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Les effets de la décentralisation et de la déconcentration sur la mise en œuvre des politiques d’emploi

CHAPITRE 7 : Gouvernance

2. La Gouvernance en France

2.2. Les effets de la décentralisation et de la déconcentration sur la mise en œuvre des politiques d’emploi

Les questions de la mise en œuvre territoriale de la politique de l’emploi, de l’articulation avec les projets de territoires et les responsabilités propres des acteurs locaux vont progressivement structurer, à partir du début de la décennie 80, les orientations nationales de la politique de l’emploi jusqu’à la loi de janvier 2005 du plan de cohésion sociale.

2.2.1. Une orientation qui s’est construite progressivement depuis plus de 20 ans62

L’histoire qui lie les politiques de l’emploi aux territoires s’inscrit dans une série de transformations affectant de manière générale la conduite de l’action publique dans le champ des politiques sociales que combine le double mouvement de la décentralisation (1982, 1993 et 2004) et de la déconcentration (1989, 1996/99 et 2004/05) en autant d’occasions de coopération entre les acteurs au niveau régional, départemental et local.

La décennie 80 a été riche en initiatives dans ce domaine. A partir de 1982 la création du réseau des missions locales et des permanences d’accueil, d’information et d’orientation, marque la volonté de rapprocher les actions des pouvoirs publics en faveur des jeunes. Au-delà de l’objectif d’une action individualisée de proximité, la mise en place des missions locales sera une première contribution à la structuration territoriale des partenariats dans le domaine de l’insertion de publics en difficulté. Le réseau se met progressivement en place (à ce jour 500 structures). A partir de 2001, le réseau est également en charge de l’accompagnement des jeunes en PARE-PAP dans le cadre de la co-traitance avec l’ANPE et en 2005, il devient opérateur unique du nouveau Contrat d’Insertion dans la Vie Sociale (CIVIS).

Début 1982, le ministère du Travail souligne la nécessité, pour lutter au niveau local contre le chômage, d’organiser la concertation entre les partenaires sociaux et les élus au sein de comités de bassins d’emploi (CBE). A ce jour une petite centaine de structures sont rattachées au réseau des CBE. Puis, en 1989, dans le champ de la formation professionnelle l’adoption du crédit formation individualisé (CFI) est la première expérience véritable de territorialisation d’une politique publique dans le champ de compétence du Ministère du travail. Toutes ces initiatives vont marquer durablement les modalités de gouvernance du service public de l’emploi.

La démarche de territorialisation qui se développe autour du service public de l’emploi, à partir du milieu de la décennie 90, vise à adapter, au niveau des territoires, les objectifs nationaux de la politique de l’emploi en s’appuyant sur les démarches des diagnostics et des plans d’action locaux.

Parallèlement les lois d’aménagement du territoire (les pays) et celle portant sur la réorganisation de l’intercommunalité (communautés de communes, d’agglomération, urbaines…) vont diversifier les acteurs et partenaires qui s’emparent des nouvelles compétences en matière de développement économique. Le débat exclusivement centré sur le chômage et l’exclusion se déplace vers l’emploi avec la multiplication des initiatives locales autour de projets de territoire.

2.2.2. Au début de la décennie 2000 le bilan est contrasté

Le croisement de la politique de l'emploi et des projets de territoire est une démarche opportune dans le cadre de la stratégie européenne pour l'emploi. La territorialisation des politiques de l’emploi, l'accompagnement des mutations économiques, la mise en œuvre du FSE et des DOCUP, les contrats de plan Etat-Région ont renforcé le processus.

En 2003/2004 quatre études ont été réalisées par la DGEFP et la DATAR qui visaient à analyser ces croisements63. Au terme de ces travaux plusieurs constats sont possibles :

- Aujourd’hui l’expertise territoriale existe mais reste éclatée : les diagnostics partagés de l'Etat, les diagnostics thématiques (emploi de la population active, accès à l’emploi des publics exclus du marché du travail, difficultés de recrutement dans des secteurs professionnels stratégiques..), les diagnostics de pays ou d’agglomérations, les diagnostics de branches… Par ailleurs nombre d’études sont réalisées à des échelles territoriales différentes et restent peu diffusées hors des commanditaires.

