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3.8) Discours, « droit phallique » et sexualité

Dans la théorie lacanienne la fonction phallique est mise en relation directe avec la sexuation du parlêtre, qu’elle soit du côté homme ou du côté femme. J. Lacan fait montre qu’il ne peut y avoir de rapport sexuel directement inscriptible entre homme et femme (x rapport y) parce qu’ils se heurtent précisément à l’approche du sujet dans cette fonction. La théorie de l’hystérèse a justement cet avantage de ne pas tenir compte d’une éventuelle identité sexuelle (soit du côté homme ou du côté femme).

L’hystérèse permet de penser le phallus dans le discours pas seulement en tant que fonction, mais comment au regard du « droit phallique » se constituent et opèrent les entités qui composent ce droit et déterminent la condition du sujet dans son rapport à la sexualité.

Si le clivage homme, femme radicalise finalement une asymétrie de la différence sexuelle, l’analyse hystérétique du discours ne tient finalement pas compte de ce clivage de genre mais appuie ce qui dans la position du sujet et son désir organise ses relations, spécifie son rapport aux signifiants et à l’objet « a », réglemente les différentes formes de lien social, et si l’analyse hystérétique a permis la nomination du droit phallique, c’est justement parce que la mise en œuvre d’un discours va au-delà du genre et de l’identité sexuelle, tout au plus leur est-il concomitant.

Même s’il peut sembler plus logique que les femmes auront tendance à évoluer dans l’EnvR et appréhender le phallus par la négative et les hommes dans l’endroit avec une appréhension du phallus par le positif, la théorie de l’hystérèse permet dans ses algorithmes une analyse plus globale du lien social et évite d’alimenter les ruptures (homme / femme, ou masculin / féminin) en proposant une approche par le discours qui n’est pas l’apanage d’un sexe en particulier.

De plus, l’analyse hystérétique admet de penser en termes de discours certains problèmes cliniques comme celui de l’hystérie masculine, les addictions, les dépendances, les comportements suicidaires… Mais aussi certains problèmes sociétaux comme l’individualisme, la solitude, les crises identitaires…, le malaise d’une société contemporaine.

Bien que notre conceptualisation du phallus emploie un vocabulaire quelque peu juridique, notamment avec les termes qui ont été utilisés et qui en réglementent sa fonction dans les différentes catégories de discours, comme l’abusus, l’usus et le fructus,

180 mais aussi la question de l’endettement du sujet dans l’hystérèse, il n’en reste pas moins que si ce concept de phallus met en œuvre des lois qui prescrivent la sexualité et le rapport du sujet au signifiant, il n’empêche qu’une fonction en psychanalyse et notamment dans l’hystérèse est surtout fonction de… Ou en fonction du sujet et de son discours. Ainsi par le détour de l’hystérèse, nous pouvons désormais appréhender ce concept de phallus dans son tout, plein et absolu – comme l’aborde jusqu’à présent la théorie psychanalytique – mais également suivant l’interface discursive dans laquelle il fonctionne, le phallus peut être appréhendé dans un pas tout, creux et relatif. D’ailleurs pour imager ce phénomène de plein / creux, même le lecteur a pu surprendre, çà et là, le contemplateur d’un objet de forme phallique dans une galerie d’art par exemple, oser une caresse sur l’objet pour se représenter sensitivement sa forme extérieure… Puis basculer légèrement le corps, tendre l’oreille et à l’aide de l’indexe « toquer » sur l’objet afin de se faire une représentation de la forme par l’écho sonore de l’intérieur de l’objet, pour savoir s’il est plein ou s’il est creux.

De plus, l’invention du concept de phallus déterminant le sujet dans son rapport à la loi paternelle montre que si cette invention gravite traditionnellement autour de la question du « Père » en tant que tiers dans la problématique œdipienne, nous avons pu nous rendre compte, grâce à l’hystérèse que suivant le discours, ce dernier peut faire l’objet d’une exclusion qui malmène la structure du sujet et le fonctionnement de la métaphore. L’exclusion du père ou plus largement du tiers séparateur indique qu’à un moment donné on a peut-être tenu compte de sa présence dans la configuration du discours et atteste de la mutation du système et des relations qu’entretient le sujet avec ce qui le structure.

