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Chapitre 2 LES ESPACES OUVERTS : DES ESPACES PIONNIERS ?

A. Destruction périodique par les tremblements de terre

Dans le film La Frontera23, Ramiro, le personnage principal, relégué par le gouvernement militaire sur une île de la IXe région du pays découvre à travers la plongée en scaphandre et sa maîtresse espagnole, Maite, l’impact des tsunamis passés et leur menace quotidienne. On distingue aussi d’ailleurs dans le langage courant les terremotos, séismes à proprement parler de forte magnitude (supérieure à 6,5) des temblores, tremblements de moindre ampleur et qui sont ressentis fréquemment. L’un des lieux emblématiques du film est une maison construite par le père de Maite à son arrivée d’Espagne et détruite par le maremoto24

Au Chili, on redoute en effet moins le « Big One » comme on peut l’attendre en Californie (DAVIS, M., 1995) que les conséquences indirectes d’un tremblement de terre comme peuvent l’être le déclenchement d’un maremoto comme ceux de Valdivia en 1960 ou de Talcahuano en 2010 à l’image d’un des personnages du film qui ne quitte jamais son scaphandre. Cette crainte des répliques plus que de l’évènement sismique en tant que tel tient en partie à une explication géologique qui veut que, sans présager de la magnitude du séisme ni de ses impacts, l’activité sismique en zone de subduction (c’est le cas au Chili) est plus diffuse, moins localisée que dans les zones transformantes (comme en Californie). Celle du séisme du 27 février 2010 a beaucoup marqué les observateurs internationaux car elle a littéralement secoué le Congrès chilien lors de l’investiture du président Piñera en mars 2010 en présence de nombreux chefs d’Etat étrangers marquant ainsi un retour mouvementé de la droite au pouvoir après presque vingt ans de gouvernement de la Concertation

de 1960. Il n’en reste que l’allée de palmiers et les murs en béton et pourtant la jeune femme continue tous les dimanches de venir s’y recueillir car son fils et sa mère y ont disparu et de veiller à ce que le bétail qui vient y paître ne s’y introduise pas en fermant scrupuleusement un petit portail en bois.

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23 du réalisateur chilien Ricardo Larraín, en 1991

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24 Terme chilien pour désigner l’équivalent japonais du tsunami, soit un déferlement massif d’eau de mer sur la terre.

25 C’est ainsi que l’on nomme la coalition de partis politiques du centre (Parti démocrate-chrétien et Parti pour la Démocratie) et de la gauche (Parti Socialiste et Parti radical socio-démocrate) auxquels appartiennent les présidents successifs qui ont pris la suite de la dictature du Général Pinochet à partir de 1990 (Patricio Alwyn de 1990 à 1994 ; Eduardo Frei de 1994 à 2000, Ricardo Lagos de 2000 à 2006 et Michelle Bachelet de 2006 à 2010).

Par son titre qui se réfère au nom donné par les colons espagnols à la région d’Araucanie au sud du pays, conquise de haute lutte sur les indiens Mapuches, par son décor de village fantôme où le seul lieu de sociabilité reste le café, par ses personnages qui sans cesse pensent à une évacuation vers les points hauts du littoral, à retourner en Espagne, le film La Frontera, est un film sur le caractère profondément pionnier de la société chilienne qui vit dans l’angoisse ou au moins la conscience permanente du risque de submersion, du risque sismique ou du risque volcanique. Une des boissons festives les plus populaires au Chili et à Santiago en particulier s’appelle même le terremoto26

Le patrimoine architectural du pays d’en ressent d’ailleurs avec l’omniprésence du bois dans les matériaux de construction, plus souple donc plus résistant à l’aléa sismique que l’adobe*.

tant il fait tourner la tête.

Le terrain effectué entre mars et novembre 2010 a été l’occasion de suivre de près la reconstruction « post terremoto » de la nuit du 27 février 2010. En effet, mon arrivée était prévue le 1er mars mais fut retardée d’une semaine en raison des graves dommages qu’a subi l’aérogare internationale Arturo Benitez de Santiago27

La première observation peut être formulée ainsi : en raison d’une vulnérabilité à l’aléa sismique particulièrement importante en milieu urbain liée à la densité du bâti et à la propagation des rumeurs, on peut parler à l’occasion des séismes d’une tendance au renforcement du privilège de vivre sur des espaces ouverts périphériques. D’espaces d’aménité, peu denses, avec des jardins d’agrément, ils peuvent se transformer en effet en cas de catastrophe en espaces de refuge. A Valparaíso, par exemple, à part atteindre les cerros, il n’existe pas de solution de sortie. Ou alors ne restent que les plus dangereux comme la plage ou et de la rupture totale de télécommunications jusqu’au lundi suivant le séisme. L’épicentre étant situé à 150 kilomètres au large de Concepción dans la région de Bio Bio à 400 kilomètres environ de la région centrale, n’étant pas une spécialiste du risque et en raison de la différence d’aléas entre les trois sites témoins (tsunami et submersion de la zone humide dans le cas de Mantagua et mouvements de terrain induits par le séisme dans les deux autres cas), je n’ai fait qu’observer les impacts de ce séisme (8,8 sur l’échelle de Richter) sur les espaces que j’étudiais.

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Les proportions varient mais les ingrédients sont du vin blanc de mauvaise qualité, du sorbet d’ananas et du pisco ou du Fernet.

101 la digue soumis à un possible risque de submersion ou les espaces publics urbains comme les places mais qui sont en général petites et encombrées et potentiellement soumises à des mouvements de foule provoqués par la panique ou à des fuites de gaz de ville suite à des ruptures de tubes comme ce fut le cas en 1960 lors du séisme de Valdivia où les deux tiers de la ville avaient disparu des suites du séisme par incendie et explosions.

Les espaces ouverts, non bâtis et peu denses, en périphérie des villes peuvent-ils alors se voir attribuer en plus de toutes leurs autres fonctions une fonction de service environnemental de sécurité ? Il faudrait cependant pour cela qu’ils soient plus accessibles. En l’absence d’espaces habilités officiellement pour un tel usage, ce sont souvent les centres commerciaux, espaces communs de référence accessibles bien que non publics, qui font office de lieux paradoxaux de refuge car bâtis et donc menaçant de s’écrouler.

B. Un impact qui porte de plus en plus spécifiquement sur les espaces ouverts en tant que

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