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pour ce dispositif en Europe du Nord ?

2.2 Les technologies de captage, transport et stockage

2.2.3 Un dispositif technique dont l’utilisation est contestée par d’autres protagonistes

Compte tenu du contexte norvégien, l’utilisation des technologies de CTSC semble à pre-mière vue consensuelle et « idéale ». Mais est-ce vraiment le cas ? Les entretiens réalisés en Norvège illustrent à l’inverse deux positions divergentes quant à l’utilisation de ce dispositif technique. Rappelons ici les éléments marquant de ces controverses pour les projets de

Mong-stad et de Snøhvit.

La décision de réaliser un pilote de captage de CO2 sur la centrale électrique et la raffinerie de

Mongstad a fait l’objet d’un accord entre le gouvernement et Statoil en 20059. Ce centre de

test du captage du CO2 devait initialement être opérationnel pour 2014. Suite à cette décision, des accords ont été signés en 2007 avec Dong Energy et Shell, respectivement propriétaires de la centrale électrique et de la raffinerie sur lesquelles devaient être testés les dispositifs de captage du CO2. L’ensemble du consortium investi dans ce projet a été établi en 2009. Il as-sociait aux partenaires cités précédemment Gassnova SF, agissant au nom de l’État norvégien, Aker Clean Carbon et Alstom, comme fournisseurs des technologies de captage du CO2. Les technologies de captage du CO2 utilisées dans ce centre se limitent toutefois au test des techno-logies de post-combustion. Les amines sont utilisées sur la centrale électrique, et de l’ammoniac à basse température (« chilled Ammonia ») sur la raffinerie. Selon Evar et Shackley (2012, p. 177), le choix de tester uniquement le captage post-combustion a été justifié par sa simpli-cité d’installation. Le captage post-combustion ne nécessite pas de modification des industries en elles-mêmes. Ce dispositif intervient en effet en fin de cycle et capte le CO2 dans le flux des fumées industrielles. Utiliser une technologie de captage post-combustion ne nécessite donc pas une transformation de la chaudière ou du combustible à brûler pour capter le CO2. Dans le projet de Mongstad, les délais de réalisation ainsi que les coûts initialement prévus n’ont pu 9. http ://www.tcmda.com/en/Press-center/News/2006/World-class-environmental-power-project-at-Mongstad/. Consulté le 6 octobre 2014.

être tenus. Les tests ont commencé au début de l’année 2012 et doivent se terminer en 201610. Ces délais de réalisation et l’augmentation des coûts ont bien entendu fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part de l’ONG Bellona (Op. cit., p. 176). Cependant, la dimension essentielle de la controverse autour de ce projet est liée au risque sanitaire concernant l’utili-sation d’amines pour capter le CO2. Comme le soulignent Evar et Shackley (Op. cit., p. 178), un rapport réalisé par l’institut norvégien de recherche sur l’air souligne que la dégradation des amines, formant des nitroamines, pourrait avoir des conséquences pour la santé. Cependant, les conséquences des risques sanitaires relatifs à l’utilisation d’amines sont peu connues. Les seuils limites scientifiquement validés au début du projet, pour lesquels une concentration d’amines s’avère cancérigène varient d’un rapport à l’autre.

Suite à la définition d’un scénario critique, Statoil décide donc de stopper son projet tant que de telles incertitudes ne sont pas levées. Toutefois en 2010-2011, de nouvelles données sur les effets sanitaires des amines sont connus et minimisent le risque de cancer établi dans les précé-dents scénarios (Op. cit., p. 180-181). Aker le fournisseur d’amines propose même une solution technique permettant d’éliminer les nitramines et les nitrosamines des fumées industrielles. Selon Evar et Shackley, Statoil continue cependant d’affirmer que cette problématique a une importance majeure et propose de développer d’autres solutions de captage du CO2. Cette al-ternative induit de fait un accroissement du coût économique (de 2,900 millions de couronnes norvégiennes11) et un délai de réalisation supplémentaire de trois ans. Cette décision de Statoil provoqua le vote d’une motion de défiance du parti Chrétien démocrate et des autres partis d’opposition à l’égard du ministre de l’énergie (Op. cit., p. 181-182) qui démissionna en mars 2011. Elle provoqua également une nouvelle critique de Bellona accusant Statoil de « poignarder le CTSC dans le dos »(Op. cit., p. 181). Cette ONG considérait qu’un report du projet n’était pas valable au regard des nouvelles connaissances sur les amines.

