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Le contexte de travail des professionnels de l’orientation et la technologie

La pratique en milieu scolaire

Le travail du professionnel de l’orientation en milieu scolaire est de mettre en œuvre des services d’orientation qui suivent quatre grandes directions : la première est l’évaluation des élèves afin de les accompagner dans la connaissance de leurs ressources personnelles (intérêts, aptitudes, capacités, personnalité, expériences et besoins), la seconde est l’intervention auprès des élèves, la troisième est l’implication dans le cheminement des élèves (scolaire et vocationnel) et la dernière est la responsabilité de procurer les informations scolaires et professionnelles nécessaires aux élèves et aux acteurs scolaires (CPNCF, 2011). En outre, il faut tenir compte de l’évolution du système d’éducation québécois qui favorise le contexte de conversion numérique des milieux scolaires, ce qui donne à la technologie numérique un rôle à jouer dans les services et le travail des professionnels de l’orientation (Leroux et Lebobe, 2015).

Quelques aspects du contexte d’exercice des professionnels de l’orientation

L’OSP au sein de l’école québécoise présente quelques aspects du contexte de l’exercice des professionnels de l’orientation. D’abord des contraintes relevées concernant le manque de professionnels de l’orientation dans les milieux scolaires, ensuite une préoccupation identitaire et une surcharge de travail chez les conseillers d’orientation et enfin, des besoins d’orientation chez les élèves et la mise en œuvre d’une structure d’intervention.

En premier lieu, la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE) a présenté un rapport qui a comme objectif de faire le point sur la situation de l’OSP au sein des commissions scolaires (FPPE, 2016). Le besoin principal souligné est l’accès de l’élève à une démarche d’orientation en raison de contraintes telles que le manque de professionnels, le ratio élèves/professionnel, la surcharge de travail, les tâches administratives ainsi que l’augmentation du nombre d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (FPPE, 2016). Par conséquent, selon le rapport, le ratio actuel professionnel/élève serait insuffisant, étant de 0,66 professionnel de l’orientation (c.o., c.f.s., c.i.s.e.p.) pour 1 000 élèves, ce qui donne plus de 1 500 élèves par professionnel et 1 c.o. par 1 989 élèves (FPPE, 2016). Or, il est mentionné que le Conseil supérieur de l’éducation indiquait qu’un ratio de 1 c.o. par 700 élèves était nécessaire, et ce, à la fin des années 70 (FPPE, 2016). De plus, ce manque de ressources conduit à deux autres

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contraintes, d’une part, à la surcharge de travail qui découle d’un manque de ressources, ce qui laisse moins de temps aux professionnels pour intervenir (FPPE, 2016). D’autre part, à une diminution du personnel administratif, ce qui ajoute des tâches administratives aux professionnels de l’orientation (FPPE, 2016). À cet égard, en 2010, les statistiques de l’OCCOQ rapportaient que 87 % des c.o. qui travaillent dans les commissions scolaires en formation générale auprès des jeunes faisaient diverses tâches administratives ne faisant pas appel à leur rôle ou à leurs compétences spécifiques de c.o. (OCCOQ, 2012). Qui plus est, cette constatation s’inscrit dans un contexte où des problèmes d’accès aux services ont été constatés : 62 % des commissions scolaires ne voyaient pas la possibilité d’offrir des services à l’ensemble des élèves, relevant comme cause possible le manque de planification des services d’orientation dans les écoles (OCCOQ, 2012).

