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Chapitre I : La genèse de l’obligation de motivation

Section 1 Les caractères de l’obligation de la motivation

Le droit koweïtien a été indirectement influencé par le droit français. En étant en partie, issu du droit égyptien, qui est notoirement d’inspiration française. Le Koweït a cependant développé des caractères spécifiques, dans beaucoup dans des pans entiers de son droit, comme dans l’émergence de la motivation, dans les décisions rendues par les juges koweïtiens.

Ainsi, chaque pays possède un système spécifique, dont l’originalité repose sur les caractéristiques culturelles. Analyser la nature de l’obligation (Sous-section 2) requière donc un rappel préalable, du contexte historique qui a vu émerger l'obligation de la motivation (Sous-section 1).

67 E. Faye, La Cour de Cassation, Traité de ses attributions et de sa compétence et de la procédure observée en

24 Sous-section 1 : La naissance de l’obligation

Nous nous proposons d’étudier successivement l’évolution historique en France (§1) et au Koweït (§2).

§1 : En France

Le droit romain est considéré comme l'un des premiers systèmes juridiques de l'Histoire. Cependant, il était essentiellement coutumier68. Il faut en outre noter, tout comme, le droit canonique, le droit romain ignorait la motivation69. La procédure romaine est à son origine, une simple affirmation d'un droit, faite par celui qui s'en prétend titulaire. Il y avait donc une parfaite antinomie entre la motivation qui est un raisonnement, et le procès romain qui pose le postulat de l’affirmation. La procédure formulaire est née plus tard : là encore, les décisions n’étaient pas motivées, mais, on ne pouvait pour autant, parler de décisions arbitraires : car le rôle du juge lors de l'établissement de la formule annulait la nécessité de la motivation70. On peut rapprocher cette situation de l'exemple de Rome, précisément, celui du tout début de la période révolutionnaire71.

C’est dès le 13e siècle que la question de la motivation se pose72. À la fin de ce siècle, c’est le texte des arrêts qui est entièrement retranscrit sur les registres, et ceux-ci sont peu à peu tenus, à contenir la motivation, au même titre que les rôles, pour les pièces officielles73. De 1254 à la fin du siècle, le nombre des arrêts motivés rendus par la Cour du roi est suffisamment important pour qu’une règle se dégage74. Ainsi, : « pour connaître les coutumes, il faut prendre connaissance des règles »75. La Cour du roi en a fait usage, moins dans l'intérêt des justiciables que dans le sien propre76. Il demeure malgré tout que c'est à compter de cette époque que la

68 R. Robaye, Le droit romain, 3e éd., Bruxelles, Academia, 2005, p.36.

69 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, th. Poitiers, 1979, p. 29. ; T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », Rev. de droit public et de science politique, 1955, p. 16.

70 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p.49. ; T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 6.

71 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. et loc. cit. ; T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 8.

72 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p.30.

73 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 11.

74 Ibid., p. 13.

75 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 40.

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motivation est progressivement remplacée par une formule ambiguë précisant que la décision a été prise « ex causa » au civil ou prononcée au pénal pour les cas résultants du procès77.

Dès le 14ème siècle, les motifs disparaissent : ils n'avaient jamais constitué qu'une simple affirmation, en aucun cas un raisonnement. Le chemin parcouru entre le 14e siècle et 1614 n'avait donc pas apporté sur cette question, une amélioration significative. Il semblerait, au contraire, qu'il y ait eu régression78. Le pouvoir, le droit royal est arbitraire. Les légistes dirent que le parlement - la Cour du roi - tient son autorité du roi79. Les jugements d'échevins, en principe, ne sont pas motivés. Toutefois, la motivation existe lorsque les échevins établissent une règle de droit à l'occasion d'un litige, en leur double-qualité de juges et législateurs80.

