LÕidentit kanak, miroir du colonialisme
1. Les donnes de lÕhistoire coloniale
La lecture des ouvrages retraant lÕhistoire de la Ç dcouverte È, puis du peuplement colonial de la Nouvelle-Caldonie permet de relater la gense des relations complexes entre les diffrents groupes sociaux qui composent aujourdÕhui la socit no-caldonienne. La Nouvelle-Caldonie fut dÕabord une colonie : comptoir colonial, colonie pnitentiaire, puis Ç colonie de peuplement È, lÕhistoire du Ç Caillou È sÕest construite selon les politiques successives dÕoccupation et dÕexploitation mene par la France depuis le milieu du XIXe sicle. Le dveloppement conomique vient principalement avec lÕexploitation du nickel, dont le sous-sol de lÕle renfermerait, aujourdÕhui, environ 30% des rserves mondiales. LÕunivers du bagne constitue la Ç base historique È du peuplement europen de la Nouvelle-Caldonie, laquelle sont venues sÕajouter peu peu des vagues migratoires de colons Ç libres È et de main dÕÏuvre trangre, principalement sud-asiatique. Longtemps, les deux souches de population blanche (les descendants de bagnards, dÕune part, et les colons Ç honorables È, venus librement, dÕautre part) ont constitu deux mondes sociaux trs distincts lÕun de lÕautre : les premiers (le Ç robinet dÕeau sale È) taient dnigrs par les seconds, et lÕendogamie sociale tait la rgle. Durant des dcennies, et encore un peu aujourdÕhui, le pass carcral de leurs anctres a t largement refoul par la grande majorit des Ç Caldoches È279.
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279 Le terme Ç caldoche È dsigne gnralement, on lÕa dit, les Caldoniens dÕorigine europenne (prfrablement ancrs depuis plusieurs gnrations en Nouvelle-Caldonie). Quoique de plus en plus frquemment employ, ce terme reste peru comme pjoratif par certains (qui refusent de se dire Ç Caldoches È, et se diront plus volontiers Ç Caldoniens È), alors que dÕautres le revendiquent avec fiert comme une catgorie dÕidentification (cf. infra
La reconstitution du pass (qui consiste en un discours rtrospectif socialement dtermin, nonc comme tant la manire dont les faits se seraient rellement drouls) rappelle combien les catgories sociales spcifiquement adaptes au milieu mlansien et les reprsentations culturelles dites Ç coutumires È, encore dominantes aujourdÕhui et fortement sacralises dans la thmatique indpendantiste kanak, ne constituent pas des concepts indignes retranscrits par lÕautorit coloniale, mais plus vraisemblablement des classifications construites par et pour la colonisation, et par consquent hrites de lÕHistoire coloniale et missionnaire (Saussol, 1979). A lÕinstar des rserves, parfois qualifies de Ç conservatoires de la coutume È ou de Ç sanctuaires culturels È280, les catgories socio-juridiques telles que la notion de tribu et le statut de grand chef ou petit chef, sont dÕabord des artefacts institutionnels crs par lÕAdministration pour favoriser la colonisation des terres et le contrle des populations indignes. DÕaprs Isabelle Merle :
Ç La tribu apparat pour la premire fois en tant que catgorie administrative reconnue, dans lÕarrt du 24 dcembre 1867, qui traite du problme des crimes et dlits commis par les indignes. Par ce rglement, la tribu est dclare administrativement et civilement responsable de ses membres. Elle merge comme une entit juridique part entire et sert de base la construction de la proprit mlansienne. Celle-ci est dfinie par la circulaire du 20 fvrier 1866 et par lÕarrt du 22 janvier 1868. Il est prvu de rserver chaque tribu des terrains incommutables, inalinables, ne pouvant tre ni vendus, ni lous. LÕinstabilit du "droit de proprit" est maintenue puisque les autorits locales peuvent arbitrairement rduire les espaces allous. Ainsi est fond le principe de la rserve indigne permettant de dvelopper une logique de cantonnement È (1995 : 100-101).
