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En 1992, à l’occasion de l’arrêt Oldman River370, la Cour suprême du Canada est venue préciser que l’environnement n’est pas, comme tel, un domaine de compétence législative en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, la Cour suprême du Canada, par la plume du juge LaForest dans l’arrêt Oldman River371 de 1992, a précisé que : « L’environnement, dans son sens générique, englobe l’environnement physique, économique et social », et que celui-ci touche plusieurs domaines de compétences attribués aux deux paliers principaux de gouvernement. L’environnement demeure un concept large et vague qui gagne à le rester, est-il courant de lire dans les décisions subséquentes à Oldman River. Ce dialogue a été entamé en jurisprudence lorsque la science a rendu indéniable le rôle de l’être humain dans l’altération des ressources naturelles.

Bien qu’elles puissent être mentionnées à l’occasion des décisions de droit de l’environnement, les ressources naturelles en elles-mêmes n’ont toujours pas été définies. Elles ne font l’objet d’aucune théorisation encore actuellement.

369 Frederick Parker Walton, Le domaine et l’interprétation du Code civil du Bas-Canada, Toronto, Butterworths,

1980. Voir de façon générale l’introduction à l’ouvrage de Walton rédigée par le professeur Tancelin.

370 Friends of the Oldman River Society c Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 RCS 3, 88 DLR (4th) 1. 371 Ibid. Voir plus particulièrement les paragraphes 85 et 86.

Toutefois, le droit civil a déjà une bonne idée à leur sujet eut égard à l’antériorité de son questionnement sur la place de l’être humain au sein du monde, tout comme sur la recherche d’une nature des choses qui ont de la valeur.

Section II Du régime de la propriété privée

Le Code civil du Bas-Canada entre en vigueur le 1er août 1866. Pour le Professeur Normand, l’aboutissement de cette première codification constitue le « point final » d’un projet plus vaste de « transformation du droit privé »372.

La présence du Code civil, pièce centralisatrice du droit privé, consigne un droit qui se distingue de celui des autres provinces de common law. Les juristes bas-canadiens ont d’ailleurs tôt fait de se référer aux auteurs de ladoctrine française pour y puiser des éléments de réflexion et de théorisation373.

Il s’est immanquablement produit un métissage avec certains éléments de la common

law canadienne. Il suffit de penser seulement au Code civil du Bas-Canada374. L’influence exercée par le Code civil des Français, sur les commissaires chargés du projet de codifier les matières touchant au droit privé dans la Province du Bas-Canada, est admise et non remise en question. Cependant, on ne saurait oublier que le Code civil du Bas-Canada n’en demeure pas

372 Sylvio Normand, « La Codification de 1866 : contexte et impact » dans Hugh Patrick Glenn, dir, Droit québécois

et droit français: communauté, autonomie, concordance, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 1993, 43 à la p 43 et 44.

373 Walton, supra note 369. Par ailleurs, on ne peut ignorer que la thématique de la préservation de l’intégrité et de

la pureté du droit civil soit récurrente chez les juristes canadiens-français : Sylvio Normand, « Un thème dominant de la pensée juridique traditionnelle au Québec : La sauvegarde de l’intégrité du droit civil » (1987) 32:3 RD McGill 559.

374Acte concernant le Code civil du Bas-Canada, mis en vigueur par la proclamation du gouverneur Monck le 26

moins une loi du Parlement britannique375 que les tribunaux de l’époque ont eu tendance à interpréter comme telle376.

Sous le CcBC, la définition de la propriété est forte d’un caractère d’absolutisme comme on peut le constater :

La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements.

C’est à l’article 544 du Code civil français que le CcBC doit sa facture législative, rappelle la Professeure Cantin Cumyn377. La comparaison entre les deux textes législatifs permet aisément de le vérifier car les deux dispositions sont semblables, cela à une virgule près. L’absolutisme que l’on a tendance à lui attribuer relève davantage de l’individualisme caractéristique des Lumières. Le Code civil des français s’est peut-être inspiré du droit romain mais ses rédacteurs y ont conjugué vraisemblablement d’autres vues assimilées au fur et à mesure de l’évolution du droit civil. Rien à voir donc avec la propriété massive du droit romain. Aucune autre propriété issue d’époques subséquentes au droit romain ne s’en est jamais plus rapprochée.

375 Walton, supra note 369.

376 « Sous influence de décisions de principe du Conseil privé dans les années vingt et trente, ils se sont pliés aux

méthodes de la common law, à un point tel que le Code tend à perdre son caractère prééminent de droit commun écrit par rapport à la jurisprudence, dont le poids spécifique s’est notablement accru par la réception de la doctrine du stare decisis » : Ibid.

377 Madeleine Cantin Cumyn, « La maîtrise du sol en droit civil de la province de Québec » (1991) no spécial R du

Conclusion

Si l’on remonte aux origines de la fondation de la Nouvelle-France, force est d’admettre que l’investissement des grandes puissances colonialesdans les Amériques ne s’est pas effectué sans raison. Cela s’est fait parce qu’il y avait des avantages à en retirer. Ce n’est pas n’importe quoi qui aurait pu justifier temps, efforts et financement de la part de rois européens pris dans les guerres qu’ils se livraient entre eux. En effet, les territoires neufs, qu’ils avaient affirmés sous leur emprise, faisaient miroiter la perspective d’y trouver des richesses naturelles dont ils pourraient tirer profit. On a vu que l’ultime finalité visée par la Couronne française réside dans la rentabilisation du potentiel productif de ces terres et de ces richesses naturelles.

C’est à partir des modes de tenure que les richesses naturelles contenues sur et dans les territoires se trouveront par le fait même à être découvertes puis exploitées. C’est donc, dans les racines de l’organisation de la propriété des terres, que l’on retrouve la logique de fragmentation des éléments naturels à l’état pur. C’est grâce à la force de la maîtrise que s’attribue l’être humain sur la nature qu’il croit abondante, illimitée et lui revenir de droit, qu’il a fragmenté ce territoire.

Au terme de ce Chapitre, on peut conclure ce qui suit. L’entrée du Québec dans la tradition romaniste s’est effectuée avec le découpage originaire de la terre. Les germes du processus de fragmentation juridique de la terre ont été implantés en Nouvelle-France alors que ceux-ci étaient encore à l’état de latence en France. L’adoption du Code civil du Bas-Canada achève le développement du droit des biens. Le Code civil du Bas-Canada intègre durablement la seule reconnaissance de la valeur économique via le droit de propriété. La terre physiquement fragmentée facilite la maîtrise juridique de ses parcelles grâce au droit de propriété.