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Les formes et les déterminants de la ségrégation sociale : le rôle du transport

Section 2. Les déterminants de la ségrégation sociale et le rôle du transport urbain

III- L’impact des politiques de transport urbain sur les structures socio-spatiales

3. L’effet du péage de congestion

Le péage de congestion, par son effet sur les coûts de transport, influence aussi la localisation des ménages, et par conséquence, la structure socio spatiale des villes.

Parmi les travaux réalisés dans ce sens là, Kanemoto (1980)4 a construit le modèle standard de congestion du trafic urbain avec la structure spatiale de la ville par une combinaison entre le modèle de la ville monocentrique et le modèle de congestion standard. L’effet d’un péage de congestion optimal est d’accroitre les coûts de transport dans les localisations les moins accessibles (la périphérie). Une telle action accentue la pente des rentes foncières et la pente de la densité de la population. Le résultat est, donc, une ville plus dense, avec une structure spatiale urbaine plus concentrée.

Wheaton (1998)5 a créé un modèle urbain monocentrique avec congestion. L’auteur montre que l’optimum peut être atteint avec l’introduction du péage urbain. Ce péage peut jouer un rôle de régulateur de la densité de la population. Par rapport aux modèles

1 Arnott R.J, De Palma .A et Lindsey .R, (1993), Op.cit. 2 Op.cit.

3 Sasaki K. et M. Kaiyama, (1990), « The effects of urban transportation costs on urban spatial structure with

endogenous wage income», Regional Science and Urban Economics, n°20, pp. 223-243.

4

Op.cit.

5 Wheaton W. C., (1998), « Land use and density in cities with congestion », Journal of Urban Economics,

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standards, la démarche utilisée pour calculer l’optimum n’est pas celle de la maximisation de l’utilité (Kanemoto, 1980)1 ou de la rente privée (Fujita, 1989)2, mais celle de la maximisation de la rente agrégée. Les simulations réalisées suggèrent que l’introduction d’un péage optimal détermine une augmentation différentiée de la densité de la population, par rapport à l’équilibre de marché. Ainsi, l’ajustement de la densité est maximum au centre et zéro à la frontière de la ville.

Dans le modèle standard, le péage urbain influence le choix du consommateur par deux variables : la surface des logements et la localisation résidentielle. Arnott (1998)3 a introduit pour la première fois une modélisation dynamique de la congestion de type goulot d’encombrement dans un modèle de structure spatiale urbaine. Dans cette situation, une nouvelle variable est introduite dans le choix des consommateurs : le moment pour effectuer le déplacement.

En contraste avec le modèle standard, le péage de congestion dans un modèle de goulot d’encombrement peut déterminer une structure spatiale urbaine moins concentrée. L’explication résulte du fait qu’un péage optimal variable en temps peut conduire les consommateurs à changer leur moment de déplacement. De ce fait, l’effet du péage est très faible sur la structure de la ville.

Dans un article qui date de 1996, Anas et Kim4 ont construit un modèle d’équilibre général calculable avec congestion du trafic et formation des centres d’emploi endogènes. Une série d’équilibres multiples est trouvé. Le nombre de centres dépendent de l’arbitrage entre les forces d’agglomération et l’accessibilité. Les auteurs montrent que le niveau de la congestion du trafic peut jouer un rôle significatif dans la détermination de la structure de l’aire urbaine.

Toujours dans un contexte polycentrique, Anas et Xu (1999)5 examinent l’effet de l’introduction d’un péage de congestion sur l’usage du sol dans un modèle avec formation endogène des centres d’emplois et avec congestion du trafic endogène. Par rapport aux

1 Op.cit. 2 Op.cit.

3 Arnott R. J., (1998), « Congestion tolling and urban spatial structure», Journal of Regional Science, n°38,

pp. 495-504.

4 Anas A. et I. Kim, (1996), « Genenral equilibrium models of polycentric urban land use with endogenous

congestion and job agglomeration », Journal of Urban Economics, n° 40, pp. 232-256.

5 Anas A. et R. Xu, (1999), « Congestion, land use, and job dispersion: A general equilibrium model»,

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modèles monocentriques standards, cet article permet de montrer l’effet d’un péage sur la dispersion de l’emploi et des résidences dans la zone urbaine. Dans ce modèle, la distribution spatiale des emplois est relativement plus centralisée autour du centre géométrique que la distribution résidentielle. L’introduction du péage de congestion a deux effets principaux. D’abord, pour une structure résidentielle inchangée, le péage augmente les coûts de déplacement, les rentes urbaines et les salaires dans la zone centrale. Comme réponse, les firmes vont se délocaliser, et la distribution des emplois devient moins centralisée. D’un autre coté, si la distribution spatiale des firmes reste inchangée, les ménages vont répondre à l’introduction du péage par une localisation plus centrale, afin de réduire leurs coûts de déplacement.

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En conclusion de cette section, il nous apparaît que le phénomène de ségrégation sociale est très complexe. L’examen de ses déterminants montre qu’il s’agit d’un phénomène dont les causes sont multiples et inter-reliées. Toutefois, ce travail nous a permis de comprendre les mécanismes aboutissant à ce phénomène et cela, à travers les travaux de l’économie urbaine s’intéressant à l’explicitation des déterminants de la localisation résidentielle des ménages.

