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La dialectique des médias et des milieux

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PARTIE 2 : LA SEMANTIQUE SELON LA THEORIE DES JEUX, UN OUTIL POUR LA

3. QUELQUES REMARQUES SUR LA DIALECTIQUE DES MEDIAS ET DES MILIEUX

3.2. La dialectique des médias et des milieux

Dans ce paragraphe, je propose d’utiliser les outils de modélisation mis en place dans le précédent chapitre de cette partie pour conduire une analyse didactique d’un problème d’algèbre linéaire. La modélisation construite permettra aussi de discuter de la dialectique des

médias et des milieux. Je m’intéresse donc toujours aux dialogues et aux assertions des élèves au sein de ces dialogues. Les dialogues forment un type particulier de médias dans la mesure où ils mettent en œuvre des assertions porteuses d’information. Cependant, cette information n’est pas univoque. Il appartient aux interlocuteurs d’interpréter les assertions au sein d’un jeu de langage afin d’en déterminer la fonction dialogique. J’ai montré, notamment dans le deuxième chapitre de la première partie que ces processus d’interprétation peuvent conduire à des incompréhensions. Mon objectif ici est d’analyser sur plusieurs exemples le type de milieu qui peut être questionné par un interlocuteur afin de construire sa compréhension d’une assertion. Dans un premier temps, j’étudie le cas d’un dialogue déséquilibré entre un enseignant et un élève en prenant l’exemple d’un exercice d’algèbre linéaire donnant lieu à une erreur assez stable chez les étudiants des premières années universitaires. Je m’appuierai sur une modélisation a priori et sur des éléments expérimentaux recueillis auprès d’étudiants en première année à l’INSA de Lyon. La deuxième illustration concerne à nouveau des dialogues du corpus de Battie (2003). Il s’agit cette fois d’un dialogue entre élèves. Le retour sur ce corpus est aussi l’occasion d’intégrer les hypothèses avancées sur le rôle des objets dans l’émergence des stratégies de preuve dans le cadre de la dialectique étudiée.

Première illustration : dialectique médias/milieux et jeu à information incomplète

Je commence par une analyse a priori d’un exercice d’algèbre linéaire dont l’énoncé est le suivant :

Enoncé. Soit E un espace vectoriel sur et fL(E) telle quexE, (x,f(x)) est lié.

Montrer que λ ,∀xE, f(x)=λx.

Confrontés à cet exercice, de nombreux d’étudiants produisent une preuve de ∀xE,∃λ∈ , f(x)=λx puis en restent là, convaincus de s’être conformés à l’intention didactique du concepteur de l’exercice. Je précise ces remarques en m’appuyant sur la notion

de jeu à information incomplète. Les jeux à information incomplète sont des jeux pour lesquels un des joueurs n'a pas une connaissance complète de la structure du jeu. Yildizoglu (2003) modélise ce déséquilibre en faisant intervenir un nouveau joueur « la Nature » qui fixe la structure du jeu en début de partie. Dans cette modélisation, le choix de « la Nature » n’est pas transparent pour au moins un des joueurs. Le joueur qui est lésé au départ n’a pas alors d’autre choix que de s’appuyer sur les choix des autres joueurs pour se construire une opinion sur la structure du jeu qu’il est en train de jouer :

« Dans un contexte dynamique, les choix du joueur 1 auront un intérêt particulier pour le joueur 2 dans la mesure où ces choix suivent l'observation du choix de la Nature. C'est dans ce contexte que des phénomènes vraiment intéressants, comme l'utilisation des choix comme des signaux ou la révélation de l'information privée, peuvent apparaître. » (Yildizoglu, 2003, p. 113)

J’utilise ce cadre pour proposer une modélisation a priori, fondée sur la logique dialogique, de cet exercice. Dans cette modélisation, un des joueurs – qui modélise l'enseignant – et un seul, dispose a priori d'une information complète. L’autre joueur – qui modélise l’étudiant – doit néanmoins défendre sa position dans le jeu.