En effet, pour les besoins de sa mission Ç civilisatrice È, lÕAdministration sÕempare progressivement des terres quÕelle redistribue aux colons, cependant quÕelle rassemble peu peu les populations autochtones dplaces lÕintrieur de territoires dlimites comme rserves indignes. Cette politique coloniale atteste une volont de sgrgation et dÕexclusion des Kanak, aggrave par une limitation de leurs dplacements en dehors des zones de cantonnement.
LÕAdministration dsigne alors un petit nombre de chefs administratifs qui servent dÕintermdiaires entre les autorits et les populations colonises281 : chargs notamment du recrutement de la main dÕÏuvre lÕusage des nouveaux Ç propritaires terriens È, puis, en 1914
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280Cf. lÕanalyse de Jean-Marie Kohler (1990 : 71-72).
et 1939, du recrutement des hommes mobiliss et envoys sur le front franais, ils facilitent lÕimposition, auprs des habitants des tribus, des reprsentations du systme dÕautorit occidental.
Ç Les chefs, personnages purement administratifs qui nÕont souvent aucun pouvoir traditionnel au sein mme de leur groupe, deviennent de vritables courroies de transmission entre les indignes et lÕautorit franaise. Ils sont tenus de procder un recensement exact de la population quÕils ont sous leurs ordres et de tenir, en particulier, un compte prcis des individus de sexe masculin. Ils doivent dsormais tenir jour un tat civil È (Merle, 1995 : 304).
LÕhistorienne Bronwen Douglas souligne quant elle lÕimpact de ce dcoupage administratif impos par lÕautorit coloniale, ainsi que ses particularits282. Ce dcoupage, prcise-t-elle, interfre avec lÕorganisation hirarchique traditionnelle prcoloniale, plus particulirement sur la Grande Terre, lÕle principale de lÕarchipel. Cette situation tranche avec celle des les Loyaut (Mar, Lifou, Tiga, Ouva), longtemps appeles les Ç dpendances È, o la christianisation joua un rle majeur dans la transformation sociale, mais o lÕintrusion coloniale fut trs restreinte, comme la spoliation des terres et le dplacement des populations locales : la totalit des colons furent en effet t installs sur la Grande Terre, et notamment sur la cte Ouest, plus propice lÕagriculture. Ainsi, en ce qui concerne lÕorganisation coloniale, elle sÕimposait comme suit :
Ç Les Franais dfinissaient lÕautorit en terme de structures territoriales homognes, reprsentes lgalement par des responsables administratifs [des grands chefs et des petits chefs], qui contrlaient les populations et les ressources de chacun des territoires distincts (les "districts" englobant les "rserves", dont chacune tait occupe par une "tribu"), et qui rendaient compte leurs suprieurs directs (des Blancs jusquÕ rcemment) dans la hirarchie coloniale È (Douglas 1998 : 78, ma traduction).
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282 Depuis les annes 1980, Bronwen Douglas a consacr plusieurs publications lÕhistoriographie de la Nouvelle-Caldonie. Son objectif relve de ce quÕelle nomme une Ç anthropologie historique È ou une Ç histoire ethnographique È : Ç la premire se rapporte des descriptions gnrales des cultures et des relations sociales passes ; la seconde cherche prsenter les particularits des actions et de lÕexprience passes situes dans leurs contextes culturels et stratgiques (É) ; elle sÕinterroge en outre sur les implications philosophiques et politiques de lÕentreprise historique elle-mme È (Douglas, 1996 : 125). Douglas dfend une pistmologie Ç antipositiviste, pluraliste et critique È : Ç il sÕagit de traiter le pass soit-disant fixe et rel comme une image actuelle de lÕesprit et comme un artfact narratif È (ibid.).
Isabelle Merle dcrit les mesures mises en Ïuvre par le gouverneur de lÕpoque (Paul Feillet) :
Ç Dans le cadre de la rorganisation du Service des Affaires Indignes, dcrte le 9 aot 1898, lÕle est divise en districts (indignes). "Chaque district est soumis lÕautorit dÕun grand chef qui est nomm par le Gouverneur" (Art. 19). Les districts sont diviss en tribus. "Chaque tribu est commande par un chef de tribu appel "petit chef" qui est galement nomm par le gouverneur" (Art.20). "La tradition", selon Feillet, consiste doubler les hirarchies cres par le pouvoir colonial en milieu indigne. Celles-ci sont dsormais investies dÕun rle qui va bien au-del de la simple courroie de transmission. Les chefs ne sont plus seulement tenus dÕinformer les autorits. Ils sont directement responsables du maintien de lÕordre dans leur district ou dans leur tribu È (op.cit. : 307-308).
