit (l’art 604 du C.P.C.). Soulignons qu’il existe un type de contrôle pratiqué en France et en Égypte mais non au Koweït. C’est lorsqu’une décision viole manifestement les lois et règlements et les procédures qui y sont attachées (l’art. 639-1 C.P.C.). Ou lorsque le juge du fond a excédé ses pouvoirs (l’art 639-3 du C.P.C.).

Au total, la motivation facilite le contrôle des juridictions supérieures, et par voie de conséquence, le développement de la jurisprudence284. Ce contrôle vise en particulier à préserver à la fois les droits subjectifs du justiciable (sous-section1). Et à protéger l’ordre public (sous-section 2).

Sous-section 1 : Protéger l’intérêt privé (droits de la défense)

L'obligation de motivation peut être considérée comme un droit fondamental lorsque l’on traite des droits et libertés garantis par la convEDH. Précisément, en raison de sa valeur constitutionnelle en tant qu’élément-clé des droits de la défense285, (§1). L’obligation de motivation devient ainsi un principe, dont elle tire sa spécificité. Ce principe a une portée encore plus grande en droit français parce qu’il doit être conforme à l'art. 6 de la convEDH, qui garantit au justiciable français, le droit à un jugement impartial et à un procès équitable (§2).

283 A. Abdulfattah, La motivation des décisions et actes judicaires en matière civile, 2016, op. cit., p. 235.

284 J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, op. et loc. cit.

285 Cons. const., décision du 3 novembre 1977, n° 77-101 L. ; (Dir.) L. Cadiet, Dictionnaire de la justice, op. cit., p. 913.

66 §1 : Les droits de la défense

« Les droits de la défense ne consistent pas seulement dans le respect du contradictoire. On doit y inclure divers autres principes [...] [qui tous, visent] une même fin : assurer aux justiciables un procès équitable »286.

Chaque principe contient un ensemble d’obligations procédurales que l’on peut diviser en deux catégories : les obligations qui incombent à la partie adverse, et celles qui lient le juge afin de garantir les droits de la défense287.

« Le respect des droits de la défense constitue, au sens plein, une donnée de droit naturel, c'est ce qui ne paraît guère niable288».

L'arrêt de la Cour suprême proclame « que, la défense étant un droit naturel, personne ne doit être condamné sans avoir été interpellé et mis en demeure de se défendre289». Le respect des droits de la défense est considéré par le Conseil d'État français, comme un principe général de droit, dont le respect s'impose, même sans texte290.

Du point de vue de sa nature, la motivation considérer constitue, un des droits de la défense, tandis que par sa fonction, elle est chargée d'assurer le respect des droits de la défense291. Par son existence, elle permet à la juridiction de cassation de vérifier que les droits de la défense ont bien été respectés ; et aux parties, d’exercer une sorte de contrôle souvent informelle292.

286 G. Wiederkehr, « Droits de la défense et procédure civile », D., 1978, chron., p. 36.

287 H. Motulsky, « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : Le respect des droits de la défense en procédure civile », op. cit., n° 11 et 18, p. 68 et 74. ; H. Motulsky, Droit processuel, Paris, Montchrestien, 1973, p. 148 s.

288 H. Motulsky, « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : Le respect des droits de la défense en procédure civile », op. cit., n° 9, p. 66.

289 Civ, 7 mai 1828, S., 1828, 1re partie, p. 329.

290 W.J. Ganshof Van Der Meersch, « Le droit de la défense, principe Général de droit. Réflexions sur des arrêts récents. », in. J. Dabin, Droit positif, t. II, Paris, Sirey, 1963, p. 593.

291 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 410.

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Ce qui est évident, c’est que le juge doit répondre aux sollicitations des parties adverses, ainsi qu’aux aspects fondamentaux de leur défense et de leurs observations, faute de quoi, le jugement sera entaché d’un manque de motivation293.

La motivation est aussi la traduction, dans le jugement, du principe du contradictoire294. C’est le seul moyen de savoir si le juge a adopté les motifs de son jugement en fonction des faits et prétentions des parties, et non en dehors de ceux-ci. Si tout cela a fait l’objet de débats. Faute de quoi, le juge est censé n’avoir pas appliqué le principe du contradictoire et porté atteinte aux droits de la défense295.

Il est incontestable que la motivation, par sa nature, est une déclaration. En effet, lorsque le juge motive un jugement, il porte à la connaissance de l’opinion publique et des parties, ce qu’il a décidé. Cette déclaration est le seul moyen qui garantit le respect des droits de la défense et qui donne à la Cour de cassation, la possibilité d’exercer un contrôle légal sur les jugements, compte tenu, du principe de la confidentialité des délibérations296.