Si la fonction phallique traduit la référence au Père et médiatise la relation mère/enfant ou l’inverse, et opère symboliquement dans l’avènement de la métaphore paternelle, il semble intéressant d’observer comment justement dans l’hystérèse la loi paternelle et les éléments qui la constituent – usus, abusus et fructus – peuvent contribuer à bouleverser la structuration du sujet et en modifier son discours.

Ce que nous avons appelé « droit phallique » dans l’hystérèse n’est plus seulement une composante de la loi paternelle qui promeut l’impossible du rapport sexuel, comme cela peut se supposer. Car, en désignant quelles sont les prérogatives qui interviennent dans la structuration des discours, le droit phallique regroupe à la fois la codification des modalités d’application de la loi paternelle et tout ce qui y déroge.

181 En d’autres termes, bien que la loi paternelle soit le modèle princeps dans la structuration du sujet de l’inconscient, le droit phallique, tel qu’il s’applique à travers les différents types de discours, répertorie en plus de cette loi et des éléments qui la fondent, les dérogations qui invalident l’application de la Loi. De plus, le déplacement du phallus dans les différents champs montre comment s’organise la mutation du lien social.

L’étude du phallus ne limite plus la théorie à une vision consubstantielle dans l’endroit, mais ouvre à une nouvelle approche dans l’EnvR qui libère ainsi le sujet de l’inconscient vers de nouvelles perspectives.

D’autre part, une remarque quant au choix de la dénomination de chacun des discours s’impose. Seul le premier étudié, celui du Maître accepte la féminisation de son intitulé. Bizarrerie lacanienne dans le choix des noms communs ? Ou pur hasard ?

En effet, le discours du Maître peut également se décliner sous l’appellation discours de la Maîtresse. Il en garde les mêmes propriétés d’autorité et n’est pas sans rappeler le mythe grec de Hestia déesse du feu et du foyer, fille aînée de Cronos et de Rhéa, maîtresse du ciel et de la terre, honorée par les Grecs comme la gardienne et la gérante des affaires de la maisonnée. Son statut de Maîtresse de maison plaçait les membres du foyer, le Maître, les enfants, les serviteurs sous l’autorité de son discours.

Quant aux autres discours, l’Universitaire, l’Hystérique et l’Analyste, ils restent invariables dans leur orthographe face au masculin ou au féminin. Seul le Maître trouve son féminin. Cette petite remarque montre encore que l’accès au discours n’a pas de sexe, que la relativité de la sexualité n’est pas une question d’homme ou de femme, mais dans le rapport au phallus une affaire de discours.

Comme nous l’avons abordé à plusieurs reprises, l’activité sexuelle correspond au discours du Maître et/ou de la Maîtresse, même si tout à l’heure dans l’analyse du Witz nous avions conclu qu’il retourne d’une relation entre les sujets, nous nous étions trompés. Le Witz parce qu’il opère dans le discours du Maître, est un témoignage langagier de l’activité sexuelle dans le lien social. Dès lors on peut considérer que la notion de relation est du côté de l’Analyste et n’est pas un problème de sexuation. Quant à l’hystérique et l’universitaire, l’objet « a » prend une place considérable par l’exclusion qui le caractérise. L’objet « a » évacuer du semblant, cela a pour conséquence de faire sortir le sujet du cadre de l’activité sexuelle et de la relation puisque justement en excluant l’objet « a » le sujet ne peut plus accéder à un quelconque lien social. L’autre en tant qu’objet exclu du semblant est désormais appréhender par le

