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Le “soi” dans le Divân de „Erâqi

III LE CHEMINEMENT DANS LA VOIE

1. Psychologie mystique

1.3 Le “soi” dans le Divân de „Erâqi

1.3.1 La maladie de l‟amour du soi chez „Erâqi

Le thème du “soi” revient obsessionnellement dans l‟œuvre poétique de „Erâqi. Il apparaît comme un leitmotiv à la fin de beaucoup de ghazals. L‟auteur utilise différents termes pour désigner le soi : xvod, xvodi, to, to‟i (“toi”, “tuité”), bûd, hasti ou vojud (“être”, “existence”). Il le

désigne ausi par son propre nom, „Erâqi, symbolisant l‟individualité. L‟“autre” (que Dieu)

(gheyr, aghyâr), désignant plus généralement tout ce qui détourne de Dieu, n‟est parfois qu‟un

déguisement du “soi”, de même que l‟ennemi (doshman).

Les effets pervers du “soi” sont abondamment décrits. Il empêche d‟avoir accès à Dieu ou à la Connaissance spirituelle, et il est directement responsable de la séparation. C‟est une poussière aveuglante qui obscurcit la vue de l‟amant et brouille l‟image de l‟Aimé. Il est lui-même un misérable aveugle, car son intérêt pour le monde créé l‟empêche de discerner la Beauté de l‟Ami. Par son opacité, il est un voile épais qui dissimule l‟image de l‟Aimé. Il est la rouille à la surface du miroir du cœur. Il tient l‟amant prisonnier jour et nuit, et s‟érige toujours en obstacle sur la Voie. Il est perfide et tente de devenir le confident du cœur afin de saisir quelque secret et de le trahir aussitôt auprès des ennemis. C‟est un adversaire rusé, fourbe, et d‟autant plus dangeureux qu‟il est intérieur à l‟amant. Il est bien difficile de s‟en débarrasser :

Mon cœur est un miroir et Son visage ne se reflète pas dedans, il est difficile de le polir, puisque c‟est „Erâqi qui est sa rouille18

.

Le monde temporel emprisonne tyranniquement l‟amant, et le “soi” est une lourde chaîne entravant ses pieds qui aimeraient s‟élancer légèrement à la poursuite du Bien-Aimé :

Dans le cachot des deux mondes, „Erâqi est devenu la chaîne à mes pieds. Serai-je ou non délivré de cette prison ? Je n‟en sais rien19 !

Mais, l‟amant ne semble pas toujours conscient du rôle de voile d‟une partie de son être, et

18

M. 253, v. 3014.

19

il s‟étonne du refus que lui oppose l‟Ami. En réalité, l‟Aimé ne le rejette pas lui-même, mais cherche à écarter ce “soi” haïssable :

On dirait que je suis moi-même le voile de Ton visage : lorsque je Te demande d‟ôter le voile de devant Ta face, c‟est moi que Tu rejettes au loin20

!

Toute recherche de l‟Aimé est vouée à l‟échec, tant que l‟on n‟a pas réglé ses comptes avec le “soi” qui pervertit tout : tant que tu chercheras l‟Ami avec ton “toi”, ne t‟attends pas à Le trouver21 ! Centré sur lui-même, le “soi” ne s‟intéresse à l‟Autre que comme à Celui qui va assouvir son désir, il est à la poursuite d‟une possession de l‟Ami qui serait clôture sur soi. Sa soi-disant quête de Dieu est en fait une quête déguisée de soi-même et de l‟assouvissement de ses propres désirs. Enflé d‟orgueil et beau parleur, il a une tendance poussée à l‟autoglorification : il ne cesse de chanter ses propres louanges. Il prétend aimer l‟Ami et lui sacrifier sa vie, mais il se plaint incessamment de Ses cruautés, récrimine et revendique de nouvelles faveurs. Jamais il n‟est satisfait. Egoïste invétéré, focalisé sur lui-même, il aime ses aises, se complaît dans l‟adoration narcissique de soi, et vit dans l‟oubli le plus complet de l‟Ami. En un mot, il est l‟infidélité même et ne mérite que la lapidation.