L’un des rôles de la motivation est de refléter la jurisprudence de la CEDH, concernant notamment le respect des droits de la défense297, au premier rang desquels le droit à un procès équitable. Plus généralement, une motivation exhaustive298 est particulièrement exigée, lorsque sont en cause les libertés individuelles (mandat d’arrêt), ou les droits extrapatrimoniaux (droit de la famille) ou patrimoniaux (hypothèque d’un immeuble ou opposition administrative sur compte bancaire).

Cette obligation d’une motivation claire et exhaustive, n’implique pas ipso facto, qu’il soit répondu à chacun des arguments juridiques, à l’appui de la demande. Cela d’autant moins

293 A. Abdulfattah, La motivation des décisions et actes judicaires en matière civile, op.cit., p. 355. ; H. Aljmely,

L’encyclopédie de la jurisprudence civile dans la motivation des jugements civils, Alexandria, Dar Almatboàt

Aljamièyah, 2015, p. 267.

294 L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani Mekki, Théorie générale du procès, op.cit., p. 716.

295 A. Abdulfattah, La motivation des décisions et actes judicaires en matière civile, 2016, op. cit., p. 229.

296 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 437. ; A. Abdulfattah, La motivation

des décisions et actes judicaires en matière civile, op. cit., p. 228.

297 2e Civ., 8 décembre 1976, n° 75-14749, Bull., II, n° 327, D., 1977, p. 543, note A. Bénabent. ; RTD civ., 1978, p. 184, obs. J. Normand.

298 Avis n° 11, 2008, Comité consultatif de juges européens (instance consultative du Conseil de l’Europe) à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la qualité des décisions de justice, 4e point, § 37, [En ligne], Disponible sur : https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMConte nt?documentId=09000016805d1d76#_ftn12 (Consulté le 29/01/2016).

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que les moyens peuvent être très nombreux, d’une part. Et que d’autre la variété des systèmes juridiques des États-membres de la CourEDH, induit un style rédactionnel propre à chaque système. Ce qui rend impossible une standardisation d’une motivation type valable pour tous les juges de l’ensemble de ces États. Pour satisfaire aux exigences d’une motivation conforme à la jurisprudence de la CourEDH, il suffit que le juge démontre avoir analysé tous les moyens principaux299. Ceci, afin de se conformer au principe du procès impartial issu là encore de la jurisprudence de la CourEDH.

§2 : En matière de contrôle de l’impartialité300

Pour pouvoir exercer un contrôle d'impartialité, la Cour de cassation ne dispose, le plus souvent, que de la seule motivation du juge301. « Le principe de motivation trouve en la personne du juge interne, à la fois un ami et un ennemi »302. Un ami, quand il motive, et ennemi, quand il ne motive pas.

L'obligation de motiver est indispensable, en ce « qu'elle met le juge à l'abri de tout soupçon d'arbitraire »303. La motivation joue pour cette raison, un rôle central dans le contrôle de l’impartialité du juge. Lequel consiste à vérifier si le juge a respecté son obligation de neutralité entre les parties. C’est-à-dire lui imposer de juger en toute impartialité, or « imposer au juge l'impartialité, c'est lui imposer de ne pas être partisan, de ne pas être partie »304. La motivation est le moyen par lequel il serait possible de s’assurer que le juge n’a fondé ses convictions que sur les faits établis que les parties ont évoqués, et au sujet desquels elles auraient délibéré. Et il n’a statué que sur les demandes ayant valeur de conclusions faites par les parties en cause, c’est-à-dire qu’il n’a statué que sur ce qui lui est demandé et n’a adjugé que ce qui a été demandé par les parties305. Au total, les motifs qui fondent la décision du juge, doivent garantir au justiciable, que toutes ses demandes ont été prises en charge. Qu’elles aient été ou non accueillies. Elles doivent au surplus, avoir été examinées de manière objective et

299 Ibid., § 41.

300 V. Infra, p. 331 s.

301 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 424.

302 J. Leroy, La force du principe de motivation, La motivation, op. cit., p. 39.

303 A. Touffait et A. Tunc, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de celles de la Cour de cassation », op. cit., p. 487.

304 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 420.

69 surtout équitable, aux yeux du justiciable306.

