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Discours sur la contraception des femmes de plus de 25 ans

Chapitre 3 – Représentations et pratiques autour de la procréation : présentation et

I.2 Avant la grossesse

I.2.2 Contraception et avortement

I.2.2.2 Discours sur la contraception des femmes de plus de 25 ans

Le thème de la contraception a été abordé dans 12 entretiens avec des femmes et hommes de plus de 25 ans. Les femmes ont évoqué la pilule, les préservatifs, le stérilet et les méthodes « naturelles ».

Chone, 36 ans, fonctionnaire chez Lao Telecom, mariée et ayant 2 enfants nous a dit avoir pris la pilule :

« Ça a été facile de tomber enceinte. Mais si on n’est pas prêt il faut prendre la pilule. Mais j'étais prête pour les deux enfants parce j'avais envie d’avoir des enfants. Après mes deux enfants j'ai pris la pilule parce que deux enfants ça suffit. »120

Moa, elle, n’utilise que des préservatifs :

« Pour ne pas avoir beaucoup d’enfants comment faites-vous ? 121

118 Entretien n°6, 07-03-13, Wat Si Meuang. 119 Entretien n°4, 06-03-13, Wat Si Meuang. 120 Entretien n°7, 07-03-1, Wat Si Meuang. 121

On utilise des préservatifs.

Qu'est-ce que vous pensez de la pilule?

Je ne l'ai jamais prise mais j’ai entendu que c'était bien. Mais c’est moi qui n’ai pas envie de la prendre j'utilise seulement des préservatifs, ça suffit. » (Moa, 35 ans, mariée, un enfant)122. Khoud, n’utilise que la « méthode naturelle »

« Comment vous faites pour ne pas avoir plus d'enfants?

Il faut bien se protéger. Par exemple quand on a ses règles, il ne faut pas avoir de relations sexuelles avec son mari. Mais quand c'est terminé, on peut avoir des relations sexuelles avec son mari pendant environ une semaine. Je fais selon la nature, je ne prends pas la pilule. /…/ Je ne l'ai jamais prise, j’utilise les méthodes naturelles. »123 (Khoud, 33 ans, habitante de la Province de Luang Prabang en visite à Vientiane, marchande, mariée et mère de deux enfants de 5 ans et 11 ans).

On peut noter que l’utilisation de ces méthodes est toujours rapportée au cadre marital, et appliquée à la planification familiale. De plus, même des femmes qui ne prennent pas la pilule n’y sont pas, dans le discours, hostiles :

« En 1990 il n’y avait pas de femmes qui prenaient la pilule. /…/ S’il y avait eu la pilule avant, je pense qu’on aurait eu moins d’enfants. »124. (Somphane, 52 ans, accoucheuse traditionnelle et employée au Wat Si Meuang, son mari est devenu bonze, 5 enfants).

Dans les discours des personnes de plus de 45 ans, la planification familiale est considérée comme un fait nouveau par rapport à avant, quand on ne pouvait pas maitriser les grossesses et qu’on utilisait des médicaments « traditionnels » :

«Aujourd’hui, on peut planifier la famille (le nombre d’enfant) parce qu’on connait les méthodes de contraception.

Comment les gens font pour avoir moins d’enfants ?

Premièrement on prend la pilule. Deuxièmement, il y a le stérilet, et troisièmement le préservatif. On a des choses pour se protéger et on peut fixer quand on veut avoir une relation sexuelle pour calculer la naissance de l’enfant.

Est-ce qu’avant il y avait des moyens traditionnels pour les femmes pour ne pas avoir d'enfants?

122 Entretien n°11, 11-03-13, Wat Si Meuang. 123 Entretien n°22, 15-03-13, Wat Si Meuang.

Oui il y en avait. J’ai entendu les anciens dire qu’il faut faire de la soupe et il y avait un type de médicament qu’on prenait pour ne pas avoir d’enfant. Mais la plupart des gens voulaient des enfants parce que plus on avait d’enfant mieux c’était » 125 (Mr Manosith, 67 ans, officiant au Wat Si Meuang, marié, 4 filles)

Les femmes de plus de 45 ans font aussi une opposition entre les méthodes de contraception naturelles à la campagne, et les nouvelles méthodes de contraception en ville.

« À la campagne ou en ville comment font les femmes qui ne veulent pas d'enfants ? On laisse faire la nature. Si c'est en ville, les femmes prennent la pilule. »126 (Mme Kamphet, 56 ans, veuve, 3 enfants)

Des femmes de plus de 45 ans ont aussi évoqué le rôle de la pratique de yu kam127 pendant le postpartum, comme moyen naturel pour « sécher l’utérus » et ainsi retarder le retour des règles et la grossesse suivante. Selon elle, cette fonction de yu kam n’est plus connue des jeunes femmes qui restent moins longtemps au-dessus du feu, parce qu’elles ont accès aux méthodes de contraception « modernes ».

« Pour moi il y a eu deux ans entre chaque enfant, parce qu’avant on pouvait rester yu kam et notre utérus séchait et donc c'était difficile d’avoir un enfant. Mais maintenant les femmes ne peuvent pas rester yu kam très longtemps et elles mangent n’importe quoi donc l’utérus est humide et elles peuvent avoir un nouvel enfant rapidement.

Yu kam c’est un moyen d'attendre un peu avant d’avoir un nouvel enfant ?

Yu kam c'est pour que notre utérus soit sec. C’est long pour avoir les règles, environ 1 an et 8 mois. Donc c'est difficile d’avoir un enfant. /…/ Je pense que c’est pour ça qu'on mettait plus de temps à avoir un nouvel enfant avant. Mais maintenant les gens ne savent pas se protéger et les femmes tombent enceintes facilement. Selon moi, aujourd’hui ils font des enfants vite et ils ont beaucoup d’enfants et puis ils attendent parce qu’ils ont le moyen de se protéger. Mais avant on ne savait pas planifier, on devait garder tous les enfants qu'on avait. Mais maintenant ils peuvent décider d’avoir 2 ou 3 enfants. Avant yu kam c'était pour éviter d'avoir des enfants facilement. » (Me Sithasavanh, 56 ans, fonctionnaire à la retraite, épouse de M. Manosith, mère de 4 filles)

Ainsi, les méthodes contraceptives sont évoquées et utilisées par les femmes en âge de procréer, dans le cadre de la planification familiale. Le discours des personnes plus âgées est marqué par l’opposition entre « avant », quand on utilisait les méthodes naturelles et

125 Entretien n°3, 06-03-13, Wat Si Meuang. 126 Entretien n°5, 06-03-13, chez Me Kamphet. 127

« traditionnelles » (les médicaments traditionnels, yu kam) et maintenant, où les familles peuvent « planifier » leur désir d’enfant grâce aux nouveaux moyens de protection.

Ceci est confirmé par un rapport d’enquête démographique datant de 2006-2008 128 sur la population de Vientiane (Lévi, 2009), qui montre que 88% des femmes connaissent la contraception, indépendamment du niveau de vie, mais que seulement 40% d’entre elles utilisent les méthodes contraceptives. En effet, les étudiantes et jeunes femmes célibataires connaitraient mais n’utiliseraient pas la contraception, qui reste utilisée principalement dans le cadre marital. De plus, certaines femmes mariées n’utilisent pas de méthodes contraceptives. Enfin, parmi les méthodes contraceptives, il semble que les plus utilisées soient la méthode naturelle (47 %), la pilule (30%) et le préservatif (13%).