182 sujet Universitaire dans sa plus pure objectivité matérielle et immatérielle pour l’hystérique. De plus, le phallus forclos rend tout procédé de métaphorisation impossible et conduit le sujet sur la voie du rapport sexuel incestueux en se fondant dans l’Autre. Du côté de l’Universitaire pour faire face au réel de l’objet et de l’impossible qui le caractérise, il pose un savoir servant de castration virtuelle. Il tente de combler son manque en renforçant toujours plus son emprise sur l’objet. Emprise pour l’assujettir dans l’immédiat aux ambitions de l’Autre. Assujettissement immédiat qui par nature est voué à l’échec et à la frustration puisque le décalage temporel en a modifié l’Autre. Du coté de l’hystérique, privé dans le réel de l’objet « a », il tente par tous les moyens d’obtenir de l’Autre un savoir sur ce qu’il en est de sa jouissance. Ce savoir de l’Autre officie à titre de vérité sur son propre manque et ne répond en rien à propos de la question de la jouissance du sujet. Et parce qu’il n’y a pas de réponse, cela signifie que n’importe quelle réponse peut être offerte pour expliquer à l’hystérique sa privation réelle de l’objet. D’ailleurs, c’est bien parce que le sujet hystérique se réfère au savoir de l’Autre (-A) au sujet de l’absence réelle de l’objet « a » qu’il vit avec ce sentiment de privation qui constitue l’élément clé de son complexe de castration.

Ainsi, en introduisant ce qui dans le discours pose le sujet dans son rapport à la sexualité, le clivage H/F ne tient plus face à l’hystérèse et la théorie du discours, clivage qui d’ailleurs n’a ni queue ni tête, mais dans un contexte de culture néolibérale ne cesse de faire discourir.

En ce sens, pour tenter de résumer notre propos et de montrer des interactions qui peuvent exister entre les différentes catégories de discours, le rapport au phallus et à la sexualité, une distribution peut être réalisée.

183 Cette distribution montre en substance que le sujet de l’hystérèse peut, à n’importe quel moment, passer d’un discours à l’autre, même si certains moments de la vie sont plus propices à certains déplacements plutôt que d’autres. Au gré du temps, le sujet adaptera son discours suivant le contexte social (ou la culture) dans lequel il évolue, comme une sorte de mécanisme de défense qui agit pour faire face au réel d’une situation.

Ainsi le sujet « non pathologique » doit pouvoir faire preuve de flexibilité et d’à-propos. En effet un individu juriste, par exemple, pourra dans le cadre de ses fonctions tenir un discours Universitaire en tentant d’assujettir un délinquant aux bonnes règles et aux bonnes mœurs de la société. Une fois son travail achevé, il aura une activité sportive où là s’exprime plutôt le discours du Maître ou de l’Analyste, suivant que les impératifs sportifs sont du ressort de la compétition et/ou de la coopération, qu’ils mettent en jeu son expérience… Finalement le week-end il prendra son « pied » dans une position Hystérique avec la lecture des ragots d’un magazine « people » et en les racontant à son entourage.

Les possibilités de flexibilité et de mutation d’un discours à l’autre sont une des caractéristiques essentielles de l’adaptation du sujet au milieu socioculturel dans lequel il évolue, et de savoir faire preuve d’une certaine malléabilité.

Dès lors qu’un sujet fige son discours et sa posture deux alternatives se présentent en

Discours, droit phallique et sexualité

Hystérique Tentative d’identification par Maitre

spécularité Ph dans l’in-cise ou in-schize Ph dans l’in-dé-cise ou in-dé-schize Ph qui ex-cise ou ex-schize

Analyste Risque d’identification

par spécularité Universitaire Ph qui In-siste Ph qui se dé-siste par antagonisme Ph qui ex-siste C Activité sexuelle, l’impossible Objet « a », manque,

procuration, rapport sexuel

Relation sexuelle, l’impossible

Objet « a », exclusion, rapport sexuel, assujettissement

184 fonction du contexte. Soit ses potentialités adaptatives sont remises en cause et le décalent éventuellement d’une dynamique socioculturelle, soit il est dans une hyperadaptation au milieu. Dans les deux cas, la fixation du sujet dans une posture peut l’amener sur les voies de la névrose et de la marginalité. Pour le dire plus simplement, le sujet devient sujet pathologique lorsqu’il ne peut sortir d’un des quatre discours malgré la nécessité et les possibilités qui s’offrent à lui. Alors avant d’intervenir sur les conséquences et les aspects pathologiques qu’est susceptible de renvoyer la fixation à un des discours, voyons à travers un schéma comment le sujet évolue dans les différents discours, ce qui dans le rapport au phallus l’amène à en changer.

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CHAPITRE IV