Les choix de la localisation résidentielle des ménages mènent ceux-ci à résider dans des banlieues ou dans le centre en fonction d’un certain nombre de variables permettant ainsi de produire une stratification sociale de l’espace urbain. En effet le choix de localisation du ménage est d’abord déterminé en fonction de son revenu. Ce dernier détermine son pouvoir d’enchère. De ce fait, la concurrence sur le marché du logement aboutisse à un équilibre résidentiel. Toutefois, le système de transport urbain joue un rôle dans le choix de localisation ; La diversité des modes de transport et de leurs coûts généralisés, l’infrastructure de transport ainsi que les politiques tarifaires (le péage) interviennent aussi dans la détermination de l’équilibre résidentiel des ménages.

D’autres variables ont, également, une influence sur l’équilibre résidentiel des ménages. Il s’agit principalement de la structure de la famille et des caractéristiques hétérogènes de l’espace urbain telles que la fiscalité et les biens publics locaux, les aménités et l’environnement social.

Tous ces déterminants contribuent, ainsi, à l’apparition des équilibres urbains multiples. Ces derniers sont caractérisés par une séparation des catégories sociales en fonction leurs revenus. En effet, nous pouvons distinguer :

• Des équilibres caractérisés par une localisation centrique des pauvres et périphériques des riches (Les villes Nord Américaines) ;

• Des équilibres caractérisés par une localisation centrique des riches et périphérique des pauvres (Les villes Européennes).

151 Conclusion du chapitre 2

Ce chapitre a permis, d’abord, la mise en évidence des formes que peut prendre le phénomène de la ségrégation sociale. Ensuite, il a permis de dégager la façon dont sa dynamique est créée à partir des facteurs urbains qui interagissent. Cette dynamique peut donc être considérée comme une tendance importante affectant l'évolution de la croissance des villes. Enfin, ce chapitre a développé la façon dont ses différents facteurs urbains se coordonnent pour former une dynamique ségrégative. Un intérêt particulier a été donné au rôle que jouent les politiques du transport urbain dans la description des formes de la ségrégation sociale ainsi que la place du système de transport urbain parmi les déterminants de la ségrégation sociale.

En effet, la première section décrivait les formes de la ségrégation socio-spatiale en confirmant l’existence d’une structuration de l’espace selon deux dimensions socioéconomique et démographique. La dimension ethnique est relative au contexte étasunien. La ségrégation apparaît notamment comme la projection au sol des disparités de revenu, de composition familiale des ménages et de position dans le cycle de vie des ménages. Ces formes sont en relation avec le système de transport adopté dans la ville :

• Les villes étalées des Etats-Unis où domine un système caractérisé par la prédominance de l’usage de la voiture ;

• Les villes compactes européennes caractérisées par un système de transport où les transports en commun sont bien développés.

La deuxième section montre que le revenu n’est pas la seule variable explicative de la ségrégation socio-spatiale. La variable transport (le mode de transport et l’accessibilité) et la structure de la famille interviennent aussi, avec le revenu, dans la détermination d’un équilibre résidentiel ségrégué. De même, l’espace n’est pas homogène en tout point : il est caractérisé par une variété d’attributs qui interviennent dans les choix de localisation des activités et les choix résidentiels des ménages. Des préférences différentes en matière d’offre de services publics locaux et de fiscalité, de composition sociale des quartiers, de proximité des espaces de résidence aux aménités sont autant d’éléments qui participent au tri spatial des ménages. Finalement, nous avons insisté dans cette section sur l’impact des politiques de transport urbain sur les structures socio-spatiales. Les modes de transport, les infrastructures de transport et les politiques tarifaires (le péage) sont autant de variables qui contribuent à l’apparition d’un équilibre résidentiel ségrégué.

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Conclusion de la partie I :

La première partie avait, d’abord, pour objectif d’éclairer le phénomène de ségrégation sociospatiale et de le distinguer aux notions qui lui sont semblables. Ainsi, la ségrégation sociale de l’espace urbain se définit comme le produit d’interactions sociales et économiques particulières à la ville, comme la compétition pour une localisation accessible (d’où le rôle que joue le système de transport) ou pour une localisation prés du centre d’emploi riche en aménités urbaines, aboutissant à une structuration de l’espace en zones à forte homogénéité sociale interne et à fortes disparités sociales entre elles.

D’ailleurs, l’espace n’est pas homogène en tout point : il est caractérisé par une variété d’attributs qui interviennent dans les choix de localisation des activités et les choix résidentiels des ménages. Des préférences différentes en matière d’offre de services publics locaux et de fiscalité, de composition sociale des quartiers, de proximité des espaces de résidence aux lieux des emplois et aux aménités, d’offre de logements sociaux sont autant d’éléments qui participent au tri spatial des ménages.

De même, le système de transport urbain contribue à ce tri spatial des ménages. Le mode de transport motorisé (individuel ou collectif), l’infrastructure du transport, le coût généralisé (monétaire et temporel) d’un déplacement sont autant des paramètres qui influencent les décisions de localisation des ménages.

Ceci, produit plusieurs formes de ségrégation sociospatiale. Chaque forme est la résultante de plusieurs déterminants dont le système du transport urbain a un rôle. Ainsi, nous avons caractérisé les formes suivantes :

un système de transport urbain, dominé par le transport en véhicules individuels, caractérise les espaces urbains où les pauvres sont localisés au centre et les riches en périphérie ;

• un système de transport urbain, dominé par les moyens traditionnels de transport, caractérise les espaces urbains où les riches sont localisés au centre et les pauvres en périphérie ;

• un système de transport urbain où le transport en commun est majoritaire. Il caractérise des espaces urbains où les riches sont localisés au centre, les pauvres en première couronne, et les riches à nouveau en périphérie éloignée ;

• un système de transport urbain très développé et moderne : dans ce cas là, les pauvres sont totalement exclus de l’espace urbain.

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