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Droit interne

Dans le document DROIT FISCAL INTERNATIONAL (Page 47-54)

CONCEPTS JURIDICTIONNELS

Section 1. Droit interne

§ 1er. — Définitions

En droit interne belge, sont considérées comme habitants du royaume les personnes physiques qui ont établi en Belgique leur domicile ou le siège de leur fortune (1).

Sont soumis à l’impôt des non-résidents et non à l’impôt des per-sonnes physiques ceux qui n’ont établi en Belgique ni leur domicile ni le siège de leur fortune.

La même définition est donnée par l’article 1er du Code des droits de succession (2). Elle correspond à celle qui était donnée par l’ar-ticle 37, § 2, des lois coordonnées relatives aux impôts sur les revenus pour l’application de l’impôt complémentaire personnel, issu lui-même de l’arrêté royal du 22 février 1935 (3). L’exposé des motifs précise, sub article 37, que les non-habitants du royaume sont ceux qui n’ont pas établi en Belgique leur domicile ou le siège de leur for-tune (4).

MM. Schreuder (5) et Donnay (6) notamment ont démontré que cette définition trouvait son origine dans la loi du 27 décembre 1817 sur les droits de succession, adoptée sous le régime hollandais. Une première version de la loi voulait imposer la succession de l’habitant du royaume « sans distinction s’il est établi depuis peu ou depuis

(1) C.I.R., art. 3.

(2) A.R. 31 mars 1936.

(3) Exposé des motifs de la loi de réforme fiscale,subart. 2,Pasin., 1962, p. 1321.

(4) Id., Pasin., 1962, p. 1345.

(5) « L’habitant du royaume »,Ann. not. enr., 1967, pp. 6-33.

(6) Succession (Droit de), « L’habitant du royaume », Rec. gén., 1975, no 21936, p. 223.

longtemps sur le territoire du royaume, ni s’il a en même temps un domicile fixe en pays étranger ».

Ce texte fut repoussé par crainte de voir réapparaître l’ancien droit d’aubaine, susceptible d’attirer les représailles de pays étrangers. Une nouvelle définition fut cherchée dans un arrêté royal du 25 juin 1817 sur la milice, composant celle-ci des habitants du royaume, c’est-à-dire de ceux « qui ont établi dans le royaume leur domicile et le siège de leur fortune ». Le législation fiscal substitua toutefois à la conjonc-tion « et » la conjoncconjonc-tion « ou ».

Cette définition a été appliquée par l’arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 1965 en cause Derks (1). Le pourvoi était dirigé contre un arrêt de la Cour d’appel de Liège qui avait relevé que le requérant, résidant à Monaco, était propriétaire d’immeubles situés en Belgique et de la quasi-totalité des titres de sociétés belges, étant l’administrateur-président de l’une de ces sociétés. La Cour de cassa-tion rejeta le pourvoi, estimant :

« Que l’arrêt déduit légalement de ces constatations souveraines en fait que le demandeur, bien qu’ayant pris domicile à l’étranger, a le siège de sa fortune en Belgique ;

Qu’ainsi, par la constatation de l’existence de l’une des conditions alternative-ment prévue par l’article 37, § 2, des lois coordonnées, l’arrêt justifie légalealternative-ment la qualité d’habitant du royaume du demandeur ».

Si l’unité du domicile fiscal est ainsi remise en cause (2), on ne peut toutefois identifier le siège de la fortune à la situation matérielle des biens, mais au lieu où ils sont administrés. Ce dernier coïncidera, sauf cas exceptionnels, avec le domicile.

Un arrêt plus récent de la Cour de cassation le démontre (3). Un redevable avait été considéré comme habitant du royaume aux seuls motifs qu’il y avait gardé une domiciliation administrative et un immeuble où résidaient sa femme et ses enfants, aux besoins desquels il subvenait par un compte en banque belge.

La Cour de cassation accueillit le pourvoi, considérant que :

« Aux termes de l’article 3 du Code des impôts sur les revenus, est un habitant du royaume celui qui a établi en Belgique son domicile ou le siège de sa fortune ;

(1) Pas.1966, I, 34,J.P.D.F., 1965, p. 327, obs.Baltus,Rec. gén., 1966, no20972, p. 354, obs. M.D.

