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Origène croise ses explications sur les pierres vivantes avec celles sur les pierres de fondations de 1 Co 3, 11-15. Il se concentre sur la mise en place d’un classement dégagé à partir de l’analogie avec la qualité des matériaux. Les meilleures places sont attribuées respectivement aux pierres les plus solides qui ont résisté au fer et aux pierres précieuses qui ont résisté au feu.

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ORIGÈNE, Homélies sur Josué IX, 1-2 : « Omnes qui in Christum Iesum credimus, lapides vivi esse dicimur, secundum quod Scriptura pronuntiat dicens : Vos autem estis lapides vivi,

aedificati domus spiritalis in sacerdotio sancto, ut offeratis spiritales hostias, acceptabiles Deo per Iesum Christum. Sicut autem in istis terrenis lapidibus observari novimus, ut hi quidem

lapides, qui validiores sunt et potentiores, primi in fundamenta iaciantur, ut ipsis credi et superponi possit totius aedificii pondus, alii vero, qui sequentes sunt, id est paulo illis inferiores, proximi illis, qui in fundamento sunt, ordinentur ; qui vero plus inferiores sunt paulo superius a fundamentis, tunc deinde in comparatione lapidum qui infirmiores sunt, in superioribus et prope ipsa iam tecti fastigia collocentur ; ita nunc intellige etiam de lapidibus vivis esse aliquos in fundamentis huius spiritalis aedificii. Qui autem sunt isti qui in fundamentis collocantur ?

Apostoli et prophetae. Sic enim dicit Paulus haec ipse docens : Aedificati, inquit, supra fundamentum Apostolorum et prophetarum, ipso angulari lapide Christo Iesu Domino nostro. Ut

autem promptiorem te praepares, o auditor, ad huius aedificii constructionem, ut lapis aliquis inveniaris vicinior fundamento, disce quia et ipse Christus huius, quod nunc describimus, aedificii fundamentum est. Sic enim dicit Apostolus Paulus : Fundamentum enim aliud nemo

potest ponere praeter id quod positum est, qui est Christus Iesus. Beati ergo, qui supra istud

tam nobile fundamentum aedificia religiosa et sancta construxerint. Sed in hoc aedificio ecclesiae oportet esse et altare. Unde ergo arbitror quod quicumque ex vobis lapidibus vivis apti sunt in hoc et prompti ut orationibus vacent, ut die noctuque obsecrationes obsecrationes offerant Deo et supplicationum victimas immolent, ipsi sunt, ex quibus Iesus aedificat altare. Sed intuere quid laudis ipsis lapidibus altaris adscribitur. Sicut dixit, inquit, legislator Moyses

aedificari altare ex lapidibus integris, quibus ferrum non est iniectum. Qui, putas, sunt isti integri

lapides ? Novit uniuscuiusque conscientia, qui sit integer, qui sit incorruptus, impollutus, immaculatus in carne et in spiritu, qui sit ille cui ferrum non est iniectum, id est qui iacula maligni

ignita concupiscentiae non recepit, sed scuto ea fidei restinxit et reppulit ;vel qui est ille qui

ferrum pugnae, ferrum belli, ferrum litium numquam recepit, sed semper pacificus fuit, semper quietus et mitis, ex Christi humilitate formatus. Isti sunt ergo lapides vivi, ex quibus Iesus Dominus noster altare construxit ex lapidibus integris, quibus ferrum non est iniectum, ut offerat super eos holocausta et sacrificium salutis. », éd. et trad. A. JAUBERT, Sources chrétiennes 71, p. 244-247. Par ailleurs, Origène appelle son audience à édifier un autel à l’intérieur de soi, cf.

A cette première hiérarchie, interindividuelle, s’en articule une seconde, intra-individuelle. En d’autres termes, chacun reproduit en soi la structure dans laquelle il s’inscrit352

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D’après 1 Co 3, 11-15, il y a essentiellement trois catégories de matériaux : à ceux qui demeurent intacts s’ajoutent ceux qui sont épurés et par conséquent légèrement entamés, pour finir avec les combustibles. A l’échelle collective, la tripartition sépare martyrs, justes ou pécheurs, tandis qu’au plus profond de leur âme, ces mêmes fidèles sont également sondés pour évaluer la nature de l’édifice qui symbolise leur vie. Les trois échelons manifestent alors les formes sous lesquelles vices et vertus se sont manifestés et ont imprimé l’âme (pensées, paroles ou actes353 en deux séries parallèles bonne ou mauvaise). La tripartition peut encore être reproduite sous forme de fractal. Par exemple, en ne considérant que les œuvres, la hiérarchisation sanctionne leur nature intrinsèque (péchés mineurs ou mortels354) ou, en d’autres termes, la gravité d’un vice ou la noblesse d’une vertu :

La nature du péché est semblable à celle de la matière que le feu consume, et que l’apôtre Paul dit matériau employé par les pécheurs qui, « sur le fondement, le Christ, bâtissent avec du bois, du foin, de la paille » [1 Co 3, 12]. Ce qui montre clairement qu’il y a des péchés si légers qu’on les compare à la paille, où le feu, s’il est mis, ne peut certes pas durer longtemps ; d’autres sont semblables au foin, qu’eux aussi le feu consume sans difficulté, mais il dure notablement plus que pour la paille ; mais il y en a d’autres qu’on assimile au bois, dans lesquels selon la nature des fautes, le feu trouve un aliment durable et abondant. Ainsi donc, chaque péché, selon sa nature et sa fréquence, subira ce qu’il convient de peines. Mais qu’est-il besoin aux fidèles et à ceux qui connaissent Dieu de songer aux caractéristiques des peines ? Qu’est-il besoin de placer du bois,

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Cf. Homélies sur l’Exode IX, 4.

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Cf. Homélies sur l’Exode III, 3 : « Nous quittons l’Égypte en une marche de trois jours, purifiant ainsi paroles, actes et pensées - car ce sont les trois voies par lesquelles les hommes peuvent pécher - rendons nos cœurs purs pour que nous puissions voir Dieu. » (Tridui iter de

Aegypto proficiscimur, si purificantes in nobis dicta, facta uel cogitata – tria sunt enim haec, per quae peccare homines possunt – efficiamur mundi corde, ut possimus Deum uidere [Mt 5:8].),

éd. et trad. M. BORRET, Sources chrétiennes 321, p. 100-102).

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du foin ou même de la paille au-dessus du fondement, le Christ ? Pourquoi ne pas plutôt superposer au précieux fondement de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, où le feu, quand il approche, ne trouve rien à consumer ? Car s’il approche de la paille, il réduira la paille en cendre et en poussière, mais s’il approche de l’or, il rendra l’or plus pur.355

Le feu éprouve différemment chaque individu, parce qu’il s’adapte à son combustible. Les variations de ressenti s’expliquent également par la durée nécessaire au feu pour désintégrer les impuretés. Ajoutons encore que, par synecdoque, le feu désigne aussi bien l’instrument de la purgation que son effet. Cette interprétation du feu purgatoire est extrêmement économique car elle en fait un outil polyvalent. Ainsi s’explique que les saints passent aussi par une telle épreuve. Seulement, ils ne ressentent pas la douleur du feu. Au contraire, celui-ci contribue à leur glorification en faisant reluire davantage l’or qui est en eux. Pour le pécheur, le feu est tout à la fois punitif en ce qu’il a de douloureux et purificateur. Finalement, parce qu’il opère un tri parmi les âmes selon l’effet qu’il a sur elles, il discerne et sert de révélateur, rôle qui est d’emblée le sien en 1 Co 3, 11-15. Le feu est l’agent docimastique par excellence.