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« L’instituteur doit être maître de la science qu’il enseigne. » Henri Guillet, directeur des Ecoles normales vaudoises entre 1848 et 1868 (cité dans Une Ecole pour l’école, 1983, p. 79)

C’est après de nombreuses années de tergiversations politiques que le Grand Conseil vaudois instaure, à partir de l’année 1833, sur une proposition du Conseil d’Etat libéral, « une Ecole normale provisoire ». Le décret accepté par le Parlement vise à favoriser « pour deux ans, le perfectionnement des régents et l’éducation des élèves régents. » (Noverraz, 2008, p. 14).

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Au premier plan des objets d’enseignement de cette Ecole normale provisoire on trouve la pédagogie, aussi bien pratique que théorique. L’objectif étant de « former des enseignants d’un type nouveau, selon les vues libérales. » (Une Ecole pour l’école, 1983, p. 41). Ainsi, l’article 7 du décret précité stipule que :

L’enseignement de l’école normale est dirigé dans les trois buts suivants :

a) donner des connaissances claires, précises et aussi étendues que le demandent les circonstances des enfants qui doivent fréquenter les écoles primaires ;

b) former des régents aux meilleures méthodes d’enseignement et d’éducation ;

c) développer en eux l’amour de leur état, ainsi que les sentiments et les habitudes propres à assurer le succès de leurs travaux et leur propre bien-être. (cité dans Une Ecole pour l’école, 1983, p. 49)

Des examens d’admission portant sur l’arithmétique, l’écriture, l’orthographe, la lecture, la religion et le chant sont organisés et les premiers élèves – issus des classes primaires de la scolarité – débutent leurs études en novembre 1833.

La formation initiale était prévue sur une durée de deux ans, qui sera augmentée à trois ans, lors du renouvellement du mandat décerné à « l’Ecole normale provisoire » par le Conseil d’Etat, en 1835.

Jusqu’en 1836, seuls les garçons ont accès à une formation de maître et c’est à partir de cette année-là qu’une Ecole normale pour élèves régentes est ouverte. Cependant la durée des études pour les filles est fixée au départ à deux ans. Cette même année, le Conseil d’Etat décide « la création d’une Ecole modèle destinée à former les élèves régents à la pratique de l’enseignement. » (Noverraz, 2008, p. 16). Il s’agit d’une école d’application permettant aux futurs instituteurs d’observer un maître enseigner, ainsi que de donner quelques leçons.

A la suite de la révolution radicale de 1845, les Ecoles normales sont réorganisées et leurs enseignements sont remaniés l’année suivante. « La première mesure consiste à supprimer l’Ecole d’application en raison de la trop faible participation des élèves régents » (Noverraz, 2008, p. 17). En outre, le nouveau gouvernement ramène la durée des études à deux ans (pour les garçons et les filles). De plus, la pédagogie est relayée en dernière position dans la liste des disciplines. Néanmoins, selon Bober (1989) : « des plaintes s’élèvent alors contre le

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mauvais état de préparation » des nouveaux instituteurs (p. 20). Ainsi, en 1849, le Grand Conseil fait marche arrière. Tout en adoptant une loi définitive relative à l’existence et à l’organisation des Ecoles normales, il rétablit le temps de formation à trois ans pour les élèves régents. Les Ecoles normales peuvent ainsi continuer leur mission de formation du corps enseignant primaire vaudois.

Cependant, leur tâche n’est pas aisée. En effet, les conditions matérielles sont déplorables.

D’autre part, il n’y a pas assez de livres. L’hygiène laisse à désirer dans certains bâtiments qui sont de plus trop exigus pour le nombre d’étudiantes et d’étudiants (selon Une Ecole pour l’école, 1983). De plus, le recrutement des élèves pose lui aussi problème, car l’école primaire vaudoise traverse une crise importante liée au contexte politique, économique et religieux et le niveau des apprenants n’est pas toujours suffisant pour garantir un déroulement adéquat de la formation. Ainsi, comme le rend compte un rapport du Conseil d’Etat de 1862 :

La plus grande partie des élèves n’étant nullement préparée aux études qui s’y font, leur faiblesse extrême, en entrant, se fait sentir pendant toute la durée des études ; elle rend le travail des maîtres et des élèves très laborieux et empêche que, malgré tous les efforts des uns et des autres, les résultats cherchés soient obtenus. (cité dans Une Ecole pour l’école, 1983, p. 85)

Il s’agit en fait d’un cercle vicieux qui s’installe entre le niveau des élèves de l’école primaire, puis des normaliens et des nouveaux enseignants brevetés.

