• Aucun résultat trouvé

De manière générale, les analyses permettent de dégager trois grands constats des pratiques numériques en OSP au sein des sites web et Facebook de la commission scolaire et de ses établissements d’enseignement secondaire. Le premier constat conduit à considérer que les pratiques actuelles sont désavantageuses pour le domaine de l’OSP. Le deuxième amène à se rendre compte que les usages des sites web et Facebook ne sont pas profitables à l’ensemble de la communauté scolaire. Le troisième constat permet de penser que les pratiques numériques des professionnels de l’orientation sont officieuses et laissées à leur initiative.

Un territoire à occuper pour l’orientation scolaire et professionnelle

Il se dégage de la présente étude que l’OSP au sein des sites web et Facebook de la commission scolaire est rare, ce qui fait en sorte qu’elle ne s’approprie que très peu d’espace au sein des sites. En effet, elle n’use qu’une très faible partie des possibilités qu’offrent les technologies afin de promouvoir activement et adéquatement les différents volets de l’accompagnement des jeunes dans leur démarche d’orientation scolaire et professionnelle. De plus, elle est difficile à identifier et à associer avec de l’orientation; elle porte exceptionnellement la signature des services ou des professionnels de l’orientation et est, pour ainsi dire, sans auteur qui en assume le crédit et la responsabilité. Ce constat va de pair avec l’étude de Ozenne et de ses collaborateurs (2018) qui notent que, malgré

111

l’omniprésence des technologies dans le quotidien des professionnels de l’orientation, celles-ci sont faiblement mobilisées à des fins d’OSP. Au-delà de ce constat, ce mémoire permet en outre de situer le territoire inoccupé par l’orientation à celui du milieu scolaire et permet de mieux comprendre la nature de l’orientation présente et manquante au sein des sites scolaires.

À l’opposé de ce qui précède, le récent PAN (2018) souligne que les réseaux sociaux ont trouvé leur place dans le réseau scolaire et que plusieurs commissions scolaires et établissements d’enseignement les ont adoptés. Toutefois, le PAN fait mention également d’une fracture numérique qui fait en sorte que l’accès aux équipements, l’implantation et l’intégration des technologies, les usages et les expertises diffèrent non seulement dans l’ensemble du système scolaire, mais entre les établissements et les différents groupes d’acteurs scolaires, ce qui occasionne une source d’inégalité (PAN, 2018). Il apparait pertinent de déceler si cette fracture numérique touche les services d’orientation. Elle pourrait exister dans l’accès aux sites web et Facebook, dans l’expertise des professionnels et à l’intérieur des différents services offerts par les écoles.

Tout cela amène à considérer que l’OSP aurait avantage à occuper plus d’espace dans ces sites, et à s’identifier clairement comme telle. Chaque visiteur des sites scolaires aurait ainsi l’occasion de reconnaitre l’orientation scolaire et d’avoir, dès le départ, la certitude que l’information mise à sa disposition provient d’un service ou d’un professionnel de l’orientation. De fait, ce visiteur, qu’il soit élève, parent, collègue, enseignant, professionnel ou partenaire, pourrait reconnaitre que l’OSP occupe une place active et dynamique et qu’elle suggère des interactions dans l’environnement numérique scolaire. Ainsi, l’expertise reliée à l’OSP pourrait profiter de la vitrine virtuelle qu’offrent les sites web et Facebook. De même, il serait pertinent de considérer qu’une couverture plus grande de l’environnement numérique scolaire par l’orientation pourrait apporter un soutien aux professionnels de l’orientation dans leur identité professionnelle et une reconnaissance de la profession. En effet, depuis quelques années, les commentaires des professionnels de l’orientation rapportent qu’ils vivent un sentiment de manque de reconnaissance, une méconnaissance de leur profession et une banalisation de leur rôle (FPPE, 2016; OCCOPPQ, 2009; Viviers, 2014). À notre avis, les professionnels de l’orientation devraient saisir l’opportunité de s’approprier l’espace numérique dans leur pratique, sous différentes formes et modalités. Cela pourrait offrir une certaine visibilité à leur pratique, laquelle est caractérisée par Dejours

112

(2008), comme permettant la reconnaissance de production et de manière de faire par la communauté, ce qui offre une structure pour l’identité.

