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L’obligation de motivation constitue avant tout, une garantie contre l’arbitraire. Elle répond ensuite à une exigence essentielle de justice. Pour toutes ces raisons, elle est indispensable à la clarté du droit et de son progrès56.

Il existe aujourd’hui en France, des défis majeurs, qui tendent à remettre en cause le rôle traditionnel de la Cour de cassation. Ils affectent en particulier, la nature du contrôle qu’elle exerce et l’objet sur lequel il doit porter57.

Ces défis sont donc tout d’abord, de nature existentielle. Depuis que la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) exerce, sur la Cour de cassation, un contrôle faisant appel à la notion d’équité, héritée de la Common Law (application de la loi adaptée aux circonstances de l’espèce, nécessaire et proportionnée à ces circonstances). La première application de ce type de contrôle, est née d’un arrêt fondateur, rendu le 4 décembre 201358.

Ils sont ensuite, institutionnels : il s’agit ici, plus précisément, de la répartition des rôles entre la Cour de cassation et les autres cours supérieures nationales, que sont le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. Les défis institutionnels concernent aussi le rôle de son propre parquet général, et plus généralement, sur le statut même de l’autorité judiciaire qu’elle représente au plus haut niveau de la hiérarchie judiciaire. Et enfin, de ses relations avec l’autre ordre de juridiction (ordre administratif).

Il y a enfin des défis sociaux nés du développement de l’État de droit et à une élévation du niveau général d’éducation de la population. Les individus devenant de plus en plus conscients de leurs droits de citoyen, et des avantages que leur confère leur statut de justiciable.

56 A. Touffait et A. Tunc, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de celles de la Cour de cassation », RTD civ., 1974, p. 487.

57 B. Louvel, « Réflexions à la Cour de cassation », D., 2015, p. 1326.

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Cette évolution interroge tout en remettant en question l’élitisme de la Cour de cassation. Elle le contraint d’autre part, à adapter ses modes de communication dans la société numérique, qui plus est, dans un monde globalisé 59. Ainsi dans le domaine médical, le patient dispose désormais d’un droit à l’information concernant son dossier médical. Il s’ensuit logiquement une obligation d’information à la charge du médecin. Si bien que, dans l’hypothèse où le patient engage la responsabilité de son médecin pour manquement à cette obligation, la justice, serait alors elle-même tenue d’expliquer sa décision, par-delà la motivation qui y est attachée. Dans un langage compris par le justiciable, mais également, par le biais des canaux de communications directement accessibles par le justiciable. Les réseaux sociaux étant à ce titre, un bon exemple d’outils de communication numériques, permettant au justiciable d’accéder directement à l’information juridique fournie par la justice60.

Sur un autre plan, les décisions bien que nationales ont souvent une portée internationale. Il devient alors nécessaire qu’au-delà des conventions internationales qui tendent à l’harmonisation des législations, les Cours suprêmes des États, harmonisent leurs propres jurisprudences rendues, sur le fondement de textes d’inspiration commune61.

En effet, la Haute juridiction doit continuer d’unifier le droit, sur le fond, tout en s’efforçant d’améliorer la formulation de sa motivation (en particulier, mieux distinguer faits, procédure, et raisonnement...)62.

Sous d’autres horizons, en particulier concernant le Koweït, objet de notre étude comparative, la tradition juridique est aussi bousculée par l’émergence démocratique qui induit une évolution du système juridique. Celle-ci étant d’inspiration égyptienne et surtout française. Le Koweït se trouve ainsi confronté, à la question de la mutation du rôle de sa Cour de cassation. En effet, les débats en France, (en cours depuis 2014) sur l’évolution de la Cour de cassation française, trouvent un écho au Koweït, pays dont le droit est comme nous le venons de le souligner, très influencé par le droit français.

59 B. Louvel, « La cour de cassation face aux défis du XXIE siècle », Réflexions sur la réforme de la Cour de cassation, [En ligne], Disponible sur : https://www.courdecassation.fr/publications_26/discours_tr ibunes_entretiens_2039/discours_2202/premier_president_7084/discours_2015_7547/face_defis_31435.html

(Consulté le 29/01/2016).

60 Ibid.

61 Ibid.

62 J.-P. Jean, « 3 Propos introductifs - regards d’universitaires sur la réforme de la cour de cassation », Conférence débat 24 novembre 2015, JCP, 2016 (Supplément au n° 1-2, 11 janvier), Somm., p. 8.

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Par ailleurs, les conventions internationales telles que, la Charte Arabe des Droits de l’Homme, jouent aussi un rôle essentiel dans ces débats.

Dans ce contexte, une nouvelle stratégie commune des juridictions suprêmes et des Cours de cassation a été évoquée, lors de la réunion des présidents des juridictions suprêmes et des Cours de cassation, des pays du Golfe, à Riyad, en avril 2016.

Il convient de souligner que les changements annoncés, ne se limiteront pas, à une modernisation de la forme et de la présentation des arrêts. Ils redéfiniront aussi sans doute la portée du contrôle. Pour tenter de répondre à cette exigence, nous examinerons les effets potentiels de la réforme attendue de la Cour de cassation (Titre 2). Lesquels, ne devront cependant, en aucun cas, remettre en cause, l’essence même du rôle de la Cour de cassation, qui est d’appliquer et de faire appliquer l’obligation de motivation. (Titre 1).

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Titre I : Le respect par la Cour de cassation de