En deuxième lieu, les professionnels de l’orientation manifestent également certains besoins. Entre autres, Viviers (2014) s’est intéressé au travail des c.o. au-delà des différentes descriptions formelles et fait état d’une « souffrance identitaire de métier » chez ceux-ci. Cet auteur définit cette souffrance par un conflit que vit le c.o. entre son désir d’accomplissement professionnel et la réalité du travail qui empêche cet accomplissement (Viviers, 2014). En d’autres mots, pour diverses raisons, le travail actuel des c.o. ne leur permettrait pas de vivre une vie professionnelle satisfaisante, ce qui entraine chez certains une douleur morale. En plus de faire allusion aux problèmes soulevés par l’Ordre, Viviers (2014) dénote des conditions défavorables à une bonne mise en place de l’approche orientante, comme la surcharge de travail des directions d’école et la difficulté d’établir leur leadership, l’intensification du travail de l’ensemble du personnel, la formation continue inefficiente et un manque de formation initiale des c.o. concernant l’approche orientante. À ce sujet, Camiré (2007) signale des difficultés à mettre en place l’approche orientante en raison du manque de ressources humaines, du peu de temps accordé aux activités orientantes, à la formation et à la compréhension de l’approche, ainsi que d’une difficile collaboration entre les membres du personnel scolaire. En l’occurrence, Viviers (2014) constate que la restructuration de l’orientation suggérée par le gouvernement n’a pas donné les résultats attendus et que la responsabilité de répondre aux besoins d’orientation des jeunes, qui doit être partagée par tous les acteurs, s’est dissipée et n’est plus l’affaire de personne. Toujours selon cette étude, l’approche orientante et toute la réorganisation qui en découle n’ont pas contribué à définir clairement la place des professionnels de l’orientation au sein des établissements scolaires (Viviers, 2014).

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Les données du rapport de la FPPE (2016) font état de quatre sources de valorisation et de plaisir dans le travail des professionnels de l’orientation, soit, dans l’ordre, l’utilité pour les élèves, le rôle-conseil, la collaboration équipe-école et la réponse aux besoins. Il est à noter que Viviers (2014) fait état de trois pratiques souhaitées par les c.o., soit la relation d’aide et l’accompagnement spécialisé, le travail direct avec les élèves et le développement vocationnel des jeunes. En contraste, les principaux problèmes mentionnés par les professionnels, selon le rapport de la FPPE (2016), sont la surcharge de travail, le manque de temps pour rencontrer les élèves (counseling), l’augmentation des tâches administratives et le manque de connaissance et de reconnaissance du milieu. Selon ce rapport, les commentaires des professionnels font état d’un sentiment de manque de reconnaissance du milieu et d’une certaine banalisation de la spécificité de leur rôle. Cette banalisation se manifesterait par la méconnaissance de leur rôle en lien avec la formation et l’intervention auprès des élèves handicapés ou des élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, par la vision réductrice de la profession en la qualifiant de plus « facile » depuis l’arrivée d’Internet qui donne accès à l’information scolaire et professionnelle. De plus, avec la mise en place de l’approche orientante et les cours de Projet Personnel Orientant (PPO), les professionnels observent une généralisation de l’idée que tous peuvent faire de l’orientation (FPPE, 2016). Enfin, les répondants mentionnent que, selon le milieu de travail, les pratiques et les demandes sont variables, non seulement parce que les besoins le sont, mais surtout parce que les directions manifestent différentes visions de l’orientation, ce qui contribue à embrouiller le rôle qu’ils occupent (FPPE, 2016).

En dernier lieu, les professionnels de l’orientation qui travaillent auprès des adolescents ont à tenir compte des différents besoins et difficultés de ceux-ci concernant leur orientation. D’abord, les jeunes vivent une période marquée par plusieurs changements intenses comme les changements physiques, psychologiques, identitaires et cognitifs (Cloutier, 1996). Ce lot de changements expose les jeunes à faire face à des enjeux multiples reliés à l’autonomisation, à la socialisation, à la différenciation, à la sexualisation, à la séparation et aux transitions, ce qui est favorable à l’exploration de soi, des autres et de l’environnement (Cloutier, 1996; Cloutier et Drapeau, 2015; Forner, 2007; Guichard, 2008; Lannegrand-Willems, 2017). Cette exploration fait émerger de nouvelles conceptions et offre de nouvelles possibilités pour les adolescents en touchant, entre autres, le domaine de l’OSP (Lannegrand-Willems, 2017). Ainsi, ils rencontrent différentes difficultés, comme l’indécision vocationnelle, l’isolement social, les conflits familiaux, l’anxiété, la confusion

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identitaire, le manque d’estime de soi ou le perfectionnisme (Bolduc, 2005; Bujold et Gingras, 2000; Falardeau et Roy, 1999; Mallet, 1999; Rosenberg, Rosenberg, Schoenbach et Schooler, 1995; Tokar, Withrow, Hall et Moradi, 2003; Wanberg et Muchinski, 1992). On peut donc observer que l’accompagnement des professionnels de l’orientation dépasse largement le conseil de choix scolaire ou professionnel.