En définitive, pour être impartial, le juge doit veiller à répondre à tous les chefs de conclusions, fournis par les parties et établir, qu’il a réellement examiné les questions essentielles qui lui ont été soumises307. En effet, lorsque un seul des moyens reste sans réponse, cela risque d’aboutir à l'inexistence partielle de la motivation. Répondre à chaque chef d’accusation, revient à correctement interpréter les conclusions présentées par les parties. C’est là, le moyen privilégié qui permet à la Cour de cassation de contrôler ce point308.

En principe, le juge doit privilégier l’examen des moyens les plus favorables pour la solution du litige. Il conserve cependant une marge de manœuvre dans l’appréciation de ces moyens. C’est le cas lorsque un juge d’assises explique à des jurés le processus de prise d’élaboration d’un verdict suivant un délibéré 309.

La motivation est le seul moyen de révéler la déviation du juge lorsqu’il prend parti pour l’un des plaidants lors de l’interrogatoire et dévoile tous ses défauts lorsqu'on procède à la comparaison entre les motifs évoqués par les parties dans leurs demandes (conclusions) et, ce que le jugement a apporté comme motifs310.

La motivation est elle-même liée à la publication de la décision et la possibilité d’exercer les voies de recours. Tout est lié mais tout n'est pas dans tout. L'impartialité est une autre garantie du procès équitable laquelle, si elle a des liens avec le principe du contradictoire, ne se confond pas pour autant avec lui311. D’un autre côté la motivation est considérée comme une garantie pour les juges. En tant que limite aux pouvoirs des juges, elle les incite à la vigilance

306 Avis n° 11, 2008, Comité consultatif de juges européens (instance consultative du Conseil de l’Europe) à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la qualité des décisions de justice, 4e point, § 38, [En ligne], Disponible sur : https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMConte nt?documentId=09000016805d1d76#_ftn12 (Consulté le 29/01/2016).

307 CourEDH, 15 février 2007, aff. Boldea c/ Roumanie, req. n° 19997/02, § 29. ; CourEDH 19 décembre 1997, Helle c/ Finlande, req. n° 20772/92, §60.

308 H. Motulsky, « Le rôle respectif du juge et des parties dans l’allégation des faits », in. H. Motulsky, Écrits.

Études et notes de procédure civile, 2e éd., Paris, Dalloz, 2010, n° 11, p. 43.

309 Avis n° 11, 2008, Comité consultatif de juges européens (instance consultative du Conseil de l’Europe) à l’attention du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur la qualité des décisions de justice, 4e point, § 39, [En ligne], Disponible sur : https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMConte nt?documentId=09000016805d1d76#_ftn12 (Consulté le 29/01/2016).

310 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p.424-425. ; A. Abdulfattah, La

motivation des décisions et actes judicaires en matière civile, op. cit., p.224-225.

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et à la prudence lors du prononcé de leurs jugements312. Ces jugements revêtent également une force du fait qu’elle est une contrainte et un pouvoir en même temps313. La motivation peut aussi donner aux juges une garantie importante lorsqu’ils s’exposent à des pressions auxquelles ils voudraient échapper314; c'est ainsi que se réalise une garantie pour le juge d’une importance indéniable315.

La motivation est une garantie en l’absence de tout parti pris ou de velléité et par conséquent « une garantie contre l’arbitraire du juge »316. La motivation aboutit également à convaincre l’opinion publique de l’équité de la juridiction ; elle inspire aux parties une confiance dans le juge et éloigne toute suspicion de doute ou de méfiance. C’est ainsi que la motivation produit un effet important pour le public en général et pour le prévenu en particulier, en donnant à celui-ci confiance en l’équité de la justice317.

La Cour de cassation koweitienne a rendu un grand nombre de jugements qui confirment le principe de l’impartialité du juge. Elle a décidé que : « La cour n’est pas tenue de charger les parties de fournir des preuves sur leur défense, ni d’attirer leur attention aux exigences de cette défense »318. Elle a également jugé : « Limiter le juge dans son jugement aux conclusions qui lui sont soumises est une des règles procédurales qu’il ne saurait être admis de négliger »319. Elle a également affirmé qu'il n’est pas permis que le juge s’appuie sur une preuve qui ne lui a pas été soumise pour la discussion ou la prise de jugement suivant sa connaissance personnelle320.

La jurisprudence française récente recèle des hypothèses dans lesquelles la motivation traduit la partialité du juge à l'égard de l'une des parties, ce qui implique l'annulation du

312 A. Abdulfattah, « La nouveauté de la nouveau code procédure civile koweïtien et les lois complémentaires en motivation et actes des juges », t. I, op. cit., p. 87.

313 Ibid.

314 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 47.