Les territoires de projets cherchent à améliorer l'organisation et la lisibilité du partenariat sur le champ de l’emploi de la formation en structurant des outils d’observations locaux autour d’un partenariat élargi rassemblant les branches professionnelles, les partenaires sociaux, les acteurs du SPE, le Conseil régional. L'Etat est associé à ces démarches partenariales, mais paradoxalement, son expertise est souvent sous-employée.

62 « Des emplois près de chez vous : la territorialisation des politiques d’emploi en question ? » sous la direction de Thierry Berthet PUB 2005 ; « 1982 - 2002 : la territorialisation progressive des politiques d’emploi »Thierry Berthet, Philippe Cuntigh, Christophe Guitton et Olivier Mazel Premières Synthèses n° 24.2 Juin 2002 ;

« Politiques d’emploi et territoires » Thierry Berthet, Philippe Cuntigh, Christophe Guitton Cerq Bref n°182 janvier 2002 ; « Politiques d’emploi et territoires : de nouvelles capacités d’action partenariale » B Simonin CEE 2000.

63 Etude relative à l’analyse des diagnostics et plans d’action locaux (cabinet Rhizome), Etude relative à l’analyse du volet emploi des pays et agglomérations (cabinet IMTE), Etude relative au volet emploi des DOCUP des DOCUP objectifs 2 et 3 cabinet MC 2 Consultants), Etude sur l’expérimentation « SPE et projets de territoires » sur quatre sites (DGEFP) 2004, les quatre études sont disponibles sur le site

- Dans un champ où il y a une multiplicité croissante de dispositifs et d’acteurs qui n’ont pas les mêmes référentiels, ni la même culture et parfois pas le même langage, une des conclusions de ces études montre les convergences fortes de recherche de synergie entre les acteurs nécessitant la mise en place de mécanisme d’apprentissage collectif. L’exercice de diagnostic est une opportunité qui bien souvent est le premier jalon concret de la démarche. Si le temps de la réalisation partagée d’un diagnostic, dans le nouveau cadre partenarial, est essentiel, trois questions conditionnent la démarche :

- le dosage entre la dimension technique et la dimension politique du diagnostic,

- l’implication de l’ensemble des partenaires, élus, partenaires sociaux, collectivités locales, Etat…

- le fait que le diagnostic local s’appuie sinon sur une véritable évaluation, tout au moins que soit établi un bilan des interventions.

- Cet accroissement du nombre d’intervenants offre aux équipes territoriales du SPE des opportunités d’inscrire leur démarche de territorialisation des politiques d’emploi, qui privilégie traditionnellement les approches d’intermédiation sur le marché du travail, dans un champ d’intervention plus large que la seule lutte contre les exclusions. En y intégrant les problématiques liées aux mutations économiques où les dynamiques de développement plus global portées par les collectivités locales, les équipes territoriales du SPE s’ouvrent plus largement aux jeux d’acteurs et aux questions liées au développement économique. L’importance de la mobilisation des acteurs socio-économiques est unanimement reconnue. Les représentants des salariés d'entreprises (y compris des entreprises de réinsertion professionnelle), des chefs d’entreprises, des chambres consulaires… se sont fortement mobilisés dans l’élaboration des chartes et projets de territoire des pays, agglomérations.…. Toute la question est de mobiliser de façon pérenne ces interlocuteurs relais auprès des entreprises et de définir la contribution de l’Etat.

