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Les dernières heures de l’exode rural, la poursuite de la périurbanisation et un retour aux centres ?

Chapitre 2 LES ESPACES OUVERTS : DES ESPACES PIONNIERS ?

B. Les dernières heures de l’exode rural, la poursuite de la périurbanisation et un retour aux centres ?

Dans un contexte métropolitain comme celui-ci, plusieurs dynamiques de population s’entrecroisent dans le temps et dans l’espace : il s’agit par ordre chronologique de la transition urbaine, de l’exode rural, c'est-à-dire d’un mouvement centripète des campagnes vers les villes, de la périurbanisation, c'est-à-dire d’un mouvement centrifuge des centres urbains vers les périphéries et puis d’un éventuel retour aux centres requalifiés. Si nous nous arrêtons sur ces mouvements démographiques c’est qu’ils ont un impact important sur les espaces ouverts dont on a vu qu’ils se situaient justement à l’interface du monde rural et du monde urbain et donc qu’ils subissent de façon privilégiée les impacts de ces dynamiques de population qui affectent l’ensemble de la métropole. Ce sont sur les espaces ouverts qu’arrivent ou qu’au moins transitent la plupart de ces flux quelles que soient leurs directions.

107 Sur les cartes suivantes élaborées grâce aux statistiques des recensements de population de l’INE de 1992, 2002, 2009 et 2012, le processus qui se manifeste le plus clairement est celui de la périurbanisation que ce soit par l’augmentation du nombre d’habitants ou par l’augmentation du nombre de résidences entre 1992 et 2002. Pour cette période, la périurbanisation se fait principalement dans deux directions : depuis les centres métropolitains de Valparaíso et de Santiago déficitaires vers une première couronne périphérique entre les deux villes. On repère dans cette décennie un tropisme principal qui est celui du littoral pacifique et des hauteurs de la Cordillère de la Côte ou de la Pré-Cordillère des Andes ainsi qu’une logique d’organisation autour des axes routiers et autoroutiers les plus importants que sont la Panaméricaine de direction méridienne (au nord de Santiago et à partir de Zapallar sur le littoral) et l’Autoroute du Pacifique de direction est-ouest. Comme les communes périphériques de la première ceinture périurbaine connaissent des taux de variation supérieurs à 13 % et que la part des foyers y vivant en zone rurale a eu tendance à y diminuer entre 1992 et 2009, on peut conclure à un processus de périurbanisation en cours. On voit bien que ce processus s’est opéré de façon diffuse puisque les variations du nombre de résidences, liées majoritairement à la construction de nouveaux logements, sont bien plus importantes que les variations de population qui peuvent même s’avérer négatives. On peut l’affirmer car la variation totale a été ramenée à la variation annuelle, les deux périodes intercensitaires n’étant pas les mêmes. L’accession à des résidences secondaires voire tertiaires pour les classes intermédiaires et supérieures explique pourquoi le nombre de résidences augmente beaucoup plus vite que le nombre d’habitants.

On peut observer par ailleurs sur les cartes 11 et 12 un déplacement du front de construction de la première couronne périurbaine pour la période 1992-2002 à la deuxième voire troisième couronne pour la période 2002-2012 jusqu’à Zapallar au Nord et la région de O’Higgins au sud. Les cartes 11 et 12 sont en effet directement comparables puisqu’il s’agit de la même discrétisation concernant la même période intercensitaire.

Les deux phénomènes d’exode rural et de retour aux centres urbains sont beaucoup plus ponctuels et sont à peine perceptibles à cette échelle. L’exode rural m’a été évoqué à six reprises dans des entretiens, trois fois dans le cas de petits éleveurs de chèvres provenant de la région de Coquimbo au Nord en raison d’épisodes de sécheresses et de phénomènes d’érosion et trois fois

à l’échelle communale quand des agriculteurs à la retraite doivent quitter la maison prêtée qu’ils occupaient sur la parcelle travaillée pour aller vivre en zone urbaine. Le phénomène d’exode rural existe donc encore dans la région centrale du Chili mais il n’est que de faible ampleur.

Le processus de retour aux centres et donc d’éventuelle fin du processus centrifuge de périurbanisation mérite-t-il d’être envisagé ? Non, en termes d’impacts directs actuels et observables sur les espaces ouverts périphériques mais oui, au regard de l’augmentation nouvelle sur la période 2002-2012 de résidences dans les communes pionnières et centrales de Santiago et de Providencia (cartes 10 et 12), à la lecture de certains auteurs, aux dires de certains enquêtés et au titre des impacts indirects potentiels sur les espaces ouverts périphériques.

En effet, le phénomène semble apparaître depuis la fin des années 2000 dans le centre de Santiago (CONTRERAS, Y., 2011) et sur certaines collines de Valparaíso après être entrées dans le périmètre du Patrimoine Mondial de l’Humanité de l’UNESCO (TRIVELLI, P., NISHIMURA, Y., 2010). Les auteurs parlent de gentryfication pour qualifier l’arrivée de jeunes professionnels dont c’est souvent le premier investissement dans des tours d’habitations nouvelles (barrio

Brasil à Santiago) et le retour de populations aisées dans un centre-ville rénové (Lastarrías,

Parque Forestal). Quant aux collines de Valparaíso et principalement les cerros Bellavista, Alegre et Concepción, ce sont des étrangers qui y rachètent d’anciennes demeures pour y installer des cafés, des galeries d’art ou des hôtels-boutiques. C’est alors peut-être un retour de l’engouement pour une certaine forme d’urbanité qui joue à moins que ça ne soit le périurbain lui-même qui ne commence à jouer un rôle de repoussoir par les heures d’embouteillage qu’il peut supposer ou l’éloignement. Sebastián A., architecte freelance travaillant et vivant dans le condominio Puquelehue de Mantagua, déplore même :

« Je ne trouve rien de positif dans le fait de travailler ici même si au début, avec ma femme, on appréciait beaucoup d’avoir un grand et romantique atelier d’architectes à la campagne. Plus maintenant. Ca ne fait que deux ans que nous avons internet et si on a plus d’encre dans l’imprimante, il faut aller en acheter à Reñaca31. C’est sûr qu’ici on a de l’espace32

: j’arrive chez moi et j’ai l’impression d’être en vacances… mais j’en ai un peu marre. On pense partir vivre à

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Santiago, à Nuñoa ou à Vitacura33à la fin de l’année. Ca peut paraître bizarre mais on est un peu étouffés par l’espace34

Cette région d’étude présente donc l’originalité de connaître en même temps, depuis le début des années 1990, la poursuite d’un exode rural propre aux pays du Sud, un fort processus de périurbanisation et, depuis peu, des velléités ou même des concrétisations de retour aux centres. Cette aire métropolitaine est donc en perpétuelle évolution. Mais le cas évoqué de cet architecte qui souhaite partir vivre en centre-ville et qui a les moyens de réaliser ce projet et des

inquilinos* à la retraite qui doivent quitter les espaces ruraux pour rejoindre les bourgs ruraux ne

peuvent pas être comparés. Dans un cas, la mobilité est choisie dans l’autre elle est imposée. Les espaces ouverts étudiés révèlent particulièrement ce phénomène puisqu’en raison de leur situation périphérique ils semblent d’autant plus difficiles d’accès depuis les centres urbains malgré leur positionnement pourtant central entre les deux agglomérations vue la configuration de cette double métropole.

ici. »

33 Deux communes huppées au Nord Est du Grand Santiago et dont on voit les forts taux de croissance du nombre de résidences surtout dans la période 2002-2012.

Carte 9. Variation annuelle du nombre d’habitants par commune dans la région centrale du

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