Choix de « la Nature ». La « Nature » choisit entre deux jeux. Dans le premier, le proposant engage la partie avec l'assertion :

1: B

A⇒ (∀x,∃α,∃β,(α,β)≠(0,0)∧(αxf(x)=0))⇒(∀x,∃λ, f(x)=λx) Dans le second, le proposant engage la partie par :

2: B

A⇒ (∀x,∃α,∃β,(α,β)≠(0,0)∧(αxf(x)=0))⇒(∃λ,∀x, f(x)=λx)

Modélisation en termes de jeux dialogiques.

Axiome : x

(

αβ(α,β)(0,0)(αx+βf(x)=0)(λ,f(x)=λx)

)

Opposant Proposant

1 ABi

2 A

3 x=x,?α,?β

4 (α,β)(0,0)(αx+βf(x)=0)

5 x=x

6 αβ(α,β)(0,0)(αx+βf(x)=0)(λ,f(x)=λx)

7 ∃α∃β(α,β)≠(0,0)∧(αxf(x)=0)

8 ?α,?β

9 (α,β)≠(0,0)∧(αxf(x)=0)

10 λ,f(x)=λx

11 ? λ

12 f(x)=λx

13 Bi

Commentaires. « La Nature » commence par choisir entre i = 1 et i = 2. Le proposant ne connaît pas ce choix mais s’engage dans la défense de l’énoncéABi (1), que l’opposant attaque en ouvrant un sous jeu autour de l’antécédent du conditionnel (2). Le proposant

poursuit en choisissant une lettre à substituer à l’emplacement marqué par x et exige de l’opposant qu’il fasse de même pour les emplacements marqués par α et β (je conserve les mêmes lettres) (3). L’opposant défend alors l’énoncé sans quantificateurs correspondant (4).

Même si il peut encore attaquer la conjonction de (4), le proposant a perdu le sous jeu. Il poursuit alors par l’utilisation de l’axiome en forçant l’opposant à le défendre. Le proposant choisit à cette occasion (5 et 6) le même lettre qu’il avait déjà choisie en (3). Le proposant attaque le conditionnel, il ouvre un sous jeu dans lequel il en avance l’antécédent (7). En (8), l’opposant exige un choix de lettre pour substituer aux emplacements marqués par α et β, le proposant construit son choix sur le choix de l’opposant en (3). Comme le proposant l’avait fait en (5), l’opposant abandonne le sous jeu (il pourrait attaquer la conjonction mais cette attaque est sans intérêt stratégique ; une réponse du proposant serait de modifier symétriquement sa stratégie en (5)). En (10), il poursuit par la conclusion du conditionnel (6).

Il n’a pas d’autre choix. Le proposant demande à l’opposant de faire un nouveau choix de lettre (11) & (12) puis n’ayant plus d’alternative, le proposant défend B (13). i

Analyse. Ce jeu possède une symétrie au niveau du choix des lettres associé aux règles concernant la manipulation des quantificateurs. En (9), le proposant reproduit le choix effectué par l’opposant en (5). Or ce choix de lettres constitue l’essentiel de la marge de manœuvre stratégique de ce jeu de preuve. Autrement dit, le proposant a la possibilité de construire jusqu’en (12) une stratégie fiable qui repose essentiellement sur les informations apportées par l’opposant et ceci de manière aveugle par rapport au choix de la nature concernant la structure du jeu qui est joué. Cependant, les règles du jeu forcent le proposant à faire une hypothèse sur i en (13). Il faut tout du moins, pour que le jeu se poursuive que l’opposant fasse un choix sur ce qu’il souhaite défendre en (13), B ou 1 B . 2

Dans le cas où le proposant choisit B , la situation est la suivante. Si le choix de « la 1 Nature » était i = 1, le choix de B est un coup autorisé qui permet l’émergence d’une 1 stratégie gagnante. Il lui suffit en effet de reprendre la partie qui vient d’être jouée en repoussant l’attaque de l’axiome après la défense de B et le choix d’une lettre par l’opposant 1 pour l’emplacement marqué par x dans B (ce sont les assertions E et F du tableau ci-1 dessous). Le tableau ci-dessous détaille la stratégie gagnante du proposant. A l’inverse si le choix de « la Nature » était B , le coup du proposant est « hors-jeu ». 2