- La capacité de l'Etat à articuler entre eux les différents cadres stratégiques que sont les chartes et les contrats de pays ou d’agglomérations, les plans d’action des comités de bassin d'emplois (CBE), les PASER / PASED et les plans d'actions du SPE, balance entre une volonté d’intégrer la stratégie de l'Etat en faveur de l'emploi, autour de l’insertion sociale et professionnelle (contrat de ville, PLIE…), mais où les enjeux d'anticipation et de mutation doivent être mieux pris en compte et une volonté de coopération par exemple sur le thème des restructurations industrielles. C’est l’occasion d’un partenariat renforcé entre l’Etat et les collectivités locales. L’enjeu commun est de renforcer la vision stratégique et les orientations des acteurs (Etat, Conseil régional, Conseil général…), au regard des projets portés par les territoires.

- Les coopérations développées permettent d’engager une réflexion sur les leviers d’action susceptibles d’être mobilisés par le territoire pour construire son devenir en s’appuyant sur ses propres forces. Ainsi, il est possible d’agir sur des déterminants tels que la démographie et créer les conditions d’un développement durable endogène. Il s’agit notamment d’anticiper le transfert, la pérennisation et la valorisation des savoir-faire et des compétences, tant des chefs d’entreprises que des salariés, pour lutter contre un vieillissement de la population et une possible désertification du territoire. A ce titre, l’emploi peut devenir un levier à part entière pour construire le développement économique des territoires. L’importance d’une coopération reposant sur trois leviers :

- le partage d’une analyse de la situation du territoire (une connaissance partagée, fruit d’une confrontation d’analyses) ; - la construction de réponses partagées ou complémentaires (des modes de conception et d’ingénierie s’appuyant sur les ressources et les compétences de chacun) ;

- une simplification des procédures (construction d’un lieu unique d’instruction favorisant une meilleure lisibilité et une plus grande réactivité à l’égard des publics, ainsi que des économies d’échelle dans la construction des modalités de réponse).

- Mais les risques de « décrochage » des acteurs lors de la phase d’élaboration des orientations stratégiques sont forts. Le « décrochage » est directement lié au degré de volontarisme et d’implication des différents partenaires concernés d’inscrire leurs orientations dans le cadre des partenariats. Il peut aussi résulter de résistances internes aux structures, de la persistance d’un cloisonnement entre les différentes structures et des différences de temporalité et d’ingénierie dans les exercices de programmation des acteurs. Il en résulte que les liens entre la stratégie globale et le plan d’action sont parfois difficiles à réaliser.

- La question du territoire résume bien ces difficultés. Les diagnostics et plans d'actions locaux ont vocation à aborder des problématiques d'emploi, de cohésion sociale, de formation professionnelle, de développement économique. Or, les compétences et les responsabilités sur ces différents champs sont partagées entre l'Etat, le Conseil général, la région, les collectivités locales et les partenaires sociaux. Or, ces différents acteurs ont compétence à des échelons territoriaux et sur des périmètres différents (avec des approches elles-mêmes différentes). La quête impossible du territoire unique et commun doit faire place à la volonté partagée de mettre en commun les informations sur un territoire de projet qui peut être à

géométrie variable. Les résistances sur le choix du périmètre masquent bien souvent les difficultés à construire les partenariats.

- Cette mise en commun sur un territoire de projet exige de chaque partenaire la volonté de partager ses informations et ses données : la multiplication des lieux d’analyse et observatoires locaux illustrent cette situation. Inhérente au développement des dynamiques locales, elle n’est pas sans soulever des questions non seulement liées à la diffusion des données (pertinence, fiabilité, confidentialité…) mais aussi à la redondance et la dispersion des efforts.

- Enfin, si les outils sont nécessaires, l’animation et la mise en œuvre stratégique au niveau infra dépendent de la qualité des relations humaines, élément déterminant de la réussite de cette démarche partenariale. C’est la raison pour laquelle la dynamique des territoires est inégale et jamais assurée d’une pérennité.

2.2.3. En 2005, la dimension territoriale de la gestion des politiques d’emploi se trouve confortée dans un contexte d’approfondissement de la décentralisation et de réforme de l’Etat

S’il est trop tôt pour tirer le bilan des initiatives qui se mettent en place aujourd’hui, il faut noter qu’elles convergent toutes vers une plus grande marge d’initiative et une plus grande responsabilisation de l’ensemble des acteurs locaux.