Outre ces éléments, l’OCCOQ a proposé un modèle des besoins d’orientation qui fait état de ceux à prendre en considération chez les élèves par les professionnels de l’orientation. Ces besoins dépendent de différents facteurs, soit le fonctionnement psychologique de l’élève, les ressources à sa disposition et les conditions de son milieu. La Figure 6 illustre ce modèle.

Figure 1 - Le modèle des besoins en orientation.

Source : Guide de pratique Orientation en formation générale des jeunes, OCCOQ, 2013, p. 20.

Ces besoins présentent différentes caractéristiques afin de guider le professionnel de l’orientation dans l’accompagnement du jeune. Par ailleurs, la figure 7 présente la description des différents besoins ainsi que des exemples de réponses apportées par les acteurs scolaires. Selon cette description, on remarque que l’élève peut répondre à certains de ses besoins d’orientation d’une manière autodidacte, dans la catégorie des besoins généraux, en ayant accès à des moyens et à des outils d’information fournis par les technologies (ressources web, centres de documentation, banques de données et documents d’information) (OCCOQ, 2013). À noter qu’ici, les technologies sont envisagées comme un moyen de transmission d’informations. Concernant les besoins de la catégorie d’intervention, ceux-ci dépassent cette transmission d’informations et nécessitent un accompagnement et une démarche plus structurée. Les besoins varient, allant de la validation et de la participation à une activité jusqu’à l’accompagnement dans une réflexion

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(OCCOQ, 2013). L’idée directrice est que ces besoins sont exprimés par les élèves et font l’objet de demandes chez les professionnels. Ici, les exemples de réponses aux besoins ne mentionnent pas l’utilisation des TIC. Quant aux besoins particuliers, ils ne se présentent que chez les élèves qui ont des difficultés plus grandes ou particulières. Contrairement aux besoins d’intervention, les besoins particuliers pourraient ne pas être exprimés par les élèves concernés et pourraient être dépistés à l’intérieur des autres niveaux d’intervention (OCCOQ, 2013). Afin d’y répondre, l’évaluation spécifique est suggérée ainsi que la diversification des formes d’intervention. Ici non plus, l’usage des TIC n’est pas mentionné dans les exemples d’intervention.

Figure 2 - Description des besoins d’après le modèle des besoins.

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Les pratiques d’accompagnement à distance

En orientation ou en counseling, certains professionnels font usage des TIC pour la pratique d’accompagnement à distance qui peut endosser différentes appellations : le cyberconseil (Caillier et Falla, 2010), la télépratique (Leroux et Lebobe, 2015), l’orientation sur Internet (Sampson, 2002), le e-counseling et le counseling en ligne (Finn et Barak, 2010). Cet accompagnement à distance est généralement défini comme la prestation de services d’accompagnement au moyen du téléphone, de la messagerie électronique, de la vidéo, de la réalité virtuelle, des séances de clavardage ou de tout autre moyen numérique qui permet au prestataire de recevoir des services d’accompagnement d'un conseiller situé dans un autre espace géographique que le sien (Doherty, Coyle et Matthews, 2010). Ces services peuvent être de l’ordre de l’entretien unique ou d’un suivi qui s’établit dans le temps, d'une intervention de crise, d'une prise de rendez-vous ou d'une alternance avec des rendez-vous en personne (Leroux et Lebobe, 2015).

Actuellement, la question des pratiques d’accompagnement à distance n’est pas tranchée et fait l’objet d’études (Bimrose et al., 2011; Makela, 2015; Sampson et Makela, 2014). Les travaux font mention d’avantages et d’inconvénients, autant pour l’usager que pour l’intervenant. Sommairement, les avantages principaux sont la diminution des problèmes d’accessibilité, de temps d’attente et la flexibilité des horaires (Sampson et Makela, 2014). L’accompagnement à distance semble être aussi efficace que celui en face à face (Barak, Hen, Boniel-Nissim et Shapira, 2008; Richards et Vigano, 2013). Les craintes suscitées seraient principalement d’ordre éthique, déontologique et technologique (Abbott, Klein et Ciechomski, 2008; American Counseling Association, 2014). L’intérêt réside dans le fait que les pratiques de l’intervention à l’aide des technologies ne semblent pas être vouées à des fins de remplacement de l’intervention traditionnelle, mais qu’elles émergent en tant qu’un autre moyen d’intervention, dans lequel les compétences des professionnels seraient transférées (Anthony, 2015; Bimrose et al., 2015). Cette perspective pourrait donc s’inscrire dans le courant actuel de conversion numérique des milieux scolaires et professionnels.