Jusqu‟à quand ne ferons-nous que chanter nos propres louanges ? Jusqu‟à quand suivrons-nous notre propre désir ?

Jusqu‟à quand réciterons-nous en vain des qasides ? Jusqu‟à quand raconterons-nous en vain des contes ? (…)

Je sais que (c‟est) ce “soi” (qui) ne permet pas que nous respirions la fragrance d‟une rose du jardin de Son visage !

Il n‟y a rien de mieux à faire que de nous mettre à laver notre tapis à l‟aide de nos larmes ! „Erâqi est poussière sur la Voie, balayons cette poussière de notre chemin22

!

L‟Aimé repousse avec mépris celui qui prétend à l‟amour (da‟vi). Lui offre-t-il sa vie ? La belle affaire ! Il croit donc être quelqu‟un ? Son pseudo-sacrifice n‟est d‟aucune valeur ! Comment pourrait-il obtenir audience auprès de l‟Ami, alors qu‟il est l‟esclave enchaîné du 20 M. 259, v. 3082. 21 M. 148, v. 1562. 22 M. 223, v. 2634-2641.

“soi” ? En voilà un bel amoureux qui ne cherche qu‟à satisfaire son désir et qui veille si jalousement à ses intérêts personnels23 ! L‟homme qui ne s‟est pas libéré en échappant aux griffes de son ipséité est un idolâtre : il croit rendre un culte à l‟Aimé, alors qu‟il vénère les idôles païennes „Uzza et Lât. Il se donne bonne conscience en pratiquant vaniteusement l‟ascèse et l‟obéissance dans sa cellule d‟ermite. Il devrait plutôt se rendre à la Taverne pour s‟oublier lui-même et perdre la conscience de toutes choses dans l‟ivresse du vin de l‟Inconnaissance et de l‟anéantissement24

.

Le cœur et le “soi” ne cessent de s‟opposer et de se chamailler. Ils révèlent la division de l‟amant déchiré entre sa tendance individualiste et sa profonde aspiration à Dieu. Le cœur s‟efforce d‟avancer vers l‟Ami, mais le “soi” rechigne et traîne les pieds en maudissant son compagnon. Le cœur aperçoit l‟Ami en toutes choses et se réjouit ; le “soi” est aveugle, sourd et insensible. Le cœur se fait une gloire d‟être tué par la peine causée par l‟Ami, tandis que le “soi” ne supporte aucune souffrance :

Puisque le reflet de l‟Ami apparaît mieux dans l‟eau, les larmes viennent à mes yeux en consolatrices. Le monde est un songe et j‟y vois la beauté de l‟Ami, sans doute est-ce pour cela que le sommeil vient sans cesse à mes yeux.

„Erâqi ne voit pas un tel visage en rêve, c‟est pourquoi, dans son esprit, il me blâme de cent manières25

.

Le “soi” est particulièrement vicieux et retors, et l‟homme ne cesse d‟y succomber malgré ses efforts. C‟est une sorte de démon intérieur qu‟il est difficile de subjuger. Sans cesse il trouve de nouvelles ruses pour réduire à rien les plus grands efforts, pour souiller les aspirations les plus nobles. Pris entre deux feux par les éléments contradictoires de sa personnalité et las de la lutte interminable qu‟il livre à cet adversaire insaisissable, l‟homme doute de lui-même et se décourage. Le non-être de „Erâqi serait préférable à son être nuisible à sa relation avec l‟Ami26. Il souhaite n‟être jamais né, car c‟est sa descente dans le monde des contingences qui est cause de sa corruption et de son iniquité27. Il invoque la mort afin qu‟elle le soulage de sa honte et qu‟elle le libère de cette existence maudite et de cet ennemi fort en magie et en sortilèges :

23 M. 90, v. 833 sq. 24 M. 79, v. 685 sq. 25 M. 280, v. 3361-3363. 26 M. 118, v. 1153. 27 M. 127, v. 1264.

Mon existence m‟accable de tristesse ! Ô Mort, occupe-toi de moi !

