• Aucun résultat trouvé

2.2 Mod`ele atomique

2.2.2 Description cin´etique

Nous disposons donc `a pr´esent d’un jeu d’interactions permettant de d´ecrire la thermo- dynamique des alliages Al-Zr-Sc au niveau atomique. `A partir de ce mod`ele ´energ´etique, le comportement cin´etique de la solution solide est d´ecrit `a l’aide d’un m´ecanisme lacu- naire thermiquement activ´e. Il nous faut donc tout d’abord inclure des lacunes dans la description thermodynamique de Al-Zr-Sc puis d´ecrire les lois permettant d’obtenir les fr´equences d’´echange entre la lacune et ses premiers voisins.

Interactions avec la lacune

Nous introduisons dans le mod`ele thermodynamique pr´ec´edent (´Eq. 2.7) des interac- tions avec la lacune, ces interactions permettant de consid´erer les relaxations aussi bien

´electroniques qu’atomiques autour de la lacune. Sans elles, l’´energie de formation de la lacune EVf or dans un m´etal pur serait n´ecessairement ´egale `a son ´energie de coh´esion, ce qui est en d´esaccord avec les donn´ees exp´erimentales. Ceci pourrait conduire `a une mauvaise r´epartition des lacunes entre les diff´erentes phases et par ce biais modifier les distributions de taille des pr´ecipit´es [57] ou ´egalement faire basculer le m´ecanisme de coa- lescence des pr´ecipit´es d’un m´ecanisme de condensation et ´evaporation des monom`eres `a un m´ecanisme de coagulation [58,59]. En outre, ces interactions avec la lacune permettent de correctement reproduire l’´energie de liaison entre la lacune et le solut´e, cette derni`ere grandeur influant ´egalement sur la cin´etique. Il est par exemple possible d’obtenir un ra- lentissement de la cin´etique de pr´ecipitation par un pi´egeage de la lacune dˆu `a l’addition d’une impuret´e [56]. Les interactions entre lacunes et atomes sont donc n´ecessaires afin d’obtenir une description cin´etique la plus correcte possible. Seules des ´energies effectives avec les premiers voisins de la lacune sont introduites dans le mod`ele thermodynamique, ces ´energies ´etant suppos´ees nulles au-del`a.

Pour Al et Zr, les ´energies effectives ε(1)AlVet ε(1)ZrV sont obtenues `a partir des ´energies de formation de la lacune dans Al [82], EVf or(Al) = 0.69 eV, et Zr [83], EVf or(Zr) = 2.07 eV, grˆace `a la relation

EVf or(A) = 12ε(1)AV− 6ε(1)AA. (2.10)

Cette ´energie de formation de la lacune correspond dans le cas de Zr `a la structure hexagonale compacte et non `a la structure c.f.c. . Comme ces structures, ayant le mˆeme environnement premiers voisins, sont tr`es semblables, nous supposons que cette ´energie de formation est la mˆeme dans les deux structures. Il est ensuite possible de la corriger pour tenir compte de la diff´erence de volume d’´equilibre entre Al et Zr. La correction apport´ee sur EVf or(Zr) est de ∼ 10% et ne change pas v´eritablement l’interaction physique entre la lacune et les atomes Zr. Nous choisissons donc de n´egliger une telle correction.

Pour Sc, l’´energie effective ε(1)ScV est d´eduite de la mesure exp´erimentale [84] de l’´energie de liaison lacune - impuret´e Sc dans l’aluminium5,

EScVbin(Al) = ε(1)AlV+ εAlSc(1) − ε(1)ScV− ε(1)AlAl = +0.35 eV `a 650 K. (2.11) Pour le zirconium, nous ne disposons pas de la valeur exp´erimentale de Ebin

ZrV dans l’alu- minium6, c’est pourquoi nous avons utilis´e l’´energie de formation de la lacune dans Zr pur pour param´etrer ε(1)ZrV. En proc´edant ainsi, nous obtenons une ´energie de liaison lacune - 5Il n’est pas possible de comparer l’interaction ainsi obtenue avec celle d´eduite de l’´energie de formation

de la lacune dans le scandium, aucune valeur exp´erimentale n’ayant ´et´e trouv´ee pour cette grandeur dans la litt´erature.

