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Chapitre 5 : Enjeux d’ethnicités, de genres et d’identités

5.3 De quelle discrimination parle-t-on?

5.3.1 Discrimination indifférenciée

Cette thèse stipule que le traitement inégal ne vise aucune origine ethnique en particulier, mais qu’il porte préjudice à l’ensemble des minoritaires d’origine étrangère (Edo et Jacquemet, 2013; Jacquemet et Yannelis, 2012). S’il n’est pas exclu que des préjugés et des stéréotypes négatifs soient dirigés envers ceux-ci, les chercheurs estiment que le phénomène discriminatoire repose plutôt sur une homéophilie ethnique. Ce concept renvoie à la préférence pour les candidats

majoritaires, soit un parti pris des recruteurs – dont la très grande majorité est « majoritaire »110

– pour des gens de leur propre groupe d’appartenance. Certains tests de correspondance ont corroboré cette thèse, mais d’autres ont également suggéré l’existence d’une hiérarchie ethnique à l’embauche. Déterminer que la discrimination relève de l’une ou l’autre de ces thèses n’est pas chose aisée, surtout à partir de données colligées par la méthode du testing. Dans l’enquête de la CDPDJ à Montréal, les chercheurs discutaient à ce sujet en évoquant d’importantes questions :

« Ainsi, à compétences et à profil égaux, les probabilités pour le candidat majoritaire d’obtenir une invitation à un entretien sont 1,47 fois plus grandes que celles du candidat au nom latino-américain (51,9 % c. 35,4 %), 1,65 fois plus grandes que celles du candidat au nom arabe (41,3 % c. 25 %), et jusqu’à 1,8 fois plus grandes que celles du candidat au nom africain (46,2 % c. 25,6 %). […] Cette hiérarchie reflète-t-elle le degré de capital symbolique dont jouirait chacun de ces groupes dans les représentations des employeurs, l’origine africaine (qui agit ici comme « proxy » pour la catégorie « noire ») étant la moins prisée, l’origine latino-américaine la mieux considérée, et l’origine arabe se situant dans une position intermédiaire sur l’échelle de la désirabilité sociale ? Ces résultats reflètent-ils la distance variable qui sépare, dans l’imaginaire des employeurs, chacun de ces groupes du « Nous » québécois? Bien qu’il soit difficile de répondre avec certitude à ces questions, une chose est certaine : les candidats racisés sont significativement désavantagés, à des degrés variables on l’a vu, par rapport au candidat issu du groupe majoritaire à l’étape du premier tri des CV. » (Eid et coll., 2012, pp. 40-41).

De manière encore plus nette que dans l’enquête menée à Montréal, les résultats du test mené à Québec infirment le caractère indifférencié du préjudice ethnoracial. Variant significativement selon l’ethnicité, celui-ci est influencé par le genre féminin et le croisement de ces deux variables, et ce, au sein des trois minorités racisées étudiées. Bref, les candidats latino-américains, arabes et africains montrent que ces groupes ne jouissent pas de la même popularité auprès des recruteurs. Alors que les premiers sont très peu ou pas discriminés, les seconds et les troisièmes le sont en général significativement. Bref, les employeurs auraient, de manière consciente ou non, des préférences et des antipathies « ethno-genrées », voire des représentations variables en matière de « capital symbolique » et d’écart par rapport au « Nous » québécois, soit le groupe majoritaire. 5.3.2 Discrimination hiérarchisée

À l’instar de nombreuses études fondées sur le testing (Andriessen et coll., 2012; Bessudnov et Shcherbak, 2018; Booth et coll., 2012; McGinnity et Lunn, 2011; Vernby et Dancygier, 2019; Zschirnt et Fibbi, 2019), les résultats de l’enquête menée à Québec ont documenté différents

degrés d’exposition à la discrimination et l’existence d’une hiérarchie ethnique à l’embauche. Peu importe les pays où ces études ont été menées, les candidats du groupe majoritaire sont situés au sommet du classement, suivis par les membres des groupes minoritaires. Ces derniers seraient ordonnés de manière à refléter les menaces qu’ils représentent pour les majoritaires sur les plans culturel – similarité ou non des valeurs – et économique – statut social et compétences. De plus, la hiérarchisation des minoritaires serait influencée par les attitudes que les majoritaires entretiennent à leur égard, lesquelles sont influencées par les médias et la manière dont les minorités sont présentées dans les débats publics. Ainsi, les groupes situés au bas de la stratification seraient les plus discriminés.

