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UNE ECONOMIE DE SERVICES PERSONNALISES

Dans le document L’économie de la médecine libérale (Page 176-181)

L’OFFRE DE SOINS

4.4. UNE ECONOMIE DE SERVICES PERSONNALISES

4.4.1. Définition

L’élément essentiel est représenté par le fait que l’économie de la médecine ambulatoire est une économie de services à la personne.

De manière très générale, le service peut être défini comme « …un acte, un mouvement (et

non un stock comme l’est le bien), portant sur quelque chose, quelqu’un et réalisé en faveur de quelqu’un » (Barcet et Bonamy 1990). La relation médecin/malade représente un modèle

usager B et réalisée par un prestataire A à la demande de B (et souvent en interaction avec B), mais n’aboutissant pas à un produit final susceptible de circuler économiquement indépendamment de C » (Gadrey 1996, p. 171).

Un service présente deux caractéristiques essentielles qui le distinguent des autres types de production :

- Le résultat final de l’activité n’est pas un objet tangible mais immatériel (Delaunay et Gadrey 1987, Gadrey 1996). Il n’y a pas de séparation entre production et échange, le service étant un processus sans possibilité de stockage. Il n’est pas fabriqué avant mais créé au fur et à mesure que se déroule la prestation. En conséquence, la négociation touche directement les conditions de production, c’est-à-dire le déroulement du service. La valeur d’usage, ce que la prestation apporte (alors qu’un bien a une valeur en lui-même), est plus importante que la valeur d’échange car un service porte sur quelque chose ; le marché n’est pas le lieu de détermination des prix et des quantités pour lesquels la négociation et l’information deviennent déterminants (Bensahel 2005). Mais alors se pose la question de la nature de la transaction, à savoir ce qui est échangé dans une prestation de service.

- La relation avec le bénéficiaire, qui se traduit par le fait que la production elle-même fait appel à la coproduction, correspond au rôle actif du client. La performance, la qualité et le résultat ne peuvent être maîtrisés par le seul producteur (Gadrey et de Bandt 1994). Cela est particulièrement vrai pour les maladies chroniques (voir chapitre 5).

Toutefois, cette différence entre bien et service s’atténue et les deux entités sont actuellement conçues selon un continuum bien-service (Barcet et Bonamy 1999).

Le caractère de « commercialité » du service se pose (Barcet et Bonamy 1990), car celui-ci, qui est du domaine de la relation spécifique n’est pas reproductible à l’identique. Cela permet de passer de l’économie des services à l’économie des relations de service (de Bandt et Gadrey 1994), car c’est la relation qui fait la différence. L’offre de service doit associer des éléments standard, reproductibles, et des éléments singuliers en fonction des caractéristiques du client. La spécificité est en réalité l’essence du service. Une question essentielle concerne la valeur du service en relation avec son utilité et sa traduction monétaire. Le plus simple est de raisonner en termes de coût par unité de prestation ou de temps. Mais alors, comment faire reconnaître les éléments de différenciation propres aux relations de service (de Bandt et Gadrey 1994) ? On retrouve ici le refus par certains médecins de la convention médicale et de

à considérer. La décision d’achat de services représente un engagement antérieur à la production et donc au résultat. L’achat de services est, beaucoup plus souvent que l’achat de biens, entaché d’irréversibilité dans le sens où il n’est pas possible de retrouver la situation initiale (un bien peut être échangé, remplacé ou réparé). La réponse est alors le plus souvent de type assurantiel, ce qui est le cas des soins, en particulier de la chirurgie de l’obstétrique et de l’anesthésie-réanimation.

Les soins sanitaires représentent un exemple type de service. En outre, la valeur d’usage des soins est évaluée de manière le plus souvent objective par le médecin et de manière subjective par le patient.

4.4.2. Les soins, un service à la personne

Il existe de nombreuses classifications des services. L’INSEE distingue trois catégories : les activités immobilières, les services aux entreprises et les services aux particuliers (hôtels et restaurants, agences de voyage, activités culturelles et sportives, services personnels et domestiques). Manifestement, il y a de grandes différences entre les services à la personne et les autres. Cette différence tient au fait que la prestation porte sur une personne et, qu’en conséquence, la spécificité du service à la personne est la relation. Même si la relation existe dans tous les services, elle est essentielle aux services à la personne dont elle constitue le cœur. Cela signifie que la relation médecin/malade constitue le cœur des soins et que l’analyse de ceux-ci ne peut faire l’impasse sur elle.

Un service à la personne est une activité de prestation dont le support est le client lui-même. Le fait que les soins soient un service, et un service à la personne, est d’une grande importance.