Un cadre à recommander pour les administrateurs et les formateurs

Le deuxième constat qui se dégage de cette étude touche l’organisation de l’OSP numérique, car il apparait qu’elle ne fait preuve d’aucune vision sur les sites de la commission scolaire, et ce, implicitement ou explicitement. On ne décèle aucune visée générale ou spécifique, aucun objectif ou aucune autre structure organisée dans lesquels on pourrait observer certaines intentions ou cibles à atteindre. Que ce soit dans la clientèle visée, dans la nature des contenus d’OSP présentés, dans la quantité disponible ou dans les modalités techniques et graphiques, une pratique désorganisée, voire confuse, qui manque d’harmonie en tous cas, se dégage des sites. Cela permet donc difficilement à la communauté scolaire de bénéficier des services d’OSP numériques profitables et efficients. On peut s’interroger sur quelques éléments potentiels en lien avec ce constat, comme l’encadrement et l’encouragement des milieux de travail en lien avec l’utilisation des technologies, la formation aux technologies numériques dans le parcours initial des professionnels de l’orientation et dans la formation continue, ainsi que l’encadrement éthique et l’organisation structurée des services numériques.

Citons Paterson et ses collaborateurs (2017) qui soulignent la déception de la part de professionnels de l’orientation devant leur organisation qui peine à soutenir des pratiques technologiques innovantes, la culture du milieu favorisant l’intervention individuelle et n’offrant pas de formation en technologie. De leur côté, Ozenne et ses collaborateurs (2018) ont identifié des facteurs afin d’améliorer les intentions d’usages des nouvelles technologies dans le conseil en orientation et montrent que la volonté de l’organisation joue un rôle important. Ils énumèrent également quelques moyens exposés dans les travaux pour favoriser les bonnes pratiques organisationnelles, comme un soutien de la part de la hiérarchie, une structure adéquate, de l’assistance technique et un temps de travail consacré aux technologies (Ozenne et al., 2018). Cela dit, notons que le PFÉQ (2007) et le

PAN (2018) souhaitent que les technologies numériques dans les milieux scolaires soient

un outil offrant des pratiques innovantes, adaptées, accessibles et partagées. Néanmoins, nous croyons qu’une prise de conscience et un grand travail de réflexion et de collaboration venant des milieux scolaires doivent les conduire à favoriser l’OSP par le numérique.

113

Subséquemment, on peut se demander si la formation des professionnels de l’orientation peut jouer un rôle dans l’usage des sites numériques scolaires. Il se trouve que les programmes universitaires en orientation, counseling ou psychothérapie ont très peu intégré les technologies numériques dans les méthodes d’accompagnement et les compétences à acquérir (Anthony, 2015; Ozenne et al., 2018; Richards et Vigano, 2013). L’étude de Paterson (2017) montre d’ailleurs qu’un obstacle à l’usage des technologies numériques en conseil d’orientation est le manque de compétences et de connaissances des professionnels ainsi que le manque de confiance des professionnels de l’orientation en leur compétence numérique. Il est à souligner que les outils numériques sont variés (sites web, sites de médias sociaux, sites intranet, messageries, messageries instantanées, vidéoconférence, clavardage synchrone ou asynchrone, applications) et qu’ils proposent différentes modalités. Tout comme d’autres auteurs (Anthony, 2015; Bernaud et Di Fabio, 2011; Goss et Hooley, 2015; Niles et Harris-Bowlsbey, 2013; Ozenne et al., 2018), nous pensons que les futurs professionnels de l’orientation auraient grandement intérêt à être formés pour les différents outils et pratiques numériques. Nous croyons également que davantage de recherches devraient être menées dans ce domaine afin d’offrir des référentiels et de guider les formateurs, dans les universités par exemple, à préparer adéquatement les professionnels de l’orientation.

Nos réflexions se dirigent enfin vers l’encadrement éthique, puisqu’il est intimement lié à la formation des professionnels. Même si les compétences en conseil d’orientation et les préoccupations éthiques font partie de la formation des professionnels, rares sont les programmes actuels qui articulent les questions éthiques, les compétences du conseil d’orientation et la maitrise des technologies numériques, comme le souligne Anthony (2015) et Ozenne et al. (2018). Toutefois, Richards et Vigano (2013) notent que des organisations professionnelles américaines du domaine du counseling ont modifié leurs codes d’éthique afin de s’ajuster aux modes de pratiques numériques. Il n’en demeure pas moins qu’un travail de partenariat entre différentes entités clés de l’OSP (ex. : universités, Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec, ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, centres de recherche, etc.) pourrait être profitable pour établir un cadre éthique suffisamment complet pour les pratiques d’accompagnement et d’intervention en orientation par le numérique.