(…) Quand serons-nous enfin débarrassés du “soi”, quand échapperons-nous au souci de notre réputation ? (…)

Si je jette un regard vers moi-même, que deux cent pierres me tombent dans l‟œil. (…) Je me plains non de l‟Ami, mais de l‟ennemi versé en magie et en sortilèges.

L‟Ami et moi sommes toujours en paix. Si je mène une guerre, c‟est contre moi-même ! La cause de toutes ces doléances est „Erâqi, car il n‟est pas devenu maître de son propre corps28

.

Dans le Divân, le “soi” s‟identifie donc très souvent avec l‟âme charnelle du soufisme classique et avec ses tendances mauvaises, que ce soit l‟attraction des deux mondes, l‟amour de soi ou la vanité. Mais il accompagne l‟homme jusqu‟au bout de la Voie spirituelle, même lorsque celui-ci s‟est totalement défait de ses passions et a acquis les vertus correspondantes. Il persiste sous la forme d‟une méconnaissance de soi-même : l‟impression mensongère d‟être une essence individuelle distincte, l‟illusion d‟une altérité qui le poserait en être indépendant de Dieu. Ne se connaissant pas soi-même, l‟amant ne connaît pas non plus l‟Aimé tel qu‟Il est et il ne peut accéder à l‟union. C‟est dans les Lama‟ât que ce problème est exposé avec le plus de clarté. Ce qui retient le mystique et entrave sa marche, c‟est l‟ignorance de l‟Unicité de l‟Etre. Au fur et à mesure du cheminement, Dieu Se révèle à lui de manière toujours plus approfondie, jusqu‟à ce qu‟il comprenne sa propre fonction théophanique et les fondements réels de son existence29

. Dans le Divân, le “soi” est étudié de manière pratique tandis que les Lama‟ât abordent la question de manière plus théorique.

1.3.2 Le remède : la lutte contre le soi

Une fois que l‟amant a repéré la cause de son infortune et qu‟il a compris qu‟il était lui-même son propre ennemi, il ne rejette plus la faute sur le Bien-Aimé, mais gémit sur lui-lui-même et ne cesse d‟appeler au secours contre le “soi”30

. Le détachement par rapport au soi conditionne le progrès dans la Voie. Qui s‟éloigne de soi-même se rapproche de Dieu :

La nuit dernière, la brise a chuchoté à l‟oreille de mon cœur : „Erâqi, ferme la porte de ton “toi”, car ils

28

M. 123, v. 1214-1225.

29

Voir supra, Métaphysique.

30

ont ouvert la porte de l‟Ami.

Ils ont jalousement fermé l‟œil des “autres”, puis ils ont ouvert la porte du Trésor des Secrets31

.

L‟arme la plus efficace est l‟amour. Il est très difficile, sinon impossible, de se libérer si l‟on ne possède pas l‟amour. Afin d‟arracher le voile du soi qui encombre la Voie, l‟amant n‟a pas d‟autre issue que de s‟accrocher solidement à la courroie de selle de l‟amour32

. Mais en réalité, il ne peut rien par lui-même. Il ne lui reste qu‟à confesser sa faiblesse et son impuissance et à implorer le pardon de l‟Ami qui, seul, peut le secourir, car Il est le maître de l‟amour33

. L‟Aimé emploie plusieurs stratégies. Parfois, Il a recours à la douceur : Il S‟offre à nos regards et nous arrache à nous-mêmes, ou Il jette sur nous un regard qui nous ravit34. Il abreuve l‟amant d‟un vin d‟extase, le réjouit de l‟union afin qu‟il s‟oublie soi-même et s‟attache plus fortement à Lui :

Lorsque les anneaux de Sa chevelure devinrent le lien du cœur éperdu, celui-ci fut libéré du monde et échappa à son “soi”.

Son œillade et Son visage me rendent tantôt ivre, tantôt sage, à cause de Sa boucle et du rubis de Ses lèvres, tantôt je suis non-être, tantôt être35.

