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Chapitre 2 Cadre conceptuel et théorique: représentations sociales, sociologie de l’expérience,

2.1 Les représentations sociales

2.1.2 Définitions

Selon Moscovici (1981)128, les représentations sont « des formes de savoir naïf, destinées à organiser les conduites et orienter les communications […], un ensemble de concepts, d’énoncés et d’explications qui proviennent de la vie quotidienne […], l’équivalent, dans notre société, des mythes et des systèmes de croyances des sociétés traditionnelles » (p.181). Elles se forment pendant les « communications interpersonnelles » et assurent « l’élaboration des comportements et la communication entre les individus » (Moscovici, 1976). À travers la représentation sociale, le savoir connait une transformation dans deux sens, du scientifique au sens commun et du sens commun au scientifique (Moscovici, 1961; Mannoni, 2006).

127 dans Jodelet, 1994 128 dans Forgas, 1981.

Quant à Laplantine (1994)129, il définit les représentations sociales comme :

la rencontre d’une expérience individuelle et de modèles sociaux dans un mode d’appréhension particulier du réel : celui de l’image-croyance qui, contrairement au concept et à la théorie qui en est la rationalisation seconde, a toujours une tonalité affective et une charge irrationnelle. C’est un savoir que les individus d’une société donnée ou d’un groupe social élaborent au sujet d’un segment de leur existence ou de toute leur existence. C’est une interprétation qui s’organise en relation étroite au social et qui devient, pour ceux qui y adhèrent, la réalité elle-même. (p. 278)

Pour Jodelet (1994), les représentations sociales sont des « systèmes d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, qui orientent et organisent les conduites et les communications sociales » (p.36). Trois éléments interdépendants composent une représentation sociale: la communication, la restitution du réel et la maitrise de l’environnement (Moscovici, 1981; Jodelet, 1994).

Figure 2.1 : L’espace d’étude des représentations sociales, Jodelet (2004)

Selon Abric (1987, 1994, 2003) 130, tenant de la théorie du noyau central, les représentations sociales sont « le produit et le processus d’une activité mentale par laquelle un individu ou un groupe, reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une signification spécifique » (p.64). Dans cette perspective, le noyau central constitue un élément fondamental de la représentation, vu son rôle déterminant dans sa « signification » et son «organisation»; il accomplit « une fonction génératrice de sens» comme catalyseur dans la création et la transformation du sens de la représentation, et « une fonction organisatrice » comme pivot stabilisateur autour duquel s’ordonnent les éléments périphériques de cette représentation (Abric, 1987, 1994, 2003), dont les transformations sont liées aux pratiques sociales (Abric, 1987, 1994, 1997, 1998, 2003, 2006, 2007; Flament, 1994, 2003, 2006).

En ce qui concerne les approches utilisées pour l’étude des représentations sociales, on trouve principalement l’approche sociologique et l’approche anthropologique.

2.1.1.1 L’approche sociologique

Issue de la conception des représentations sociales comme forme d’expression sociale et culturelle, cette approche porte plus sur le fonctionnement général de la société que sur la pensée individuelle; elle prend en considération l’ancrage social et l’efficacité sociale globale de la représentation – étant donné le lien étroit entre celle-ci et le milieu culturel – et considère les discours des individus comme un outil de distinction entre l’individuel et l’interprétatif collectif (Kohl, 2006).

2.1.1.2 L’approche anthropologique

Cette approche considère la représentation sociale comme le résultat d’une dynamique sociale où l’observation participante est importante (Kohl, 2006). Laplantine (1994) l’a utilisée comme technique pour l’étude des représentations sociales de la maladie en incluant l’analyse du statut social des individus, l’approche de la logique des systèmes « étiologico-

130 Cité par Abric lui-même (1994), « L’étude expérimentale des représentations sociales », in Jodelet. Les

thérapeutiques »131 qui influencent directement ou indirectement les représentations, les modèles épistémologiques qui rentrent en jeu dans la perception de la maladie et les représentations différentielles à travers « les systèmes de prise en charge » (Laplantine, 2004)132.

En ce qui a trait à l’émergence des représentations, le schéma suivant de Mannoni (2006) la présente en trois scènes interreliées:

Scène 1 Scène 3 Scène 2

Imaginaire individuel Réalité sociale Imaginaire collectif agie

Représentations individuelles Actions socialement représentées Représentations sociales

Triple scène où se jouent les représentations

Figure 2.2 : Émergence des représentations. Reproduction libre du schéma de Mannoni (2006 : 121)

En somme, l’étude des représentations sociales touche à des facteurs d’ordre informatif, cognitif, idéologique et normatif, à côté des croyances, des valeurs, des attitudes et des opinions (Jodelet, 1994). Mais l’inclusion de ces différents paramètres dans une analyse pourrait entrainer de possibles confusions, par exemple entre stéréotypes, attitudes, opinions et représentations sociales, dont les conditions de production sont différentes (Doise, 1988); ce qui se traduirait par d’autres confusions au niveau théorique et méthodologique (Doise, Clémence et Lorenzi- Cioldi, 1994; Beauvois, Joule et Monteil, 2004). Enfin, l’étude des

131 L’étiologie : L'étude des causes, des facteurs associés à la condition pathologique, Le Robert, version électronique : Étude des causes des maladies.

représentations sociales est complexe vu le niveau élevé de complexité de leurs objets. En effet, la complexité du concept de représentations sociales vient de sa situation à l’interface de la sociologie, de la psychologie sociale, de l’anthropologie et de l’histoire, positionnement qui explique également sa transversalité et son adaptation à différents champs disciplinaires dont l’éducation et la formation (Jodelet, 1994).

Parlant plus particulièrement des phénomènes sociaux, Miles et Huberman (2003) affirment que:

les phénomènes sociaux, tels le langage, les décisions, les conflits et les hiérarchies existent objectivement dans le monde et exercent de fortes influences sur les activités humaines parce que les gens les déclinent dans leur vie quotidienne. Des choses qui sont crues deviennent réelles et peuvent être étudiées. (p.16)

Avant de passer à la section consacrée à la sociologie de l’expérience, nous nous arrêtons sur la notion d’intersubjectivité qui appelle à être définie, étant donné que la dimension intersubjective peut également intervenir dans les opérations de transfert de modèles.

Tout d’abord, dans Critique de la faculté de juger, Kant (2000) a développé la notion d’intersubjectivité en tant que notion philosophique. Ensuite, cette notion a été liée au philosophe Edmund Husserl, fondateur de la phénoménologie, puis à Merleau-Ponty (1945). Husserl (2001) appelle intersubjectivité la reconnaissance par notre « conscience » de l’existence des autres « consciences ». Ce qui nécessiterait la prise en considération du discours et de la pensée de l’autre dans la construction ou le développement des connaissances.

Citant Husserl, le Dictionnaire Le Petit Robert la définit comme suit : « Une subjectivité révélée à elle-même et à autrui, est à ce titre une intersubjectivité ». Et pour Bourdon (1999), elle est une « communication telle qu’elle s’établit entre les consciences » (p. 656). Plus encore, l’intersubjectivité peut avoir un effet transformateur étant donné qu’elle utilise le dialogue qui a « une force métamorphosante » (Gadamer,1995)133.

En termes plus simples, l’intersubjectivité peut faire avancer le processus du travail d’un groupe de partenaires, en l’occurrence dans un projet comme celui de transfert de modèles d’éducation-formation, à travers la confrontation de leurs idées, le dialogue et la communication; en effet, la reconnaissance de cette intersubjectivité peut être un élément facilitateur du consensus dans des étapes de difficultés ou d’adaptation.