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Distinction : mondialisation ̸ globalisation ̸ internationalisation

Chapitre 2 Cadre conceptuel et théorique: représentations sociales, sociologie de l’expérience,

2.3 Mondialisation et changement en éducation

2.3.1 Distinction : mondialisation ̸ globalisation ̸ internationalisation

La distinction entre les trois notions, mondialisation, globalisation et internationalisation est importante pour ce travail, quoi que le fil paraisse très mince dans certaines définitions

proposées, comme celle du dictionnaire Le Robert qui situe l’apparition des mots « mondialisation » et « globalisation » dans l’année 1960 et leur attribue la même définition : « la mondialisation » ou « la globalisation » est « le fait de devenir mondial, de se répandre dans le monde entier ». Mais dans « Le jeu entre le local et le global : dualité et dialectique de la globalisation », Dimitrova (2005) trouve cette définition « neutre », puisqu’elle couvre seulement des « implications spatiales à travers la référence à la notion d’extension et d’expansion géographiques des phénomènes à une échelle de plus en plus élargie et grande » (p.6). Pour Dimitrova (2005), « la globalisation » désigne un processus unicausal se réduisant à la dimension économique, tandis que « la mondialisation » décrit un processus multicausal et multidimensionnel influençant tous les différents aspects de notre vie » (Dimitrova, 2005: 9).

D'autres auteurs font également la distinction entre mondialisation et globalisation. Dans

Anthropologie de la globalisation, Abélès (2008) donne une définition inverse de celle de

Dimitrova; il précise que la mondialisation remontre à la fin du XIXe siècle avec l’intensification des échanges et l’internationalisation de l’économie, alors que la globalisation est un phénomène récent qui a entrainé une transformation des croyances et des pratiques des humains à l’échelle planétaire138.

Au cours des années 1980 en Angleterre, le mot « globalisation » a pu être défini de manière plus précise (Dimitrova, 2005). En économie, il a une double signification : « la convergence des marchés dans le monde entier » et « l’augmentation et l’accélération des flux de capitaux qui débordent les frontières nationales et échappent au contrôle de l’État »; et ce n’est qu’à partir des années 1990 que le mot « mondialisation » a été défini en français en dehors de la dimension économique de ce processus, couvrant ainsi des aspects politiques, culturels et sociaux (Dimitrova, 2005). Dimitrova (2005) souligne que « ce débat sémantique n’existe que dans le contexte français, et que dans toutes les autres langues, on n’utilise qu’un seul mot pour traduire le vocable anglo-saxon de « globalisation » (p.7). Pour ce qui de Dubet (2005), il affirme que la globalisation :

138 Marc Abélès, anthropologue, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales de Paris (EHESS), dirige le Laboratoire d'anthropologie des institutions et des organisations sociales (LAIOS/CNRS).

désigne moins la formation d’un type de société unique que la dissociation croissante de systèmes d’intégration, de contrôle et de socialisation, d’un côté, le développement de marchés divers, d’un autre côté, et enfin l’affirmation d’une autonomie du sujet […]. Et il n’y a pas à choisir entre elles si l’on considère que chaque individu réel vit dans ces trois registres de l’action, dans ces trois sphères, et que c’est à l’articulation des trois que se pose le problème de son « travail », de son action en tant qu’individu devant composer avec les logiques qui le portent et le traversent 139.

Selon Harvey (2000), la globalisation signifie « la compression de l´espace et du temps » dont découle l’obligation pour les individus de la reconsidération de leurs perceptions spatio- temporelles que les changements globaux imposent.

D’autres auteurs établissent une distinction entre mondialisation et internationalisation. À ce propos, Rocher (2001) stipule que l’internationalisation « réfère aux échanges de diverses natures, économiques, politiques, culturels, entre nations, aux relations qui en résultent, pacifiques ou conflictuelles, de complémentarité ou de concurrence » et que la globalisation « ferait référence à un système-monde au-delà des relations internationales, au-delà de la mondialisation, un fait social total au sens propre du terme, un référent en soi ».

