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3.4 Th´eorie classique de germination

3.4.1 Distribution de taille des amas

Dans l’approximation capillaire utilis´ee par la th´eorie classique de germination, l’´ener- gie libre de formation d’un amas contenant n atomes est la somme d’une contribution volumique et d’une contribution provenant de l’interface,

∆Gn(x0X) = n∆Gnuc(x0X) +  9π 4 1/3 n2/3a2σ.¯ (3.38)

Pour une solution solide sursatur´ee, la force motrice de germination ∆Gnuc(x0

X) est n´ega- tive, la contribution de l’interface ´etant quant `a elle positive, si bien que l’´energie libre de formation ∆Gn(0X) pr´esente un maximum pour la taille critique

n∗ = 4n∗X=− 2π 3  a2σ¯ ∆Gnuc(x0 X) 3 , (3.39)

correspondant `a un rayon critique r∗ = −a a 2σ¯ 2∆Gnuc(x0 X) . (3.40)

Les amas plus petits que cette taille critique, ayant une probabilit´e plus grande de se redissoudre dans la solution solide que de croˆıtre, sont instables tandis que les amas plus grands ont une probabilit´e plus importante de croˆıtre, leur ´energie libre diminuant alors avec leur taille. C’est cette taille critique qui a ´et´e utilis´ee dans les simulations Monte Carlo cin´etique afin de distinguer les amas instables appartenant `a la solution solide des amas stables qui peuvent ˆetre consid´er´es comme faisant partie de la phase pr´ecipit´ee (§2.3.1).

Connaissant l’´energie libre de formation d’un amas de taille n, la probabilit´e d’avoir un tel amas dans une solution solide est [115, 131]

Cn ∼

Cn 1PjCj

= exp (−∆Gn/kT ). (3.41)

Cette expression est formellement correcte dans la limite d’une solution solide dilu´ee (cf. annexe C). Pour de telles solutions solides, la somme sur tous les amas des probabilit´es Cj apparaissant au d´enominateur est n´egligeable devant 1 ce qui explique que seul le num´erateur Cn soit g´en´eralement consid´er´e. Pour ´etablir cette relation, il faut supposer que chaque amas occupe un seul site du r´eseau et que les amas n’interagissent pas entre eux, c’est-`a-dire qu’il n’y a pas d’effet de frustration entre les amas. Nous verrons au paragraphe 3.5 comment ces effets de frustration peuvent ˆetre pris en compte. Notons enfin qu’aucun pr´efacteur n’apparaˆıt devant l’exponentielle. En effet, cette expression est parfois utilis´ee avec la concentration nominale comme pr´efacteur sans aucune justifica- tion v´eritablement physique [127, 132, 133]. Nous verrons que l’expression 3.41 parvient parfaitement `a reproduire les distributions de taille observ´ees au cours des simulations Monte Carlo, sans qu’il soit n´ecessaire d’introduire un quelconque pr´efacteur d`es lors que les param`etres entrant dans l’expression de l’´energie libre de formation ∆Gn sont correc- tement calcul´es. En outre, les d´eveloppements basse-temp´erature aboutissent `a la mˆeme expression de la distribution de taille (§3.5).

Les mod`eles m´esoscopiques de la pr´ecipitation ´etendent le domaine de validit´e de cette loi de probabilit´e pour la distribution de taille des amas au-del`a des solutions solides dilu´ees pour aller jusqu’aux solutions solides sursatur´ees. L’expression 3.41 n’est alors suppos´ee v´erifi´ee que pour les amas de taille inf´erieure `a la taille critique, n≤ n, ´evitant ainsi un probl`eme de divergence pour Cndue `a la d´ecroissance de ∆Gn au-del`a de la taille critique. Comme ce crit`ere correspond `a celui choisi pour discriminer la solution solide des amas stables dans les simulations Monte Carlo, nous nous attendons donc `a ce que les

distributions de taille d’amas observ´ees dans la solution solide au cours de ces simulations v´erifient la relation 3.41.

Dans un premier temps nous allons comparer les distributions de taille observ´ees dans les simulations Monte Carlo avec celles pr´edites par la th´eorie classique en utilisant la force motrice de germination calcul´ee avec la CVM (§3.2.1) et l’´energie libre d’interface isotrope d´eduite de la construction de Wulff utilisant les calculs d’interface plane dans l’approximation de Bragg-Williams (§3.3). Les comparaisons avec les r´esultats obtenus en utilisant d’autres approximations thermodynamiques pour calculer la force motrice de germination viendront dans un second temps.

