• Aucun résultat trouvé

À partir de ces dernières découvertes Freud se trouve confronté à un double questionnement : Celui de la différence des sexes et de l’ambition du sujet dans les choses de l’amour de vouloir faire qu’un.

Il abordait déjà ces questions en 1917 dans l’article intitulé « Sur les transpositions des pulsions plus particulièrement dans l’érotisme anal », plus tard en 1925 dans l’article intitulé « Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes », puis en 1923 dans un additif au « trois essais… » s’intitulant « l’organisation génitale infantile » et enfin en 1931 dans une étude « Sur la sexualité féminine ».

À travers ses écrits, Freud va tenter de mettre en perspective ce qui de son anatomie C

Hystérésis du sujet

46 génitale caractérise le développement psychique de la fille par rapport à celui du garçon. Bien que l’examen psychanalytique du développement psychosexuel, avoue-t-il, se référât quasi essentiellement à celui du garçon et servait de ligne directrice dans le traitement des névroses ; cette fois, confronté dans l’exercice de sa pratique clinique de ses patientes et l’étude des névroses en relation avec leur activité sexuelle, il devra réviser sa position, tout au moins compléter son approche quant au déterminant génital de la fille.

Sans pour autant remodeler l’ensemble de sa métapsychologie, il fera évoluer certains points. Il restera fidèle à la théorie du « monisme phallique » et même si celui-ci fut largement controversé par de nombreux psychanalystes et scientifiques, il prendra désormais une place considérable dans l’hystérèse du sujet freudien.

L’hypothèse freudienne repart, tout d’abord dans « les trois essais… », de la conception (partagée par la communauté scientifique) sur la préconstit ution biologique d’une matrice génitale commune au garçon et à la fille dans le début de la vie intra utérine. À la suite de ce temps qu’il appelle de « bisexualité universelle », se fera la différence anatomique dans le processus développemental des organes sexuels du fœtus.

Cependant, il concède que si cette différence et nettement visible, il reste que l’équivalent du pénis chez la fille est le clitoris, et que si le développement psychosexuel est de même sorte chez l’un et chez l’autre durant les premiers stades prégénitaux, il en arrive à la conclusion qu’« au stade phallique » un seul type d’organe est reconnu : le pénis (le clitoris en tant que pénis atrophié…)

De plus dans cette analyse évolutionniste du développement psychosexuel infantile, Freud précise que la progression prégénitale n’est pas linéaire et qu’à chaque stade restent des traces permanentes une fois dépassées.

Une interrogation se pose alors naturellement quant au destin de certaines motions pulsionnelles et notamment lorsqu’elles avaient perdu leur importance sexuelle.

Partant du discours de patientes, il lui semble « que selon toute apparence dans les productions de l’inconscient – idées, fantasmes et symptômes – les concepts d’excrément (argent, cadeau), d’enfant et de pénis se séparent mal et s’échangent facilement entre eux. »43. De sorte que dans le transfert le clinicien sera confronté à une « butée » issue d’un « désir refoulé qu’elle a de posséder comme l’homme un pénis »44

43 Freud. S : « Sur les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l’érotisme anal », P 107, in La vie

sexuelle, Edition PUF 2004.

44

47 que Freud nommera « envie de pénis dans le complexe de castration »45, tandis que chez d’autres femmes ce désir se décline plutôt par celui d’avoir un enfant, mais il déclare que « les deux désirs étaient présents dans l’enfance et se sont relayés l’un l’autre. »46 Dans un schéma, il fait montre du jeu pulsionnel libidinal prégénital, des tenants et des aboutissants symboliques qui le mèneront à l’équation : fèces = pénis = enfant.

Pour le dire rapidement, dans les théories infantiles, durant la période de l’érotisme anal ou lors d’un processus régressif, apparaît le sentiment que le pénis ou le vagin « étaient représentés par la verge d’excréments et l’intestin »47, puis plus tard que l’enfant serait

accouché par l’anus au même titre que les excréments, l’enfant en tant qu’« héritier de l’érotisme anal, mais il a eu pour prédécesseur le pénis, dans ce sens comme dans l’autre »48

.

Dès lors l’investissement libidinal sur le pénis fera naître chez la fille confrontée à sa propre défaillance narcissique d’organe, cette « envie de pénis » qui se transformera plus tard en désir d’avoir un homme, qui lui en possède un.

Ainsi le complexe de castration chez la fille serait la commémoration de ce temps de l’anal où était fait l’amalgame entre pénis et érotisme anal, et où le schéma de la transposition pulsionnelle n’a pu se symboliser en désir de l’homme et son pénis. Déviant ainsi dans le fonctionnement obsessionnel de « l’entêtement », c'est-à-dire dans le mécanisme de défense de la négation qui se traduirait par l’espoir qu’elle aussi sera dotée un jour, dans des temps ultérieurs d’un pénis : « c’est ici que se branche (chez la fille) ce qu’on appelle le complexe de masculinité de la femme »49

.

Dès lors Freud voit dans l’organisation génitale infantile, et c’est ce qui « la différencie de l’organisation génitale définitive de l’adulte »50, que seul l’organe mâle joue un rôle dans le développement psychosexuel, pas seulement sur le plan de la constitution biologique de celui-ci, ni non plus uniquement sur un plan lié aux perceptions retirées de sa fonction, mais également de l’ensemble des curiosités, des investigations, des théories, des fantasmes et de l’investissement psychique que sa « présence » ou son « absence » suscite. Ce qui fera dire à Freud qu’« il n’existe pas un

45 Ibid. 108 46 Ibid. 108 47 Ibid. 110 48 Ibid. 111 49

Freud. S : « Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes », P 127, in La vie sexuelle, Edition PUF 2004.

50

48 primat génital, mais un primat du phallus. »51 Et de confirmer que « l’on ne peut apprécier à sa juste valeur la signification du complexe de castration qu’à la condition de faire entrer en ligne de compte sa survenue à la phase du primat du phallus. »52 Le Phallus est à entendre dans sa dimension symbolique, c’est-à-dire constituant le signifiant du désir, mais il reste chez Freud partiellement constitué dans « l’avoir », de ce que chacun cherche en l'autre pour s’identifier (a contrario chez J. Lacan dans « l’avoir et l’être »).

En effet, alors que le garçon se définirait parce qu'il l’a, la fille, elle, se définirait parce qu'elle le voit chez le garçon. Dépourvue de l’organe, elle considère ce manque comme ce qui lui fait littéralement défaut. La crainte de la survenue de ce dernier générant une angoisse de castration chez le garçon, et une « envie du pénis » ou un complexe de castration chez la fille.

Autrement dit, la psychanalyse, à travers la conception freudienne de l’organisation infantile de la sexualité, donne une importance considérable à la question du positionnement masculin et voit dans cette notion le facteur principal de « l’activité » sexuelle du « sujet », et le positionnement féminin à « la passivité » de « l’objet », que ce soit du côté du garçon et/ou de la fille. Ce sont là les premiers contours de l ’hystérèse du sujet et des prémisses du développement vers la sexualité dite « adulte », cependant il apparaît désormais clairement pour Freud que compte tenu de notre prédisposition à une bisexualité psychique, les figures d’identification parentales, la position à l’activité (masculine) et/ou à la passivité (féminine) donneront à l’identité sexuelle sa coloration en fonction de leur prévalence dans le conflit œdipien. De plus la séparation nécessaire et le changement « d’objet libidinal » qu’induit la tragédie œdipienne sera le relais indispensable qui perpétue le mouvement de la vie et propulse l’enfant sur les voies qui mènent à la culture et au lien social.

51

Ibid. 114

49

CHAPITRE II