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Déconnexion croissante des différents éléments du système de ressources par changement rapide de l’occupation des sols : l’impact des parcelas de agrado

Chapitre 3 DES ESPACES EN VOIE DE DISPARITION OU DES ESPACES EN VOIE DE PRODUCTION ?

Carte 15. Occupation des sols dans la région centrale du Chili en 2010 (CONAMA, SPOT, IGM)

C. Déconnexion croissante des différents éléments du système de ressources par changement rapide de l’occupation des sols : l’impact des parcelas de agrado

Outre les 13 éléments de légende évoqués, la carte 15 figure aussi des parcelas de agrado. Même si le phénomène est peu significatif d’un point de vue statistique et à cette échelle métropolitaine, les parcelas de agrado ne représentant jamais plus de 0,15% de la superficie totale de chaque aire d’étude - c’est pour cette raison qu’elles ne sont pas représentées sur les graphiques d’accompagnement de la Figure 13 - elles peuvent pourtant avoir un fort impact à l’échelle locale notamment sur les sous-ensembles considérés que sont le matorral, ou certaines zones cultivées comme on a pu le voir sur la Figure 12.

En effet, les parcelas de agrado, héritage involontaire de la réforme agraire, viennent, depuis les années 1990 surtout, morceler les espaces ouverts de la région centrale du Chili. Elles correspondent à des terrains ruraux subdivisés en lots d’au moins 5 000 m2 vendus généralement à des citadins qui y bâtissent leur résidence secondaire ou même principale.

La permissivité des normes régissant le changement d’usage du sol et une demande soutenue ont eu pour conséquence la multiplication de ces parcelles d’agrément, dont la création est un puissant moteur de changements d’usages du sol(FALIES, C., MONTOYA, C., 2010). Leur multiplication est à l’origine de paysages hybrides, qui ne sont plus agricoles mais pas non plus urbains puisque la densité du bâti y est faible et les réseaux techniques inexistants ou incomplets. Elles se localisent dans les interstices des aires de production agricoles, en évitant les secteurs de petite propriété des fonds de vallée, où les coûts fonciers sont élevés ainsi que les fortes pentes, mais recherchent généralement de bonnes conditions d’accessibilité, la proximité de plans d’eau, et la qualité du paysage. Il existe différents types de parcelas de agrado, allant de grandes parcelles, et destinées à une clientèle aisée, jusqu'à des lotissements conçues une population plus modeste.

À partir de la subdivision initiale peuvent se mettre en place des mécanismes plus ou moins insidieux, aux marges de la légalité, de densification, par la cession de droits d’usage des parcelles, chacun des ayant-droits pouvant construire sa propre résidence sans être pour autant propriétaire du sol. Il en résulte un urbanisme spontané, marqué souvent par l’absence de titres fonciers, puisque les parcelles initiales ne peuvent pas être légalement subdivisées hors d’un usage agricole. Par entraînement, les secteurs où les parcelas s’installent posent de sérieux

133 compliquant l’installation des réseaux techniques, accroissant le risque d’incendie comme à Mantagua en 2012 mais surtout aboutissant à créer un peuplement temporaire ou même permanent, mais inexistant du point de vue politique et administratif. Il faut que les habitants soient assez nombreux et motivés pour créer leur propre junta de vecinos (conseil de voisinage) pour sortir de cet anonymat, ce qui leur permet d’exister politiquement.

Photo 6. Entrée de l’ensemble de parcelas de agrado de Pelumpen à Olmué (zone 2)

Pour rentrer dans cet ensemble situé entre Quebrada Alvarado et Lo Narvaez sur la commune d’Olmué, comme ici en mai 2012, il faut se faire passer pour un acheteur potentiel auprès du garde. On voit que le pavement s’arrête dès l’entrée passée pour laisser place à un chemin en terre battue. Les habitants des parcelas de agrado déplorent très souvent des routes bloquées dès la première pluie par manque d’entretien régulier une fois qu’elles ont été créées (entretiens avec Jorge, C., Veronica, S., Andrea, G.).