Si en France, les esprits étaient réticents à admettre la motivation, il en allait autrement à l'étranger. Dès sa création en 1502, la Cour de Florence est statutairement tenue de motiver ses sentences, lorsque les parties en font la demande. En France, des voix s'élèvent progressivement pour réclamer la motivation des décisions judiciaires81. En 1560, au moment où se déclaraient les guerres de religion, les États généraux réunis à Orléans demandèrent la suppression des arrêts non motivés. Le cahier rédigé à cette occasion, exigeait que les jugements cessent de faire usage des formules dépourvues de toute signification82, mais sans exiger expressément la présence d’une motivation. Seul Voltaire le demande à propos des décisions pénales83.

Le principe de motiver les décisions pénales, est tiré de l’article 6, du chapitre III du Cahier de doléances, intitulé : « De la réformation des tribunaux », lequel dispose : « qu'il soit établi une amende sur les plaideurs inconsidérés, une plus forte sur ceux qui succomberont à l'appel, une plus forte encore sur ceux convaincus de persécution, d'injustice manifeste ; la peine de cette dernière amende devra être motivée dans le jugement. Les fonds provenant de ces amendes doivent suffire aux appointements de tout l'ordre de magistrats, en y comprenant les

77 P. Texier, Jalons pour histoire de la motivation des sentences, La motivation, Travaux de l'association Henri Capitant, T. III, Actes du colloque Limoges, 1998, L.G.D.J., 2000, p. 7.

78 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 41.

79 Ibid., p. 44.

80 Ibid., p. 31.

81 P. Texier, Jalons pour histoire de la motivation des sentences, La motivation, op. cit., p. 11-12.

82 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p.28

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droits du fisc »84. La justice civile qui rendait des arrêts non motivés est cependant, épargnée par les critiques85.

Au 18e siècle, l'article 5 de l'édit du 8 mai 1788 posait l'obligation de motiver les jugements criminels86. En pratique cependant, l’art. 5, jamais appliqué a plus conduit à qualifier, qu’à motiver87. Il faut préciser qu’il avait été adopté moins pour mettre en place une motivation, que pour des enjeux de paix sociale ; en l’occurrence, le souci de calmer les griefs qui s'élevaient contre les méthodes de l'instruction criminelle. Ce qui conduit à penser que si celle-ci avait été mieux dotée de garanties procédurales, il y’aurait sans doute moins de critiques visant la simple forme des arrêts88. Car ainsi que le résume un adage populaire : « la motivation est fille de la révolution89 ». Le 1er décembre 1790 était créé un Tribunal de cassation mais ce n'est que bien plus tard qu’il se vit imposer la motivation de ses arrêts : d'abord les arrêts de rejet (4 germinal An 11), ensuite l’ensemble des arrêts rendus (5 Frimaire An 111) 90

L’article 5 fait obligation pour tout jugement ou arrêt, soit au civil, soit au criminel qu’il contienne les motifs de la décision ; mais cet article ne figure que dans le chapitre consacré aux « matières criminelles ». Donnant le sentiment que l’obligation de motiver ne s’imposait qu’en matière pénale. En tout état de cause, le droit pénal a ouvert, la voie au droit civil91. C’est ainsi que la constitution du 5 Frimaire An 111, dans son article 208, élargit officiellement cette obligation à toutes les juridictions, pénales aussi bien que civiles. C’est cet article qui consacre définitivement la naissance de la motivation92. La loi des 16-24 Août 1790, sur l'organisation judicaire, est d'une toute autre portée93. Et définit ce que devrait être une bonne motivation, allant au-delà de l’obligation de motiver. Ainsi, selon ce texte : « exprimer les motifs » signifie soit énoncer les termes de la loi appliquée quand un texte de loi existe, soit exprimer les raisons qui ont conduit le juge à la décision qu'il a prise quand il n'existe pas de texte de loi94.

84 Cahier de doléances, Cahier des demandes et représentations de l'ordre de la noblesse du bailliage de Montargis. 22 mars 1789, [En ligne], disponible sur : http://gatinais.histoire.pagesperso-orange.fr/doleances_noblesse.htm

(Consulté le 29/1/2018).

85 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 39.

86 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 42.

87 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 40.

88 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. et loc. cit.

