Les bovinés
Le groupe des grands bœufs blancs rassemble neuf animaux intimement liés entre eux par leur disposition (fig. 72).
Alors que la place disponible existait dans les environs immé- diats, le peintre a laissé s’exprimer sa volonté de rassembler les figures au point de les rendre, sur le plan formel, inter- dépendantes les unes des autres. Leur individualisation reste néanmoins possible grâce à la présence de détails anatomiques (taches de couleur sombre à l’arrière du cou de cinq animaux, formes et dimensions des cornes…). Les animaux ne paraissent pas avoir été créés selon les hasards d’un dessin cumulatif tant ce groupe est compact tout en restant parfaitement ordonné ; son homogénéité renvoie donc ici à l’idée que le troupeau
Figure72– Timidiouine12 (Hoggar, Algérie). Détail des bœufs groupés au sommet de la composition (relevé : M. Barbaza, mission CNRPAH- TRACES).
Figure71– Timidouine12 (Hoggar, Algérie). Composition en triangle du grand panneau (relevé : M. Barbaza, mission CNRPAH-TRACES).
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représente dans sa cohérence un certain paradigme dont la place, mais pas forcément le rôle ni la signification, était tenue auparavant par les «grands dieux» ou par les grands animaux. La localisation de ce petit troupeau de neuf têtes, bien visible au sommet de la composition, mais aussi son organisation interne, jouant avec les corps peu différenciés et étroitement imbriqués, invitent à l’envisager. Dans le détail cependant, le traitement de certains éléments anatomiques, tout particuliè- rement des cornes, montre un souci certain de différenciation des animaux.
D’autres bovinés dispersés sur la paroi sont observables ; ils sont plus ou moins dégradés et se prêtent mal à une analyse détaillée dans la mesure où il est désormais difficile de faire la différence entre ce qui relève du hasard de la conservation et ce qui pourrait être attribué à l’artiste.
Les humains
Assis ou accroupis dans des positions de détail variables, les humains paraissent constituer un groupe homogène représenté dans un moment particulier de leur vie collective, n’excluant pas la poursuite marginale d’activités secondaires et anodines comme la coiffure. Leur disposition générale mais aussi cette sorte de hiérarchisation des activités suggèrent de regrouper ces représentations en deux registres distincts. Ce choix est éga- lement en accord avec la taille moyenne des personnages, qui sont généralement plus grands en haut qu’en bas ; ils sont éga- lement plus habillés et portent des vêtements plus complexes. Le rang (ou étage) supérieur est composé de six personnages : deux regardent à droite, tandis que les quatre qui leur font face regardent à gauche (fig. 73). Cette disposition générale, que nous retrouvons dans le rang inférieur et qui existait déjà, mais de manière différente, au sein du groupe de bœufs, crée une ligne de séparation – opposition ou convergence – au sein du groupe humain.
Cette médiane, matérialisée par deux personnages en vis-à-vis, peut-être en conversation comme le suggèrent les « mouve- ments » de bras, est occupée dans la partie haute de l’espace réservé aux humains par deux figures jointives et placées l’une au-dessus de l’autre. La première est un personnage de petites dimensions, vraisemblablement un enfant, représenté sous l’as- pect d’un adulte en réduction. Cet individu, habillé d’une sorte de pagne court, entretient un rapport d’échange avec un per- sonnage peut-être masculin, vêtu d’un ample habit gris-bleu : les mains gauches, semble-t-il, se joignent et un dialogue est envisageable. La main droite du petit personnage tient peut- être un objet circulaire, à moins qu’il ne s’agisse de la coiffure particulièrement développée d’une femme placée au-dessous. La tête du petit personnage est située à l’intérieur d’une forme animale incomplète, bicolore, pouvant évoquer un ovicapridé. Celle-ci est directement surmontée d’une silhouette en pro- fil absolu dont seule la partie avant est certaine ; elle évoque un anthropozoomorphe dont les bras disproportionnés par rapport au reste du corps viennent prendre appui, par toute la longueur de l’avant-bras, sur la tête de la demi-silhouette animale sous-jacente. La partie inférieure de cette créature est très incertaine. Cette zone de convergence rassemble des
Figure 73 – Timidouine 12 (Hoggar, Algérie). Détail : représentations humaines du rang supérieur (relevé : M. Barbaza, mission CNRPAH-TRACES).
