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LE CONCEPT D’INTEGRATION : UN PROCESSUS COMPLEXE DE RELATIONS INTRA-GROUPES ET INTERGROUPES

CONTEXTE LEGAL

3. PARTIE THÉORIQUE

3.2.3 LE CONCEPT D’INTEGRATION : UN PROCESSUS COMPLEXE DE RELATIONS INTRA-GROUPES ET INTERGROUPES

Selon Tabin, le concept d’intégration permet de mettre en exergue les relations intergroupes. Ainsi, il est utilisé pour décrire les relations entre le groupe constituant des autochtones et le groupe des personnes étrangères. En d’autres termes, ce concept permet d’éclaircir les relations entre le groupe dominant (population nationale autochtone) et le groupe dominé (population nationale étrangère). En effet, les règles de l’intégration étant définies et imposées par le groupe dominant au groupe dominé, cela illustre un rapport de domination sous-jacent à la création de ces règles (TABIN 1999 : 57).

Nous comprenons ici la distinction entre le groupe dominant et le groupe dominé comme étant un processus de catégorisation sociale. En créant le statut de citoyen·ne·s, le groupe dominant se forme et se distingue des non-citoyen·ne·s, soit du groupe dominé. En créant une catégorie uniforme le groupe dominant homogénéise la population étrangère par le biais du statut juridique qu’elle leur octroie (TABIN 1999 : 68).

Cette homogénéisation de la population étrangère donne également lieu à une homogénéisation des problèmes d’adaptation qu’il·elle·s peuvent rencontrer. En créant un groupe uniforme (les étranger·ère·s) « sans tenir compte des différences individuelles, ni du rôle du pays d’accueil dans la production des problèmes » (TABIN 1999 : 68) d’adaptation, le pays d’accueil identifie les problèmes d’adaptation « comme étant des problèmes des étranger[ère]s » (TABIN 1999 : 68) considérant ainsi ce phénomène comme collectif et expliquant celui-ci par la variable nationale.

Si le concept d’intégration permet de comprendre les relations entre le groupe dominant et le groupe dominé, les concepts d’adaptation sociale et d’intégration sociale décrivent quant à eux les relations entre l’individu appartenant au groupe dominé et le groupe dominant. Il convient donc de se pencher sur ces deux processus en vue de mieux comprendre le point de vue microsociologique.

Le concept d’adaptation sociale « décrit les mécanismes par lesquels un individu se rend propre à appartenir au groupe » (TABIN 1999 : 58) et a pour conditions des changements à effectuer chez l’individu qui veut appartenir au groupe. Le concept d’intégration sociale « décrit quant à [lui] les mécanismes par lesquels le groupe admet un nouveau membre » (TABIN 1999 : 58). Du point de vue microsociologique, le concept d’adaptation sociale permet selon Tabin de mesurer le processus d'intégration. Ainsi, pour qu’une intégration soit réussie, il faut selon Tabin, « qu’il y ait une dynamique d’échange entre étranger et autochtone, que l’étranger participe de manière active à l’ensemble des activités de la société, qu’il adhère individuellement aux règles de fonctionnement et aux valeurs de la société d’accueil ; qu’il respecte ce qui fait l’unité et l’intégrité de la communauté dont il devient partie, etc. » (TABIN 1999 : 59). En d’autres termes, pour qu’une intégration soit évaluée comme réussie, l’individu doit répondre à des critères d’intégration déterminés par l’État.

En outre, le processus d’intégration sociale est lié à la conception de la communauté nationale de l’État. C’est pourquoi il est également important d’analyser l’intégration de l’État, qui instaure

des politiques de distinction non seulement entre population étrangère et population autochtone, mais aussi au sein même de la population étrangère. En effet, les personnes étrangères se voient différencier « selon leur proximité culturelle et sociale avec le modèle dominant, plus simplement selon leur nationalité » (TABIN 1999 : 69). Ainsi, en faisant cette distinction au sein même de la population étrangère, les politiques d’intégration déployées par l’État favorisent une certaine catégorie de personnes étrangères, à savoir celle qui lui est le plus proche socialement et culturellement.