315 A. Abdulfattah, « La nouveauté de la nouveau code procédure civile koweïtien et les lois complémentaires en motivation et actes des juges », t. I, op. et loc. cit.

316 A. Touffait et A. Tunc, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de celles de la Cour de cassation », op. cit., p. 487.

317 E. Garsonnet et Ch. Cézar-Bru, Traité théorique et pratique de procédure civile et commercial, 4e éd., Paris,

Recueil Sirey, 1913, t. III, 2e partie, vol. II., n° 656, p. 327.

318 Com.K., 27 décembre 1978, n° 56/1977. ; Com.K., 30 avril 1974, n° 9/1974.

319 Com.K., 26 décembre 1977, n° 49/1976.

320 Com.K., 11 décembre 1974, n° 49/1972. ; A. Abdulfattah, « La nouveauté de la nouveau code procédure civile koweïtien et les lois complémentaires en motivation et actes des juges », t. I, op. cit., p. 94.

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jugement sur le fondement de l'art. 6 §1 de la ConvEDH ; ce point sera étudié en détail dans le dernier chapitre. Il en est ainsi lorsque le jugement ou l'arrêt : « se borne, sans aucune autre motivation, à reproduire sur tous les points en litige les conclusions d'appel de M. X », en statuant ainsi, « par une apparence de motivation de nature à faire peser un doute sur l'impartialité de la juridiction », le juge viole l'article 6 § 1 de la ConvEDH. , et les articles 455 et 458 C.P.C321.

Concernant, les applications de l’atteinte aux droits de la défense dans la Cour de cassation koweïtienne, elle a suivi son homologue Égyptienne, concernant une forme particulière d’atteinte aux droits de la défense. Il s’agit de l’équivalent français du défaut de réponse à conclusion, qui se traduit, en pratique, une absence de réponse, de la part du juge saisi, à un document de preuve, produit par une partie, à l’appui de ses prétentions. Plus précisément à un des différents chefs de demande, ou à un de ses moyens de défense. Il s’agit d’une modalité d’atteinte aux droits de la défense322.

La doctrine koweitienne s’oppose à cette interprétation. Elle n’y voit qu’une absence partielle de motivation. Estimant que si le juge n’a pas répondu à une des prétentions, d’un des différents chefs de demande. Ou à un de leurs moyens de défense, ou plus généralement, à tout moyen substantiel de défense, de nature procédurale. Cette absence de réponse ne constitue qu’un simple vice de forme, et donc une absence partielle de motivation323. L’approche de la doctrine est intéressante en ce qu’elle permet, débusquer plus aisément, tout éventuel vice de forme, que constituerait, le défaut de réponse à un ou plusieurs moyens. Mais elle n’a pas conduit la cour de cassation koweïtienne à remettre en cause sa jurisprudence. Laquelle consiste à regarder le défaut de réponse, à un ou plusieurs moyens, comme une simple insuffisance de motivation324.

L’approche prétorienne du juge du droit, koweïtien, appelle une double observation de notre part :

321 1re Civ., 17 mars 2011, n° 10-10583, Bull., I, n° 56. ; Com., 15 février 2011, n° 10-30816, Non publié au Bull. ; (Dir.) S. Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile. Droit interne et droit de l'union européenne, op.cit., n° 212.53.

322 A. Abdulfattah, La motivation des décisions et actes judicaires en matière civile, 2016, op. cit., p. 231. ; Civ.K., 17 mai 2004, n° 3/2004. ; Civ.K., 17 janvier 2012, n° 1265/2009.

323 A. Abdulfattah, La motivation des décisions et actes judicaires en matière civile, 2016, op. cit., p. 231.

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1- La non réponse doit être distinguée de l’omission, celle-ci résultant d’un oubli (inattention). Il est ici possible de revenir devant la même Cour (tribunal) ayant statué pour remédier à cette omission (l’art. 126 C.P.C.K. et l’art. 459 du C.P.C.)

2- La non réponse diffère aussi de l’insuffisance de motivation, parce que cette dernière est un vice de fond (il y a des motifs, mais ils ne sont pas suffisants). La non réponse est un vice de forme, donc en technique processuelle, il s’agit d’un cas de défaut partiel de la motivation (cas d’ouverture de cassation)325.

Pour une étude plus exhaustive, tous les cas d’ouverture à cassation de la motivation, seront examinés en profondeur, dans la deuxième partie326.

À l’inverse de la Cour de cassation koweïtienne, son homologue française, assimile traditionnellement le défaut de réponse à conclusions, à un défaut de motifs. Comme pour le manque de base légale, elle entend sanctionner une insuffisance de recherche de la part des