• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : La genèse de l’obligation de motivation

Section 3 Le mode de rédaction de la motivation

Avant d’examiner de plus près le mode de rédaction de la motivation (sous-section 2), il conviendra au prélable, de nous intéresser à la relation entre la motivation et la Cour de cassation (sous-section1).

Sous-section 1 : La relation de la motivation avec la Cour de cassation

Comme nous l’avons déjà souligné, le droit français a considérablement influencé les droits Égyptien et Koweïtien. C'est ce qui explique les similitudes entre les deux systèmes observables sur plusieurs points. Pour mieux les caractériser, nous étudierons d’abord le rôle de la Cour de cassation dans les deux systèmes, avant de proposer une analyse de la relation entre la motivation et la Cour de cassation.

Avant de s’intéresser à la relation entre la motivation et la Cour de cassation (§2), nous tenterons d’abord d’expliciter le rôle de la Cour de cassation dans les deux systèmes (§1). §1 : Le rôle de la Cour de cassation dans les deux systèmes

En France, c’est la loi du 27 novembre 1790 qui a institué un « Tribunal de cassation » devenu par la suite, la Cour de cassation au terme du sénatus-consulte du 28 floréal an XII, 28 mai 1804225. Le Koweït adoptera le même système, deux siècles après la France. Au Koweït, le décret présidentiel n° 19 de 1959, qui a institué le système judiciaire koweitien, n'a pas retenu le système de la cassation, tout en instaurant un système qui permet de « casser » les décisions du tribunal de première instance devant la cour d’appel. Dix ans plus tard, le législateur a pris conscience de l’importance de constituer un organe judiciaire indépendant, doté du pouvoir de contrôler l'application correcte des règles de droit. C’est ainsi que par la loi n° 40 de 1972, le législateur, a créé la Chambre de cassation au sein de la cour d’appel. Compétente pour connaître des cas d'ouverture à cassation, elle tient un rôle spécifique et est organisée différemment des autres chambres de la Cour d'appel, dont elle est indépendante. Enfin, le code de l'organisation judiciaire, créé par le décret-loi n° 23 de 1990, met en place, dans son troisième

54

article, la Cour de cassation koweitienne définie comme une cour indépendante et la plus haute juridiction du pays226.

Dans les deux pays, la Cour de cassation est une cour de droit. Dans l’ordre judiciaire français et koweïtien, c’est la plus haute juridiction et il n’en existe qu’une seule dans chaque pays. En France, c’est pendant l'époque révolutionnaire, qu’est née l'idée d'une justice égale et identique pour tous227. Car, c’est « la première exigence pour que l’unification de la jurisprudence soit réalisée, est que l’autorité exerçant le contrôle ne soit pas partagée et divisée »228. L’importance de cette Cour découle de son rôle essentiel, qui est d’unifier la jurisprudence et rendre l’interprétation des textes, identique dans tout le pays. C’est l’unicité de la juridiction, qui permet l’uniformité de l’interprétation du droit. Unicité de la Cour et uniformité de l’interprétation deviennent par là-même indissociables229. La motivation permet donc, l'unité droit et une justice équitable, dont la Cour de cassation assure le respect230. §2 : Une approche de la relation entre la motivation et la Cour de cassation

La raison d’être de la Cour de cassation est de vérifier que le droit a été correctement appliqué. Or elle ne peut remplir ce rôle qu’en présence d’une motivation, rendue par là-même, nécessaire. En effet, en vue d’assurer l’effectivité d’une application uniforme du droit, la motivation est indispensable car elle seule, permet d’appréhender le droit applicable, ainsi que son interprétation231.

Dans les deux systèmes, il convient de rappeler que la Cour de cassation n’est pas un troisième degré de juridiction. En clair, elle ne tranche pas le fond mais vérifie si les règles de droit ont été correctement appliquées, à partir de faits souverainement constatés par les juges du fond232. Au terme de la loi, en effet, « la Cour de cassation ne connaît pas du fond des

226 L’art. 3 al. 5 du C.O.J.K. ; A. Abdulfattah et M. Alanzi, Les procédures civiles koweitiennes, op. cit., p. 346.

227 Cf., en droit français, l’art. L. 411-1 du C.O.J. dispose qu’: « Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation ». ; En droit koweïtien selon la note explicative de l’art. 3 du C.O.J.K.