Dans une enquête mesurant les préférences des employeurs dans plusieurs pays d’Europe, Lancee et ses collaborateurs (2017) ont montré que la discrimination variait substantiellement entre les minorités étudiées. L’analyse des résultats de notre enquête va dans le sens de cette thèse : la faible discrimination des candidats latino-américains contraste avec la forte ampleur du traitement inégal affectant les personnes aux noms à consonance arabe et africaine. Ce portrait est d’autant plus nuancé lorsque l’on croise les variables de l’ethnicité et du sexe, faisant apparaître deux cas de figures aux effets contrastés. D’un côté, le ratio (1,04)111 et le

taux de rappel élevé de la candidate latino-américaine suggèrent que celle-ci n’est pas discriminée. De l’autre côté, le faible taux de rappel et le ratio très élevé du candidat noir (3,06) le font apparaître comme le plus discriminé de l’enquête. Bien qu’il y ait probablement des rationalités derrière ces écarts, il demeure pratiquement impossible de les rendre visibles par un testing. Que les recruteurs perçoivent-ils dans le nom des minoritaires : l’origine ethnique, la « race », l’indice d’une religion minoritaire, le statut d’immigrant, etc.? Les décisions d’embauche sont-elles prises sur la base de préjugés et de stéréotypes, telle la croyance selon laquelle les Noirs seraient « par essence » moins productifs que d’autres groupes?

L’analyse des résultats de l’enquête menée à Montréal (Eid et coll., 2012) a montré l’existence d’une hiérarchie ethnique. À la suite des candidats majoritaires se trouvaient les minoritaires latino-américains, arabes et noirs, et ce, tant pour les emplois peu que très qualifiés. Une hiérarchie similaire a été observée dans le test de Québec, quoique plus nuancée en raison

111 Si l’on considère uniquement les résultats obtenus pour les offres d’emploi en administration, le ratio (0,98) suggère qu’elle accède à l’étape de l’entrevue aussi facilement que le majoritaire. Par conséquent, on peut imaginer que l’ajout d’une candidate majoritaire de sexe féminin dans le testing aurait généré un taux de rappel plus élevé que celui du candidat masculin unique. Autrement dit, cela signifierait probablement une discrimination accrue pour l’ensemble des minoritaires, de surcroît pour les candidats masculins qui sont déjà fortement stigmatisés au sein du secteur de l’administration.

de la perspective intersectionnelle qui permet d’analyser l’effet de la variation du sexe à l’intérieur des ethnicités minoritaires. Mettre l’accent uniquement sur les candidats masculins permet de faire ressortir les similarités et les dissemblances entre ces deux hiérarchies.

Tableau 23 : Ratios selon le niveau de qualification des emplois, le lieu des testings et l’origine ethnique des candidats minoritaires

Niveau de qualification

des emplois

Origine ethnique des minoritaires

Latino-américaine Arabe Africaine

Lieux du testing

Montréal112 Québec Montréal Québec Montréal Québec

Faible 1,47 1,89 1,65 3,18*** 1,80 3,04***

Moyen - 1,13 - 2,83*** - 3,00***

Élevé 1,58 1,30 1,63 1,15 1,72 3,17***

Selon le test de Student : *P < 0.1; **P < 0.05; ***P < 0.01.

Le jumelage des données issues de ces études dans le tableau ci-dessus montre qu’il y a des différences substantielles selon les niveaux de qualification. Parmi les minorités, le candidat d’origine latino-américaine apparaît le moins discriminé, sauf pour les emplois très qualifiés à Québec. En effet, s’il semble moins discriminé pour les emplois peu qualifiés tant à Montréal (1,47) qu’à Québec (1,89), le portrait est plus nuancé lorsque l’on observe les ratios concernant les emplois très qualifiés dans ces deux villes respectives (1,58 et 1,30). Serait-ce le reflet du réel niveau de qualification moyen des Québécois d’origine latino-américaine de ces deux régions? Pour les emplois moyennement qualifiés, ce même candidat (1,13) subit la plus faible inégalité dans l’accès à l’emploi observée dans ce tableau, position équivalente à celle du candidat arabe (1,15) pour les emplois très qualifiés à Québec.