(2) Baltus, notesubarrêt précité,J.P.D.F., p. 331.

(3) Cass., 7 février 1979,Prade, Pas., I, 673,J.D.F., 1979, p. 411. Comp. Garabe-dian, « L’impôt successoral belge et l’extranéité », in VerwilghenetDe Valkeneer (éd.), Relations familiales internationales, 1993, p. 391.

Que si les éléments de fait permettant de déterminer l’existence de cette situation relèvent de l’appréciation souveraine du juge du fond, en revanche, leur qualification s’effectue sous le contrôle de la Cour ; Que, au sens de la loi fiscale, le domicile est un domicile de fait, caractérisé nécessairement par une certaine permanence ou conti-nuité, et le siège de la fortune, l’endroit, caractérisé naturellement par une certaine unité, d’où elle est gérée ;

Que les motifs que le moyen reproduit et sur lesquels l’arrêt se fonde pour affirmer la qualité d’habitant du royaume dans le chef du demandeur, ne justifient pas légalement cette décision ».

Cette position rejoint celle des juridictions de fond.

Une ancienne décision considérait déjà que « des absences tempo-raires plus ou moins longues d’un lieu déterminé ne sont pas exclu-sives de la conservation du domicile fiscal en ce lieu » et que « le Belge qui, pour une durée limitée, prend du service dans la Colonie, tout en gardant en Belgique sa demeure où il laisse sa femme et ses enfants, doit être considéré comme momentanément absent de son domicile belge » (1).

La Cour d’appel de Bruxelles eut à connaître du recours de l’em-ployé d’une société belge, radié des registres belges de la population, mais propriétaire d’un appartement qui restait à sa disposition lors de ses retours de mission et titulaire d’un compte belge où ses fonds étaient déposés. Lorsqu’il n’était pas en mission, il exerçait ses fonc-tions en Belgique pour le même employeur. Pour la cour, « il faut en conclure que le requérant n’a jamais manifesté l’intention ou la volonté de transférer son domicile et le siège de sa fortune à l’étran-ger et qu’il a conservé en Belgique le centre de ses intérêts et y a conservé son domicile » (2).

De même, celui qui est envoyé par la société Solvay faire un séjour de formation de dix mois aux États-Unis sans rupture de son contrat d’emploi et alors que la société prend en charge ses frais de voyage et d’inscription aux cours et lui alloue une indemnité forfaitaire reste un habitant du royaume :

« Le requérant n’a pas eu l’intention de transporter à l’étranger le siège principal de ses affaires ;

(1) Déc. 12 décembre 1914,Rec. gén., 1920, no15608, p. 19 ;Donnay, Succession (Droit de), « L’habitant du royaume »,Rec. gén.,1975, no21936, p. 241, no9.

(2) Bruxelles, 21 octobre 1976,J.D.F., 1977, p. 260.

Son séjour essentiellement temporaire aux États-Unis ne peut être considéré comme une installation permanente dans ce pays ;

Le siège de ses affaires est resté situé en Belgique » (1).

La notion de domicile fiscal a été l’objet de développements juris-prudentiels et doctrinaux récents.

Traditionnellement, le domicile d’une personne physique est le lieu où elle habite d’une manière effective et continue, où elle établit son foyer familial, ainsi que le siège de ses activités professionnelles et de ses intérêts patrimoniaux.

Face aux situations de plus en plus fréquentes où ces divers élé-ments constitutifs ne convergent pas vers un seul endroit, il s’est avéré nécessaire de leur octroyer une pondération selon leur impor-tance relative afin de déterminer l’appartenance de la personne à une seule juridiction fiscale.

Ainsi l’habitation permanente est-elle un élément prépondérant :

« Le domicile fiscal est un domicile de fait caractérisé par une cer-taine permanence ou continuité » (2).

La notion de permanence n’est cependant pas clairement définie.

La loi prévoit en effet qu’une personne peut être traitée comme non résidente alors qu’elle séjourne en Belgique pendant toute une période imposable (3).

L’examen de la jurisprudence ne permet pas de déterminer le temps que doit durer un séjour afin de répondre à l’exigence de permanence de l’habitation.