6En r´ealit´e, ¨Ozbilen et Flower [85] ont d´eduit de mesures de r´esistivit´e une ´energie de liaison Ebin

ZrV=

0.24± 0.02 eV correspondant `a une attraction entre la lacune et les atomes Zr. Cependant, les alliages ´etudi´es ayant une composition nominale en zirconium sup´erieure `a la limite de solubilit´e, le zirconium pr´ecipite et sa composition dans la solution solide varie avec la temp´erature de trempe. L’influence sur la r´esistivit´e de cette variation de la composition en Zr n’a pas ´et´e prise en compte alors qu’elle n’a pas de raison d’ˆetre moins importante que l’influence provenant d’un possible pi´egeage des lacunes sur le solut´e. Cette valeur exp´erimentale apparaˆıt par cons´equent douteuse. Notons que Simon [86] en ´etudiant des alliages moins concentr´es n’a pas ´et´e gˆen´e par une possible variation de la concentration en zirconium de la solution solide et d´eduit alors de ses mesures de r´esistivit´e qu’il n’y a pas de pi´egeage des lacunes sur les atomes Zr.

impuret´e Zr fortement n´egative (Ebin

ZrV = −0.276 eV `a 650 K) ce qui est en accord avec l’observation exp´erimentale [82, 86] concluant qu’il n’y a pas d’attraction (et donc peut- ˆetre r´epulsion) entre la lacune et Zr dans l’aluminium. Cette r´epulsion avec la lacune dans le cas de l’impuret´e Zr et cette attraction dans le cas de Sc semblent li´ees `a la diff´erence d’´energie de coh´esion entre ces deux esp`eces, Zr ayant une ´energie de coh´esion beaucoup plus importante que Sc. Cela pourrait expliquer pourquoi la diffusion de Zr est si lente dans l’aluminium compar´ee `a celle de Sc.

Cette mˆeme ´energie de liaison avec la lacune dans l’aluminium a ´et´e calcul´ee ab initio pour tous les ´el´ements de transition [74]. Les auteurs obtiennent une interaction r´epulsive aussi bien dans le cas de Zr que de Sc, en contradiction donc avec la donn´ee exp´erimentale que nous avons utilis´ee pour obtenir l’interaction Sc-V. Le d´esaccord pourrait provenir des approximations utilis´ees dans ce calcul ab initio utilisant la m´ethode de la fonction de Green de Kohn-Korringa-Rostoker, en particulier la non prise en compte des relaxations atomiques et la consid´eration dans le calcul uniquement des atomes premiers voisins du complexe solut´e-lacune.

Nous utilisons ´egalement la valeur exp´erimentale de l’´energie de liaison de la bi-lacune dans l’aluminium, E2Vbin = 0.2 eV [82], afin d’obtenir l’interaction lacune-lacune, ε

(1) VV = 2ε(1)AlV− ε(1)AlAl− Ebin

2V . Sans cette interaction (ε (1)

VV= 0), l’´energie de liaison de la bi-lacune serait trop basse, les bi-lacunes n’´etant alors pas aussi stables qu’elles semblent l’ˆetre exp´erimentalement. Cependant, de r´ecents calculs ab initio [87, 88] ont montr´e que les bi-lacunes seraient en fait instables dans l’aluminium, le comportement non Arrhenien observ´e exp´erimentalement pour la concentration de lacune dans l’aluminium ´etant dˆu `a la contribution anharmonique des vibrations atomiques et non `a la pr´esence de bi-lacunes. Comme nos boˆıtes de simulation ne contiennent pas plus d’une lacune, ceci n’influence pas nos simulations de Monte Carlo cin´etique et nous avons donc gard´e l’interaction entre deux lacunes telle que choisie initialement. Par contre, cette interaction aura une influence si nous sommes oblig´es d’introduire plus d’une lacune dans la boˆıte de simulation afin de consid´erer un effet de pi´egeage de la lacune par les pr´ecipit´es, ou ´egalement si nous utilisons le mˆeme jeu de param`etres pour construire une approximation en champ moyen de notre mod`ele cin´etique. Il faudra alors revoir le param´etrage de cette interaction.