Au niveau des approches, le contexte mondial actuel favorise l’approche comparative qui permet « la réorganisation de l’espace mondial », « la recomposition des systèmes éducatifs » et « la restructuration du travail scientifique » (Nóvoa, 2001). Mais, certains auteurs appellent à la vigilance par rapport aux comparaisons internationales pour éviter des biais, dont celui de « la tyrannie des échelles internationales »140 évoquée par Robinson (1999), pour qui la mise en corrélation des réussites scolaires et des performances économiques fragilise les discussions en éducation. Pour Nóvoa (2001), cette problématique se pose avec plus d’acuité dans le contexte mondial actuel, conséquemment à « l’intégration de l’autre et à la réduction à une matrice unique de données recueillies en plusieurs pays », dans le cadre d’une « pensée mondiale » (p.45). Selon l’auteur, cette « intégration de l’autre » a aussi une dimension inégalitaire vu la hiérarchisation des pays; mais cette idée pourrait être entendue dans le sens d’une inadéquation entre concepts traditionnels et « espace mondial ».

139 François Dubet, « Pour une conception dialogique de l’individu.», EspacesTemps.net, Textuel, 21.06.2005 http://espacestemps.net/document1438.html

Cependant, la question de ce qui est appelé « tyrannie des échelles » (Robinson, 1999), peut être un phénomène transitoire étant donné les efforts déployés par des gouvernements et des organisations internationales tels le PNUD, l’OCDE, l’ACDI et l’UNESCO dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, y compris entre genres, qui sont des facteurs de ralentissement économique et des obstacles au développement.

Par ailleurs, Nóvoa (2001) distingue entre « globalisation » dans le sens de l’uniformisation et de l’homogénéisation et utilisation du processus comme instrument par des «communautés interprétatives ». En se référant à Arnove et Torres (1999), l’auteur affirme que l’école connaît actuellement des changements issus des effets des grands bouleversements des processus identitaires traditionnels et que le cadre national ne peut suffire comme seule référence pour les politiques éducatives. Il donne comme l’un des indices de ce changement « la formation permanente du citoyen » actuel (connaissances, certification, etc.), ce que Nicolas Rose appelle une « capitalisation économique continue du self » (1999).

En effet, le « retour du sujet » a un impact sur le renforcement des « approches expérientielles » qui favorisent la « reconstruction d’une identité personnelle » et accentuent le recul « d’une vision du monde de l’éducation comme structure » (Nóvoa, 2001). L’intérêt de ces approches parait dans le changement que les sciences sociales ont connu; les études féministes et la place de la subjectivité en tant qu’« espace de connaissance » en sont des indices forts (Nóvoa, 2001).

Quant au domaine de l’éducation, les recherches portant sur les acteurs éducatifs ont connu plus de développement pendant la transition vers des « systèmes globaux d’interprétation » fondés sur les structures, qui prennent en considération des « singularités individuelles et collectives » (Nóvoa, 2001). Nóvoa (2001) voit dans cette transition des structures aux acteurs un projet « essentiellement politique ».

Boli et Thomas (1999), de leur côté, relèvent deux conséquences de l’instauration d’une « culture mondiale », 1) la présence de définitions, de principes et de manières de penser semblables, élaborés cognitivement à l’échelle mondiale, et 2) une synchronisation au niveau de l’application de cette culture, avec une adaptation aux divers espaces. Si on relie ces deux points avec l’objet de cette recherche, on peut dire que la dimension internationale s’avère

très importante dans le cas de transfert de modèles d’éducation-formation, de programmes, de méthodes et de connaissances, avec une prise en considération du contexte d’accueil.

Dans cette perspective, plusieurs recherches ont été menées sur l’internationalisation et le contexte local (Huberman, 1973, Green, 1997; Arnove et Torres, 1999; Nóvoa, 2001; OCDE, 2006). Dans ce sens, la sociologie de l’expérience, en lien avec la dimension mondiale et le changement en éducation, permettrait d’appréhender plus profondément les actions de transfert entreprises par des acteurs à l’échelle nationale et internationale, en lien avec les différences des contextes (Huberman,1973; Green, 1997; Arnove et Torres, 1999; Nóvoa, 2001; OCDE, 2006).

Nous déduisons de ce tour d’horizon que la compréhension du phénomène de transfert de modèles d’éducation-formation à travers une étude de cas, réalisés par des partenaires entre deux contextes autant différents par leurs spécificités locales que proches par des points de convergence dans leurs visions et objectifs, ne peut être appréhendée hors d’un cadre théorique et conceptuel composé, en l’occurrence, des représentations sociales, de la sociologie de l’expérience et de la mondialisation et le changement en éducation. Et comme déjà mentionné, les circonstances mondiales dans lesquelles se produit cette recherche nous amènent à la prise en considération de différentes dimensions locales et internationales. Dans le chapitre suivant, nous traitons de la méthodologie de la recherche.