Bien plus souvent, Il manifeste une certaine rigueur et inflige la séparation afin de mortifier le “soi” et de purifier l‟amant. Mais le remède est toujours adapté à l‟état du malade, et le pèlerin doit s‟y abandonner avec confiance. Il fait le difficile apprentissage de l‟abandon des désirs propres et de la volonté personnelle. Il se conformera donc à la volonté de l‟Aimé et acceptera sans murmurer les états donnés par Lui, même si à première vue, ils peuvent paraître peu attirants. Il pratiquera la vertu du contentement (rezâ‟). Si les épreuves lui paraissent insupportables, c‟est que sa volonté propre prime sur la satisfaction des souhaits de l‟Aimé et qu‟il préfère les dons de l‟Aimé à l‟Aimé lui-même. Or, il doit renoncer à ses désirs afin de laisser Dieu désirer en lui.

31 M. 76, v. 646-7. 32 M. 88, v. 798. 33 M. 156, v. 1665. 34 M. 89, v. 807-8. 35 M. 137, v. 1402 et 1405.

Et si tu aperçois le reflet de Son visage dans la coupe, tu t‟enivreras et perdras conscience sans vin. Si tu veux parvenir à un tel but, tâche d‟abandonner ce que tu désires.

Si tu abandonnes ton désir personnel, tu obtiendras tout que tu souhaites.

Si l‟Echanson de l‟Amour te donne de la lie de l‟outre du chagrin, ne réclame pas l‟écume du vin ! Abandonne-toi à Lui et sois heureux, qu‟Il te donne du poison ou du nectar36.

Abdiquer la volonté propre ne suffit cependant pas : c‟est son existence même en tant que conscience individuelle que „Erâqi ressent comme une entrave et il vise à supprimer ce qui, en lui, n‟est pas Dieu, ou ne se reconnaît pas comme tel. Il aspire au non-être (nisti) : « Allons, „Erâqi, romps avec ton propre être, car le non-être est préférable pour toi à l‟être »37

.

Le non-être ne peut être atteint que par l‟extinction de l‟être individuel (fanâ‟). Le fanâ‟ est à la fois une expérience humaine et la manifestation de Dieu à Lui-même. Il se prolonge par le

baqâ‟ ou la subsistance, c‟est-à-dire la permanence éternelle en Dieu. Dans l‟anéantissement, le

soi relatif ou partiel s‟est complètement dissout dans le néant. Lors de la surexistence, l‟homme ressort du néant complètement transformé en Soi absolu. Il reprend sa conscience normale, et le monde de la multiplicité réapparaît avec toute sa richesse de couleurs. Mais il a atteint la vraie Connaissance de l‟Existence : le monde phénoménal n‟est rien d‟autre que la Réalité absolue sous son aspect épiphanique. Fanâ‟ et baqâ‟ ne sont pas seulement des états subjectifs, mais aussi des états objectifs. Pour employer un vocabulaire plus technique, le fanâ‟ objectif est un état d‟unification ontologique (jam‟), tandis que le baqâ‟ est l‟unification de l‟unification (jam‟

al-jam‟) ou la seconde séparation (farq thâni)38.

Celui qui s‟est anéanti et qui est ainsi parvenu à exalter en soi l‟élément divin au détriment des limitations de la nature humaine, celui-là n‟est plus soumis aux mêmes lois. Dans cette expérience, l‟amant abandonne tout être personnel et perd les couleurs du monde existencié pour emprunter celles de l‟Ami. Il n‟est plus soumis aux lois et aux limitations du monde de la pluralité, mais au contraire, il gagne sur lui un pouvoir étrange. Alors, il n‟est plus question ni de guerre ni de paix, puisque l‟Ami seul subsiste : Lui est toi, et tu es Lui !

36

M. 85, v. 755-769 ; N. 218, v. 2856-2861(M.v. 758 trad. d‟après Nafisi, v. 2859).

37

M. 78, v. 679.

38

T. IZUTSU. Unicité de l‟Existence et Création perpétuelle en Mystique islamique. Paris: Les Deux Océans, 1980, pp.14-29.

Lorsqu‟il ne m‟est plus resté de couleur, j‟ai pris la Sienne, et lorsque je suis devenu de la même couleur que Lui, les deux mondes m‟ont été soumis !