89 P. Texier, Jalons pour histoire de la motivation des sentences, La motivation, op. cit., p 11.

90 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 34.

91 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 43-44.

92 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. et loc. cit.

93 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 45.

27 §2 : Au Koweït

Depuis la création de l’Émirat du Koweït en 1705 jusqu’à l’émergence de l’État du Koweït en 1960, la juridiction relevait de la loi islamique (la charia), issu du texte du Saint Coran, de la tradition du prophète (la Sunna) et des doctrines des deux imams : Ahmad et shafii95. Durant cette période, ce corpus législatif d’inspiration religieuse, tenait lieu de droit positif. À ce titre, seuls les juristes formés à la charia, étaient habilités à interpréter les règles de la loi islamique96.

La source religieuse du droit koweïtien est consacrée par la constitution et le code civil de l’État du Koweït. En effet, d’une part, l'art. 2 de la constitution Koweïtienne dispose que : « la loi islamique est une source essentielle pour la législation ». La Constitution Koweïtienne renvoie ainsi à la loi islamique, laquelle requiert une motivation pour les décisions de justice. D’autre part, de son côté l’art. 1 al. 2 du C. civ. K. dispose qu’: « en l’absence de texte législatif, le juge s’appuie sur la doctrine musulmane ».

Il faut souligner que l’islam est religion d’État au Koweït ; la charia y est considérée comme une législation vivante, originale (sans précédent), mais aussi une des sources de la législation internationale. Du moins, si l’on en croit le 2e Congrès International de Droit Comparé, qui a tenu ses assises à la Haye en 1937 lorsqu’il a inclus dans ces dispositions finales cette formule, considérant qu’il s’agit d’une loi vivante capable d’évolution, sui generis et ne dépendant d'aucune autre97.Et c’est ce qui a été repris par la Constitution koweitienne.

L’étude de la motivation dans les décisions des juges koweïtiens, nous conduira tout d’abord, à examiner le système de la motivation dans la loi islamique, qui laisse apparaître une véritable obligation de motiver, selon nous. Nous décrirons ensuite, les effets de loi islamique sur les jugements rendus par les tribunaux koweïtiens. Nous verrons que l’approche du Coran

95M. Alshybani et B. Almotairi, La juridiction et les juges au Koweït, depuis la création jusqu’à l’État, 1re éd., Koweït, Centre des manuscrits et des patrimoines culturels, 1999, p. 127.

96 O. Alsalih, le système constitutionnel et les institutions politiques au Koweït, t. I, 2e éd., Koweït, Dar Alkitab, 2003, p. 41.

97 B. Botiveau, loi islamique et droit dans les sociétés arabes, Karthala éd, 1993, p. 101. [En ligne], Disponible sur : https://books.google.fr/books?id=580plQGebHcC&pg=PA101&lpg=PA101&dq=Le+congrès+de+Paris+de +1951+,+organisé+par+Milliot,+le+droit+musulman+était+thème+unique&source=bl&ots=1X_hhoOAi7&sig= DHd7xGi3TjhRegZWaw46jsRmRKA&hl=en&sa=X&ei=eMEZVfywA5PvaJLQgeAF&ved=0CCEQ6AEwAA #v=onepage&q=Le%20congrès%20de%20Paris%20de%201951%20%2C%20organisé%20par%20Milliot%2C %20le%20droit%20musulman%20était%20thème%20unique&f=false (Consulté le 29/01/2018).

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et de la Sunna consiste à élucider les raisons qui motivent les jugements et leur esprit, dont l’intérêt est de démontrer l’objet du jugement et de convaincre celui qui l’adopte et l’applique. Les juges sont, au premier chef, concernés par cette démarche. En effet, ils doivent établir le fondement de leur jugement, le procédé d’établissement des faits, et la démarche adoptée pour appliquer le droit aux faits98.