La prsence de lÕAdministration coloniale, dont les manipulations bouleversent lÕintgralit du systme social traditionnel, des relations claniques, et des hirarchies coutumires, a galement dÕautres effets : les missionnaires, dbarqus sur lÕarchipel quelques annes plus tt dans lÕespoir de Ç civiliser È les paens mlansiens (les catholiques sur la Grande Terre partir de 1843, les protestants dans les les Loyaut quelques annes auparavant), trouvent auprs de lÕAdministration un appui logistique et militaire prcieux pour rompre leur isolement et consolider une implantation encore fragile. En effet, lÕarrive des missionnaires ne sÕest pas faite sans heurts. Comme lÕexplique le Pre Roch Apikaoua, prtre kanak, Ç le choc entre les deux mondes a parfois t brutal È, et les violences ont bel et bien exist de part et dÕautre, ce quÕillustre Ç le massacre du frre Blaise Balade È283.
Malgr des dbuts difficiles, le rle et lÕinfluence idologique des hommes dÕglise deviennent alors tout fait dterminants dans lÕvolution socio-politique des populations autochtones de Nouvelle-Caldonie.
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283 Balade dsigne une rade situe lÕextrmit nord-est de la Grande Terre. James Cook y avait sjourn en 1774. Une mission catholique sÕy installe en dcembre 1843 : Ç LÕhistoire du diocse commence en 1843 lorsque, au bout de huit mois de voyage en mer, cinq missionnaires maristes venus dÕAuvergne dbarquent du "Bucphale" le 18 dcembre, sur la plage de Mahamate, au nord dÕOpao (É). Ce sont Mgr Guillaume Douarre, les pres Viard et Rougeyron, les Frres Jean Taragnat et Blaise Marmoiton È. ( É) Ç Le 25 dcembre, sur un autel de pierre lÕombre dÕun banian, est clbre la premire messe en terre caldonienne, quelques pas du rivage de Mahamate È. (Apikaoua et Briseul, 2014 : 39-40 ; 52). LÕun des frres maristes y fut tu en 1847. Le lieu conserve une valeur symbolique forte pour lÕensemble des catholiques de Nouvelle-Caldonie. Le Pre Roch Apikaoua choisit dÕtre ordonn diacre Mahamate le 15 dcembre 1985 (ibid. : 40-43). Lors du cent cinquantime anniversaire de la prsence mariste, le 25 dcembre 1993, avant de clbrer la messe de Nol, lÕvque Mgr Calvet demanda pardon au peuple kanak pour tous les manquements perptrs par les missionnaires (ibid. : 45). Cf.
Le rle acculturatif des missions
De fait, bien quÕelles se dissocient ensuite trs nettement de lÕautorit coloniale et quÕelles contribuent considrablement la dfense puis la promotion sociale des indignes au sein de la socit dominante, il nÕen reste pas moins que les glises nÕont initialement dÕautre choix, pour leur propre prosprit, que de collaborer dans une large mesure la colonisation, comme le rappelle Jean-Marie Kohler :
Ç DÕabord, parce que lÕtablissement de leur propre pouvoir idologique et institutionnel tait ce prix : pour imposer leur vision du monde, il leur fallait non seulement disqualifier la culture paenne, mais substituer un nouveau systme dÕautorit celui qui Ð en se fondant sur cette culture Ð en assurait traditionnellement la reproduction. Ensuite, parce que civiliser les Mlansiens apparaissait comme un pralable lÕvanglisation È (Kohler, 1989b : 187)284.
On compte un peu moins de deux cents baptiss en 1853, les maristes ayant d sÕenfuir trois reprises (en 1847, 1849 et 1850) en raison de lÕhostilit de certains autochtones, puis du fait de la Ç concurrence È mene par les missionnaires protestants. Ces derniers, surtout implants dans les les Loyaut, notamment Lifou et Mar, ne sont dÕabord gure prsents sur la Grande Terre. Nanmoins, la suite du conflit qui oppose la mission mariste lÕAdministration coloniale franaise, le gouverneur Feillet accueille les natas indignes (convertis et Ç prcheurs È originaires des les Loyaut) et associe ipso facto la confession protestante Ç lÕÏuvre de civilisation È mene sur lÕensemble du territoire de la Nouvelle-Caldonie.