Un nouveau règlement sur l’organisation des études est édité en 1869. Celui-ci donne une part plus importante à l’enseignement de la pédagogie que le précédent. Ainsi, les élèves régentes et régents, dès la deuxième année, suivent, entre autres, des cours de psychologie, d’histoire de la pédagogie et de méthodologie. De plus, la durée de la formation est portée à quatre ans pour les instituteurs mais reste fixée à deux pour les institutrices.

Il faut attendre 1882 pour que les élèves régents des Ecoles normales soient à nouveau confrontés à des classes d’élèves. En effet, le directeur de l’époque, au départ opposé à un retour de l’Ecole d’application, s’est rallié du côté de ses partisans, suite à différentes observations menées en Europe. En effet, dans son rapport au Conseil d’Etat, nous pouvons lire :

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Tant que nous n’aurons pas à portée une école d’application complète (…), notre action sera forcément limitée à la théorie et nous ne serons pas à la hauteur des exigences du temps actuel… dans ces pays, la nécessité des écoles de ce genre ne se discute plus, c’est un fait acquis à la science pédagogique… (cité dans Une Ecole pour l’école, 1983, p. 101)

Avec l’arrivée de François Guex à la direction des Ecoles normales en 1890 (poste qu’il quittera en 1914), ces dernières évoluent et basent leur enseignement sur de nouveaux principes pédagogiques. En effet, le nouveau directeur, après un brevet d’instituteur, a été formé à la doctrine de Johann Friedrich Herbart. Ce philosophe allemand est considéré comme :

Le fondateur de la pédagogie en tant que champ scientifique et académique (…) Herbart a esquissé le profil d’éducateur et de penseur pédagogique à partir de l’idée centrale de « l’instruction éducative », alliant étroitement la théorie et la pratique.

(Noverraz, 2008, p. 214)

Ainsi, la pédagogie acquiert une place toujours plus importante dans la formation des futurs instituteurs et institutrices, tout comme la pratique dans une classe d’application. En outre, il souhaite « séparer l’acquisition de la culture générale de l’éducation professionnelle proprement dite » (cité dans Une Ecole pour l’école, 1983, p. 111). Peu à peu, des cours de didactiques spéciales sont introduits et complètent les cours de pédagogie générale et les journées passées en école d’application. Sans compter cette dernière partie plus pratique, il s’agissait de 5 heures par semaine de cours consacrés à la formation professionnelle (selon Une Ecole pour l’école, 1983, p. 122).

Parallèlement à ses fonctions de directeur des EN, François Guex sera nommé professeur extraordinaire de pédagogie à l’Université de Lausanne. Nous reviendrons sur cet aspect ultérieurement.

En 1901, les Ecoles normales sont rassemblées dans un même lieu et la conférence des maîtres décide de revisiter le programme de formation. Ainsi, les garçons continuent d’être formés en quatre ans et les filles voient leur formation augmentée à trois ans. Cependant, « les uns et les autres auront dorénavant une année vouée à la culture professionnelle » (Une Ecole pour l’école, 1983, p. 124).

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De plus, la nouvelle loi sur l’instruction publique primaire, approuvée en 1906 par le Grand Conseil, crée les classes dites « primaires supérieures » qui apparaissent comme une voie intermédiaire entre les classes primaires (qui dispensaient un enseignement de base dans tout le canton) et les collèges (réservés à une certaine élite scolaire et sociale et localisés dans les communes de grande taille). Ainsi, l’ouverture de cette nouvelle division, en étant mieux répartie à travers le canton, permet d’augmenter le niveau général des élèves, et, plus particulièrement de ceux souhaitant entrer à l’EN. Noverraz (1998) indique à ce sujet : « on y voyait, entre autres, la création d’une pépinière de bons élèves pour l’Ecole normale, disponibles pour une formation professionnelle pédagogique » (p. 22).

Guex quitte ses fonctions en 1914 et Georges Chevallaz, futur directeur des EN, tire le bilan suivant de son activité : « grâce à l’impulsion donnée par M. Guex, aidé par un corps enseignant de haute valeur, l’Ecole normale (…) a préparé un corps enseignant primaire dont la valeur intellectuelle et pédagogique n’a cessé d’élever notre école primaire vaudoise » (cité dans Une Ecole pour l’école, 1983, pp. 127-128).