Dans le tableau ci-dessus, le candidat arabe arrive en deuxième place à trois reprises. À l’instar du candidat latino-américain, l’ampleur de la discrimination varie selon les villes et les niveaux de qualification des emplois. D’une part, pour les emplois peu qualifiés, la différence substantielle entre Montréal (1,65) et Québec (3,18) montre que le candidat arabe subit une discrimination nettement plus importante dans la Capitale-Nationale. D’autre part, l’inégalité est inversée lorsque l’on observe les emplois très qualifiés, le candidat maghrébin subissant davantage de préjudice à Montréal (1,63) qu’à Québec (1,15). De plus, en contraste avec le

112 Les données de Montréal proviennent de l’enquête de la CDPDJ (Eid et coll., 2012). Toutefois, comme celles-ci n’ont pas fait l’objet de test de signification statistique, cela limite la précision de la présente analyse comparative.

candidat latino-américain, ce minoritaire (2,83) apparaît fortement discriminé pour les emplois exigeant un niveau de qualification moyen. Celui-ci affiche aussi le plus grand écart entre deux de ses ratios. En effet, à Québec, il est très peu discriminé pour les emplois très qualifiés (1,15), mais fortement pour les emplois peu qualifiés (3,18). Comment expliquer cet écart substantiel? Si les employeurs semblent accorder une grande valeur à ce candidat pour les emplois très qualifiés, il en va autrement pour les emplois peu qualifiés.

Quant au candidat africain ou noir, ses ratios indiquent qu’il est le plus discriminé dans tous les cas de figure. À Montréal, les ratios à la fois pour les emplois peu (1,80) et très qualifiés (1,72) représentaient les taux de discrimination les plus importants de l’étude (Eid et coll., 2012). Contrairement aux minoritaires des autres origines, la comparaison de ces données avec celles de l’enquête de Québec fait ressortir que ce dernier semble y être nettement plus défavorisé qu’à Montréal. Cela est vrai à la fois pour les emplois peu (3,04) et très qualifiés (3,17), de même que pour les emplois moyennement qualifiés (3,00), seulement étudiés à Québec. Pour ce candidat, tous les écarts de ce dernier avec les indicateurs du candidat de référence suggèrent qu’il y a peu de chance que le traitement inégal soit lié au hasard. Une autre particularité de ce candidat est que l’ampleur de la discrimination demeure constante. Peu importe le niveau de qualification – et maintes autres sous-variables, la possibilité que ce minoritaire soit discriminé demeure très élevée, sa candidature n’étant pas considérée deux fois sur trois alors qu’elle est à compétences équivalentes avec le majoritaire. C’est donc très différent de ce qui a été observé pour le candidat arabe. Comment expliquer que le candidat noir subisse une barrière à l’emploi si substantielle à Québec? Si les résultats globaux des deux testings demeurent relativement similaires, l’écart est très substantiel pour ce qui concerne uniquement les données relatives à ce candidat.

Les trois groupes minoritaires étudiés à Montréal et à Québec se situent dans des positions analogues dans la hiérarchie ethnique observée dans les deux testings. Cette stratification est-elle le reflet des préférences des employeurs, ordonnées selon une échelle de capital symbolique similaire dans ces deux villes? Il faudra sonder ou interroger ces derniers afin de répondre à cette question. Cela dit, l’élément qui ressort nettement de ces deux enquêtes est que le candidat noir – dont l’origine semble la moins prisée dans les deux recherches – est nettement plus discriminé à Québec qu’à Montréal. Pourquoi?

5.3.3 Discrimination intersectionnelle

L’approche intersectionnelle permet de mieux comprendre et analyser la complexité des expériences humaines, dont les enjeux identitaires liés aux inégalités sociales (Bilge, 2009; Collins et Bilge, 2016). Bien que cela fasse l’objet de débats entre les chercheuses et les chercheurs, il est généralement attendu que les femmes subissent davantage de préjudice que leurs pairs masculins sur le marché du travail (Browne et Misra, 2003). Plusieurs études ont montré que cela est d’autant plus vrai lorsque l’identité des femmes comporte un autre motif susceptible de conduire à la discrimination intersectionnelle ou croisée (Bilge et Roy, 2010). Par exemple, aux États-Unis, un testing analysant l’accès à l’emploi des hommes et des femmes selon le statut parental a montré que les mères étaient largement discriminées et perçues moins compétentes que les femmes sans enfant (Correll et coll., 2007). À l’opposé, les pères n’ont subi aucun préjudice en raison de leur statut parental qui apparaissait plutôt comme un avantage. D’après d’autres études effectuées au Québec, les femmes immigrantes racisées seraient fortement pénalisées dans l’accès à l’emploi, tant en raison de leur origine ethnique que de leur sexe et leur statut d’immigrante (Chicha, 2012; Gauthier, 2016; Lacroix et coll., 2017). Cette hypothèse, que nous avions également émise avant de procéder au terrain, a été invalidée par l’analyse des données de la présente enquête.

