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CONTEXTE LEGAL

5. ANALYSE DES RÉSULTATS

5.1 POLITIQUE MIGRATOIRE ET POLITIQUE D’AIDE SOCIALE SOUS LA LOUPE DE L’INTEGRATION

5.1.1.2 Dimension légale : ressortissant·e·s des États tiers

Les statuts juridiques des personnes étrangères ressortissantes des États tiers sont régulés par la Loi sur les étrangers et l’intégration (LEI). Ainsi, comme son nom l’indique une politique dite d’intégration s’inscrit au cœur de ce cadre légal, l’intégration étant caractérisée par quatre critères d’intégration, à savoir, (1) le respect des valeurs de la Constitution fédérale, (2) le respect de la sécurité et de l’ordre publics, (3) la volonté de participer à la vie économique et d’acquérir une formation, ainsi que (4) l’apprentissage d’une langue nationale (art. 58a LEI). Les mots d’ordre de l’État en matière de politique d’intégration sont « exiger et encourager » (SEM 30.03.2015). Ainsi, selon la définition de Schnapper, le terme « exiger » se réfère à une intégration à la société de la part de cette catégorie d’étranger·ère·s alors que le terme « encourager » se réfère l’intégration de la société. L’État suisse exige des personnes étrangères une intégration via la LEI et met l’accent sur leur responsabilité personnelle à remplir ces critères. De plus, l’État encourage les différentes structures et mesures développées en vue d’intégrer les personnes étrangères en Suisse.

Contrairement aux personnes étrangères ressortissantes de l’UE/AELE, les personnes étrangères ressortissantes des États tiers doivent remplir plusieurs critères d’intégration durant tout leur séjour en Suisse indépendamment du statut qui leur est octroyé. Ainsi, il convient d’analyser dans un premier temps, la dimension légale de l’appartenance. Il s’agira de se pencher plus particulièrement sur les différents titres de séjour (permis B et permis C État tiers). Ensuite, nous aborderons les dimensions socioéconomique et culturelle de l’appartenance, ce qui nous permettra de déterminer comment le cadre légal inscrit ces dimensions comme étant impératives au droit de séjour.

Généralement, les personnes étrangères ressortissantes des États tiers reçoivent une autorisation de séjour (permis B) par le biais du regroupement familial ou lorsqu’elles disposent d’un permis de travail (art. 33 LEI). Néanmoins, les autorisations de séjour en vue d’une activité lucrative pour les ressortissant·e·s des États tiers sont limitées par des contingents maximums qui sont fixés toutes les années en vertu de l’art. 20 LEI. De plus, un ordre des priorités est fixé par l’État, ainsi selon l’art 21 al. 1 LEI :

Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé.

Ainsi, il est très difficile pour un·e ressortissant·e des États tiers d’obtenir une autorisation de séjour en vue de l’exercice d’une activité lucrative. En effet, lors de notre entretien avec une personne travaillant au département juridique de l’administration cantonale des migrations, elle a relevé la difficulté des personnes ressortissantes des États tiers à obtenir une autorisation de séjour en vue d’une activité lucrative.2

Ainsi, nous pouvons relever une différence importante entre les différentes nationalités des personnes étrangères. En effet, les personnes ressortissantes de l’UE/AELE, sont, comme nous l’avons vu précédemment, considérées comme étant des personnes plus proches traditionnellement, socialement et culturellement des personnes nationales suisses. Ainsi, les critères d’appartenance au groupe dominant sont beaucoup plus souples en comparaison avec ceux des personnes étrangères ressortissantes des États tiers, qui elles, pour une grande majorité, séjournent en Suisse pour motif de regroupement familial.

De plus, les personnes étrangères des États tiers font également face à des conditions plus strictes en matière de regroupement familial. En effet, des conditions précises sont émises pour les personnes ayant un permis B, à savoir (1) faire ménage commun, (2) disposer d’un logement approprié, (3) ne pas dépendre de l’aide sociale, (4) être capable de communiquer dans la langue nationale du lieu de domicile, (5) le regroupant ne doit pas percevoir de prestations complémentaires, ni en percevoir grâce au regroupement familial (art. 44 LEI). De plus, il est important de souligner que la LEI exige également les mêmes conditions pour le regroupement familial des personnes étrangères ressortissantes des États tiers ayant un permis C (art. 43 LEI). Ainsi, les conditions pour le regroupement familial des personnes étrangères ressortissantes des États tiers sont explicitement plus strictes que pour les personnes étrangères ressortissantes de l’UE/AELE, où la seule condition est de faire ménage commun. Dès lors, selon Block (2014), le moyen de régulation principal de l’appartenance est la différenciation des conditions selon le statut des personnes et ainsi selon le droit de présence dont la personne est titulaire. De plus, selon les lois régissant le regroupement familial, nous pouvons mettre en évidence que les conditions d’octroi à ce droit sont régulées selon la façon dont la loi évalue le degré potentiel d’appartenance d’un individu à la communauté nationale. Ainsi, sont considérés comme étant les membres les moins forts à la communauté ceux pour qui les conditions à accumuler sont nombreuses. En d’autres termes, moins l’individu sera considéré comme étant susceptible d’être un membre « fort » à la communauté de l’État-nation, moins il·elle sera considéré·e comme un membre « fort ». En effet, le fait d’édicter explicitement des exigences strictes suppose qu’elles ne sont pas acquises d’office et elles doivent donc être exigées par la loi.