Opposant proposant

A AB1

B A

C x=x,?α,?β

D (α,β)(0,0)(αx+βf(x)=0)

E B1

F x=x

G x=x

H αβ(α,β)(0,0)(αx+βf(x)=0)(λ,f(x)=λx)

I αβ(α,β)(0,0)(αx+βf(x)=0)

J ?α,?β

K (α,β)≠(0,0)∧(αxf(x)=0)

L λ,f(x)=λx

M ? λ

N f(x)=λx

O xf(x)=λx

P ? λ

Q f(x)=λx

Dans le cas où le proposant choisit B , la situation est la suivante. Si le choix de « la 2 Nature » était i = 2, ce choix est celui que le proposant doit tenter. Il n’existe cependant pas dans ce jeu de stratégie gagnante pour le proposant (sans hypothèses supplémentaires structurant le jeu de langage comme la linéarité de la fonction considérée) et par conséquent aucune stratégie de preuve n’émerge. Si le choix de « la Nature » était i = 1, le choix du proposant est « hors-jeu ».

Conclusion. Le proposant a donc pour tâche en (13) de chercher dans les assertions de l’opposant reçues jusqu’ici des éléments susceptibles de le guider dans la construction de son hypothèse concernant le choix préalable de « la Nature ». Autrement dit, pour parvenir à lire l’énoncé de l’exercice, à rendre effective la fonction de média de cette assertion, il doit s’appuyer essentiellement sur un milieu composé des assertions de l’opposant dans le jeu dans la mesure où celles-ci sont susceptibles de laisser transparaître des informations sur le choix de « la Nature ». Comme évoquée plus haut, la seule possibilité de victoire dans le jeu de preuve présenté est de jouer B en espérant que le choix de « la Nature » ait effectivement été 1 i = 1. Il paraît alors assez rationnel de faire cette hypothèse sur le choix de « la Nature » dans la mesure où le milieu n’est pas enrichi par d’autres éléments. Cette attitude peut être interprétée comme résultant d’un effet de contrat. L’activité mathématique se trouve freinée par la conjonction d’un milieu plutôt pauvre et de l’hypothèse selon laquelle l’enseignant a pour charge la présentation d’un milieu suffisamment riche pour permettre la bonne compréhension de son discours.

Eléments expérimentaux. Les extraits ci-dessous proviennent d’une expérimentation menée auprès de deux groupes d’étudiants de première année de l’INSA de Lyon, une école d’ingénieur qui recrute des étudiants à la sortie du lycée (le plus souvent des étudiants scientifiques ayant eu une mention bien, ou très bien, au baccalauréat). Le premier groupe est composé de trois étudiants K, B et T, le second de quatre R, G, A et P. Deux expérimentateurs interviennent dans ces dialogues, M (Viviane Durand-Guerrier) et N (moi-même). Le sujet

complet de l’expérimentation se trouve en annexe (annexe 8). L’expérimentation s’est déroulée sur la base du volontariat et en dehors du temps normal de classe. Le travail des étudiants a été enregistré et filmé. Les extraits qui suivent proviennent de discussions autour du quatrième exercice de l’expérimentation dont l’énoncé est identique à l’exercice évoqué au dessus. Les transcriptions complètent des dialogues de l’expérimentation qui concernent cet exercice sont en annexe52.