121 particularités de formes inconnues ailleurs, qui engagent à la
considérer comme investie d’une signification essentielle. De part et d’autre, des personnages assis font converger leur regard, sinon leur attention, vers les protagonistes centraux. Trois d’entre eux, sans doute masculins à défaut de toute indi- cation sexuelle secondaire, sont vêtus d’un habit ample de cou- leur gris-bleu, couvrant leurs jambes jusqu’aux genoux. Dans deux cas, une épaule est dégagée du vêtement. En arrière du personnage de gauche, une femme, si l’on en croit l’étroitesse de sa taille et l’ampleur de ses hanches, est vêtue d’une jupe ballon, qui n’est plus perceptible aujourd’hui qu’en réserve sur le détourage blanc destiné à la mettre en évidence. La peinture colorée qui mettait ce vêtement en teinte sur la paroi, si elle a jamais existé, a disparu. Deux autres individus prennent part à la scène. Le premier est au contact direct de l’ovicapridé et est placé comme lui en position haute par rapport à la ligne des personnages principaux.
La ligne inférieure des personnages est moins statique. Elle peut être découpée en saynètes distinctes (cf. fig. 102, 3a, 3b, 3c…), se développant indépendamment tant les unes par rap- port aux autres que par rapport à la scène centrale. Les parti- cipants, assis ou agenouillés, sont représentés dans des positions plus insolites. L’animation, quoique réduite aux membres, est plus affirmée. Une femme située à gauche replie une jambe et étend l’autre, adoptant vraisemblablement une position assise. Elle semble porter sur sa tête, à moins que la conjonction ne soit aléatoire, un objet plus grand qu’elle, assez semblable à l’attribut céphalique de certains bœufs sur d’autres fresques. Certains petits personnages de la composition dite des 121 fi- gures de Séfar (cf. fig. 21) sont également porteurs de ce type d’ornement. Cet objet n’est désormais perceptible que par le détourage clair qui le mettait en valeur. À son côté, un per- sonnage à haute coiffure bat la mesure à l’aide d’un percuteur allongé sur un objet circulaire, peut-être un tambour plat. Cet instrument est très peu visible.
Parmi les autres éléments remarquables, deux jeunes filles, se- lon toute vraisemblance, aux corps nus soulignés d’un détou- rage clair comme la plupart des autres figures, sont représentées dans une scène de la vie quotidienne. L’une est agenouillée, coiffant sa compagne élégamment assise, une jambe repliée et l’autre étendue (fig. 74) dans une position rappelant la scène de conversation de Téckékalaouène (cf. fig. 16). Deux objets fusi- formes, en réserve de couleur, sont placés sous sa jambe repliée. Ils rappellent des représentations de même sorte, en forme de sac allongé ou de gourde, observables sur plusieurs ensembles « Têtes Rondes », comme à Tan Zoumaïtak ou à Séfar pour Le Dieu au poisson. D’autres personnages, souvent plus petits, sont figurés dans des postures moins intelligibles pour nous. À l’extrême droite de la rangée, une silhouette humaine très effacée, au corps sinueux couvert de la taille aux chevilles d’un vêtement étroit, paraît porter au bout de son bras semi tendu une autre silhouette de petite taille. La couleur de sa peau, si l’on se réfère à la teinte actuelle du personnage et si l’on consi- dère qu’il est dénudé jusqu’à la taille, est plus claire que celle de tous les autres humains représentés.
Figure 74 – Timidouine 12 (Hoggar, Algérie). Détail : représentations humaines du rang inférieur (relevé : M. Barbaza, mission CNRPAH-TRACES).
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