La Cour d’appel de Bruxelles a en effet conclu dans certains cas récents à la qualité de non-habitant du royaume pour des Belges ayant exercé une activité professionnelle à l’étranger pendant des périodes de deux à huit ans (4).

Il a par ailleurs été décidé qu’un séjour professionnel de trois ans à l’étranger n’avait pas suffi à faire d’une personne un non-rési-dent (5). Le pourvoi contre cette dernière décision a été rejeté par l’arrêt précité du 15 novembre 1990 de la Cour de cassation.

(1) Liège, 2 mai 1972, Rec. gén., 1974, no21774, p. 100.

(2) Cass., 30 juin 1983,Pas., I, 1226,F.J.F., no83/189 ; Cass., 15 novembre 1990, Pas., 1991, I, 280,R.G.F., 1991, p. 218.

(3) C.I.R., art. 244.

(4) Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et 25 septembre 1990, R.G.F., 1991, pp. 216 et s.

(5) Bruxelles, 21 mars 1989, F.J.F., no89/167.

Le critère de la situation du foyer familial doit également être pris en considération.

À cet égard, s’il est à présent admis que la qualité d’habitant du royaume est déterminée pour les époux ut singuli et non plus de manière globale et commune, il convient d’examiner, au regard d’élé-ments de fait, si, quoiqu’ils aient des lieux d’habitation séparés, les époux n’en ont pas moins un domicile ou foyer familial commun.

Ainsi, lorsque la séparation s’explique par le fait que chacun d’entre eux exerce une profession ou par des raisons de santé ou d’éducation des enfants, il est admis qu’il n’y ait pas de foyer familial et, partant, que l’un des époux soit habitant du royaume et l’autre non (1).

Lorsque la séparation n’est pas ainsi justifiée, les deux époux seront rattachés à un domicile commun considéré comme leur foyer familial, nonobstant le fait que l’un d’entre eux habite effectivement à l’étranger (2).

Ainsi, si l’habitation effective, à condition qu’elle soit réellement durable et qu’elle n’apparaisse pas comme un séjour limité à une courte durée, forme un critère suffisant, le poids du foyer familial devient plus important dans l’appréciation du domicile de fait lorsque la durée de l’habitation personnelle dans une juridiction fiscale dis-tincte diminue (3).

Le siège de la fortune apparaît dans le texte de la définition légale d’habitant du royaume comme un critère alternatif à celui de domi-cile. Cette notion ne désigne pas la situation matérielle des biens, mais plutôt le lieu d’où ils sont gérés, ce dernier coïncidant souvent avec le lieu de l’habitation effective et du foyer familial (4).

Dans l’état actuel de la jurisprudence, le siège de la fortune est retenu comme un élément suffisant en soi, indépendamment des autres critères évoqués ci-dessus.

Cette interprétation du texte légal est toutefois vivement critiquée.

(1) Mons, 14 mars 1984,F.J.F., no84/189 ; Bruxelles, 13 mars 1990, 15 mai 1990 et 25 septembre 1990, R.G.F., 1991, pp. 216 et s. ; Mons, 10 avril 1992, R.G.F., 1993, p. 29, obs. L. Hinnekens.

(2) Bruxelles, 21 mars 1989,F.J.F., no89/167 ; cass., 15 juillet 1990,R.G.F., 1991, p. 218.

(3) L. Hinnekens, « Nouvelles tendances de la jurisprudence relative à la notion d’habitant du royaume »,R.G.F., 1991, p. 211.

(4) Cass., 28 octobre 1982,F.J.F., no83/41 ; cass., 30 juin 1983,F.J.F., no83/189 ; cass., 15 novembre 1990,Pas., 1991, I, 280,R.G.F., 1991, p. 218.

M. Hinnekens (1) considère notamment que le siège de la fortune ne peut conférer la qualité d’habitant du royaume que lorsque il est non seulement distinct, mais d’une importance telle qu’il doit néces-sairement prévaloir sur le domicile effectif et le foyer familial.

L’inscription au registre national ne constitue qu’une présomption de qualité d’habitant du royaume qui peut être renversée par des élé-ments de fait, comme dit ci-dessus.