228 D. d'Ambra, L'objet de la fonction juridictionnelle : Dire le droit et trancher les litiges, Paris, L.G.D.J., 1994, p. 158.

229 A. Abdulfattah et M. Alanzi, Les procédures civiles koweitiennes, op et loc. cit. ; (Dir.) L. Cadiet, Dictionnaire

de la justice, op. cit., p. 260. ; G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. cit., p. 46.

230 G. Giudicelli-Delage, La motivation des décisions de justice, t. I, op. et loc. cit.

231 Ibid., p. 47

232 J. Voulet, « L'interprétation des arrêts de la Cour de cassation », JCP, 1970, I, doct. n° 2305, § n° 3. ; A. Abdulfattah et M. Alanzi, Les procédures civiles koweitiennes, op.cit.p. 346 - 347 ; M. Althuawi, Le système

55

affaires »233. Autrement dit, elle n’a pas le droit d'examiner les faits qu’ils aient été prouvés ou non234. De plus, elle « ne peut, en principe, examiner que les moyens qui avaient été soumis par les parties aux juges du fond »235.

Concernant plus précisément les cas d’ouverture à cassation, ainsi que la procédure qui y est attachée, les deux systèmes l’ont codifié. Le C.P.C.K. l’organise dans ses articles 152 à 157. Il en résulte que la mission essentielle de la Cour cassation koweïtienne, est d’examiner les pourvois formés contre des arrêts de la Cour d'appel. En pratique, il y’a ouverture à cassation, dans les cas, d’erreur sur l'application des règles de droit, sur les droits objectifs ou sur le plan procédural. Ou en cas d’erreur dans l'interprétation de ces règles. Ou encore, si le jugement est entaché de nullité, ou si la procédure comporte une nullité susceptible d'affecter le jugement236.

Quant aux cas d’ouverture à cassation en France, l’art. 604 du C.P.C. énonce que : « le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la Cour de cassation la non-conformité du jugement qu’il attaque, aux règles de droit ». Si les cas d’ouverture ne sont pas spécifiés expressément, il convient toutefois de retenir que la violation de la loi, le défaut de base légale, le défaut et la contradiction des motifs, le défaut de réponse à conclusions et la dénaturation, sont des cas d’ouverture à cassation. De manière plus spécifique, on peut également mentionner ; l’excès de pouvoir, l’incompétence, la contrariété des jugements, la perte de fondement juridique et les vices de forme237.

Le lien est donc très fort entre la motivation et la Cour de cassation, parce que la cassation sans la motivation ne peut prospérer. «C’est la première qui a fait [naître] la seconde »238. Autrement dit, la notion de « motifs » est le résultat « naturel » de la notion de « cassation ». Celle-ci est un moyen de contrôler et sanctionner si besoin la légalité des

de la juridiction civile et la théorie de la compétence conformément au code de procédure civile égyptien, 1re éd., Alexandria, Libraire juridique d'alwafaa, 2011, p. 401-402.

233 L’art. L 411-2 al. 2 du C.O.J.

234 A. Abdulfattah et M. Alanzi, Les procédures civiles koweitiennes, op. cit. , p. 348.

235 J. Voulet, « L'interprétation des arrêts de la Cour de cassation », op. cit., n° 6.

236 Ibid.

237 M.-N. Jobard, X. Bachellier et J.-B. Lament, La technique de cassation, pourvois et arrêts en matière civile, 9e éd., Paris, Dalloz, 2018, p.176.

56

jugements239. On peut donc en déduire que s’il existe une Cour de cassation, la décision déférée devant la Cour de cassation devra être motivée240. D’ailleurs, l’art. 116 al. 3 du C.P.C.K. dispose que l'insuffisance de motifs241, fait encourir une annulation de la décision, par la Cour de cassation, puisque celle-ci sera alors, dans l’impossibilité technique de remplir son rôle. Sous-section 2 : La rédaction actuelle de la motivation des arrêts de cassation

Le mode actuel de rédaction de la motivation des arrêts de cassation, est le fruit d’une longue maturation historique qui a vu l’émergence progressive du pouvoir d’interprétation de la Cour de cassation. Laquelle s’est traduite en particulier, par la suppression du « référé législatif facultatif » en 1804. Suivie par celle du « référé législatif obligatoire », par l’effet des lois du 30 juillet 1828, et du 1er avril 1837.