Ainsi, les personnes cumulant le plus de conditions sont les personnes provenant d’un pays non européen ne disposant pas d’un droit de présence de longue durée sur le territoire suisse mais d’un titre de séjour (permis B et L) ou admises provisoirement. En effet, pour octroyer ce droit, la loi exige de ces personnes des conditions non seulement économiques, légales mais aussi culturelles.

5.1.1.2.2 Autorisation d’établissement (Permis C États tiers)

L’autorisation d’établissement est délivrée aux personnes étrangères ressortissantes des États tiers sous les conditions de l’article 34 LEI :

Art. 34 Autorisation d’établissement

1 L’autorisation d’établissement est octroyée pour une durée indéterminée et sans

conditions.

2 L’autorité compétente peut octroyer une autorisation d’établissement à un étranger

aux conditions suivantes :

a. il a séjourné en Suisse au moins dix ans au titre d’une autorisation de courte durée ou de séjour, dont les cinq dernières années de manière ininterrompue au titre d’une autorisation de séjour ;

b.1 il n’existe aucun motif de révocation au sens des art. 62 ou 63, al. 2;

c.2 l’étranger est intégré.

3 L’autorisation d’établissement peut être octroyée au terme d’un séjour plus court si

des raisons majeures le justifient.

4 L’étranger qui remplit les conditions prévues à l’al. 2, let. b et c, et est apte à bien

communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile peut obtenir une autorisation d’établissement au terme d’un séjour ininterrompu de cinq ans au titre d’une autorisation de séjour.3

5 Les séjours temporaires ne sont pas pris en compte dans le séjour ininterrompu de

cinq ans prévu aux al. 2, let. a, et 4. Les séjours effectués à des fins de formation ou de formation continue (art. 27) sont pris en compte lorsque, une fois ceux-ci achevés, l’étranger a été en possession d’une autorisation de séjour durable pendant deux ans sans interruption.4

6 En cas de révocation en vertu de l’art. 63, al. 2, et de remplacement par une

autorisation de séjour, une nouvelle autorisation d’établissement ne peut être délivrée qu’au terme d’un délai de cinq ans, pour autant que la personne se soit entre-temps bien intégrée.5

Nous pouvons constater au sein de cet article de loi que l’obtention d’un permis C est également conditionnée par une durée de séjour et une « intégration » réussie au sens des critères imposés à l’art. 58a LEI. Ainsi, comme nous l’avons mentionné dans notre partie contextuelle, la protection des 15 ans de séjour ininterrompue a été ôtée, imposant de ce fait l’intégration au

cœur du droit de séjour d’une personne étrangère ressortissante des États tiers.3

Ainsi, une fragilisation du statut juridique (permis C) peut être relevée, dans la mesure où une « intégration » réussie doit constamment être démontrée sous réserve de sanctions, à savoir le permis C peut non seulement être rétrogradé en permis B si les critères d’intégration ne sont plus remplis, mais peut également être révoqué, même après 15 ans de séjour (art. 63 LEI).

été « affaiblis », dans le sens où les personnes étrangères ressortissantes des États tiers, doivent actuellement faire face aux mêmes conditions de séjour que les personnes ayant un permis B, notamment en ce qui concerne l’intégration et le droit au regroupement familial, ainsi la seule chose qui diffère entre ces deux statuts juridiques, c’est la durée de validité de l’autorisation. La précarisation de l’autorisation d’établissement montre que l’appartenance peut être remise en question. En effet, avant l’entrée de la LEI les personnes étrangères ayant un permis C et résidant en Suisse pendant 15 ans sans interruption n’avaient plus à prouver leur « intégration » au sein du pays d’accueil, alors qu’aujourd’hui, au sein de cette nouvelle loi, le permis d’établissement n’est plus une preuve « d’intégration réussie », dans la mesure où les personnes étrangères ressortissantes des États tiers, ayant un permis C ou un permis B, doivent perpétuellement prouver leur « intégration » tant qu’elles séjournent en Suisse. En effet, si l’on considère que l’obtention du permis C a validé le fait que l’« intégration » a déjà été réussie, on peut alors constater que cette validation est désormais insuffisante et qu’elle doit faire l’objet d’une réévaluation lorsque la personne devient « visible », par exemple lorsqu’elle se retrouve à l’aide sociale.