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CONTEXTE LEGAL

5. ANALYSE DES RÉSULTATS

5.1 POLITIQUE MIGRATOIRE ET POLITIQUE D’AIDE SOCIALE SOUS LA LOUPE DE L’INTEGRATION

5.2.2 MARGES DE MANŒUVRE DES AS CONCERNANT LE SEJOUR ET L’ETABLISSEMENT DES USAGERS

5.2.2.6 Marges de manœuvre des assistant·e·s sociaux·ales au sein du parcours d’intégration professionnelle des usager·ère·s

5.2.2.6.3 Aider les personnes à correspondre aux attentes de l’ORP

Afin de répondre aux exigences du service de l’emploi, les AS peuvent également donner des informations aux usager·ère·s sur les attentes de cette institution et tenter de les y préparer :

« Donc les personnes qu’on envoie, on essaie un maximum bah de… de bien les briefer et pis de bien leur dire mais écoutez si vous allez là-bas, bah… ça va se passer comme ça, comme ça comme ça, vous êtes prêts, prêtes à ça ? »

Aussi, la marge de manœuvre peut se trouver dans l’orientation de la personne vers des mesures socio-professionnelles avant de lui faire passer le test d’employabilité et ainsi l’aider à correspondre au mieux aux attentes de l’ORP mais aussi à lui éviter une situation d’échec par la confrontation aux attentes de ce service. Un·e assistant·e social·e nous dit à ce sujet :

« Si on voit que la personne est pas du tout prête à passer le [test 1 d’employabilité], on choisit d’abord la porte de l’insertion et après on fait [le test 1 d’employabilité]. Parce que des fois certaines personnes, le fait de revivre un échec par rapport à leur dossier de [l’ORP], ça péjore encore plus son état d’âme, son moral, etc. donc voilà c’est aussi un peu à nous de juger de qu’est-ce qui est le mieux pour la personne, comment il se sentirait et pis de sa motivation aussi. »

La notion d’individualisation du traitement des dossiers passant par la mise en place d’une aide adéquate est très présente, notamment en ce qui concerne le passage du test 1 d’employabilité au sein de cet entretien mené avec un·e assistant·e social·e, mais aussi au sein de tous les entretiens effectués avec des assistant·e·s sociaux·ales. C’est donc ce principe d’évaluation au cas par cas qui leur confère une grande marge de manœuvre par la mobilisation des différentes prestations que l’assistant·e social·e peut mobiliser comme ressources.

Aussi, une autre ressource possible est le fait de faire appel à un·e coach en insertion pour aider les usager·ère·s à passer les divers tests d’employabilité. Un·e assistant·e social·e dit à ce propos :

« Quand ils vont s’inscrire au chômage, eux ils vont leur demander mais vous avez un CV, une lettre de motivation, etc. et pis si eux ils ont pas ça, bah de nouveau ils se refont recalés, enfin c’est pas… ils vont refermer leurs dossier. Donc ce que moi je fais en général, si c’est des gens qui sont motivés mais qui ne sont quand même pas tout à fait prêt pour [l’ORP], je demande qu’ils aillent vers la conseillère en insertion. Là elle, elle peut aussi faire un état de situation, elle peut remettre à jour leurs dossiers et pis comme ça, une fois qu’ils sont prêts, bah elle elle les inscrit à [l’ORP] et pis comme ça bah moi déjà ça me décharge et pis ça permet à la personne d’avoir une personne qui est concentrée que sur son insertion, donc qui va pouvoir l’aider que là- dedans, parce que bah moi j’ai pas les compétences pour. Mais je peux pas envoyer tout le monde chez elle parce que sinon… »

Ici, la marge de manœuvre des assistant·e·s sociaux·ales se situe dans la sélection des usager·ère·s à consulter un·e coach en insertion, qui lui·elle est plus en mesure de préparer l’usager·ère aux exigences de l’ORP. Par conséquent, comme notre interviewé·e le mentionne dans cet extrait d’entretien, tout·e·s les usager·ère n’ont pas accès au·à la coach d’insertion, la sélection se fait au préalable par l’assistant·e social·e. Ainsi, c’est cette sélection que nous qualifions de marge de manœuvre professionnelle. Ce renvoi vers un·e coach en insertion peut être d’autant plus importante pour les personnes étrangères qui ne sont pas acceptées par le

d’une personne ayant un permis L et ayant perdu son emploi :