D’une forme plus détaillée, la Cour de cassation est ainsi revenue à une rédaction plus brève au cours du XXème siècle242. La concision de la motivation des arrêts de la Cour de cassation n'est cependant pas née avec l'institution. À l'origine, la motivation était très laconique, la Cour y assortira ensuite des explications, « l’explication de la décision y est toujours contenue, mais, sauf cas rares, où elle est d’ailleurs alors très brève », puis de véritables petites consultations brèves à compter de 1860243.

L’évolution rédactionnelle de la motivation des arrêts de la Cour de cassation, est aussi, le reflet de la conception du juge de cassation, de chaque époque considérée. La rédaction contemporaine de la motivation, se caractérise par sa « concision, [sa] précision terminologique et [sa] rigueur logique »244.

239 T. Sauvel, « Histoire du jugement motivé », op. cit., p. 46. ; La cassation est une technique qui permet aussi de faire respecter l'obligation de la motivation.

240Y. Almusarwa, La motivation des décisions en matière civile, op. cit., p. 56.

241 Sur l’insuffisance de motifs V. Infra, p. 226.

242 SDER, « Motivation des arrêts de la Cour de cassation : texte introductif du SDER », 14 septembre 2015, [En ligne], Disponible sur : https://www.courdecassation.fr/institution_1/reforme_cour_7109/travaux_co mmission_8180/motivation_arrets_7856/cour_cassation_32581.html (Consulté le 10/02/2017).

243 Y. Chartier, « De l’an II à l’an 2000, Remarques sur la rédaction des arêtes civils de la Cour de cassation », in. P. Drai, Le juge entre deux millénaires, Paris, Dalloz, 2000, p. 278 s., spéc. p. 269.

244 J.-F. Weber, « Comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile », BICC n° 702, 15 mai 2009, p. 6. ; V. également, (Dir.) J.-F. Weber, Droit et pratique de la cassation en matière civile, 3e éd., Paris, LexisNexis, 2012, n° 1264 : « une autre qualité des arrêts réside dans leur concision, laquelle doit toujours rester au service de la fonction normative de la Cour de cassation : dire le sens de la règle de droit ».

57

Elle n’a pas connu d’évolution majeure depuis 1837. Elle repose sur une construction syllogistique, qui se présente différemment, selon qu’il s’agisse d’un arrêt de cassation ou d’un arrêt de rejet. Il est intéressant de noter que la Cour de cassation recommande ce type de rédaction aux juges du fond, offrant ainsi comme modèle ses propres arrêts qui se caractérisent en effet par une rédaction « ramassée »245.

Ce type de motivation adopté par la Cour de cassation, qui se caractérise par sa concision, mais qui se veut aussi précis, peut sans doute être expliquée, par la nature spécifique de la motivation des arrêts de cassation (ou de rejet). Lesdits arrêts, reposent sur des arguments de pur droit, là où les décisions des juges du fond sont fondées sur l’application du droit aux faits. Le contenu de la motivation des arrêts de cassation, est au surplus, lié à la portée du contrôle qu’exerce la Haute-juridiction (léger, lourd, normatif ou disciplinaire), ce qui qui lui permet de forger des formulations précises246, formulations pouvant varier selon la nature de la chambre ; car, rappelons que la Cour de cassation est composée de 6 chambres spécialisées247. Il est nécessaire d’abord de se pencher sur le style rédactionnel de la motivation (§1) l’examen portera ensuite sur Le contenu de la motivation (§2).

§1 : Le style rédactionnel de la motivation

Comme nous l’avons déjà noté, il se caractérise par sa concision. Brièveté, qui a fait dire aux juristes anglais et américains, que les décisions françaises n’étaient pas motivées248. Au-delà de son inexactitude manifeste, une telle affirmation tient à la différence de tradition juridique entre les systèmes juridiques, anglais et romain. Lesquelles différences les ont d’ailleurs conduits au cours de l’Histoire, à adopter chacun, un des trois modes rédactionnels de la motivation, suivants :

245 (Dir.) J.-F. Weber, Droit et pratique de la cassation en matière civile, op.cit., n° 1279. ; SDER, « Motivation des arrêts de la Cour de cassation : texte introductif du SDER », 14 septembre 2015, [En ligne], Disponible sur :

https://www.courdecassation.fr/institution_1/reforme_cour_7109/travaux_commission_8180/motivation_arrets_ 7856/cour_cassation_32581.html (Consulté le 10/02/2017).