114

Une posture à adopter pour les professionnels de l’orientation

Un dernier constat qui émerge de cette étude concerne la position que prennent les professionnels de l’orientation devant les pratiques numériques. En ce sens, les résultats de l’étude mettent en exergue la très faible participation des professionnels de l’orientation à faire usage des sites web et Facebook. Cette faible participation nous amène à réfléchir sur la posture adoptée par les professionnels de l’orientation devant les pratiques numériques. Ici, la posture renvoie à la définition du Petit Robert (2018), en l’occurrence, à une attitude et à être en « situation favorable ou défavorable ». De surcroit, nous avons observé une participation inégale des professionnels puisque certaines écoles offraient plus de contenus d’orientation que d’autres, et que certains professionnels, quoique rares, s’identifiaient aux contenus partagés. Cela nous amène également à considérer un usage des sites que nous qualifions d’« amateur ». Ce terme reprend la définition du Petit Larousse (1997) qui définit « amateur » comme étant une « personne qui cultive un art, une science, pour son seul plaisir (et non par profession) ». Ainsi, un « usage amateur » des sites web et Facebook par les professionnels de l’orientation prend le sens d’un usage des sites par certains professionnels de l’orientation, soit par intérêt, par plaisir, par facilité ou par attrait. Le dernier constat qui se dégage de notre étude nous porte à nous interroger, d’une part, sur l’attitude favorable ou non des professionnels de l’orientation devant l’usage des sites web et Facebook et, d’autre part, sur un usage en dilettante des sites web et Facebook scolaires.

Ce constat trouve écho dans l’étude d’Ozenne et de ses collaborateurs (2018) qui ont construit une échelle pour mesurer l’intention d’usage des technologies Internet pour le conseil en orientation (IUTICO) destinée à 212 professionnels de l’orientation en France. Ils font état de facteurs jouant un rôle dans l’intention d’usage des technologies, dont l’attitude à l’égard d’Internet et le sentiment d’efficacité (Ozenne et al., 2018). L’attitude à l’égard d’Internet montre une relation concluante entre l’attitude positive envers Internet et son utilisation fréquente (Wang et al., 2015) ce qui fait en sorte que l’attitude envers les sites web et les médias sociaux semble prédire leur utilisation (Wang et al., 2015). Le deuxième facteur retenu par Ozenne et al. (2018) est le sentiment d’efficacité, qui renvoie à la confiance dans laquelle s’engage un individu à faire une tâche lorsqu’il perçoit avoir une bonne capacité pour la réaliser. Wang (2015) a démontré qu’il en était ainsi pour les médias sociaux, établissant que le sentiment de compétence envers ceux-ci est un prédicteur de leur utilisation. En outre, l’étude d’Ozenne et al. (2018) arrive à trois conclusions. En premier

115

lieu, les professionnels de l’orientation apparaissent plus favorables à employer des espaces numériques de travail, mais acceptent moins bien l’idée d’effectuer des interactions à distance (Ozenne et al., 2018). En deuxième lieu, il semblerait que l’attitude générale à l’égard d’Internet ait une influence sur l’intention des professionnels d’user des technologies numériques (Ozenne et al., 2018). En dernier lieu, plus un professionnel fait usage des technologies, plus il se sent compétent à le faire. Toutefois, ce n’est pas le sentiment de maitrise qui est souligné ici; même une première expérience qui a impliqué l’usage des technologies numériques favorise l’intention d’usage d’un professionnel (Ozenne et al., 2018).

Dans le même ordre d’idées, soulignons les conclusions d’autres auteurs qui arrivent à considérer que la volonté des professionnels de l’orientation est impliquée dans les changements technologiques (Kettunen, Vuorinen et Sampson, 2015) et que l’état d’esprit des acteurs dans les milieux de l’éducation se transforme devant l’intégration du numérique dans les écoles (Ertmer et Ottenbreit-Leftwich, 2010).

Notre étude nous amène donc à penser qu’il serait pertinent de comprendre la posture et les motivations des professionnels de l’orientation du Québec par rapport à l’usage des sites web et Facebook des écoles. Cela permettrait de mieux cibler les efforts liés au déploiement du numérique en milieu scolaire et ainsi, de permettre un usage professionnel du numérique, dans le sens d’une aptitude professionnelle acquise et reconnue. Cette étude nous amène aussi à croire que les professionnels de l’orientation auraient avantage à avoir suffisamment d’éléments pour être en mesure d’adopter une posture éclairée devant les technologies.