Globalement, pour les emplois en administration et en informatique, les candidates d’ethnicité minoritaire n’ont pas été discriminées davantage en raison de leur genre. Au contraire, à l’intérieur de chacune des ethnicités minoritaires, chaque candidate a obtenu un meilleur taux de rappel que le candidat de la même origine. Par ailleurs, si le testing a montré que les candidates arabe et africaine de sexe féminin étaient traitées inégalement dans la majorité des cas, bien que moins substantiellement que leurs confrères, la candidate au nom à consonance latino- américaine n’a pas été discriminée dans les secteurs étudiés. Ainsi, contrairement à l’hypothèse de travail, le genre féminin semble avoir agi comme un facteur diminuant l’ampleur de la discrimination ethnoraciale, laquelle touche particulièrement les minoritaires de sexe masculin. Pourquoi les candidates ont-elles subi moins de préjudice que leurs confrères?

Selon Ridgeway et Kricheli-Katz (2013), cela pourrait être dû au chevauchement de certains systèmes d’inégalités fondés sur le sexe, l’ethnicité, la « race », etc. Les personnes non représentatives des stéréotypes hégémoniques113 associés à ces motifs potentiellement

113 Selon Ridgeway et Kricheli-Katz (2013), les stéréotypes hégémoniques ont à la fois un caractère individuel et institutionnel. Ils sont véhiculés dans les médias, en droit, en politique et dans les organisations, ce qui fait en sorte

discriminatoires peuvent se trouver désavantagées dans une situation, mais privilégiées dans une autre. Dans ce cas-ci, même si le genre est souvent perçu comme un vecteur d’inégalité dans la perspective intersectionnelle, les femmes d’ethnicité minoritaire auraient été avantagées. Deux autres thèses soutiennent également ce résultat du présent testing.

D’une part, selon la thèse de l’« invisibilité intersectionnelle », une personne appartenant simultanément à plusieurs groupes minoritaires ayant des caractéristiques stigmatisées serait non représentative par rapport à celles ayant un seul de ces traits (Purdie-Vaughns et Eibach, 2008). Non conforme aux modèles identitaires de ces groupes, une telle personne tendrait à subir moins de discrimination. À l’instar de Ridgeway and Kricheli-Katz (2013) pour qui une femme noire est non-conforme à deux statuts minoritaires – genre et « race », cette thèse considère que les candidates minoritaires de la présente enquête tendent à être moins discriminées que leurs confrères à l’étape de l’embauche.

D’autre part, dans une perspective complémentaire, la thèse de la « subordinate male target hypothesis » (SMTH) postule que les immigrants masculins subissent davantage de discrimination parce qu’ils sont perçus plus menaçants que leurs consœurs de la même origine (Sidanius et Pratto, 1999). Certains tests de correspondance ont confirmé cette théorie aux Pays-Bas, en Suède et au Danemark, où les hommes étaient plus pénalisés à l’embauche (Andriessen et coll., 2012; Bursell, 2014; Dahl et Krog, 2018). Au Canada, des résultats similaires ont été obtenus dans une étude analysant comment le genre et la « race » pouvaient prédire la prévalence des perceptions d’expériences majeures et routinières de discrimination. Globalement, des taux élevés de ces deux types de traitement inégal rapportés par les hommes ont confirmé la SMTH (Veenstra, 2012). Ainsi, les résultats du présent testing sont-ils à la fois dus à l’« invisibilité » des candidates minoritaires féminines et la plus grande « menace » ressentie à l’égard des candidats masculins? Pour répondre à cette question et approfondir cet angle d’analyse, il faudra étudier les stéréotypes véhiculés par rapport à ces minorités au Québec ainsi que questionner les employeurs à ce sujet.