La nouvelle réglementation relative à l’inscription au registre de la population, qui prévoit que les administrations locales doivent véri-fier le bien-fondé des demandes d’établissement d’une résidence prin-cipale, devra emporter une certaine unification de la notion de domi-cile en droit civil et en droit fiscal. La loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population (2) définit la résidence civile principale comme étant « le lieu où vivent habituellement les membres d’un ménage composé de plusieurs personnes unies ou non par des liens de parenté » (3). L’arrêté royal d’exécution du 16 juillet 1992 (4) pré-cise, quant à lui, en son article 16, § 1er, que « la détermination de la résidence principale se fonde sur une situation de fait, c’est-à-dire la constatation d’un séjour effectif dans une commune pendant la plus grande partie de l’année.

»Cette constatation s’effectue sur la base de différents éléments, notamment le lieu que rejoint l’intéressé après ses occupations profes-sionnelles, le lieu de fréquentation scolaire des enfants, le lieu de tra-vail, les consommations énergétiques et les frais de téléphone, le séjour habituel du conjoint ou des autres membres du ménage ».

Il apparaît donc que la qualité d’habitant du royaume doit être éta-blie au moyen d’une pondération des différents éléments constitutifs (domicile de fait, foyer familial, siège de la fortune, registre national) en accordant une préférence à l’habitation individuelle, à condition qu’elle soit suffisamment durable.

§ 2. — Présomption légale

La loi a introduit une présomption, selon laquelle sont considérés avoir établi en Belgique leur domicile ou le siège de leur fortune ceux

(1) L. Hinnekens, « Nouvelles tendances de la jurisprudence relative à la notion d’habitant du royaume »,R.G.F., 1991, p. 214.

(2) M.B., 3 septembre 1991.

(3) Art. 3.

(4) M.B., 15 août 1992.

qui sont inscrits au registre national des personnes physiques (1). Ce registre reproduit les données figurant au registre de la population et au registre des étrangers tenus dans chaque commune ainsi que dans les registres tenus dans les missions diplomatiques et les consulats belges à l’étranger (2).

Cette présomption peut être renversée. La tâche de l’administration sera simplifiée, puisque celui qui affirme être non-résident, bien qu’inscrit au registre, devra communiquer à l’administration les cir-constances de fait propres à son cas.

Le Conseil d’Etat est sans compétence pour se prononcer sur la contestation concernant la détermination du domicile fiscal. Comme ce dernier a une influence sur le montant de l’impôt, le contribuable doit suivre la voie de la réclamation portée devant le directeur des contributions (3).

§ 3. — Agents diplomatiques et consulaires

Les agents diplomatiques et consulaires belges accrédités à l’étran-ger sont considérés comme ayant la qualité d’habitants du royaume et sont donc soumis également à l’impôt des personnes physiques.

Sont exclus du champ d’application de l’impôt des personnes phy-siques et inclus dès lors, sous réserve des exonérations applicables, dans celui de l’impôt des non-résidents :

1o les diplomates et consuls de carrière étrangers accrédités en Bel-gique ;

2o sous condition de réciprocité, les autres membres du personnel de carrière de la mission diplomatique ou consulaire étrangère et s’ils ne sont pas Belges, les membres de leur famille vivant à leur foyer ;

3o sous condition de réciprocité, les agents d’États étrangers, de leurs subdivisions et d’établissements publics étrangers, s’ils ne sont pas Belges et n’exercent pas leur fonction dans le cadre d’une activité industrielle ou commerciale (4).

(1) C.I.R., art. 3, § 2.

(2) Loi du 8 août 1983 sur le registre national des personnes physiques, art. 2.

(3) Cons. Ét., 11 septembre 1985, no25.605,F.J.F., no86/39.

(4) C.I.R., art. 4. Cfr Van den Einde, « Aperçu des privilèges diplomatiques, consulaires et internationaux en matière d’impôts sur les revenus et de taxe de circula-tion »,Bull. contr., 1988, 1repartie : no677 spécial, p. 1 et 2epartie : no688 spécial, p. 147.

Ces règles sont l’application des conventions internationales sur les relations diplomatiques et consulaires et d’autres conventions sur les privilèges et immunités.

Le législateur semble avoir oublié d’exclure les épouses et membres de la famille des diplomates et consuls eux-mêmes.

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