Barri`eres de migration

La cin´etique de l’alliage est d´ecrite grˆace au saut d’une lacune avec un de ses douze atomes premiers voisins. La fr´equence d’´echange de la lacune avec un voisin de type A (A≡ Al, Zr ou Sc) est une grandeur thermiquement activ´ee,

WA−V= νAexp  −E act A kT  , (2.12)

o`u νA est la fr´equence d’attaque de l’atome de type A et EAact est la barri`ere d’´energie `a franchir pour amener un atome A de sa position stable `a la position de col. Eact

A est obtenue comme la diff´erence entre la contribution espA de l’atome A `a l’´energie en position de col et la somme des liaisons `a couper pour r´ealiser l’´echange entre la lacune et l’atome

A [89], Eact A = e sp A − X j ε(1)Vj X j6=V ε(1)AjX j ε(2)Aj. (2.13)

La contribution de l’atome A `a l’´energie en position de col, espA, peut d´ependre de l’en- vironnement autour de la position de col, tout comme la fr´equence d’attaque νA [57, 61]. Cependant, comme nous ne disposons pas de suffisamment d’information pour savoir si c’est le cas ou non dans Al-Zr-Sc, nous avons consid´er´e ces deux param`etres comme ne d´ependant que de l’esp`ece atomique qui s’´echange avec la lacune.

Pour d´ecrire la cin´etique du ternaire Al-Zr-Sc, nous devons donc ajuster six para- m`etres : les contributions aux ´energies en position de col espAl, espZr et espSc, ainsi que les fr´equences d’attaque νAl, νZret νSc. Ces grandeurs sont ajust´ees de fa¸con `a reproduire les valeurs exp´erimentales du coefficient d’auto-diffusion de l’aluminium [90] et des coefficients de diffusion des impuret´es Zr [90, 91] et Sc [92] dans Al,

DAl∗ = 0.173× 10−4exp (−1.30 eV/kT ) m2.s−1,

DZr∗ = 728× 10−4exp (−2.51 eV/kT ) m2.s−1,

DSc∗ = 5.31× 10−4exp (−1.79 eV/kT ) m2.s−1.

Les variations avec la temp´erature de ces coefficients sont repr´esent´ees sur la figure 2.5.

10−26 10−22 10−18 10−14 1/600 1/500 1/400 1/300 1/250 1/T (°C) D (m2/s) DAl* DSc* DZr*

Fig. 2.5 : Diagramme d’Arrhenius du coefficient DAl∗ d’auto-diffusion de l’aluminium

et des coefficients de diffusion DZr∗ et DSc∗ des impuret´es Zr et Sc dans Al.

L’ajustement des param`etres cin´etiques est effectu´e grˆace au mod`ele `a « 5 fr´equences de saut » [93–95]. Ce mod`ele permet de relier le coefficient de diffusion de traceur `a dilution infinie pour un r´eseau c.f.c. aux fr´equences d’´echange de la lacune avec ses voisins lorsqu’elles ne d´ependent que de leur environnement premier voisin. Ceci n’est pas tout `a fait le cas dans notre mod`ele atomique puisqu’il y a une interaction non nulle aux seconds voisins entre les atomes de solut´e et le solvant. De ce fait, la lacune poss`ede deux fr´equences diff´erentes pour s’´echapper d’un site premier voisin de l’impuret´e (Fig. 2.6) :

w

0

w

0'

w

3'

w

3

w

1

w

2

w

4

Fig. 2.6 : D´efinition des diff´erentes fr´equences d’´echange de la lacune pour le mod`ele `

a « 5 fr´equences de saut ». Les traits ´epais rep`erent les sites premiers voisins du solut´e et les traits pointill´es les seconds voisins.