- La définition du produit est malaisée en raison de la difficulté à séparer les résultats sanitaires qui se prolongent dans le temps, des facteurs de production mis en œuvre, à savoir l’action des différents agents au cours de l’épisode de soins. On peut alors distinguer le produit immédiat (output direct) qui désigne la nature et la quantité des prestations mises en œuvre et le produit médiat (output indirect) qui définit le résultat sanitaire des prestations (Gadrey 1990, Bensahel 2005),

- Les spécialistes du marketing ont introduit le concept de servuction pour signifier la participation de l’utilisateur selon trois phases (Eiglier et Langeard 1987) : (1) participation à la spécification de la prestation à réaliser : le patient doit d’abord exprimer le motif de la consultation ; (2) participation à l’action elle-même : le patient doit décrire avec précision les symptômes de son affection, répondre aux questions posées par le médecin, se laisser examiner par ce dernier et participer à l’examen (par exemple, tousser, réaliser les manœuvres demandées, marcher, s’accroupir, etc.), réaliser les examens complémentaires prescrits (examens de laboratoire, radios, etc.), prendre le traitement prescrit en suivant les recommandations qui l’accompagnent (par exemple, ne pas boire d’alcool ou ne pas conduire une voiture avec certains médicaments) ; (3) participation au contrôle de la performance : juger de l’amélioration de son état ou de l’apparition d’effets secondaires du traitement. La coproduction est variable selon le type de soins avec un gradient de complémentarité entre deux polarités, coproduction nulle et coproduction maximale. La coproduction est nulle en réanimation (lorsque le patient est inconscient) et épisodique en biologie médicale (spécialité de laboratoire pure) et en radiologie (examen des seins pour le dépistage du cancer du sein, interrogation du patient), faible dans les spécialités techniques (cardiologie, endocrinologie, gastroentérologie, etc.), modérée à importante dans les spécialités cliniques (médecine générale, pédiatrie, dermatologie, rhumatologie, etc.), importante en psychiatrie et maximale en psychanalyse et en éducation thérapeutique. En revanche, en dehors de la réanimation et de la biologie (où elle est impossible ou inutile), si la participation du patient est souhaitable, elle n’est pas absolument nécessaire. Il en est ainsi, par exemple, des soins pour des personnes débiles mentales ou démentes pour lesquelles ils sont difficiles et de moins bonne qualité. Ces personnes ne pouvant exprimer ce qu’elles ressentent, les soins sont généralement retardés et les résultats sanitaires sont médiocres.

- L’aspect relationnel est fondamental. La relation dépend de trois facteurs : la durée, la gravité de l’état et le degré de coproduction. En outre, la relation est asymétrique car le patient est en situation de dépendance vis-à-vis du médecin. En conséquence, dans la majorité des cas, l’intensité et la valeur de la relation explique la valeur de la coproduction et donc de l’efficacité des soins. Cela est vrai aussi bien dans le cadre d’une maladie aiguë que dans celui d’une maladie chronique pour laquelle il ne peut y avoir de bons résultats sans participation du malade.

- L’évaluation est délicate en raison de la difficulté à saisir le produit, parce qu’elle doit porter à la fois sur le processus et sur le résultat final et parce que l’étude de la production de soins doit inclure le travail médical et la relation médecin/malade (Cerf et Falzon 2005). En outre, l’évaluation ne peut être réalisée qu’ex post, après la réalisation de la prestation et même à distance de celle-ci, parce que le processus comporte des éléments de singularité et que la relation est essentielle. En corollaire, la productivité est également difficile à appréhender. Il faut alors considérer deux éléments (Bensahel 2005) : (1) l’incertitude qui dépend de l’immatérialité du service, de l’irréversibilité fréquente du résultat, du temps, du nombre de patients et de l’asymétrie de connaissance pour juger du résultat (pour réduire l’incertitude, le médecin a tendance à proposer un service standard) ; (2) l’implication du médecin pour laquelle il convient de distinguer deux aspects, la technicité que le patient ne peut évaluer que très imparfaitement et le comportement du médecin qui est directement observable et pour lequel il n’y a pas d’asymétrie d’information.

4.4.3. Les soins, un service collectif et incommensurable à la personne

Tous les services à la personne ne sont pas incommensurables. Il en est ainsi, par exemple, des prestations de coiffure ou de manucurie. En revanche, le « bien » santé étant incommensurable, les soins de santé le sont pour le patient, mais non pour le professionnel qui exige une juste rémunération de son travail. C’est la raison essentielle pour laquelle la santé est sous la tutelle de l’Etat. D’autre part, du fait de la structure en réseau de la médecine ambulatoire, le service est collectif et donc, le résultat des soins également.

On voit donc quelles sont les caractéristiques essentielles des soins en tant que service à la personne : ils ont un prix pour le médecin mais sont incommensurables pour le patient, ils sont entachés d’asymétrie d’information et de connaissance à l’avantage du médecin, le produit est collectif et flou, l’évaluation est de type ex post, qualitative et collective, basée sur l’analyse des épisodes de soins pour les maladies aiguës et globale et incluant une analyse de la coproduction sur une période de temps fixe (un an par exemple) pour les maladies chroniques, les conditions d’apparition de comportements opportunistes de type demande induite sont toutes réunies et le risque est réel.

4.5. LES COMPORTEMENTS OPPORTUNISTES DES MEDECINS

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