- la décentralisation de 2004 a permis de ré-interroger la place de l’Etat et de ses articulations avec les compétences régionales, départementales, communales et intercommunales au service d’une meilleure cohérence d’ensemble des différents niveaux de l’Etat et de ses interventions sur les différents niveaux des territoires. La décentralisation conduit l’Etat à clarifier ses positions à l’égard des différentes collectivités territoriales y compris sur les champs de compétences transférés.

- au moment où la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle et le dialogue social met en place des commissions paritaires locales, les CBE par leur ancrage ancien dans le paysage territorial de l’administration de l’emploi (création en 1982), offre une opportunité d’évaluer les avancées du dialogue social territorial. Une étude récente s’appuyant sur une analyse d’une douzaine de comité de bassin d’emploi 64 légitime le rôle des CBE comme espace de concertation et de dialogue social territorial permettant la construction de projets de territoires. La mise en place des pays dans le cadre des lois d’aménagement du territoire puis des maisons de l’emploi avec le plan de cohésion sociale vont bouleverser progressivement les lieux de ce dialogue social territorial et conduiront certainement à un repositionnement des CBE. - enfin la loi de programmation de cohésion sociale de janvier 2005 privilégie la relance d’une dynamique de la gouvernance territoriale avec la mise en place de maisons de l’emploi (le programme 1) et l’approfondissement des politiques en direction des territoires les plus défavorisés (le programme 17). Pour les maisons de l’emploi la DARES a fait réaliser une étude qui porte sur la gouvernance du service public de l’emploi induite par la présence de structures de types « maisons de l’emploi » existantes sur les territoires, structures antérieures à celles prévues par le plan de cohésion sociale. Elle analyse "la gouvernance du service public de l'emploi entendue comme l'architecture des acteurs intervenant pour accompagner le retour à l'emploi et les caractéristiques des services aux usagers que sont les demandeurs d'emplois" et donne "des éléments d'appréciation quant à l'efficacité d'un système institutionnel que l'on dit complexe dans notre pays ». Les résultats des monographies et de l’enquête ont permis de faire des hypothèses quant aux bonnes pratiques en matière de gouvernance territoriale des services de l'emploi. Ces bonnes pratiques portent sur les facteurs d'émergence et de pérennisation, sur les missions et l'organisation des structures, sur la configuration des services et des acteurs et les outils de la coordination. Deux modèles types de configuration des services et des acteurs ont été proposés : un modèle de gouvernance dans lequel la maison de l'emploi est spécialisée sur un accompagnement renforcé des publics en difficulté vers l'emploi ; un modèle de gouvernance dans lequel la maison de l'emploi anime un réseau de partenaires offrant des services complémentaires aux publics et aux entreprises 65.

Riche de ces initiatives et de ces expériences les maisons de l’emploi, qui se mettent place dans le cadre du plan de cohésion sociale, doivent ancrer dans les territoires une logique de proximité pour améliorer le service aux demandeurs d’emploi, aux salariés et aux entreprises en fédérant l’ensemble des partenaires publics et les collectivités locales autour des fonctions d’observation anticipation et adaptation des territoires, d’accès et retour à l’emploi et de développement de l’emploi et de création d’entreprise. Sur la durée du plan trois cents maisons de l’emploi doivent être créées dont 70 à 80 en 2005.

64 Projet de rapport sur « Le dialogue social territorial à partir de l’expérience des comités de bassin d’emploi » DGEFP mai 2005 (non disponible).

65 « La gouvernance des maisons de l’emploi » rapport final juin 2005. Etude DARES, confiée aux Lepii-Cnrs de Grenoble (Isabelle Borras), Cristo-Cnrs de Grenoble (Jean Saglio) et au collège coopératif d’Aix en Provence (Sophie Brochier et Laurent Garnier).

2.3. Le service public de l'emploi : une organisation complexe dont la modernisation en cours renforce

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