Tab. 2.4 : Param`etres cin´etiques : contributions `a l’´energie en position de col et fr´equences d’attaque des diff´erents types d’atome.

espAl = −8.219 eV espZr = −11.464 eV espSc = −9.434 eV νAl = 1.36× 1014 Hz νZr = 9× 1016 Hz νSc = 4× 1015 Hz

W3′ si le site d’arriv´ee est second voisin de l’impuret´e (2/7 des cas) et W3 si le site

d’arriv´ee est quelconque (5/7 des cas). De mˆeme, la fr´equence de saut de la lacune dans le solvant pur se d´edouble en W0′ et W0 suivant que le site d’arriv´ee est second voisin de

l’impuret´e ou quelconque. Cette diff´erence intervient au niveau du calcul du facteur de corr´elation fX∗ de la diffusion du solut´e et, comme nous n’en avons pas tenu compte dans

l’application du mod`ele, ceci explique pourquoi le coefficient de diffusion donn´e par ce mod`ele diff`ere parfois l´eg`erement de celui extrapol´e des simulation Monte Carlo (§2.4.1), cette faible diff´erence ´etant facilement prise en compte en renormalisant les ´echelles de temps des simulations (§2.3.4). Une expression exacte du coefficient de diffusion dans le cas de fr´equences d’´echange d´ependant de l’environnement premier et second voisin de la lacune a ´et´e obtenue par Okamura et Allnatt [96]. Cependant, dans le cadre d’une proc´edure d’ajustement des param`etres cin´etiques du mod`ele atomique, nous pr´ef´erons utiliser l’expression plus simple donn´ee par le mod`ele `a 5 fr´equences de saut.

Avec ces limites du mod`ele `a « 5 fr´equences de saut » en tˆete, le coefficient de diffusion du solut´e peut alors s’´ecrire sous la forme

DX∗ = a2fX∗exp  −(EVf or − E bin XV)/kT  W2(T ), (2.14)

W2(T ) ´etant la fr´equence d’´echange entre la lacune et le solut´e (Fig. 2.6) et a = 4.032 ˚A le param`etre de maille de l’aluminium. Dans le mod`ele atomique pr´esent´e pr´ec´edemment, ce coefficient de diffusion s’exprime en fonction des param`etres cin´etiques par

DX∗ = a2fX∗νXexp  −(espX − 5ε (1) AlAl− 12ε (1) AlX− 6ε (2) AlX)/kT  . (2.15)

Lors de la proc´edure d’ajustement, le facteur de corr´elation fX∗a ´et´e suppos´e comme ´etant

´egal `a 1 et nous avons v´erifi´e a posteriori que cette hypoth`ese est raisonnable. Quant au coefficient de diffusion du solvant, il est donn´e par

DAl∗ = a2f0exp  −EVf or/kT  W0(T ) = a2f0νAlexp  −(espAl− 17ε (1) AlAl)/kT  , (2.16)

avec f0 = 0.78145 pour un r´eseau c.f.c. .

Les param`etres cin´etiques obtenus par le biais de cette proc´edure d’ajustement sont pr´esent´es dans le tableau 2.4. Nous disposons ainsi d’un mod`ele atomique complet repro- duisant de fa¸con quantitative le comportement thermodynamique des alliages Al-Zr-Sc, en particulier les limites de solubilit´e de Zr et Sc dans Al et les ´energies de formation des compos´es ordonn´es, ainsi que leur comportement cin´etique, les coefficients de diffusion des diff´erentes esp`eces atomiques ´etant correctement reproduits. Nous allons `a pr´esent voir comment ce mod`ele atomique est utilis´e pour ´etudier les cin´etiques de pr´ecipitation.