L’usage des technologies par les professionnels de l’orientation

Actuellement au Québec, le secteur de travail où l’on trouve le plus de professionnels de l’orientation est le milieu de l’éducation (52 %). C'est dans l’enseignement secondaire du secteur jeune qu’ils sont les plus nombreux (44 %) suivi de celui à l’éducation des adultes (20 %), et enfin au niveau collégial (17 %) (OCCOQb, 2017). Ceux qui sont âgés de 35 à

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64 ans représentent environ 75 % des professionnels de l’orientation au Québec. On peut donc observer que c’est auprès d’une jeune clientèle (adolescents et jeunes adultes) qu’œuvre la majorité des professionnels de l’orientation du Québec et l’âge de ceux-ci suppose qu’ils font partie de la génération des « immigrants numériques », du « bc – before

computer » ou des « visiteurs numériques », d’après les termes de certains auteurs

(Prensky, 2001; Sanchez-Navarro et Aranda, 2012; Sillipigni Connaway et al., 2013). Toutefois, les professionnels de l’orientation font usage des TIC depuis plus de 40 ans (Turcotte et Goyer, 2016; Watts, 2001) et cet usage est centré principalement sur la diffusion de l’information, de l’accompagnement et de l’administration de tests (Bimrose et al., 2011; Bimrose et al., 2015; Turcotte et Goyer, 2016). Également, depuis une quinzaine d’années, les études concernant l’utilisation des TIC sont en majorité en lien avec la pratique des professionnels du counseling et de la psychothérapie (Turcotte et Goyer, 2016). Ces mêmes auteurs soulèvent le fait que peu d’information est connue sur l’intensité et le type d’utilisation des TIC dans les activités quotidiennes des conseillers d’orientation au Canada. Deux enquêtes web, avec le même échantillon de 265 conseillers d’orientation au Québec (CEFRIOb, 2016; OCCOQ, 2015; Turcotte et Goyer, 2016) ont été réalisées afin de connaitre l’utilisation et les finalités pour lesquelles les conseillers d’orientation intègrent les TIC en intervention. Les résultats montrent que le téléphone et le courriel sont majoritairement utilisés dans la pratique de ces professionnels pour la diffusion d’information, la prise de rendez-vous, les suivis, la tenue de dossier, l’administration de tests, leur propre formation, et que les TIC sont très peu utilisées pour l’accompagnement à distance. De même, peu de counseling en ligne se fait au moyen de vidéo/web-conférences et du clavardage asynchrone ou synchrone (Turcotte et Goyer, 2016). En fait, les modes de communication seraient le téléphone fixe (89 %) ou mobile (56 %), le courriel (57 %), le message texte (33 %), les réseaux sociaux (34 %), la vidéoconférence (16 %) et le clavardage (14 %). Turcotte et Goyer (2016) montrent que les médias sociaux, en particulier Facebook, sont employés par les conseillers d’orientation, mais les objectifs de l’étude n’incluaient pas les finalités d’utilisation de Facebook, alors aucune donnée sur l’intégration des sites Facebook par les conseillers d’orientation n'a été recueillie.

Bref, les milieux scolaires de l’orientation et du counseling ont intégré dans une certaine mesure Internet et les médias sociaux à leur pratique (Kettunen, Vuorinen et Sampson, 2013; Turcotte et Goyer, 2016). Cependant, c’est une minorité de milieux puisqu’ils doivent envisager de nombreuses considérations déontologiques et éthiques pour les acteurs et les

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professionnels scolaires (Anthony, Nagel et Goss, 2010; Makela, 2015; OCCOQ, 2015; Sampson et Makela, 2014).

À la lumière de tout ce qui vient d’être dit, on peut croire que l’usage des technologies numériques par les professionnels de l’orientation en milieu scolaire est un sujet peu documenté, qui retient l’attention et qui mérite d’être exploré. Nous nous intéressons donc à l’usage que les commissions scolaires et leurs établissements d’enseignement secondaire au Québec font des sites web et de Facebook dans le domaine de l’OSP.

1.5 Synthèse : usages des sites web et des médias sociaux par les