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Des communautés rurales au cœur du fonctionnement des espaces ouverts encore marginalisées

Chapitre 4 DE L’ÉPAISSEUR DES ESPACES OUVERTS

Carte 17. Une pauvreté persistante dans la région centrale du Chil

B. Des communautés rurales au cœur du fonctionnement des espaces ouverts encore marginalisées

Les communautés rurales correspondent à la fois à une forme de possession de la terre et à un fonctionnement associatif entre acteurs. Elles se situent donc à la frontière entre privé et public tout en échappant aux deux catégories de droit et de marché. Principalement situées dans les espaces ouverts, elles sont, comme les parcelas de agrado, les héritages d’un régime de possession de la terre coloniale reconnu par l’Etat à travers le décret-loi DFL 5 de 1968 qui s’inscrit dans le processus de réforme agraire. Dans ce décret-loi, la communauté agricole est définie comme l’ensemble des « terrains ruraux qui appartiennent à divers propriétaires en

commun, sur lesquels le nombre de comuneros est manifestement supérieur à la capacité productive du champ pour que les groupes familiaux respectifs puissent subvenir à leurs besoins essentiels »68

Dès que le bien est inscrit chez le Conservador de Bienes y Raíces*, la communauté devient personnalité juridique et est par conséquent en mesure d’exercer ses droits, de contracter des obligations et d’être représentée d’un point de vue judiciaire ou extra-judiciaire. A l’intérieur de la communauté, les comuneros, c’est-à-dire ceux dont le nom est inscrit sur le titre de propriété présenté au Conservador de Bienes y Raíces, jouissent de droits individuels permanents et exclusifs sur une portion de terrain de la propriété de la communauté pour sa famille en vue de l’exploitation (c’est le goce singular), de droits individuels temporaires en fonction des besoins de sa famille sur une portion de terrain de la propriété de la communauté (c’est la lluvia) et de droits communs (cueillette, ramassage de bois, élevage extensif…) sur la partie de la propriété de la communauté sur laquelle n’ont été constituées ni goces singulares ni lluvias. Mais des devoirs existent également comme le nettoyage des canaux d’irrigation, l’entretien des chemins . La constitution de la propriété des communautés agricoles, la régularisation de leurs titres de propriété et leur organisation s’effectuent sur la base du DFL 5, sur demande d’au moins deux comuneros.

68

"aquellos terrenos rurales pertenecientes a diversos propietarios en común, en los cuales el número de comuneros

sea manifiestamente superior a la capacidad productiva del predio para que los respectivos grupos familiares puedan subvenir a sus necesidades esenciales de subsistencia".

muletiers… Les comuneros peuvent aussi se constituer en junta de comuneros pour administrer équitablement les ressources naturelles de la communauté entre les comuneros comme le font les juntas de vecinos et ainsi permettre la réalisation de travaux pour le bien de la collectivité comme ce fut le cas avec la création du pont de Lo Castro à l’initiative du président de la communauté agricole Quebrada Alvarado en 2012 (Figure 23).

Figure 23. Participation de la communauté Quebrada Alvarado à la construction d’un pont dans le secteur Lo Castro, Olmué

C. FALIES, 2013

Les communautés agricoles chiliennes ont été surtout étudiées dans la région de Coquimbo – au Nord de la région centrale – que ce soit par des géographes de l’IRD (REYES F.H., PONCET Y., 2006 ; LIVENAIS P., 2003) ou par l’IASCP, International Association for the Study of

Common Property (GALLARDO F., 2004). En effet, ces communautés agricoles dont le

fonctionnement a été mis en évidence en milieu semi-aride présentent un double intérêt scientifique, que l’on retrouve dans la région centrale.

D’abord, elles posent le problème de l’eau qui est un enjeu social, politique et environnemental essentiel, d’autant plus qu’elle y est rare. En effet, la plupart des communautés de la Région de Coquimbo sont situées sur des terres de secano, c’est-à-dire non-irriguées ou peu irriguées sur les versants des vallées, héritage des immenses latifundia de la colonisation. Cette position les rend de fait moins attractives pour l’agriculture que les terres de riego (dans

187 leurs droits à de grandes entreprises exportatrices qui installent des aménagements hydrauliques sur ces versants et finissent par pousser définitivement les comuneros à vendre ces terres.

Ensuite, comme dans la région centrale, sa situation de transition entre les régions du Norte où l’agriculture est peu praticable mais qui a eu besoin très tôt de son agriculture et de son élevage pour les travailleurs des mines et des villes littorales et la région centrale qui étend depuis une vingtaine d’années son front agraire jusque dans la Région de Coquimbo où les terrains sont moins chers mais tout de même bien reliés par l’autoroute au Marché central de Santiago et à l’aéroport international Arturo Bénitez, inscrit cette région dans des problématiques nationales et internationales. Ainsi, certains chercheurs se sont intéressés à l’inscription de ces terres et de leurs communautés dans « l’environnement libéral chilien » (REYES F.H., PONCET Y., 2006) tandis que d’autres ont réfléchi sur leur relation avec la globalisation (GALLARDO F., 2004).

Or, « un problème se pose, celui du recrutement de la communauté. Comment devient-on

membre d’une communauté détentrice de biens communs ? Dans les siècles passés, dans des sociétés rurales particulièrement stables et sédentaires, la question de l’appartenance d’un individu à une communauté ne se posait guère. En règle générale, l’on naissait et l’on mourrait au village ou dans la commune », (FLATRES, P., 1975). Ce n’est plus trop le cas particulièrement

dans la région centrale en raison de la forte mobilité déjà analysée dans le chapitre 2. En effet, et c’est peut-être plus flagrant encore dans la région centrale, mieux intégrée par son économie et ses infrastructures au système-monde, on ne peut qu’être surpris par la persistance a priori paradoxale dans un contexte fortement mondialisé et privatisé de ces espaces marginaux où la terre reste un bien commun. Comment ces espaces et ces acteurs marginaux parviennent-ils à s’intégrer ou à persister dans ce contexte ? En quoi deviennent-ils stratégiques et peuvent-ils avoir comme interlocuteurs l’Etat par le biais de la CONAF, une ONG très puissante, la CODEFF, une entreprise privée d’électricité comme ENDESA, des présidents de la République chilienne au premier rang des quels R. Lagos, avoir un compte Facebook et Twitter tout en conservant des pratiques communautaires anciennes? Un exemple nous permettra d’approfondir les réponses à ces questions.

C. Des communautés face à la métropolisation : le cas de la communauté Mariana de

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