246 SDER, « Motivation des arrêts de la Cour de cassation : texte introductif du SDER », 14 septembre 2015, [En ligne], Disponible sur : https://www.courdecassation.fr/institution_1/reforme_cour_7109/travaux_commission_ 8180/motivation_arrets_7856/cour_cassation_32581.html (Consulté le 10/02/2017).

247 Ibid.

248 A. Touffait et A. Tunc, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de celles de la Cour de cassation », op. cit., p. 487.

58

-La motivation qui ne laisse apparaître aucun désaccord ou aucune opinion individuelle (pratiquée en France et dans la plupart des pays européens). Ainsi qu’au Koweït249.

-La motivation qui expose successivement les motifs de chaque juge ; les opinions ne sont donc pas anonymes, et chaque juge peut exprimer son avis personnel (système appliqué en Europe en particulier, en Angleterre, au Pays de Galles, en Irlande et en Norvège)250.

- Le modèle intermédiaire qui consacre la pratique de « votum separatum » : une décision commune est rendue, mais chaque juge a la possibilité de se dissocier de l'opinion majoritaire (pratiquée aux États-Unis depuis 1801, et en Pologne)

Le premier type de motivation renforce l'autorité de la décision, tandis que les deux derniers contribuent à l'évolution du droit, car les opinions dissidentes peuvent inspirer les rédacteurs des décisions ultérieures251. Cependant, le premier type de motivation, adopté de longue date par le juge de cassation français, apparaît à tort ou à raison, comme manquant de précision ou de clarté, par excès de concision. De fait c’est au sein de la communauté des juristes elle-même, que la critique contre cette forme de motivation a été lancée252. Il a en effet, été lancé en 1974 par la publication d’un article, signé conjointement du procureur général près la Cour de cassation et du professeur Tunc, et intitulé « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de celles de la Cour de cassation »253.

Cet article critique le caractère jugé par les auteurs, trop bref, de la motivation, dans les décisions de justice. Le professeur Tunc, écrit en particulier, que les juges méconnaissaient leur devoir d'explication de leur décision par une motivation trop concise. Cet excès de brièveté interdisant de comprendre la règle de droit, et engendrant au final une insécurité juridique.

Ce risque était renforcé par le raisonnement par analogie auquel se livraient certains juges dans les affaires ultérieures. Se contentant de viser, dans leurs propres décisions un principe juridique déjà énoncé, parfois dans les mêmes termes. Ce qui interdit toute évolution

249 V. l’art. 112 al. 2 de C.P.C.K. ; A. Abdulfattah, Les procédures civiles koweitiennes, t. II, op. cit., p. 582. A. Aboelwafa, La théorie des jugements dans le droit judiciaire, Alexandria, Libraire juridique d’alwafaa, 2015, p. 106.

250 S. Castillo-Wyszogrodzka, « La motivation des décisions de justice : perspective comparatiste », D., 2014, p. 1838.

251 Ibid.

252 Ibid.

253 A. Touffait et A. Tunc, « Pour une motivation plus explicite des décisions de justice notamment de celles de la Cour de cassation », RTD civ., 1974, p. 487-508.

59

du droit. Puisque la motivation reste abstraite, elle reste en dehors de l’évolution des mœurs, qui précède et engendre souvent celle des institutions254.

Ces critiques n’avaient à l’époque pas conduit la Cour de cassation à modifier son mode rédactionnel, la laissant même indifférente. Ce qui avait conduit le juge Adolphe Touffait à exprimer sa déception, écrivant qu'il n'y avait pas plus de dix de ses collègues magistrats, qui s’étaient donné la peine de lire l’article.