Pour le projet de Mongstad, la crédibilité de Statoil se trouve donc limitée par les éléments signalés précédemment. De plus, Evar et Shackley rapportent un événement supplémentaire contribuant à décrédibiliser Statoil (Op. cit., p. 182). En décembre 2010, un journal norvégien12 (Aftonbladet) s’appuyant sur les révélations de Wikileaks signale que Statoil avait informé le gouvernement américain qu’il ne poursuivrait le projet de Mongstad que si celui-ci était viable économiquement. De fait, nous comprenons donc la critique de l’attitude de Statoil par diffé-rentes parties prenantes, dont l’organisation écologiste Bellona. En effet, Bellona soutient un développement du CTSC dont la finalité est de contribuer à résoudre le réchauffement clima-tique et non d’être immédiatement économiquement profitable.

Au regard de ces éléments de contexte, le projet de Snøhvit semble participer d’une stratégie similaire de maximisation de l’exploitation des ressources d’hydrocarbures disponibles et de fait, des profits économiques qu’il est possible d’en tirer. Dans ce projet, l’objectif est d’asso-10. Frise chronologique au bas de la page d’accueil du site : http ://www.tcmda.com/en/. Consulté le 14 octobre 2014.

11. Soit 301 050 041 euros.

12. « Wikileaks : US knew about Mongstad before norwegian

parlia-ment »http ://theforeigner.no/pages/news/wikileaks-us-knew-about-mongstad-before-norwegian-parliaparlia-ment/. Consulté le 6 octobre 2014.

cier un dispositif de CTSC à une unité de production de gaz naturel liquide localisée en mer de Barents. Pour ce projet, l’utilisation du CTSC est considéré par Bellona, comme « caution environnementale » pour l’exploitation des hydrocarbures en Arctique. Cette ONG critique donc une telle utilisation de ce dispositif technique qui selon elle ne répond pas à la finalité de réduction des émissions de CO2. L’extrait d’entretien suivant souligne ce propos.

“But the problem is that, now the Norwegian continental shelf is more or less only Statoil, you know, and Statoil first priority is to use their resources to go into new huge prospects like the Barents Sea and. . . they didn’t want to spend their resources in this sort of minor area projects”. Experts-Bellona – 04-01-2012 – Oslo.

Une étude de cas réalisée dans le cadre du projet européen « Create Acceptance13» (Heis-kanen 2006) précise le contexte d’implantation de ce dispositif technique à Snøhvit. Ce travail montre que ce n’est pas tant l’implantation des technologies de CTSC qui a déclenché la contro-verse, mais davantage l’exploitation des gisements gaziers et pétroliers dans la mer de Barents. En effet selon les auteurs de ce rapport, l’écosystème de l’Arctique est déjà très fragile. De fait, l’exploitation d’hydrocarbures fragiliserait davantage cet écosystème et soulève des préoccupa-tions écologiques (Op. cit., p. 9).

Selon l’étude citée précédemment, le système de CTSC associé à ce projet d’unité de production de gaz naturel liquide était davantage perçu comme un atout sur le plan environnemental. Les associations écologistes se sont donc focalisées sur la pérennisation de l’utilisation des énergies fossiles, symbolisée par la mise en œuvre de ce projet (Op. cit., p. 10-11). En revanche, bien qu’il ne fasse pas l’unanimité chez les acteurs locaux, ce projet a tout de même reçu un accueil positif pour une majorité d’entre eux (Op. cit., p. 12). Celui-ci permettait en effet de diversifier l’économie locale, principalement orientée vers l’économie de la pêche, en attirant de nouveaux investisseurs. Ces attentes ont été satisfaites par le projet de Snøhvit qui a dynamisé l’économie locale (Op. cit., p. 14). Toutefois, des critiques persistent concernant la dépendance aux énergies fossiles liée à l’exploitation du gaz et la substitution de cette nouvelle industrie aux anciennes activités économiques.

13. L’objectif de ce projet européen était de définir un outil méthodologique pour gérer cette question de l’acceptabilité sociale des énergies renouvelables. Afin d’y parvenir des études empiriques tel que le cas de Snøhvit présenté ici, ont été réalisés dans le deuxième work package du projet. Pour plus d’informations sur l’outil méthodologique http ://www.esteem-tool.eu/. Consulté le 14 octobre 2014.

2.2.4 Le CTSC en Norvège : un dispositif technique existant