Mme si lÕvanglisation suppose, comme la colonisation, un rapport de domination vis--vis des indignes, les objectifs de la Mission et de lÕAdministration divergent sur un point essentiel, comme le souligne trs justement Alain Saussol :
Ç Pour le colon comme pour lÕadministrateur ou le gouverneur, lÕindigne est un occupant gnant, monopolisant des terres que gaspillent ses longues jachres ; au mieux un auxiliaire corvable, une main dÕÏuvre utiliser, dÕailleurs condamne disparatre par extinction de la race. Pour la Mission lÕautochtone est au contraire la raison dÕtre È (1969 : 120).
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284 Sur lÕimplantation de la mission mariste en Nouvelle-Caldonie et ses relations ambigus avec lÕAdministration coloniale, cf. Saussol (1969).
Aussi les missionnaires font-ils rapidement obstacle aux pratiques de lÕAdministration et des colons, par souci de protger leurs ouailles contre la rpression, les mauvais traitements, et les mauvaises influences, cÕest--dire en ralit afin de garantir les intrts de lÕglise et sa prennit en tant que force sociale et idologique dominante. Ce fut notamment le cas pour les catholiques, lors de lÕarrive de gouverneurs ouvertement anticlricaux (Guillain en 1862, Feillet en 1894) : les tensions de plus en plus exacerbes entre les deux institutions incitrent les Maristes a prendre le parti des autochtones contre lÕAdministration, parfois en invitant les indignes Ç boycotter È le travail chez certains colons (uniquement les non-pratiquants, jugs de mauvaise influence), ou refuser de payer Ç lÕimpt de capitation È auquel taient soumis les Ç indignes È :
Ç Selon les colons, les Pres font de lÕobstruction pour les empcher de sÕtablir et conserver le monopole de leur influence sur les indignes. Cette obstruction se fait de la faon suivante : on interdit aux indignes catholiques de venir travailler chez les colons dsigns ceux-ci comme "paens", cÕest--dire qui nÕont pas la chance de plaire la Mission. On espre ainsi les dcourager et les obliger repartir. Il y aurait mme collusion entre la Mission et certains colons "bien pensants", pour vincer les autres et se partager leurs terres. Pour preuve des manÏuvres des missionnaires : la plupart des colons doivent travailler avec les autochtones non convertis qui sont plus dociles et plus travailleurs. Aussi ces tribus non-catholiques sont celles qui ont le plus dÕargent, et elles ne font aucune difficult pour payer lÕimpt de capitation. Quant aux catholiques deux raisons expliquent leur manque de numraire : ils refusent de travailler avec les colons, et se font exploiter par les Pres qui les paient fort peu et surtout "avec des bndictions".
A ces accusations (É), les Pres sÕils admettent implicitement le fait, sÕefforcent de le justifier.
Selon eux, le motif religieux nÕa jamais servi de critre pour tablir un distinguo quelconque entre les colons, mais seulement la faon dont ils traitaient les indignes. Or, nombre de colons ne paient pas leurs travailleurs, ou les paient en alcool. On le voit, la Mission ne se veut pas contre quelque chose, mais entend dÕabord dfendre les intrts de ses protgs en mme temps que les siens propres È. (Saussol, 1969 : 119-120). En sÕimposant comme mdiateurs et modrateurs entre, dÕun ct, lÕAdministration et les colons, et de lÕautre, les populations autochtones, les missionnaires contribuent lÕimplantation, en milieu mlansien, des forces sociales et matrielles de la civilisation occidentale, et lÕinculcation aux autochtones des reprsentations et des valeurs vhicules par la domination coloniale. Paralllement, ils favorisent largement lÕacculturation des convertis, par la diffusion, au sein des tribus dont ils partagent le quotidien, non seulement des valeurs chrtiennes, mais galement des modes de vie et des modes de pense occidentaux.