Groupe 1, épisode 1 (assertions 6-8 ; 14-20) : la famille elle est liée, ça veut dire que

0

Groupe 1, épisode 2 (assertions 21-24 ; 39-40) :

21. K : Ouais, mais faut montrer que c’est le même pour tout les x.

22. T : Merde.

23. B : Ben on le vérifie deux fois.

24. K : C’est un endomorphisme donc c’est une application linéaire… Ça peut

40. B : C’est vrai, c’est vrai… Fais voir, fais voir…

[K explique sa solution]

Groupe 1, épisode 3 (assertions 58-60 ; 64 ; 100 ; 106-110) : existe un mais pas forcément le même pour tous. Là, c’est marqué « il existe λ tel que pour tout x… ». Remarque, pas sûr, il mettrait « un unique ». Nous, on a montré que c’était le même, on est trop fort ! fait, il est unique, qu’ils sont uniques les

λ.

peut-être servir.

[…]

39. K : Ouais c’est bon, j’ai démontré.

[Rires]

Analyse. Dans le premier épisode, les étudiants commencent par engager un jeu d’intérieur, une production syntaxique de preuve (cf. partie 1, Chapitre 1). La manipulation des quantificateurs leur permet d’accéder à la relation f(x)=λx qui correspond à l’assertion (12) de la modélisation proposée (cf. ci-dessus, p. 143). Les étudiants semblent alors pencher pour l’interprétation selon laquelle le jeu de preuve est terminé (14, 19, 20). Au niveau de la modélisation, cette interprétation revient en acte à choisir B1 en (13) et à supposer que le choix de « la Nature » est i = 1. Les étudiants paraissent trouver le jeu plutôt pauvre, la fonction de média de l’énoncé de l’exercice est critiquée puisque l’interprétation qu’ils en font est peu informative. Dans cet épisode, le milieu fréquenté est composé des seuls éléments de la production syntaxique, c'est-à-dire des assertions formelles. Dans le deuxième épisode, K change d’avis sur le sens de f(x)=λx et sur la structure du jeu associé à l’exercice. La fonction médiatique de l’énoncé n’est pas seulement d’informer sur une relation entre les vecteurs et leurs images mais aussi d’informer sur l’invariance de cette relation lorsque les vecteurs changent. La fonction dialogique de la relation f(x)=λx se trouve modifiée. K se charge alors d’étendre le milieu interrogé en y intégrant notamment la linéarité de la fonction f. Cela qui lui permet de se donner les structures d’un jeu de preuve autorisant l’émergence d’une stratégie de preuve formelle pour la nouvelle interprétation de l’énoncé. Le troisième épisode montre que les étudiants, au moins B et T, ne semblent pas considérer l’énoncé de l’exercice comme quelque chose ayant une signification déterminée. En particulier l’ordre des quantificateurs n’est pas perçu comme un élément contraignant de la fonction de média de l’énoncé, ce qui est cohérent avec la modélisation proposée, en particulier avec l’intervention de « la Nature » dans le jeu de preuve. La troisième partie de la thèse revient plus en détail sur l’usage des quantificateurs par les étudiants.

Groupe 2, épisode 1 (assertions 83-85 ; 115-119) :

83. R : Pourquoi, pourquoi on cherche…

Si la famille est liée, ça veut dire tout

Groupe 2, épisode 3 (assertions 179 ; 186-197 ; 201-206) :

179. N : Posez-vous la question du choix des α et desβ que vous avez

simplement que tu as λ, tu as

128. N : Vous avez rédigé l’exercice quatre ?

129. R : Ouais, on l’a presque fait.

130. G : Je suis en cours.

[…]

152. N : Euh, donc juste par rapport à ça… Je voudrais vous demander si ce que vous avez démontré, c’est bien ce qu’il y a écrit ici ?

pris… Quand est-ce que vous faites ce choix ?

190. N : Donc vous les choisissez après avoir choisi les x quoi ?

191. P : Ben…

192. R : Ah ouais…

193. P : x, il est quelconque donc euh…

194. R : C’est pour un x fixé qu’on a α et β, c’est pas forcément pour tout x…

Parce qu’après c’est marqué pour tout x.

195. G : Ah ouais, ouais, ouais…

196. R : Ah ouais… Parce que c’est pour chaque x fixé, tu as la famille qui est liée…

197. G : Qui est liée, mais elle est pas liée pareil pour tous les x.

[…]

Mais ça pourrait être ça qu’il faudrait démontrer.