5.3.4 Discrimination ethnoreligieuse

Suite à la diffusion des résultats du prétest dans les médias (Beauregard, à paraître), une hypothèse formulée dans deux contextes différents a suggéré que le modèle de la discrimination

que les gens agissent généralement en fonction de ceux-ci lorsqu’ils doivent juger les actions ou les identités d’autres personnes.

fondée sur le « goût » et les préjugés sont en cause dans les inégalités observées à l’embauche. D’une part, l’idée a d’abord été émise lorsque les résultats ont été présentés et discutés dans un journal hebdomadaire de la région de Québec : Les immigrants de la capitale. Selon le rédacteur en chef, la discrimination serait essentiellement basée sur les craintes que les employeurs éprouvent envers les candidats au nom à consonance arabe, lesquels exigeraient invariablement des accommodements raisonnables afin de pouvoir pratiquer des rites religieux en milieu de travail. Cette hypothèse suppose que les employeurs associent – ou confondent – origine arabe et religion musulmane lorsqu’ils aperçoivent des noms à consonance arabe sur les CV des candidats à l’emploi. Cette hypothèse demeurait tout à fait plausible pour expliquer les résultats obtenus dans le prétest qui portait uniquement sur l’effet de l’origine maghrébine. D’autre part, cette idée est également revenue sur la scène publique lorsqu’une radio privée de Québec a mené son propre testing d’inspiration scientifique, lequel a montré qu’un candidat dénommé Mohamed n’obtenait aucune réponse positive. Selon les animateurs de la radio et nombre d’auditeurs, la crainte des accommodements raisonnables114 était la principale raison évoquée pour justifier le

préjudice subi par le candidat arabe. Suivant cette interprétation, ce serait donc sur la base de la religion et de l’origine ethnique, dans une moindre mesure, que les employeurs décideraient consciemment ou non de ne pas inviter les candidats arabes à l’étape de l’entrevue. Or, s’agit-il vraiment de discrimination ethnoreligieuse115? Les résultats du testing principal ont montré que

c’est le candidat noir qui subit la plus grande discrimination à l’embauche, suivi de près par le minoritaire arabe. Ce portrait apparaît incompatible avec l’hypothèse liée aux craintes des accommodements raisonnables. Par conséquent, comment peut-on expliquer que ce soit le candidat noir – qu’il n’est pas commun d’associer à la religion musulmane, bien qu’il y ait effectivement des musulmans noirs – qui est le plus discriminé?

114 Plus récemment, des commentaires analogues ont fait suite à la diffusion des résultats du testing principal dans un quotidien (Desrosiers, 2019b). En réponse à cette publication, un dirigeant d’une petite entreprise nous a fait part de craintes similaires à l’idée d’engager un candidat dénommé Mohamed.

115 Contrairement au testing principal où seul le nom véhiculait l’ethnicité à l’étude, dans le prétest, l’origine arabe des candidats minoritaires était véhiculée par le nom, la maîtrise de la langue arabe et une expérience de bénévolat au sein des Scouts musulmans de Québec. Cela permettait, indirectement, d’analyser si ces deux ajouts avaient une importance dans la discrimination à l’embauche. Les ratios observés dans le prétest pour la candidate (2,10) et le candidat arabes (2,10) diffèrent relativement de ceux obtenus pour les mêmes candidats dans le test principal, soit 1,59 pour la candidate et 2,09 pour le candidat. Ces chiffres ne permettent pas d’établir un constat hors de tout doute par rapport à la thèse de la discrimination ethnoreligieuse. Toutefois, seule la candidate semble avoir bénéficié de l’absence de ces deux signaux (langue et bénévolat) évoquant davantage l’ethnicité maghrébine et la religion musulmane.

5.3.5 Discrimination implicite

Dans la littérature, plusieurs recherches menées en psychologie sociale dans les dernières décennies ont montré que la discrimination reposerait davantage sur des processus cognitifs inconscients que rationnels (Pager, 2007; Quillian, 2006; Reskin, 2000). À la suite de l’étude ayant rappelé l’ampleur de la stigmatisation subie par les Afro-Américains dans leur recherche d’emploi (Bertrand et Mullainathan, 2004), des chercheurs ont proposé le modèle de la discrimination implicite (Bertrand et coll., 2005). Dans celui-ci, le préjudice surviendrait de façon non intentionnelle en raison de l’activation de biais inconscients négatifs, mais sans attitude ni discours raciste (Renaud et coll., 2004). Durant le tri des CV, la pression induite par le temps