Plus encore, ils initient vritablement le processus dÕintgration et dÕassimilation sociale, conomique et politique des Mlansiens : par lÕapport de technologies nouvelles ; par une assistance en matire de commercialisation des productions agricoles ou animales, voire un encouragement aux initiatives commerciales individuelles (Kohler, 1979a) ; enfin, par lÕinculcation de normes sanitaires, morales, civiques, etc., les missionnaires contrlant galement les structures associatives, mdicales et ducatives.
Il est important de souligner que, sur le plan de la Ç socialisation È, lÕimpact des missions est considrable dans lÕensemble des pays du Pacifique (Douaire-Marsaudon et al., 2008). Comme le remarquait par exemple Margaret Jolly propos du Vanuatu :
Ç Durant la plus grande partie du [vingtime] sicle, les missions ont eu un impact plus profond sur la rgion que tous les entrepreneurs europens ou mme le gouvernement colonial. Cet impact, bien entendu, ne sÕest pas limit la conversion dÕune large part des populations aux idaux chrtiens, leur acceptation de la mission comme rpandant la "lumire", et lÕidentification du paganisme aux "tnbres". Tout en prchant la doctrine chrtienne, toutes les missions ont, des degrs divers, inculqu des pratiques europennes sculires, en particulier par le dveloppement des hpitaux et des coles. Tous les quipements de sant et dÕducation de la rgion taient toujours fournis par les missions, et non par le gouvernement, et ce jusquÕaux annes 1970 È (Jolly, 1982 : 346)285.
Au total, lÕinfluence des autorits religieuses est considrable ; outre les croyances des populations, elle touche tous les aspects de la vie quotidienne, faonnant rapidement la trajectoire sociale des jeunes Mlansiens scolariss la mission. Le rle de lÕcole est cet gard dcisif dans le processus dÕacculturation, comme en tmoigne cet extrait de lettre rdig par Monseigneur Fraysse en 1904 :
Ç Pour implanter le christianisme et le faire pntrer dans les mÏurs, il ne suffit pas dÕvangliser la gnration adulte, il faut sÕemparer de la jeunesse par lÕducation et, aprs lÕavoir soustraite aux effluves du paganisme traditionnel, lÕimprgner de lÕesprit de foi È(cit par Kohler et Wacquant, 1985 : 1660-1661 ; soulign dans le texte).
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285 Le Vanuatu a accd lÕindpendance le 30 juillet 1980. A lÕheure actuelle, ce pays est frquemment cit comme un contre-exemple par les partisans du maintien dÕun rattachement de la Nouvelle-Caldonie la France : il serait lÕillustration dÕune Ç dcolonisation rate È, et la dmonstration dÕune arriration sanitaire, conomique et sociale, qui suffiraient disqualifier le projet dÕune indpendance radicale de la Nouvelle-Caldonie. Plus vraisemblablement, les difficults du Vanuatu seraient rechercher dans la difficile mise en place dÕune dmocratie assainie et dans le douloureux principe de ralit (conomique, sociale) qui a suivi lÕeuphorie collective de lÕindpendance. Tjibaou affirmait juste titre que le plus important tait Ç le jour dÕaprs È, preuve quÕil avait pleinement conscience de la difficult, pour un tat souverain, quel quÕil soit, dÕdifier un vritable projet de socit qui aille au-del de la seule posture idologique.
Kohler et Wacquant ajoutent en guise de commentaire :
Ç La rorganisation de la vie matrielle autour et en fonction de lÕcole de la Mission constitue le dernier rouage dÕun dispositif capable dÕamener les Mlansiens intrioriser un ensemble de prceptes et de principes de perception et de comportement qui sont la fois le produit et la condition de reproduction de lÕordre symbolique et social qui se met en place È (ibid. ; cÕest moi qui souligne).
En contrepartie, lÕenseignement et les programmes associatifs des glises, qui impliquaient ncessairement lÕalination des coloniss et leur soumission lÕautorit et au langage des dominants, constiturent galement pendant longtemps le seul moyen dont disposaient les Ç indignes È, dÕabord pour chapper aux formes plus brutales de lÕoppression coloniale, ensuite pour amorcer une ascension sociale dans la socit coloniale. Cependant, les