[…]

Groupe 2, épisode 4 (assertions 227-229) :

227. A : On n’a aucune… On n’a rien sur x et f(x)…

228. R : Ah mais, il faut « montrer

161. P : Attends, y a une subtilité, là…

162. A : Ben oui, y a une subtilité.

[Ils reproduisent le même jeu que plus haut.] varier mais peut être que le rapport justement, il varie pas… Ça, ça doit aller avec le fait que c’est une application linéaire.

229. G : Si, mais justement, j’étais en train de regarder ça, j’ai voulu mettre un contre-exemple, mais en voulant mettre un contre-exemple je me suis rendu compte que ce que j’ai mis, c’était pas linéaire. Donc justement, je pense qu’il faut utiliser le fait que c’est linéaire maintenant.

Analyse. Dans l’épisode 1, les étudiants déroulent les définitions selon des procédés syntaxiques. Il s’agit donc à ce moment d’un jeu d’intérieur. Comme le groupe précédent, ils pensent avoir terminé l’exercice un fois parvenus à l’expressionf(x)=λx. L’intervention de l’expérimentateur (152) – épisode 2 – est alors nécessaire pour immiscer le doute (160-162, 173) dans le groupe. Ce doute concerne davantage la fonction de média de l’expression

x x

f( )=λ au sein du jeu de preuve, sa fonction dialogique, que la correction de l’expression elle-même. A l’image de l’autre groupe, A semble trouver la structure du jeu, dans la forme de leur interprétation commune de l’énoncé, trop triviale au regard des habitudes de la classe (160). Plusieurs nouvelles interventions de l’expérimentateur (179, 186, 190) permettent de débloquer la situation (épisode 3). Pour autant, deux étudiants ne semblent pas complètement convaincus de la nécessité de modifier la structure du jeu sous-jacent (204, 206). A nouveau, le procédé est exclusivement syntaxique, le milieu utilisé pour faire fonctionner la fonction de média de l’énoncé est composé des seules assertions des étudiants et de l’expérimentateur.

Dans l’épisode 4, le type de milieu interrogé change. G dit s’être appuyé sur la recherche d’un contre-exemple pour se rendre compte de la nécessité d’utiliser le caractère linéaire de la fonction dans la preuve. En effet, G s’aperçoit que l’énoncé, compris de manière régulière, est faux si l’on autorise des fonctions non linéaires à faire partie de la structure d’interprétation.

Cette dernière remarque rejette définitivement la structure de la première tentative de preuve (épisode 1). Il est alors naturel de modifier la structure du jeu, en introduisant de nouveaux axiomes structurants, de manière à exclure la présence de ces éléments de toutes structures

potentielles d’interprétations. Le caractère linéaire de la fonction considéré est un bon candidat pour ce rôle.

Synthèse. Les deux analyses des extraits proposés montrent une difficulté pour les étudiants à situer la relation f(x)=λx dans un cadre stratégique. Sa fonction dialogique n’est pas transparente. La modélisation proposée, construite sur le principe des jeux dialogiques à informations incomplètes, rend compte de cette difficulté en introduisant de l’aléatoire, le choix de « la Nature », dans la structure du jeu. Les deux transcriptions analysées distinguent deux temps dans la recherche des étudiants. D’abord, les deux groupes semblent jouer un jeu dans lequel leur interprétation de l’énoncé à démontrer s’identifie avec le cas de notre modélisation pour lequel le choix de « la Nature » est i = 1. Ensuite, un changement s’opère vers la pratique d’un jeu dans lequel la stratégie initiale échoue. Au niveau de la modélisation, ce jeu peut s’identifier avec celui pour lequel le choix de « la Nature » est i = 2, complété par la présence d’axiomes concernant la linéarité de la fonction. Le milieu utilisé par les étudiants est composé d’assertions formelles (à l’exception de l’épisode 4 du groupe 2) dont ils recherchent les possibilités stratégiques au sein de la structure explorée. Le fait que ces possibilités soient fortes et immédiates dans le cas où l’énoncé est compris comme

, , ,

(∀x ∃α ∃β (α,β)≠(0,0)∧(αxf(x)=0))⇒(∀x,∃λ, f(x)=λx) – elles débouchent de manière immédiate sur une stratégie gagnante – conduit les étudiants à être peut regardants vis-à-vis du média, le langage, qu’ils utilisent.

