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pour ce dispositif en Europe du Nord ?

2.2 Les technologies de captage, transport et stockage

2.2.2 Développement des technologies de CTSC en Norvège : quels instruments politiques mobilisés ?

En 1991, l’État norvégien introduit une taxe sur les émissions de CO2 et notamment celles des infrastructures offshore. Selon Evar et al. (Evar, Armeni et Scott 2012, p. 20), cette taxe a été introduite en réponse à un débat politique comme une tentative pour concilier une position d’exportateur mondial d’hydrocarbures avec les exigences de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à des échelles nationale et internationale. La conséquence directe de cette taxe est le développement des technologies de CTSC par Statoil sur la plateforme de Sleipner. Nos interlocuteurs de Statoil confirment également ce propos.

“(. . . ) Ok. . . it happened back in 1993, I believe, by the introduction of the Norwegian tax on CO2 emissions. On only offshore Norway, I’m not sure about dates and regression when it came and the real costs, I think it’s around 350 NOK6per ton (. . . ) And as a consequence of that, the Sleipner development I think, decided to do a CO2 storage to get their relieve of the tax, so it was totally, I believe, initiated by the tax system. So we need to get off around the tax, there‘s only one way to do it, or there is actually two ways, because we get a better price of the CO2, or the hydrocarbon gas if you take out the CO2 rather blend it with low CO2 other gas. So they had, they decided at one point to take out the CO2 from their production gas and then they just need to inject it to get rid off the tax. But Sleipner, they have a back door, so to say to open ; that is they can blend their production gas with, other gases, from the area”. Ingénieur Statoil –

02-01-2012 – Trondheim

5. http ://blog.pollutec.com/la-norvege-et-lenvironnement.html#.Uut0PRzt7nQ consulté le 31 janvier 2014 Sur son site internet le groupe Statoil affirme qu’il est le troisième vendeur mondial de pétrole brut. http ://www.statoil.com/en/OurOperations/TradingProducts/Pages/default.aspx consulté le 22 avril 2013.

Le premier motif d’utilisation du CTSC par les compagnies pétrolières est lié à une mo-tivation économique, se soustraire à une taxe coûteuse. En cela, la mise en œuvre de la taxe carbone par le gouvernement remplit son rôle incitatif vis-à-vis de l’utilisation des technologies de captage, transport et stockage du CO2. Ajoutons que l’utilisation de ces technologies s’ins-crit aussi dans les pratiques de production d’hydrocarbures. Selon nos interlocuteurs, séparer des quantités importantes de CO2 présent dans le gaz, améliore sa qualité. Le gaz doit contenir moins de 2% de CO2 pour être revendu. Or en Mer du Nord, il en contient environ 9% (Kong-sjorden, Kårstad et Torp 1998). De fait, cette pratique est courante pour l’exploitation du gaz en Mer du Nord (Evar, Armeni et Scott 2012). Les technologies de captage, transport et stockage du CO2 ne transforment donc pas fondamentalement ce secteur d’activité. Enfin, nos interlocuteurs insistent sur le fait qu’une autre finalité s’ajoute à l’utilisation de ce dispo-sitif technique, la récupération assistée d’hydrocarbures par injection de CO2. Cette pratique prolonge quant à elle la durée d’exploitation des puits, elle représente donc aussi une source de bénéfices. Les technologies de CTSC remplissent ici un double rôle. Elles permettent à la fois aux exploitants d’hydrocarbures de se conformer aux exigences environnementales, en rem-plissant des objectifs d’ordre économique. De plus, ce dispositif technique n’induit que peu de changements dans les procédés industriels des compagnies pétrolières. La séparation du CO2 du gaz exploité est en effet maîtrisée depuis les années 1930 et l’injection de fluides dans des réservoirs d’hydrocarbures depuis les années 1970 (Evar, Armeni et Scott 2012).

D’un point de vue politique, le développement des technologies de captage, transport et sto-ckage du CO2 a été fortement soutenu par le premier ministre norvégien. Lors de son discours des vœux en 2007, ce dernier comparait la mise en place des technologies de CTSC en Norvège à la conquête spatiale États-Unienne. Tous nos interlocuteurs rappellent cet événement dont nous avons retrouvé un extrait dans la presse :

“When President Kennedy said that Americans would land on the moon within 10 years, Americans had not yet been to outer space,” said Jens Stoltenberg, Norway’s Prime Minister, in his 2007 New Years’ Address. “Our vision is that within seven years we will have the technology in place to make it possible to clean greenhouse gas emissions. That will be an important breakthrough in reducing emissions in Norway and when we succeed ; I believe the world will follow. This is a major project for the country. It is our moon landing” Extrait du discours du premier ministre norvégien7.

Cet extrait d’article de presse prolonge les propos d’Evar et al. sur l’origine du développement des technologies de CTSC. La dépendance de la Norvège à la production d’hydrocarbures, son engagement à l’échelle internationale8 dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la sensibilité de l’opinion publique à la question des énergies fossiles expliquent ce soutien politique. Ajoutons aussi que le succès de cette innovation semble tenir à l’héritage socio-économique de la Norvège. Les technologies de CTSC ne sont qu’une reconfiguration de la finalité d’utilisation des technologies développées pour l’exploitation des hydrocarbures, socle

7. http ://www.nortrade.com/index ?cmd¯show_article&id=396. Consulté le 19/01/2012.

8. La Norvège est entrée dans le système européen d’échange de quotas de CO2 en 2008 http ://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/012.pdf pp.5 Consulté le 3 octobre 2014.

de l’économie norvégienne. De fait, le dispositif de CTSC en raison des liens qu’il entretient avec cet héritage socio-économique fait donc partie de « l’identité » de la Norvège comme l’affirment nos interlocuteurs de l’ONG Bellona. Selon eux, cette correspondance entre l’exploitation des hydrocarbures et les technologies de captage, transport et stockage du CO2 explique l’inté-rêt et la facilité de développement de ces technologies, au détriment d’autres types d’énergie renouvelables comme les éoliennes offshore. L’extrait d’entretien suivant illustre ce propos :

“Wind energy it is sort of a parallel story. Wind energy had lots of support and you have mechanisms to support green energy... And there is a construction of wind mills onshore, in Norway, but Norway can really not had much because it’s a technology, that’s established yeah, in Denmark very strongly but other where, also other countries, so for Norway, it doesn’t build Norway, you know, but there is deployment of wind power but where”. Experts-Bellona – 04-01-2012 – Oslo.

Cet extrait d’entretien illustre l’imaginaire sociotechnique associé aux technologies de CTSC en Norvège. Ici comme dans les propos du ministre norvégien, ces technologies représentent un avenir désirable pour la Norvège comparativement au nucléaire. Par ailleurs, il y a également la volonté d’occuper une place de leader mondial dans le développement de ces technologies, à l’instar du Danemark pour l’éolien en mer.

2.2.3 Un dispositif technique dont l’utilisation est contestée par