Ce débat ancien, resté discret, a été récemment relancé. Depuis 2014 en effet, il a repris de la vigueur, et est devenu médiatique, les arguments des deux camps n’ayant pas fondamentalement changé depuis 1974. Il oppose toujours deux écoles : les tenants du système actuel et les « modernistes » qui en appellent à une motivation dite « enrichie ». Il se déroule cette fois, dans le cadre de la réflexion lancée par la Cour de cassation, sur sa propre réforme annoncée, et dont un des objectifs recherchés, est précisément de faire évoluer le mode rédactionnel de la motivation255.

Au nombre des défenseurs du système actuel, compte Monsieur Croze, un des processualistes français les plus réputés. Si le Professeur Croze concède que l‘on « comprend mieux quand on explique », il ajoute aussi malicieusement qu’ : « il n’était pas prouvé qu’en étant plus long, on soit plus clair ». Mettant par là-même, en garde, sur les risques attachés à un enrichissement, à marche forcée, de la motivation au seul motif de la clarté. Cela vaut notamment pour les arrêts de la Cour de cassation. Celle-ci d’une part, n’étant pas une cour suprême qui édicte des normes, et d’autre part, ne jugeant qu’en droit et non en fait, il n’est pas nécessaire pour cette double raison, qu’elle enrichisse sa motivation. Au total, M. Croze estime que la question de la richesse de la motivation doit être liée aux fonctions assignées à la Cour de cassation, or elles se bornent essentiellement à rappeler la loi. Dès lors, selon M. Croze : « l’obligation de motivation qui pèse sur la cour de cassation, est bien moindre que celle des juges du fond »256.

254 A. Tunc, « Conclusions : La Cour suprême idéale », RID comp., 1978, p. 464-465. ; P. Deumier, « Repenser la motivation des arrêts de la Cour de cassation ? », D., 2015, p. 2022.

255 P. Deumier, « Repenser la motivation des arrêts de la Cour de cassation ? », op. et loc. cit.

256 H. Croze, « Pour une motivation pas trop explicite des décisions de la Cour de cassation », in. P. Malaurie, liber amicorum, Defrénois, Paris, 2005, p. 181.

60

Jean-François Weber, autre défenseur de la motivation actuelle, abonde dans le sens de M. H. Croze, en estimant : « ni possible, ni souhaitable, de motiver différemment les arrêts de la Cour »257. Car poursuit-t-il, : « imposer un autre type de motivation, des arrêts de la cour de cassation, reviendrait à exiger de la Cour, pourquoi, elle interprète la loi, ainsi qu’elle le fait, alors qu’elle n’a pas à s’expliquer sur le ratio dedidendi ». D’autant plus rappelle-t-il que l’art. L. 411-2 du C.O.J. dispose que : « la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires »258.

Autant la motivation d’une décision de fond peut être enrichie, étant l’objet même du raisonnement syllogistique, autant un arrêt rappelant des principes peut et doit rester concis.

À côté des arguments en faveur du maintien du système actuel de motivation, les tenants d’une évolution de la motivation, s’appuient sur le manque de clarté inévitable qui découle de la concision de nombre d’arrêts rendus par la Cour de cassation259. Le but recherché d’une évolution vers une motivation dite « enrichie », serait avant tout, de rendre les décisions de la Cour de cassation plus aisément compréhensibles260.

Pour autant, évoluer vers cette motivation enrichie, ne signifie pas la suppression du style actuel, mais une simple mutation, vers une sorte de « troisième voie ». À cet égard, plusieurs Cours de cassation étrangères et européennes, bien qu'ayant opté pour une motivation détaillée, mettent parallèlement en œuvre le syllogisme. En clair, ils énoncent successivement la règle de droit, le rappel des faits, et enfin l’application des textes au litige261. En tout état de cause, il nous semble, en conclusion qu’il ne faille pas opposer les deux courants doctrinaux, mais au contraire, tenter de les concilier. On peut ainsi admettre que le dispositif consiste en une motivation minimale, sans qu’elle n’interdise, cependant, d'apporter des précisions complémentaires.

C’est d’ailleurs l’évolution qui semble se dessiner dans les arrêts du Conseil d’État. En effet, alors qu’il est communément admis que la motivation du juge du droit (juge de cassation

257 J.-F. Weber, « La motivation des arrêts de la Cour de cassation », Lamy droit civil, 2012, n° 89.

258 Ibid.