A ce propos, Ibn al-Qayyim (environ en 1350) dit : « Ce qui est visé est que, outre le fait que la parole du législateur fait autorité, il guide la communauté aux causes profondes des jugements, leurs conceptions et leur esprit ; et cela a été hérité par les successeurs. » En indiquant que « cela a été hérité par les successeurs » implique les juges. Ainsi, ils doivent motiver leurs sentences99, car cela comporte plusieurs avantages tels que : l’acceptation du verdict par la partie adverse, connaitre la démarche du juge et ses références, aider le tribunal compétent à revoir et à vérifier la décision100. De plus, les savants101 s’accordent sur la légitimité de l'obligation de motivation des décisions de justice. Cela apparait dans l’exposé de leur justification des motivations absolues ou à la suite des références aux faits, d'un témoignage, aveu, ou autre102.

Les motivations trouvent leur légitimité dans les dispositions des lois islamiques contenues dans les écrits du saint Coran, qui défend les intérêts des fidèles de manière juste. Ces principes ne sont pas présentés comme prohibitions et permissions tel que dans des lois en vigueur, mais sont présentes comme des définitions et les explications. Tout ceci, de façon à faire naitre dans l'esprit des lecteurs un sentiment de sérénité, de respect et d'interprétation précise du message transmis. On cherche alors à suivre le bon exemple par piété et par crainte des représailles103.

Comme cité dans le Coran : « Et prie pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Allah est Audient et Omniscient »104. « Le butin provenant [des biens] des habitants des cités, qu'Allah a accordé sans combat à Son Messager, appartient à Allah, au Messager, aux proches

98 A. Al-Khanin, La motivation des décisions des justices dans la loi islamique, 1re éd., Arabie saoudite, Riyad, Dar Altadmoriah, 2000, p. 28.

99 I. Aljawziyya, Aalam Almuwaqeen An Rab Alalmeen, t. IV, t.1, Beyrouth, DarAljeel, 1973, p. 162.

100 A. Al Khanin, La motivation des décisions des justices dans la loi islamique, op. cit., p. 30.

101 Correspondant la doctrine religieuse des années 1300.

102 A. Al Khanin, La motivation des décisions des justices dans la loi islamique, op. cit., p. 25.

103 Y. Almusarwa, La motivation des décisions en matière civile, 2e éd., Aman, Dar Althaqafa, 2010, p. 29-30.

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parents, aux orphelins, aux pauvres et au voyageur en détresse, afin que cela ne circule pas parmi les seuls riches d'entre vous »105 . Ceci est un exemple parmi tant d'autres. On voit que Dieu présente clairement les principes de raisonnement dans les dispositions de la loi islamique, ses intérêts et ses devoirs. Ces raisonnements tiennent à expliquer précisément l'application et le cadre de ces lois ainsi que de justifier les dispositions106.

La Sunna justifie également ces dispositions. Elle poursuit le raisonnement du saint Coran, dans sa méthode précise et stricte dans l'enseignement des dispositions. Comme a dit le prophète Mohammed : « Si quelqu'un mène la prière d'assemblée avec les gens, qu'il veille à la raccourcir, car il y a parmi eux le faible, le malade, la personne âgée ». On voit dans cette parole la justification de l'interdiction de prolonger la prière lorsque l'on dirige la prière d'assemblée, par souci des personnes aux situations particulières citées. Le prophète a jugé que le droit de garde de la fille passerait à sa tante, justifiant cela par le fait que la tante serait plus à même de remplir le rôle de la mère107.

Chaque acte a une motivation dans le Coran et la Sunna. Ainsi, la motivation des jugements est requise dans la loi islamique, de surcroit, le législateur koweitien est engagé à respecter ces principes. Ce faisant, il suit aussi, l’ancienne règle française, contenue dans l’ancien code de procédure. L’art. 115 al. 2 du C.P.C.K. stipule que : « les jugements doivent comporter les raisons qui les fondent. »

Sous-section 2 : La nature de l’obligation

Il s’agira ici d’étudier la portée de l’obligation de motivation. C’est-à-dire, savoir à quelles juridictions et décisions elle s’applique en France (§1) puis au Koweït (§2).