10−10 10−8 10−6 10−4 10−2 5 10 15 20 nZr Cn Zr x0Zr = 0.0274 % 0.0548 % 0.2 % 0.5 %

Fig. 3.14 : Influence de la concentration nominale x0

Zr sur la distribution de taille des amas dans une solution solide `a T = 500◦C. La limite de solubilit´e `a cette temp´era- ture est xeqZr = 0.0548 at.%. Les symboles correspondent aux simulations Monte Carlo cin´etique et les lignes aux pr´edictions de la th´eorie classique de germination quand la CVM est utilis´ee pour calculer la force motrice de germination.

Pour une solution solide stable (x0 X< x

eq

X), toutes les contributions ´energ´etiques entrant dans la d´efinition de ∆Gn(´Eq. 3.38) sont positives et par cons´equent la taille critique n’est pas d´efinie, tout amas ´etant instable. La distribution donn´ee par la relation 3.41 doit alors ˆetre v´erifi´ee pour toutes les tailles d’amas. La comparaison avec les simulations Monte Carlo montre un tr`es bon accord (Fig. 3.14). Cette comparaison ne peut ˆetre effectu´ee que pour les petits amas car la probabilit´e d’observer des amas de grande taille au cours des simulations est trop faible pour pouvoir ˆetre mesur´ee en un temps de calcul raisonnable. Il faut remarquer que pour une solution solide dont la concentration nominale est ´egale `a la limite de solubilit´e (x0

X= x eq

X) la distribution de taille est toujours correctement pr´edite par l’´equation 3.41. `A cette concentration, la force motrice de germination est nulle si bien que

la seule contribution ´energ´etique restante est celle de l’interface. Il est d’ailleurs possible d’utiliser la distribution de taille mesur´ee au cours des simulations Monte Carlo pour d´eterminer l’´energie libre d’interface lorsque celle-ci n’est pas connue [127]. Dans notre cas, cette ´energie libre d’interface a ´et´e obtenue grˆace aux calculs d’interfaces planes dans l’approximation de Bragg-Williams coupl´es ensuite `a la construction de Wulff. Le fait que les distributions de taille dans la solution solide soient correctement reproduites pour une sursaturation nulle montre donc que cette approche est pleinement satisfaisante et l’emploi du param`etre ¯σ ainsi obtenu dans l’approximation capillaire pour d´ecrire le comportement thermodynamique des amas dans la solution solide est tout `a fait correct. En particulier, bien que les amas consid´er´es individuellement ne soient pas sph´eriques, l’approximation capillaire marche remarquablement bien et ce mˆeme pour les petits amas. Ceci s’explique par le fait que la forme moyenne de ces amas est correctement prise en compte par la construction de Wulff.

Pour une solution solide faiblement sursatur´ee (par exemple, x0

Zr = 0.2 ou 0.5 at.% `a T = 500◦C sur la figure 3.14), un ´etat stationnaire est observ´e au cours des simulations Monte Carlo : le temps de calcul n´ecessaire pour avoir une probabilit´e non n´egligeable d’observer un amas L12 stable dans la boˆıte de simulation est trop ´elev´e si bien que la solution solide demeure dans son ´etat m´etastable. L’accord avec la distribution donn´ee par l’´equation 3.41 est toujours bon, la comparaison s’effectuant d´esormais seulement pour les amas plus petits que la taille critique.

Pour les sursaturations plus ´elev´ees, la concentration xXde la solution solide diminue `a mesure que des pr´ecipit´es se forment (cf. cin´etique de pr´ecipitation, Fig. 2.8). De ce fait, la valeur absolue de la force motrice de germination diminue au cours du temps ce qui conduit `a une augmentation de la taille critique. Il faut donc `a pr´esent recalculer `a chaque instant la concentration de la solution solide ainsi que la taille critique correspondante, ceci de fa¸con auto-coh´erente : l’obtention de la concentration instantan´ee par sommation sur tous les amas plus petits que la taille critique (´Eq. 2.18) doit ˆetre en accord avec le calcul de cette mˆeme taille critique `a partir de la force motrice de germination correspondant `a cette concentration (´Eq. 3.39). Cette valeur instantan´ee de la concentration est ensuite utilis´ee dans l’´equation 3.41 afin d’obtenir la distribution de taille des amas correspondante et de la comparer avec celles observ´ees `a diff´erents instants des simulations Monte Carlo cin´etique (Fig. 3.15). On voit que de cette fa¸con on arrive parfaitement `a reproduire l’´evolution de la distribution de taille. L’´equation 3.41 est donc non seulement bien adapt´ee pour pr´edire la distribution de taille dans la solution solide pendant le stade de germination mais ´egalement pendant le stade de croissance, cette distribution pouvant ˆetre consid´er´ee comme stationnaire `a chaque instant.