Deuxième illustration : les dialectiques médias/milieux et décision/validation

Je reviens ici sur des extraits du chapitre 8 la thèse de Battie (2003) que j’ai déjà utilisés au chapitre précédent de cette partie. Mon objectif est d’essayer d’intégrer les questions liées à la dialectique média/milieu à ma précédente analyse sur la place de la sémantique dans les situations de validation en mathématiques. Je commence par revenir sur l’extrait provenant de l’épisode 4 dans lequel un groupe d’étudiants se posait la question de la validité de l’énoncé

« tout entiers naturels a et b, )(pgcd(a,b)=1)⇒(pgcd(a2,b2)=1 ». Ma modélisation s’est construite sur une analyse sémantique puisqu’au cours du jeu de langage, de véritables choix d’objets sont intervenus pour enrichir le milieu. Comme je l’ai souligné, ce dialogue est resté

un dialogue de décision dans la mesure où les élèves n’ont pas su utiliser les différentes parties et choix effectués pour glaner de l’information sur les raisons du succès de chacune des parties engagées. Les objets mathématiques amenés dans le milieu n’ont pas permis de montrer la raison des victoires répétées du proposant dans le jeu. Les assertions des joueurs, regardées dans le rôle de média, n’ont pu être interprétées (situées stratégiquement).

Je reviens maintenant sur le deuxième extrait analysé dans le chapitre précédent. Il s’agit de l’épisode 6 du corpus de Battie dans lequel une élève expliquait à d’autres élèves sa preuve de l’irrationalité de 2. Ce dialogue est de validation, l’usage des assertions par les élèves est un usage stratégique et non plus exploratoire comme dans le jeu précédent. Les objets n’interviennent plus dans le milieu, les différents choix formels suffisent à rendre visible la signification des assertions du proposant, à interpréter les messages du média. Autrement dit, le milieu est exclusivement composé d’éléments langagiers. Cependant, tous les jeux de langage de la séance autour de la rationalité de 2 ne sont pas de ce type. Voici par exemple un extrait de l’épisode 1 de ce corpus.

c’est de la forme irréductible donc a et b…

Oui.

C’est vrai.

J’ai dit c’est vrai.

A : Donc, a devrait être multiple de 2 Regarde si tu l’écris comme ça.

Oui.

Oui mais bon comment tu trouves a et b ? ...

Il y a dans ce dialogue un aller retour entre le formel (« non là on sait rien sur a et b ») et le sémantique (« imaginez a c’est 4 »). Contrairement à l’extrait de l’épisode 6, les joueurs ne sont pas fortement engagés envers leurs assertions, il n’y a aucune injonction. Le jeu est un jeu de décision, les énoncés sont projetés dans le milieu dans l’attente de voir émerger une stratégie pour le moment absente. On peut également noter que les objets ne sont pas absents du milieu. Le nombre 4 est également manipulé par les interlocuteurs pour essayer d’accéder à la fonction médiatique des assertions en jeu.

Synthèse des exemples. Dans les dialogues de décision, il semble que le dialogue soit équilibré dans le sens où les assertions de chacun des joueurs ont un même statut de média. Le milieu interrogé se construit sur les choix des partenaires du jeu. Parmi ces choix, il y a dans les exemples traités le choix des assertions effectuées par les joueurs mais également le choix

Synthèse des exemples. Dans les dialogues de décision, il semble que le dialogue soit équilibré dans le sens où les assertions de chacun des joueurs ont un même statut de média. Le milieu interrogé se construit sur les choix des partenaires du jeu. Parmi ces choix, il y a dans les exemples traités le choix des assertions effectuées par les joueurs mais également le choix

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