§1 : Une obligation fondamentale en France

L’affirmation que la motivation est un principe général de procédure conduirait à dire que la motivation existe de façon intrinsèque dans le système juridique sans qu’il y ait besoin d’une disposition spécifique qui l’établisse. Une telle disposition semble superflue du fait qu'il

105 Coran : 59 : 7.

106 A. Al Khanin, La motivation des décisions des justices dans la loi islamique, op. cit., p 26.

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s'agit de l’un des principes de loi naturelle et du fait qu’il concerne le respect des droits de la défense108 qui sont l’un des principes de la loi interne. D'un autre côté, le législateur ne crée pas l’obligation à la motivation mais il l’établit (il la concrétise). Ce qui signifie que le juge se doit de motiver ses jugements même en l’absence d’un texte explicite qui l’exige et que le juge ne peut être dispensé de la motivation que par une disposition expresse109.

D'une manière générale la force d'un principe repose sur son autorité, sa valeur. Pour rendre compte de celle du principe de motivation, les processualistes rivalisent dans le choix des expressions : « principe général du droit », « règle de droit public », « règle générale de procédure », « principe se rattachant aux droits de la défense », « garantie fondamentale ou garantie quasi constitutionnelle des droits de l'homme », « droit naturel. »110.

Toutes ces appellations traduisent l'idée que la motivation constitue une garantie fondamentale de bonne justice. Que nul ne saurait enfreindre, ce qui conduit à s'interroger sur la place du principe de motivation au sein de la hiérarchie des normes.

En France, en remontant à la source du principe, un premier constat s'impose : la motivation n'est plus une obligation constitutionnelle. Elle l’était, à l'origine, dans la Constitution du 5 fructidor aIII (22 août 1795) ainsi que dans le projet de constitution de 1946. La motivation est devenue une obligation légale, voire, depuis 1958, réglementaire. Nous en trouvons mention dans les lois des 16-24 août 1790111. C’est l'acte de naissance de l'obligation et du 20 avril 1810. Elle sera reprise dans tous les codes de procédure civile de 1806 et N.C.P.C. (l’art. 455 et l’art. 458), le code d'instruction criminelle et le code de procédure pénale (l’art. 485 et l’art. 583 principalement). Ainsi que le code des tribunaux administratifs (l’art. R. 200) puisque le Conseil d'État avait, dès 1924, fait de l'obligation de motivation « une règle générale de procédure applicable même sans texte »112.

108H. Motulsky, « Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : Le respect des droits de la défense en procédure civile », in. H. Motulsky, Écrits. Études et notes de procédure civile, 2e éd., Paris, Dalloz, 2010, n° 29, p. 80.

109 A. Abdulfattah, « La nouveauté de la nouveau code procédure civile koweïtien et les lois complémentaires en motivation et actes des juges », t. I, op, cit., p. 89.

110 J. Leroy, La force du principe de motivation, La motivation, Travaux de l'association Henri Capitant, T. III, Actes du colloque Limoges, 1998, L.G.D.J., 2000, p. 35.

111 S. Guinchard, C. Chainais et F. Ferrand, Procédure civile, Droit interne et droit de l'union européenne, Dalloz, 34e éd., 2018, n° 1112, p. 780. ; J. Leroy, La force du principe de motivation, La motivation, op. cit., p. 35-36.

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Le principe de motivation n'a pas en lui-même valeur constitutionnelle113. Il n'a pas non plus, acquis une autorité supérieure à la loi, en application du principe classique qui interdit que l’on confère une valeur supra-législative aux règles de procédure non écrites114. Enfin, Il n'a pas été repris formellement par la ConvEDH. Probablement n’y avait-il pas sa place sous la forme d'une obligation imposée au juge. Mais il eût sans doute été possible, de l'exprimer sous la forme d'un droit reconnu au justiciable. Certes, était en cause l'application d'un traité international protégeant des droits fondamentaux de l'homme115.

L'obligation de motivation peut être considérée comme un droit fondamental lorsque l’on traite des droits et libertés garantis par la convEDH. Mais aussi, en raison de sa valeur constitutionnelle en tant qu’élément-clé des droits de la défense116.