Comme nous l’avons vu pr´ec´edemment (§3.2.1), plusieurs approximations thermodyna- miques peuvent ˆetre utilis´ees pour calculer la force motrice de germination, ces diff´erentes approximations conduisant `a des r´esultats diff´erents pour les plus fortes sursaturations de la solution solide (Fig. 3.2). Par cons´equent, les distributions de taille d’amas pr´edites en utilisant les diff´erentes expressions ainsi obtenues pour ∆Gnuc diff`erent ´egalement. Si on compare avec les distributions de taille stationnaires observ´ees au cours des simulations Monte Carlo cin´etique, on s’aper¸coit que le mod`ele de solution solide id´eale ainsi que l’approximation de Bragg-Williams ´echouent dans leurs pr´edictions de la distribution de taille (Fig. 3.16). La taille critique n∗

10−6 10−5 10−4 10−3 10−2 2 4 6 8 n Zr Cn Zr t = 2 s t = 36 s t = 533 s t = 3290 s t = 2 s t = 36 s t = 533 s t = 3290 s

Fig. 3.15 : ´Evolution avec le temps de la distribution de taille des amas dans une solution solide de concentration nominale x0Zr = 1 at.% `a T = 450◦C. Les symboles correspondent aux simulations Monte Carlo cin´etique et les lignes aux pr´edictions de la th´eorie classique de germination quand la CVM est utilis´ee pour calculer la force motrice de germination avec les concentrations instantan´ees et les tailles critiques suivantes : xZr= 1, 0.7, 0.27, et 0.15 at.% et n∗Zr= 7, 8, 18, et 41 aux temps respectifs t = 2, 36, 533, et 3290 s.

respond `a une taille appartenant `a la distribution stationnaire tandis que les probabilit´es pour chaque taille sont trop ´elev´ees par rapport `a celles observ´ees dans les simulations. On ne retrouve donc pas le bon accord obtenu lorsque la CVM est utilis´ee pour calculer la force motrice de germination. Quant aux d´eveloppements basse temp´erature, ils donnent ´egalement un tr`es bon accord ce qui est normal puisqu’ils conduisent `a la mˆeme force motrice de germination que la CVM lorsque les sept premiers ´etats excit´es sont inclus dans le calcul des potentiels chimiques. Ceci confirme donc que le mod`ele de solution solide id´eale et l’approximation de Bragg-Williams ne sont pas adapt´es dans le cadre de notre mod`ele atomique pour calculer la force motrice de germination, l’erreur faite sur ce calcul se r´epercutant imm´ediatement sur la pr´ediction des distributions de taille et toute autre grandeur m´esoscopique associ´ee. En particulier, le fait que la force motrice de germination pr´edite par l’approximation de Bragg-Williams soit moins bonne que celle donn´ee par le mod`ele de solution solide id´eale se voit sur les distributions de taille, celles obtenues avec cette premi`ere approximation ´etant les plus ´eloign´ees de celles observ´ees au cours des simulations.

L’approximation de Bragg-Williams ou le mod`ele de solution solide id´eale conduisent `a de mauvaises pr´edictions des distributions de taille des amas dans la solution solide `a cause

10−5 10−4 10−3 10−2 2 4 6 8 10 nSc Cn Sc CVM Solution idéale Solution régulière t = 1.5 ms 3.1 ms 6.2 ms

Fig. 3.16 : Distribution de tailles des amas dans une solution solide d’aluminium de concentration x0

Sc = 0.75 at.% `a T = 500◦C. Les symboles correspondent aux simulations Monte Carlo cin´etique et les lignes aux pr´edictions de la th´eorie classique de germination pour diff´erentes approximations de la force motrice de germination.

de la tendance `a l’ordre des deux syst`emes ´etudi´es, tendance qui doit ˆetre correctement prise en compte dans le calcul de la force motrice de germination (§3.2.1). Pour des syst`emes `a tendance `a la d´emixtion, ces approximations conduisent `a des distributions de taille correctes : sur un syst`eme mod`ele d´emixtant sur un r´eseau cubique centr´e, Soisson et Martin [56] ont montr´e que les distributions de taille des amas dans la solution solide mesur´ees au cours des simulations Monte Carlo sont correctement reproduites par la th´eorie classique mˆeme lorsque la force motrice de germination est calcul´ee avec un simple mod`ele de solution solide id´eale.