Sur la Figure 15, on voit que dans tous les cas, les jardins d’agrément qui les accompagnent viennent contraster avec la végétation alentour soit par leur forme, plus rectiligne et ordonnée, soit pour les espèces présentes dont la plus fréquente est l’eucalyptus, à la croissance rapide qui est planté dès la création de la parcelle pour en marquer les limites. Très souvent aussi, les

135 C’est par ces caractéristiques mises en avant sur le terrain, que l’on peut repérer les

parcelas de agrado sur des images satellites ou des photographies aériennes à l’échelle

métropolitaine. Par simple photo-interprétation de la photographie aérienne obtenue par les agronomes de la PUCV ou télédétection de l’image SPOT prise le 5 mars 2010, il est possible de mettre en évidence des parcelles fermées par des haies de 2 500 à 5 000 m² de superficie qui viennent se surimposer au matorral ou aux zones cultivées à Lampa (carte 15 et carte 16).

Ce qui varie entre les deux méthodes, c’est l’échelle d’analyse. La photo aérienne a une emprise spatiale beaucoup plus faible mais une meilleure résolution. L’image SPOT a une emprise beaucoup plus grande mais une résolution moins précise.

Encadré n° 6. Identification des parcelas de agrado par télédétection (Figure 16)

Repérées dans le secteur d’Olmué sur le terrain, les parcelles bâties ont été mises en évidence par un filtre de texture (variance) appliqué au canal 3. Au lieu de chercher des classes d’objets ayant des comportements spectraux similaires, on cherche ici au contraire à isoler des types d’occupations du sol de la zone alentour. Cette technique est d’autant plus intéressante qu’elle s’applique ici à des espaces de conquête dont la mise en valeur et la pratique se distingue des espaces alentours.

Après différents essais (variance sur les canaux 1, 3 et 4 et filtre de convolution Sobels), j’ai trouvé que le meilleur isolement des parcelles d’agréments se faisait appliquant le filtre Sobel au canal 3 représentant le proche infra-rouge. Si ces parcelles se distinguent si bien sur cette analyse de texture basée sur le canal 3, c’est que ce canal est celui du proche infrarouge que les végétaux sains et bien irrigués reflètent particulièrement. Or on sait, par le terrain que la plupart des parcelles d’agrément comportent des jardins d’agrément arrosés par pompage dans la nappe phréatique composés d’arbres fruitiers, de potagers et de fleurs dont la teneur en eau et en chlorophylle se distingue particulièrement du matorral sec qui les entourent et qu’elles remplacent.

Les parcelles d’agrément se distinguent ainsi des espaces ouverts alentour un peu comme des oasis au milieu d’un désert.

Sur la Figure 17, on se situe à Lo Fontecilla déjà représenté sur la carte 14 et on distingue clairement des parcelles de 5 000 m² (nouvelles parcelles) des parcelles de 2 500m² (anciennes parcelles) qui se distinguent des prairies et du matorral alentour par leurs délimitations.

137 La carte 16 présente la méthode et les résultats de l’identification des parcelas de agrado par photo-interprétation (une partie de la zone d’étude 1) et par télédétection (zone d’étude 2 et une partie de la zone d’étude 3). Les emprises respectives de la photographie aérienne et de l’image satellite y sont représentées. La localisation des parcelas de agrado se fait préférentiellement sur du matorral (versant exposé au nord) pour l’exposition au soleil ou sur les prairies qui correspondent localement à des clairières.

Elles sont par ailleurs toutes installées en zones rurales pour des raisons légales. Dans les trois zones d’étude, la proximité aux grands axes de communication est aussi très importante dans la mesure où elle permet aux habitants des parcelas d’être connectés par la route aux centres urbains. Une fois qu’elles sont installées, des routes d’accès privées sont mises en place dont la qualité et l’entretien dépendent du standing de l’ensemble résidentiel comme on a pu le voir sur la photo 6.

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