Lorsque „Erâqi a cessé de nous séparer, il n‟a plus été question de guerre ni de paixentre Lui et moi39. Sur cette voie, si tu renonces à toi-même, tu auras la certitude que Lui est toi et que tu es Lui40.

Le résultat de l‟unification est l‟acquisition de la Connaissance parfaite, ou plutôt la réalisation personnelle et intérieure de cette Connaissance qui est un état ontologique. Elle consiste à savoir que Dieu est l‟Etre et que ce qui apparaît dans le monde de la multiplicité n‟a de raison d‟être que par sa fonction théophanique. Les formes font illusion, mais elles n‟ont pas d‟être en soi :

Tu apprendras que Lui est l‟Existant et toutes les choses sont illusoires. Si la forme de „Erâqi n‟existait pas, toutes les difficultés seraient résolues41

.

L‟une des images préférées dans la description de cette étape est celle de l‟Océan engloutissant la gouttelette. L‟amant plonge dans la mer à la recherche du Joyau et, en perdant son identité, il découvre qu‟il est lui-même le Joyau. Jadis esclave du monde, il en est à présent le maître. Alors qu‟il était le fervent disciple de „Erâqi, voilà qu‟il est maintenant son Guide spirituel42. Il possède la Science divine : le monde existencié ne lui voile plus le Monde caché :

Jette-toi dans cette mer, peut-être trouveras-tu une perle, car, de cette mer sans fin, émergent de nombreux joyaux.

Et si une vague te submerge, quel bonheur ! C‟est le mieux qui puisse t‟arriver ! Le monde devant ta valeur se lèvera pour te servir43.

Jusqu‟à quand resteras-tu assoiffé sur le rivage du désir ? Jette-toi dans la Mer sans limites,

Afin que ton identité se perde dans l‟Océan sans identité, afin que la dent de la Baleine44 engloutisse,

39 M. 320, v. 3810-11 ; N. 217, v. 2832 et 34. 40 M. 81, v. 711 ; N. 302, v. 4434. 41 M. 262, v. 3139-40 ; N. 222, v. 2931-2. 42 M. 106, v. 1008. 43 M. 88, v. 796-7. 44

Nahang, “le crocodile”, “la baleine”. Le dictionnaire Mo‟în et le Borhân-e Qâte‟ indiquent que ce n‟est

qu‟abusivement que nahang a commencé à signifier la baleine. Les panégyristes du Xe

-XIe siècle associent nahang au Nil, et désignent par ce mot le crocodile. Très probablement, un glissement de sens a eu lieu entre le XIIe et le

selon ton désir, les états spirituels45 !

Lorsque „Erâqi se sera noyé, tu trouveras la vie éternelle et tu verras les secrets du Monde Caché dans le monde manifesté46.

L‟anéantissement est la condition sine qua non de cet état renouvellé du pèlerin. Il lui faut se perdre avant de se retrouver. Tant qu‟il conservera un seul atome de “soi”, il sera soumis aux vicissitudes du monde de la pluralité et il lui sera impossible d‟accéder à la roseraie de l‟Unicité divine. Couvert des blessures qu‟il s‟inflige à soi-même et tourmenté intérieurement, prisonnier de ses instincts comme la balle de polo est prisonnière de la canne, sans cesse distrait par ses passions et ses souffrances, il sera incapable d‟apprécier le parfum de la rose :

D‟abord on perd, et ensuite seulement, on trouve. Toi qui n‟as rien perdu, que chercherais-tu ?

Tant que cent épines te tourmenteront de l‟intérieur, tu ne sentiras jamais le parfum d‟une rose de ce jardin. (…)

Sur ce terrain de polo, celui qui, comme toi, est couvert de blessures tombe prisonnier du creux de la canne, à l‟exemple de la balle.

Tu ne te délivreras pas du creux de la canne, „Erâqi, tant que tu n‟auras pas abandonné le soi47

!

1.4 Le Cœur, précieux allié