« Donc là elle a un permis euh un… forfait minimum restreint je crois que ça s’appelle, où on peut lui donner que l’entretien, le loyer et pis les frais médicaux. C’est-à-dire que on peut pas la placer en insertion. Donc là, on a moins de moyens à disposition pour l’aide à trouver du travail et en même temps… y a encore plus urgence pour qu’elle trouve un travail que pour un autre dossier. Dans un autre dossier, j’aurais peut-être travaillé d’autres choses avant ou parallèlement, mais là, j’ai vraiment mis le paquet sur l’insertion tout de suite, qu’elle trouve du travail tout de suite… Donc je l’ai envoyé chez [mon·ma collègue] qui est notre [conseiller·ère] d’insertion. Ça c’est quelque chose que je fais rarement au premier entretien parce que ouais y a tellement de chose à régler que… je commence pas par ça. Là je me suis dit bon, priorité on met ça. Donc ça on a fait… J’ai pris contact avec le chômage aussi, j’ai appris entre temps qu’elle avait pas fait tout ce qu’elle avait à faire pour le chômage donc ils fermaient le dossier, donc on n’aura pas de soutien, donc on pourra pas la placer par le chômage non plus. Donc, voilà. Là ça donne, ça restreint beaucoup et puis ça… je dirais, ça met le cadre différemment »

Un·e autre assistant·e social·e nous dit user du premier test d’employabilité pour cadrer les usager·ère·s qui auraient besoin d’effectuer une mesure d’insertion professionnelle avant de passer le test d’employabilité et qui ne jugeraient pas nécessaire d’effectuer de mesures d’insertion socio-professionnelle. Ainsi, l’assistant·e social·e userait du test d’employabilité pour lui montrer qu’il ne correspond pas aux exigences du marché de l’emploi :

« Y a des personnes où j’ai passé trois fois le [test 1 d’employabilité] parce qu’à chaque fois il me revenait en arrière. À chaque fois je discutais avec la personne. Elle était là oui oui mais c’est bon je vais y aller. Parce qu’une fois ils ont pas reçu la convocation, enfin voilà, on a essayé et pis à un moment donné moi j’ai dit stop, vous voyez bien que au bout de trois fois, vous y arrivez pas donc… on a changé de stratégie, je l’ai d’abord… je l’ai d’abord orienté vers un contrat d’insertion, les contrats d’insertion ils durent trois mois. Donc je dis si vous arrivez à trois mois dans un contrat d’insertion, bah on reparlera d’une inscription mais sinon, bah ça sert à rien, pour l’instant vous êtes pas prêt à faire trois mois d’insertion, vous serez de toute façon pas prêt à retrouver un travail à 100% ou à 80% ou à 60% donc ça sert à rien. Donc c’est un petit peu comme ça qu’on fonctionne au niveau de [l’ORP].

S’il veut rien faire ou s’il sait pas ce qu’il veut faire [parle de l’usager·ère], je vais pas l’envoyer là-bas [à l’ORP], il va se faire lyncher, il va… donc c’est pas du tout le but. Le but c’est déjà de trouver une solution avec eux. C’est déjà de trouver un projet, comme ça quand il ira à [l’ORP], bah il aura déjà quelque chose de concret, parce que sinon voilà bah je vous ai dit eux ils sont pas… ils sont pas social, eux ils sont marché de l’emploi, travail, employabilité et pis c’est tout. Ils ont pas cette vision, cette vision- là donc s’ils sont pas prêts à aller à [l’ORP], moi je vais pas les envoyer. »

Dans cet extrait, l’assistant·e social·e use du test d’employabilité comme marge de manœuvre, dans la mesure où il·elle tente de convaincre l’usager·ère d’effectuer une mesure d’insertion pour qu’à l’avenir l’usager·ère corresponde au mieux aux attentes du marché de l’emploi. D’un autre côté, la marge d’appréciation de l’assistant·e social·e lui permet également d’éviter à l’usager·ère qui ne correspond aux exigences de l’ORP de subir une forme de disciplinarisation

en cas de contact avec le service de l’ORP. Car en effet, comme nous l’avons mentionné plus haut, celui-ci conçoit l’accompagnement avant tout par rapport aux critères du marché de l’emploi.