L’une des spécificités de l’adaptation sociale d’une personne étrangère est que non seulement elle n’a pas le statut d’autochtone et doit donc satisfaire des critères d’intégration, mais en plus de cela, l’adaptation sociale est caractérisée par la notion d’(in)visibilité. En effet, la question de l’intégration va apparaître et être visible lorsque d’éventuels problèmes d’adaptation sociale sont soulevés (TABIN 1999 : 68). Nous aborderons donc l’invisibilité plus amplement dans la prochaine partie.

3.2.3.1 Caractéristique principale de l’intégration : l’(in)visibilité

Du point de vue de la société d’accueil, la caractéristique principale de l’intégration est, selon Tabin, l’invisibilité. En effet, s’appuyant sur Michel Oriol, il écrit que « le concept d’intégration : est un terme qui est entré dans la langue naturelle. « Intégré », désigne […] l’ensemble des groupes d’origines étrangère qui ne font pas de problème pour la population de souche. C’est un terme assez connoté, donc, par la notion d’invisibilité » (ORIOL 1984 cité dans TABIN 1999 : 70).

Dès lors, le degré d’intégration est jugé en fonction du degré d’invisibilité de la personne étrangère dans une société donnée. En effet, du point de vue macrosociologique le jugement sur l’intégration s’effectuera par le biais de la visibilité au sein de la société. Ainsi, les problèmes sociaux visibles auxquels les personnes étrangères vont se heurter vont être décelés comme un pan négatif de leur intégration, étant de ce fait jugés par la société d’accueil comme preuve d’une intégration partiellement ou non réussie (TABIN 1999 : 70).

L’invisibilité des personnes étrangères au sein de la société d’accueil est une caractéristique de l’intégration qui peut faire peur à une frange de la population dite autochtone. Cette partie de la population craint que les personnes étrangères jugées intégrées et donc invisibles aux yeux de la société soient une menace pour l’identité nationale (TABIN 1999 : 71). Selon Tabin, c’est notamment en pointant du doigt cette peur que des mouvements racistes ou xénophobes se développent et tentent de rendre la différence symbolique entre « nous » et « eux » irréductible, et de ce fait la rendent à nouveau visible, dans le but de créer une plus forte cohésion sociale au sein du groupe dominant (TABIN 1999 : 71).

Enfin, la production du « nous » et du « eux », ou en d’autres termes la production de la personne étrangère et de la personne autochtone, est selon Tabin non seulement arbitraire, mais elle participe également à l’intégration sociétale d’un pays qui « elle est aussi plus ou moins achevée, avec pour conséquence des identités nationales plus ou moins fortement exprimées ou unies » (TABIN 1999 : 73).

Aussi, la vision hiérarchisée de la société pousse les personnes étrangères à être « invisibles » aux yeux de celle-ci, dans la mesure où l’intégration sociale est déterminée par le groupe dominant, à savoir les personnes autochtones. Ainsi, « est intégré dans une société l’étranger[·ère] qui se conforme (du moins en apparence) au modèle dominant de la société dans laquelle il[·elle] habite » (TABIN 1999 : 74).

l’étudier à travers la notion d’intégration. Nous avons souligné que la notion d’intégration est conceptualisée par le biais du terme adaptation sociale en vue de mesurer l’intégration à et l’intégration de la société. Ensuite, nous nous sommes penchées sur la caractéristique de l’invisibilité, qui elle, est essentielle à la mesure de l’intégration. Cependant, il convient de mettre en relation le concept d’intégration au concept d’appartenance sociale (membership), dans la mesure où, comme nous l’avons mentionné, le groupe dominé (population nationale étrangère) est créé et hiérarchisé par le groupe dominant (population nationale autochtone) à travers le statut juridique qui lui est octroyé. Il existe d’autres critères liés à l’appartenance, pouvant être plus ou moins contraignants dans les sphères économiques, sociales et culturelle de la société. Partant de ce constat, il convient maintenant de nous arrêter sur le concept d’appartenance sociale (membership) qui rend compte de ces critères.